Dette en Afrique du Nord : la Tunisie et la hausse de 67% à 84% du PIB
L’Afrique du Nord, à l’instar d’autres régions d’Afrique, fait face à une hausse marquée de ses niveaux d’endettement public depuis une décennie. Ainsi le policy debrief de la commission économie de L’afrique des Nations Unies s’appuie sur une analyse approfondie des dynamiques actuelles, des risques et des opportunités, et propose des recommandations stratégiques pour permettre aux gouvernements de la région d’adopter des pratiques de gestion de la dette responsables, diversifiées et intégrant en priorité la lutte contre le changement climatique.
Cette augmentation est principalement liée aux répercussions économiques causées par la pandémie de COVID-19, qui ont accru les pressions fiscales sur les gouvernements. À cela s’ajoutent des défis régionaux et mondiaux comme la guerre entre la Russie et l’Ukraine, générant des perturbations dans les marchés énergétiques, ainsi que les conflits dans des régions proches telles que le Soudan et Gaza, et les impacts du changement climatique, qui accentuent la vulnérabilité des économies nord-africaines.
La difficulté croissante pour ces gouvernements de maintenir l’équilibre budgétaire les conduit souvent à détourner des ressources limitées des programmes sociaux essentiels et des investissements productifs. La moyenne du ratio dette/PIB dans la région est passée de 79,7% en 2019 à 88,4% en 2023, avec certains pays comme l’Égypte, le Maroc, le Soudan et la Tunisie enregistrant plus de 80% d’augmentation sur cette période. Parallèlement, le coût du service de la dette et la volatilité des taux de change aggravent la situation, freinant la croissance économique et réduisant l’investissement privé.
L’interaction entre le changement climatique et la soutenabilité de la dette représente un des défis majeurs. L’Afrique du Nord est particulièrement sensible aux chocs climatiques tels que les phénomènes météorologiques extrêmes, l’augmentation des températures et la raréfaction de l’eau. Malgré l’importance croissante de ce facteur dans la dynamique d’endettement, les évaluations classiques de soutenabilité de la dette ne prennent pas toujours en compte ces risques. Le contexte économique reste incertain, avec une croissance projetée à 3,6% en 2025, limitée par des réformes structurelles, l’instabilité politique et l’incertitude économique mondiale.
Dette tunisienne : 67% à 84% du PIB en cinq ans
Le paysage de la dette publique dans la région se caractérise par une complexité croissante et une pression fiscale accrue. Le Soudan connaît une crise profonde avec un ratio dette/PIB dépassant 300%. En Égypte, celui-ci dépasse les 90%, presque 35% des recettes étant consacrés au remboursement de la dette. En Tunisie, le ratio a augmenté de 67,3% en 2019 à 83,7% en 2024.
À l’inverse, certains pays comme la Mauritanie montrent une stabilisation ou une baisse, tandis que le Maroc maintient un ratio stable grâce à une économie diversifiée et des politiques fiscales équilibrées. L’Algérie se distingue comme le meilleur gestionnaire de dette avec les niveaux les plus bas de la région.
Une tendance notable est la dépendance accrue à l’emprunt domestique dans les pays à accès limité à la finance externe, comme l’Égypte, le Maroc et la Tunisie. Or, cette dette, souvent à court terme et taux d’intérêt élevé, exerce une pression budgétaire supplémentaire et limite l’investissement privé.
En Tunisie, plus de 50% de la dette publique est domestique, ce qui restreint les investissements dans les infrastructures, la santé et l’éducation.
La majorité des pays empruntent également à l’étranger pour financer les infrastructures et réaliser les Objectifs de Développement Durable (ODD). Cependant, la concentration de la dette extérieure sur quelques pays, ainsi que la hausse des taux d’intérêt mondiaux et des risques de change, rendent le remboursement plus coûteux et menacent la viabilité de la dette. Par ailleurs, les entreprises publiques, souvent inefficaces et non rentables, nécessitent un soutien gouvernemental important qui détourne des ressources essentielles.
Le besoin de financement annuel estimé pour l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique en Afrique du Nord atteindra 39 milliards de dollars d’ici 2030. Pourtant, les lourdes charges de remboursement laissent peu de marges pour les investissements critiques dans le climat, la santé et l’éducation, compromettant la stabilité économique à long terme.
Pour faire face à ces défis, la politique publique doit adopter des stratégies globales de gestion durable de la dette, incluant l’amélioration de la gestion des entreprises publiques, la diversification des sources de financement, et la mobilisation des recettes. Il est également nécessaire d’adopter des pratiques d’emprunt responsables et de renforcer la négociation collective pour améliorer les conditions des prêts, ainsi que d’encourager le financement en monnaie locale pour réduire les risques liés aux fluctuations du taux de change.
Le renforcement des marchés financiers locaux, la discipline fiscale, et la transparence réglementaire sont des leviers clés pour encourager l’emprunt domestique durable. Par ailleurs, l’attraction des investissements directs étrangers à long terme passe par la stabilité macroéconomique, la simplification des procédures administratives et la création d’un climat favorable aux affaires.
Les instruments financiers innovants, tels que les swaps dette-climat, offrent des opportunités de restructuration de la dette en échange d’engagements d’investissements dans des projets de résilience climatique, par exemple dans les énergies renouvelables ou la gestion durable de l’eau. L’Égypte, pionnière dans l’émission d’obligations vertes, sert de modèle régional pour mobiliser des ressources à cette fin.
Policy-brief-Debt-management-and-sustainable-finance-in-North-Africa-En
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