Omar Besbes: « La fiscalité tunisienne est devenue dissuasive pour l’investissement »
Alors que la loi de finances 2025 entre en vigueur, Omar Besbes, expert-comptable associé au cabinet United Advisers, analyse ses implications pour l’économie tunisienne, les investisseurs et les ménages. Dans cet entretien avec L’Economiste Maghrébin, il met en lumière une politique budgétaire à forte dimension sociale, mais marquée par une instabilité fiscale persistante. Entre réduction de l’endettement extérieur, mesures sociales ciblées et défis pour attirer les investissements, cette loi reflète les ambitions et les limites de l’État en quête d’équilibre.
Comment pourriez-vous présenter, en tant qu’expert-comptable, la loi de finances 2025, en vigueur à partir du 1er janvier 2025 ?
Dans sa globalité, cette loi de finances expose la politique affichée de l’État. C’est ainsi que je pourrais la présenter. Elle reflète les différents discours du président de la République, qui a fixé les grandes lignes de sa politique de gestion. Elle consiste à rééquilibrer et maîtriser les dépenses de l’État, limiter le recours à l’emprunt extérieur et compter sur les ressources intérieures de l’État afin de maîtriser le budget et faire face aux différentes contraintes et engagements du pays.
En outre, c’est une loi de finances à fort caractère social. Comme nous pouvons le constater, il s’agit de la politique affichée par les différentes instances et structures de l’État, à savoir la présidence de la République, la présidence du gouvernement et la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple. Le message politique est clair : la Tunisie doit préserver un caractère social. Concilier les contraintes économiques et financières tout en honorant le devoir social de l’État est un défi important, dont la réalisation n’est pas simple. Le législateur a voulu aller aussi loin que possible.
Autrement dit, d’un côté, il y a les dépenses de l’État, telles que les dépenses de gestion, les dépenses de compensation, les dépenses d’investissement, et le remboursement de la dette (en principal et en intérêts). À cet égard, je dois rappeler que le remboursement de la dette est une obligation incontournable à laquelle l’État doit impérativement faire face. Pour réaliser tout cela, il faut aller chercher des res- sources et des recettes capables de combler les dépenses en question. L’objectif final est de ne pas recourir à l’emprunt extérieur. Pour cette raison, le gouvernement a réduit au maximum le recours à l’emprunt extérieur. Cette année, l’État prévoit d’emprunter 28,2 milliards de dinars, soit un montant légèrement inférieur aux emprunts de 2024. Je dois préciser à cet égard que, pour la première fois depuis 2011, l’endettement prévu est relativement inférieur à celui de l’année précédente.
En 2024, l’État s’est endetté à hauteur de 28,7 mil- liards de dinars. Le plus important, c’est que 22 milliards de cet endettement soient contractés sur le marché financier tunisien.
En 2024, la loi de finances avait prévu 16 milliards de dinars d’emprunt extérieur, contre 6 milliards de dinars seulement en 2025. Nous sommes donc dans une position de maîtrise de l’endettement. Je tiens à préciser que cette diminution ne signifie pas une absence d’endettement ou une baisse radicale de l’endettement global. En effet, pour garantir l’équilibre budgétaire global, l’État est obligé de continuer à recourir à l’endettement.
Cependant, ce qui est positif, c’est cette volonté manifeste de maîtriser l’endettement. Ce que nous percevons dans cette loi de finances marque le début d’une maîtrise de l’endettement extérieur, avec une baisse de moins de 2%.
Sur un autre plan, l’État a prévu des mesures fiscales pour générer des recettes supplémentaires. Il ne s’agit pas de mesures visant à élargir l’assiette fiscale. Nous avons toujours appelé pour des réformes qui élargissent l’assiette fiscale, mais ce que nous voyons dans la loi de finances 2025, ce sont plutôt des mesures d’augmentation des taux et des pressions fiscales accrues sur les contribuables et les acteurs économiques locaux. Cela a toujours été la solution facile.
Extrait de l’interview qui est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 910 du 1 au 15 janvier 2025
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