La politique sociale du président Kaïs Saïed fait le bonheur de pans entiers de la société tunisienne, parmi les laissés-pour-compte, comme les diplômés chômeurs de longue durée, dont les quelques 7000 «docteurs chômeurs», qui voient les portes du recrutement dans la fonction publique soudain ouvertes devant eux. Ce dumping social n’est pas du goût de beaucoup de Tunisiens, dont l’auteur de cette opinion qui, au-delà des calculs politiques derrière ce populisme couteux pour les finances de l’Etat, craignent pour le nivellement qui ne manquera pas d’affecter l’administration publique, déjà peu performante.
Ali Gannoun *
Je sais que je vais fâcher plus d’un ! Mais je ne vais pas me cacher derrière le populisme poussé jusqu’au misérabilisme pour ne pas dire les choses telles qu’elles doivent être dites.
Nous avons trop de docteurs en Tunisie. Cette flambée de diplômés-docteurs de l’enseignement supérieur est apparue aux dépens de la qualité assez souvent. Elle a été attisée par des syndicats irresponsables et des décisions politiques hasardeuses pour, soi-disant, améliorer le salaire des enseignants chercheurs en fonction du nombre des étudiants encadrés par leurs soins.
Pas d’embauche sans évaluation
Un doctorat est un diplôme et non une garantie d’emploi. Le recrutement dans l’enseignement supérieur et dans la haute administration se fait sur concours et suivant des règles bien précises et clairement précisées.
L’embauche en masse sans sélection est néfaste aussi bien dans l’administration que dans les universités.
Le recrutement tout-azimut dans l’enseignement primaire et secondaire après «la révolution» a fait couler cet enseignement et nous récoltons ses fruits amers aujourd’hui.
Oui, il y a un problème de docteurs-chômeurs en Tunisie. Le Maroc souffre du même phénomène bien que sa capacité de recruter soit plus importante.
La solution populiste qui vise à les employer «bouh 3la khouh» sans se soucier de la qualité de la formation et sans tenir compte de la capacité de l’administration et des universités de les intégrer dans leur organigramme d’employabilité, aura un effet semblable à celui qui a fait couler Tunisair.
Non aux solutions irréfléchies !
Je suis très sensible à la détresse de ces personnes et je comprends très bien leur désarroi. Ils sont victimes d’un système foireux. Néanmoins, la solution de les employer sans passer par leur évaluation et sans recourir à des commissions de recrutement aux membres intègres, honnêtes et compétents est une aventure aux lendemains qui déchantent et dont toute la population risque de payer les pots cassés.
Oui à un vrai dialogue, oui à des solutions réfléchies, non au populisme et aux décisions primaires.
Ps : j’étais étonné par le discours de certains docteurs-chômeurs devant le Président de la République, il y a de quoi se poser des questions sur leur niveau réel.
Le président de la République, Kaïs Saïed, a effectué hier, 21 aout, une série de visites inopinées qui l’ont conduit successivement dans un centre pédagogique, à l’hôpital de la Rabta, devant le sit-in des docteurs au chômage installé depuis plusieurs semaines devant le ministère de l’Enseignement supérieur, ainsi que dans certains quartiers populaires.
Rentrée scolaire : manuels et cahiers subventionnés
Le chef de l’État a insisté sur le caractère universel du droit à l’éducation. Il a annoncé la distribution gratuite d’un lot de manuels aux familles modestes et de cahiers subventionnés, affirmant que « tous les élèves doivent être égaux devant les fournitures scolaires ». Saïed a dénoncé les écarts entre cahiers importés et cahiers locaux, critiquant leur qualité et affirmant que la Tunisie est capable de produire mieux.
« Tous les élèves doivent être égaux devant les fournitures scolaires. »
Lutte contre la corruption dans les centres pédagogiques
Lors de sa visite au centre pédagogique, le président a été interpellé par des employés dénonçant des « pratiques de corruption » et des « règlements de comptes internes ». Saïed a réaffirmé sa volonté de « purifier les institutions de tous les traîtres et criminels », insistant sur la responsabilité individuelle des fonctionnaires et sur l’application de la loi.
« Il faut purifier les institutions de tous les traîtres et criminels. »
Passage à l’hôpital de la Rabta
À l’hôpital de la Rabta, le président a plaidé pour que les urgences médicales soient prises en charge immédiatement, sans condition préalable de paiement. « La santé est un droit, pas un privilège », a-t-il martelé, ajoutant que les procédures administratives ne doivent intervenir qu’après la prise en charge des patients.
« La santé est un droit, pas un privilège. Les cas urgents doivent être pris en charge immédiatement, sans condition préalable de paiement. »
Sit-in des docteurs sans emploi
Le chef de l’État s’est également rendu au sit-in des docteurs au chômage devant le ministère de l’Enseignement supérieur. Ces diplômés rappellent qu’ils attendent depuis des années une intégration dans le secteur public. Saïed leur a assuré que « le travail est un droit et la dignité ne se négocie pas », tout en expliquant que des textes légaux sont en cours de préparation pour permettre de nouvelles embauches. Il a toutefois reconnu des difficultés budgétaires et insisté sur la nécessité d’un recrutement « selon la justice et les priorités nationales ».
« Le travail est un droit, et la dignité ne se négocie pas. »
Un discours contre « les corrompus »
Tout au long de sa tournée, le président a tenu un discours offensif contre ceux qu’il qualifie de « fossoyeurs de la nation », réitérant son appel à « libérer la Tunisie des corrompus et des lobbies qui paralysent l’État ». Il a exhorté les citoyens à rester mobilisés pour « protéger la liberté, la dignité et la souveraineté nationale ».
Mardi 22 juillet 2025, la commission de la planification stratégique à l’ARP a adopté une proposition de loi visant le recrutement exceptionnel dans la fonction publique de diplômés du supérieur en chômage de longue durée. Le texte concerne notamment les personnes âgées de plus de 40 ans, sans revenus fixes ni affiliation sociale.
La commission parlementaire chargée de la planification stratégique, du développement durable, du transport, des infrastructures et de l’aménagement du territoire a adopté son rapport final relatif à la proposition de loi n° 23-2023.
Conditions d’éligibilité
Cette proposition, portée par le bloc « Pour que le peuple triomphe », prévoit des dispositions exceptionnelles pour permettre l’intégration dans la fonction publique de diplômés en situation de chômage prolongé.
Cette loi vise spécifiquement les diplômés âgés de plus de 40 ans, inscrits depuis plus de 10 ans dans les bureaux de l’emploi, non affiliés à un régime de sécurité sociale ou de retraite, sans identifiant fiscal, sans prêt contracté, et dont le conjoint n’est pas affilié à la fonction publique.
Le texte comprend 11 articles, précisant les critères, les conditions d’éligibilité et les mécanismes d’intégration dans la fonction publique ou les établissements publics.
Intégrer plusieurs diplômés du supérieur au chômage
Depuis plus d’une décennie, le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur constitue une crise structurelle en Tunisie. Plusieurs sit-in, grèves de la faim et mouvements sociaux ont été organisés par cette frange de la population, notamment ceux des « diplômés chômeurs de plus de 10 ans ».
Ce projet de loi s’inscrit dans une série de propositions similaires débattues sans succès lors des précédentes législatures, bloquées notamment pour des raisons budgétaires ou juridiques.
La commission parlementaire a adopté une version révisée du projet de loi 23-2023, visant à faciliter l’intégration des jeunes diplômés en situation de chômage prolongé dans le secteur public, avec un recrutement progressif et des critères numériques clairs.
Lors de sa réunion ce mardi 27 mai, la commission parlementaire chargée de la planification stratégique, du développement durable et des infrastructures a adopté une nouvelle version modifiée du projet de loi n° 23-2023.
Ce texte vise à instaurer des mesures exceptionnelles pour le recrutement des diplômés de l’enseignement supérieur confrontés à un chômage prolongé dans la fonction publique et le secteur public.
Les députés ont souligné la nécessité d’améliorer le texte pour garantir une application effective, tirant les leçons des blocages rencontrés avec la loi n° 38 de 2020. Ils ont insisté sur la mise en place de mécanismes solides pour assurer que ce dispositif bénéficie réellement aux jeunes diplômés en difficulté.
Le projet prévoit notamment des critères clairs pour les candidatures via une plateforme numérique, ainsi qu’un recrutement progressif sur une période maximale de trois ans. La répartition des postes se fera selon les spécialités, avec une priorité donnée aux bénéficiaires pour pourvoir les postes vacants dans la fonction publique.
Par ailleurs, des auditions des représentants de l’exécutif sont programmées dans les semaines à venir afin d’affiner ce projet de loi, a précisé un communiqué de l’Assemblée des représentants du peuple.
Les doctorants chômeurs ont levé le sit-in qu’ils observaient devant le siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, à Tunis, à la suite de la visite que leur a rendue le président de la République, Kaïs Saïed, jeudi 21 août 2025.
Selon Hamda Kouka, représentant des doctorants en grève, qui parlait à Mosaïque FM, la décision de levée du sit-in a été prise après que le chef de l’État a promis aux sit-inneurs leur recrutement dans les secteurs de l’enseignement, de l’administration et des laboratoires.
«Le président de la République nous a surpris en se présentant personnellement avec la délégation l’accompagnant dans le lieu même où nous observions notre sit-in. Il nous a parlé pendant près d’une demi-heure et nous a convaincus que ce dossier sera réglé», a déclaré Kouka.
«La question du chômage des diplômés est une priorité nationale», a déclaré Saïed, en promettant de trouver des solutions justes garantissant leur droit à un emploi décent. «Nous consacrons tous nos efforts à la mise en place d’un processus de recrutement juste respectant l’équilibre entre le principes de la compétence et celui du mérite et qui garantit des salaires décents par rapport à leurs diplômes», a-t-il expliqué.
Rappelons que Saïed a aussi déclaré aux doctorants au chômage qu’ils seront appelés à assumer de hautes responsabilités dans l’Etat. Et que même s’ils n’ont pas l’expérience et l’expertise nécessaires, leur dévouement et leur patriotisme leur permettront d’assumer les charges qui leur seront confiées mieux que certains cadres en place qui ne défendent pas les intérêts du peuple mais sont au service de lobbies d’intérêt.
Les promesses faites aux uns et les accusations portées sur les autres ont été faites à plusieurs reprises par le chef de l’Etat qui s’impatiente de mettre aux postes de responsabilité des personnes plus volontaires pour mettre en route son projet d’assainissement de l’Etat et de l’administration publique.
Il reste bien sûr à voir comment le président va faire pour libérer des milliers de postes au sein des services publics pour les attribuer aux quelques 10 000 doctorants chômeurs et comment ces derniers, au-delà de leurs branches de spécialisation, souvent d’ailleurs littéraires, vont pouvoir s’adapter et être sinon performants du moins utiles.