Le retour de l’impérialisme US en Amérique du Sud ?
Donald Trump ne cesse de mettre la pression sur le Venezuela. Les jours du président de Maduro seraient comptés. L’armée américaine mène depuis plusieurs semaines des frappes meurtrières contre des navires accusés d’acheminer de la drogue aux États-Unis. Des exécutions extra-judiciaires illégales, comme dans un western sans foi ni loi. Des déclarations et opérations américaines qui traduisent plus largement la volonté de réaffirmer la domination US sur l’Amérique du Sud, face notamment à la volonté d’émancipation affichée par les régions de la région.
L’hégémonie des Etats-Unis en Amérique du Sud depuis le XIXe siècle
Après une ère (du début du XVIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle) marquée par l’emprise des empires ibériques (Espagne et Portugal), à partir de XIXe siècle, l’Amérique du Sud a été conçue comme « l’arrière-cour » des Etats-Unis. Une représentation liée à la « doctrine Monroe », en référence au discours prononcé le 2 décembre 1823 par le président des Etats-Unis d’alors, James Monroe (1817-1825), fixant pour axe de la politique étrangère américaine la défense du continent (y compris l’Amérique du Sud) contre toute ingérence des puissances européennes.
Une doctrine qui prendra, à partir de la fin du XIXe siècle, un caractère plus offensif et interventionniste puisque les Etats-Unis vont développer leur emprise militaire, politique et économique sur la région stratégique (de la mer) des Caraïbes. Une hégémonie régionale à l’origine du développement de la flotte américaine. Celle-ci peut désormais s’appuyer sur un réseau de bases navales et de points d’appui (occupation, puis acquisition de Porto Rico et Guam; achat des Philippines). Ainsi, les Etats-Unis interviennent régulièrement dans la zone Caraïbes-Amérique centrale pour préserver leurs intérêts nationaux, en invoquant le droit d’exercer un « pouvoir de police international ».
Ce discours « défensif » prend une dimension offensive, expansionniste, sous la présidence de Theodore Roosevelt (1901-1909). L’emprise des Etats-Unis sur le continent est ensuite allée en s’affirmant tout au long du XXe siècle. Elle a atteint son apogée du temps de la guerre froide, à travers l’application de la « doctrine de sécurité nationale », c’est-à-dire des coups d’Etat des forces armées pour empêcher l’arrivée au pouvoir de gouvernants d’alliés potentiels de l’URSS. Des interventions directes ou indirectes sont organisées à chaque fois qu’un gouvernement non pro-américain accède au pouvoir : Guatemala en 1954; Cuba en 1961; République dominicaine en 1965; Chili en 1973, Panama en 1989.
Une influence déclinante au XXIe siècle
Aujourd’hui, l’influence des Etats-Unis a nettement décliné. Les Etats sud-américains et d’Amérique centrale (en particulier le Mexique) se sont engagés dans un processus d’émancipation. Celui-ci se conjugue avec des dynamiques de :
- pacification (le reflux des guerres civiles et autres guérillas ne saurait masquer néanmoins l’ancrage de puissantes organisations criminelles, en particulier dans les pays d’Amérique centrale et au Brésil);
- démocratisation (non linéaire : cette dynamique politique donne parfois des signes de fragilité);
- développement (même inégal, entre les pays et en leur sein même).
Non seulement les Etats du continent se sont organisés et regroupés au sein d’organisations régionales et sub-régionales, mais l’hégémon régional, le Brésil, a les capacités d’impulser cette orientation sur fond d’autonomisation vis-à-vis des Etats-Unis. Revenu au pouvoir en 2022, Lula renoue avec la volonté de non-alignement sur Washington et une fonction de porte-parole du Sud global, sur la base d’une politique étrangère au service d’un système multilatéral plus égalitaire. Un rôle qui est de nature à ériger cette puissance régionale en acteur pivot du monde multipolaire.
Enfin, depuis le début des années 2000, les relations (diplomatique, commerciale, financière, scientifique et technologique, militaire, culturelle) entre la Chine et l’Amérique du Sud n’ont cessé de se renforcer. Une réalité qui érige la région latino-américaine en l’un des principaux espaces de la confrontation systémique entre Pékin et Washington. Un point que l’on doit garder à l’esprit pour saisir les velléités affichées par le président Trump…
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