Fortement critiquée, ces derniers temps, par l’opinion publique pour son faible rendement, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a crée, lundi 7 avril 2025, l’événement, en refusant l’adoption d’un prêt français de 80 Millions d’euros remboursable sur 20 ans. C’est à l’évidence un coup dur pour les relations entre ce parlement et le gouvernement de Kaïs Saaîed, et ce, en dépit de l’appartenance des deux institutions (parlement et gouvernement) au mouvement réformateur du 25 juillet 2021.
L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que ce crédit, accordé par l’Agence française de développement (AFD) est destiné, en principe -bien en principe- à soutenir le programme de relance économique, les PME-TPE tunisiennes qui constituent 80 % du tissu économique du pays et qui, à défaut d’accès à des financements appropriés, luttent actuellement pour survivre.
Le message des députés
Globalement, par le canal de ce rejet qualifié par le député Riadh Jaidane de “signe de bonne santé”, les élus de la nation reprochent au gouvernement sa tendance à privilégier la facilité de recourir à l’endettement, à ne proposer au parlement que des conventions de prêt au point qu’on colle, pour l’humour à l’ARP l’étiquette de “parlement des prêts”. Ils reprochent également au gouvernement de s’amuser à occulter les réclamations des députés quant à la nécessité d’engager un audit approfondi sur l’utilisation des précédents prêts.
Tout indique qu’à travers ce rejet lequel aurait fait, selon les déclarations de certains parlementaires, l’objet d’une mûre réflexion avant d’être décidé, les députés cherchent à transmettre un message politique au gouvernement. Ils veulent lui rappeler qu’ils sont déterminés à faire entendre leur voix et à exercer pleinement leur mission d’élus. Celle-là même qui consiste à contrôler l’action du gouvernement, particulièrement, en ce qui concerne l’usage détourné de l’endettement extérieur du pays.
Intervenant à ce propos sur les ondes de la radio privée, Mosaïque FM, le député Yassine Mami, a déclaré que “tout en comprenant la situation des bénéficiaires de ce prêt, les PME et TPE qui luttent pour survivre, il ne peut pas s’interdire, néanmoins, de s’interroger s’il y a vraiment une véritable intention du gouvernement de venir à leur aide en contractant ce crédit auprès de l’AFD“.
Est –il besoins de rappeler que ce crédit a été, particulièrement, contesté par les parlementaires pour la décision du gouvernement de charger les secteurs des banques et du leasing de gérer cette ligne de crédit.
Les lignes de crédit ont montré leur inefficience en Tunisie
Il faut dire qu’en s’interrogeant sur l’efficacité de l’affectation des lignes de crédits, de leur utilisation et de leur gestion par les banques, les députés réactivent une ancienne problématique, celle des difficultés objectives rencontrées antérieurement et même jusqu’à ce jour, par les PME-TPE du pays pour bénéficier des financements offerts par ces lignes de crédit gérées par les banques.
Car empressons nous, de signaler que ce ne sont pas les lignes de crédit qui manquent en Tunisie. Pour mémoire, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Marouane Abbassi ne ratait aucune sortie en public sans communiquer sur leur disponibilité et sans appeler PME-TPE à en profiter.
Après enquête, le problème s’est avéré qu’il ne réside pas dans leur disponibilité mais à la tendance des PME-TPE de les bouder. Il serait lié à d’autres facteurs. Des institutions multilatérales, régionales et locales ont essayé de réfléchir sur cette problématique. A la faveur d’études effectuées sur le sujet, trois facteurs seraient à l’origine de l’aversion des PME- PE-pour les lignes de crédit.
Le premier consiste en la complexité des procédures. Dans une étude, effectuée en 2013, l’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE) avait déploré l’inefficience de ces crédits et recommandé «une gestion des lignes moins complexe, moins longue et plus souple en simplifiant les processus d’instruction”.
Le deuxième serait le risque de change. Ce risque entre l’euro et le dinar est couvert par un fonds public géré par le ministère des Finances. Seulement, la couverture de change, en raison de la dépréciation du dinar, a explosé. Conséquence : le taux de couverture est aujourd’hui à un niveau beaucoup plus élevé pour rendre les crédits des bailleurs de fonds attractifs et intéressants pour les banques, lesquelles ne peuvent pas les concéder aux PME.
Les banques ne seraient pas les mieux indiquées pour gérer les lignes de crédit
Le troisième facteur a trait à la gestion de ces lignes de crédit par les banques qui ont tendance de faire profiter de ces mécanismes de financement plus aux grands groupes qu’aux PME-TPE. La tactique suivie par les grandes entreprises est simple. Pour profiter des crédits, ces groupes, forts d’une logistique efficiente, sont les premiers à déposer leurs dossiers au nom de leurs PME-TPE (filiales), et ce, tout en respectant les conditions imposées par les cahiers de charge et les critères d’éligibilité exigés.
Il faut reconnaître que cette pratique n’est pas nouvelle. Elle est exercée depuis longtemps avec la complicité d’une administration souvent laxiste. C’est même un sport national. L’administration ne se soucie que de la conformité aux procédures et cahiers des charges, rarement de l’efficience de l’affectation des crédits à leurs véritables bénéficiaires. C’est ce qui expliquerait en partie le récent rejet par les députés de la ligne de crédit octroyée par l’AFD à la Tunisie.
Abou SARRA
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