Dinar tunisien : une dépréciation de 77 % en treize ans
Entre 2011 et 2023, la dépréciation du dinar tunisien a atteint 77 % par rapport à l’euro, soit un glissement annuel moyen de 4,5 % sur treize ans. Ces chiffres alarmants, extraits du Policy Brief n°15 de l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), mettent en lumière l’impact direct de cette perte de valeur sur l’aggravation de la dette publique tunisienne.
En 2016, sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du programme de prêt du mécanisme élargi de crédit (EFF), la Tunisie a adopté une politique de dévaluation du dinar. Cette décision a entraîné une chute historique de la valeur de la monnaie nationale et a directement contribué à l’augmentation de l’encours de la dette publique extérieure.
Entre 2016 et 2018, cette dette a grimpé de 18 746 millions de dinars, faisant passer son ratio de 55 % à 78 % du PIB.
L’instauration d’un régime de change flexible, où le dinar fluctue selon les forces du marché, a aggravé cette tendance. En conséquence, la Tunisie s’est retrouvée plus exposée aux fluctuations des devises étrangères, principalement l’euro. Ce qui a alourdi considérablement le poids de sa dette.
Le rôle central de l’euro dans l’endettement tunisien et la baisse du dinar
L’évolution du taux de change du dinar face à l’euro est un facteur clé. En effet, l’euro représente la première monnaie des transactions extérieures de la Tunisie. En effet, en 2017, 59,7 % des exportations tunisiennes et 48,7 % des importations étaient réalisées dans cette devise.
Parallèlement, 50,4 % de l’encours de la dette publique extérieure était libellé en euros, contre 32,1 % en dollars.
Ce lien étroit entre l’euro et les finances tunisiennes expose la Tunisie à une double vulnérabilité. D’une part, la dépréciation du dinar par rapport à l’euro renchérit les remboursements de la dette extérieure en monnaie locale. D’autre part, cette situation exacerbe les déséquilibres budgétaires et la dépendance croissante de l’État au financement extérieur pour combler ses déficits.
Un impact budgétaire et macroéconomique alarmant
La perte de 50 % de la valeur du dinar entre 2016 et 2018 s’inscrit dans une trajectoire de dépréciation prolongée, avec un recul total de 77 % par rapport à l’euro entre 2011 et 2023. Cette chute équivaut à un glissement annuel moyen de 4,5 % sur treize ans. Pour un pays comme la Tunisie, où une part significative de la dette est libellée en devises étrangères, cette dépréciation a des conséquences majeures. A savoir :
– Un alourdissement du service de la dette : la charge des remboursements augmente en proportion de la chute du dinar, pesant lourdement sur les finances publiques.
– Un déficit budgétaire accru : pour couvrir la hausse des coûts de la dette et financer ses dépenses, l’État tunisien est contraint d’emprunter davantage, alimentant ainsi une spirale d’endettement.
– Une vulnérabilité économique : avec des échanges commerciaux fortement dépendants de l’euro, la dévaluation du dinar affecte directement la balance des paiements et aggrave les pressions inflationnistes, notamment sur les importations.
Un cercle vicieux d’endettement
La dépréciation chronique de la monnaie nationale s’inscrit dans un cercle vicieux : une économie dépendante des importations, des déficits budgétaires persistants, et une politique monétaire dictée par des impératifs extérieurs, notamment les conditions du FMI. Le recours accru à l’endettement pour financer ces déficits alourdit encore plus le fardeau économique. Réduisant ainsi les marges de manœuvre pour investir dans des politiques de relance ou des réformes structurelles.
Un avenir incertain
Face à la perte de valeur continue du dinar, l’OTE appelle à une révision urgente des politiques de gestion de la dette et des stratégies d’échange. La forte exposition à l’euro, bien que nécessaire pour les échanges commerciaux, représente une fragilité majeure pour l’économie tunisienne. La souveraineté économique du pays dépendra de sa capacité à stabiliser sa monnaie, diversifier ses partenaires commerciaux et réduire sa dépendance aux financements extérieurs.
L’article Dinar tunisien : une dépréciation de 77 % en treize ans est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.