Dette africaine : 22 pays au bord du gouffre, l’ombre persistante du colonialisme
Plus de 22 pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou de forte détresse liée à la dette, selon les chiffres présentés par le Dr Liliane Umubyeyi, fondatrice et PDG de l’Africa Futures Lab, lors de la 5ᵉ Conférence africaine sur la dette et le développement. Elle a averti que la tendance à « passer à autre chose » après la colonisation est une erreur dangereuse qui empêche de voir comment les logiques coloniales et néocoloniales continuent d’alimenter les injustices actuelles.
Par notre envoyée spéciale au Ghana, Amani Mejri
Dans son intervention, le Dr Umubyeyi a souligné que les crises contemporaines du continent – de la dette à la crise climatique – ne sont pas des « maladies » en elles-mêmes, mais des symptômes d’un système plus profond qu’elle a qualifié de « capitalisme colonial ».
Des crises héritées d’un système inégalitaire
Elle a rappelé que l’Afrique, qui contribue à moins de 4 % des émissions mondiales de carbone, subit pourtant les pires conséquences du dérèglement climatique, avec des millions de personnes menacées de pauvreté et de déplacement d’ici 2030.
Pourtant, au lieu de recevoir les réparations climatiques évaluées à 17 000 milliards de dollars, le continent reçoit essentiellement des prêts, dont 71 % des financements, l’obligeant à s’endetter davantage.
Sur le plan financier, les inégalités persistent également : certains pays africains empruntent à des taux allant jusqu’à 9,8 %, contre 0,8 % pour des pays riches comme l’Allemagne. De plus, au sein des institutions internationales, la voix d’un citoyen britannique pèse encore 23 fois plus que celle d’une Nigériane au FMI, dénonce l’intervenante.
Le Dr Umubyeyi a aussi rappelé que la décolonisation, loin d’avoir réparé les injustices, a parfois aggravé la dépendance. La République démocratique du Congo, par exemple, a dû payer 200 millions de dollars à d’anciens acteurs coloniaux et rembourser une dette coloniale de 150 millions de dollars. Le Zimbabwe a hérité d’une dette de 700 millions de dollars laissée par l’administration coloniale.
Pour elle, la solution réside dans des réparations entendues non pas comme de simples compensations financières, mais comme un projet politique visant à déconstruire les structures de violence héritées du colonialisme et à reconstruire des systèmes équitables, respectueux de la dignité africaine. « Les réparations ne sont pas une demande ponctuelle. Elles sont un projet politique », a-t-elle insisté, appelant chercheurs, décideurs et société civile à contribuer à ce « travail inachevé» de libération du continent.
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