De Barcelone à Tunis, Glovo s’impose comme un acteur clé du e-commerce. Son directeur général en Tunisie, Adrián Mayans, revient sur une année intense, marquée par la croissance fulgurante de l’entreprise, ses défis structurels et ses ambitions : rendre la livraison accessible et bâtir un futur numérique inclusif.
Pouvez-vous nous parler de votre modèle économique et de la manière dont vous vous êtes développés à l’international et en Tunisie ?
Le cœur de notre activité repose sur un principe simple mais exigeant : l’effet réseau. Plus nous avons de livreurs et de restaurants partenaires, plus nous pouvons rapprocher ces derniers des clients. Cela réduit les distances parcourues, accélère les délais de livraison, diminue les coûts et garantit une meilleure expérience pour le consommateur, qui reçoit son repas chaud et rapidement. Mais pour créer ce volume, il faut investir massivement, d’abord dans l’acquisition de clients, puis dans la technologie et les talents capables de la développer.
C’est sur cette logique que Glovo, né à Barcelone il y a dix ans, a bâti sa croissance avant d’être acquis en 2022 par le groupe allemand Delivery Hero, un géant mondial présent dans 79 marchés à travers différentes marques. Aujourd’hui, nous bénéficions d’une stratégie de plus en plus intégrée entre Glovo et les autres enseignes du groupe, comme Talabat au Moyen-Orient ou en Égypte.
« … Glovo, né à Barcelone il y a dix ans, a bâti sa croissance avant d’être acquis en 2022 par le groupe allemand Delivery Hero, un géant mondial présent dans 79 marchés à travers différentes marques »
En Tunisie, nous avons connu une croissance particulièrement rapide. L’une des clés de ce succès est l’accessibilité : nous avons choisi d’appliquer dès le départ les frais de service les plus bas du marché, aussi bien pour les restaurants que pour les utilisateurs. Alors que, dans d’autres pays, le coût pour le client représente en moyenne entre 8 et 12% de la valeur du repas, en Tunisie, nous avons maintenu ce ratio autour de 7 à 8%. Cette politique tarifaire, alliée à notre volonté de rendre la livraison abordable, explique pourquoi la Tunisie est devenue l’un des marchés à la plus forte croissance pour Glovo.
En un an de mandat en Tunisie, quels sont les résultats dont vous êtes, le plus, fiers ?
Mon passage en Tunisie est encore relativement court – à peine une année -, ce qui limite naturellement l’ampleur de l’impact que l’on peut revendiquer. J’aurais aimé poursuivre plus longtemps cette mission. Mais je retiens plusieurs réalisations majeures.
D’abord, le développement de l’équipe. Nous avons réussi à attirer et fidéliser des talents, en leur offrant non seulement des perspectives de croissance, mais aussi un cadre de travail amélioré, avec des avantages et des conditions adaptées. Ensuite, sur le plan business, la Tunisie s’est distinguée comme le marché à la plus forte croissance de Glovo dans le monde en 2024, un résultat dont je suis particulièrement fier.
« Nous avons réussi à attirer et fidéliser des talents, en leur offrant non seulement des perspectives de croissance, mais aussi un cadre de travail amélioré, avec des avantages et des conditions adaptées ».
Nous préparons également l’intégration de nouveaux moyens de paiement, notamment des solutions par carte bancaire plus simples et plus fluides. En parallèle, nous avons enrichi notre offre avec des catégories très prisées par les consommateurs tunisiens, comme la grande distribution avec Monoprix, Carrefour et Aziza, mais aussi les boucheries, les fleuristes, ou encore la parapharmacie. Ces partenariats nous permettent d’élargir considérablement la gamme de produits disponibles.

En l’espace d’un an, nous avons ainsi consolidé la position de Glovo comme principale plateforme d’e-commerce en Tunisie. Certes, il est difficile de donner un chiffre précis de part de marché – nous n’avons pas de données consolidées -, mais nous savons que la marque bénéficie d’une notoriété très forte. Pour une grande majorité des Tunisiens, quand on parle de livraison de repas, c’est spontanément Glovo qui vient à l’esprit.
Cela dit, ce secteur reste très localisé. Être leader au niveau national ne signifie pas dominer au niveau local, où d’autres acteurs existent. C’est ce qui fait la complexité et, en même temps, la richesse du marché de la livraison : une compétition qui se joue ville par ville, quartier par quartier.
Quels sont, selon vous, les principaux obstacles au développement à grande échelle des services de livraison en Tunisie ?
Le premier frein tient au pouvoir d’achat. Notre ambition est que la livraison ne soit plus perçue comme un luxe, mais comme une solution pratique, rapide et parfois même plus économique que cuisiner chez soi. Mais la réalité tunisienne montre des marges très étroites pour les restaurants : entre le coût des matières premières et le prix de vente final, il reste peu d’espace pour absorber les coûts liés à la livraison.
De notre côté, nous devons couvrir nos frais de service : rémunération des livreurs, service client, gestion des risques… Cela implique l’application de frais d’accès à la plate-forme qui, en retour, peuvent générer une augmentation de chiffres d’affaires atteignant plus de 30%.
« De notre côté, nous devons couvrir nos frais de service : rémunération des livreurs, service client, gestion des risques… Cela implique l’application de frais d’accès à la plate-forme qui, en retour, peuvent générer une augmentation de chiffres d’affaires atteignant plus de 30% ».
C’est un équilibre fragile, mais c’est aussi là que se situe l’opportunité : si le marché parvient à mieux valoriser le service en intégrant les vrais coûts et en améliorant la perception de la livraison, alors le potentiel de croissance est énorme. Derrière la technologie, il y a surtout de l’humain : des livreurs, des restaurateurs, des commerçants et des clients. Notre rôle est de leur offrir une expérience fiable, rapide et sécurisée, tout en intégrant progressivement le e-commerce informel qui domine encore en Tunisie.
Nous sommes convaincus qu’avec une meilleure structuration du marché, la livraison peut devenir non seulement accessible à une plus grande partie de la population, mais aussi un moteur de formalisation et de croissance pour l’ensemble du commerce local.
Quels sont vos projets pour Glovo en Tunisie ?
Nous restons avant tout une entreprise technologique, même si la livraison de repas en soi est un secteur relativement simple et qui n’attend pas de révolution majeure à court terme – sauf peut-être l’arrivée des drones, mais pas avant dix ou quinze ans. Cela dit, plusieurs chantiers importants s’ouvrent à nous.
D’abord, le lancement de Glovo Prime, un service d’abonnement qui permettra à nos clients de bénéficier de livraisons gratuites tout au long du mois ainsi que de réductions dans certains restaurants partenaires. Ensuite, et c’est mon projet préféré, le développement des paiements digitaux. Aujourd’hui, un Tunisien ne peut pas souscrire à des services comme YouTube Premium, Spotify ou Netflix, faute d’infrastructures adaptées aux paiements récurrents par carte bancaire. Nous travaillons avec la SMT et la Banque centrale pour faire évoluer ce cadre et ouvrir la voie à ce type d’offres.
Notre ambition va au-delà : permettre aux Tunisiens de régler directement via Glovo leurs factures d’électricité, d’abonnement téléphonique, ou même leur salle de sport. Si vous avez déjà enregistré votre carte bancaire sur l’application, pourquoi ne pas payer aussi votre facture STEG ou Orange en un clic ? C’est ce type d’innovation, très concrète et utile, que nous voulons apporter en Tunisie.
« Aujourd’hui, un Tunisien ne peut pas souscrire à des services comme YouTube Premium, Spotify ou Netflix, faute d’infrastructures adaptées aux paiements récurrents par carte bancaire. Nous travaillons avec la SMT et la Banque centrale pour faire évoluer ce cadre et ouvrir la voie à ce type d’offres ».
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