QNB Revue Economique : La Chine devrait faire preuve de résilience face aux chocs du commerce mondial
L’année a commencé sur une note positive pour la Chine, portée par un retournement du sentiment dans le secteur privé, sous l’effet d’un mélange de politiques économiques plus favorables, de l’optimisme autour des capacités du pays en matière d’intelligence artificielle (IA), et d’une stabilisation de l’activité manufacturière. Ce rebond intervient après plusieurs années de désengagement des investisseurs et de croissance volatile, marquées par les séquelles du secteur immobilier, la rigueur réglementaire, un soutien budgétaire limité, et le traumatisme des confinements stricts liés à la pandémie.
Cette amélioration de la conjoncture et du sentiment s’est traduite par une activité économique renforcée et des révisions haussières constantes des perspectives de croissance depuis septembre 2024. Toutefois, les perspectives macroéconomiques mondiales ont été brutalement bouleversées en février, lorsqu’une inflexion radicale de la politique commerciale américaine a été annoncée : le président Trump a dévoilé une hausse massive des droits de douane à l’importation. La Chine a été particulièrement ciblée par les États-Unis, avec des droits équivalents à un embargo, atteignant 140 %, et des possibilités très limitées d’exemptions. Après l’ouverture de négociations bilatérales, ces droits ont été réduits à un niveau plus gérable, mais toujours élevé, de 40 %.
Malgré ce choc majeur, l’économie chinoise semble faire preuve de résilience. Parmi les principales économies, la Chine apparaît comme la moins affectée par les révisions à la baisse des prévisions de croissance depuis le « jour de libération tarifaire » des États-Unis, et ce malgré le fait qu’elle soit, de loin, le plus grand exportateur mondial.
Trois facteurs clés expliquent cette résilience chinoise face au choc tarifaire américain :
- Un impact limité des tarifs américains sur la croissance chinoise
Bien que la Chine soit le plus grand exportateur mondial et un acteur central de la production mondiale, l’impact global des tarifs américains sur sa croissance reste très limité. Cela s’explique en grande partie par la baisse relative de l’importance des États-Unis comme destination d’exportation et par la réorientation stratégique de Pékin.
Au début des années 2000, les États-Unis représentaient près de 20 % des exportations chinoises. Ce chiffre est tombé à environ 15 % ces dernières années, ce qui correspond à environ 2,8 % du PIB chinois. En parallèle, la Chine a renforcé ses exportations vers l’Asie du Sud-Est, l’Union européenne, et les pays de l’Initiative la Ceinture et la Route, compensant ainsi les pertes liées au marché américain.
De plus, la contribution des exportations au PIB chinois a fortement diminué, passant de 35 % en 2006 à moins de 20 % aujourd’hui, dans un contexte de réorientation vers la consommation intérieure, l’innovation technologique, et les services. Ces mutations structurelles et la mise en place de stratégies commerciales adaptatives ont contribué à atténuer l’impact macroéconomique des droits de douane et à maintenir l’excédent extérieur du pays.
L’inefficacité des tarifs dans un monde de chaînes de valeur mondiales fragmentées
Les droits de douane sont des instruments peu efficaces dans un environnement de production mondialisé. Le rôle central de la Chine dans les chaînes de valeur mondiales a considérablement réduit l’efficacité de ces mesures protectionnistes.
Contrairement aux échanges bilatéraux d’autrefois, les biens modernes traversent de nombreuses frontières avant d’être finalisés, ce qui rend difficile l’identification de la valeur ajoutée nationale. Les entreprises multinationales s’adaptent rapidement en transférant l’assemblage final vers des pays tiers tout en continuant à utiliser des composants chinois via des mécanismes de transbordement. Ces ajustements surpassent souvent les capacités de contrôle, ce qui réduit considérablement l’impact voulu des barrières commerciales.
Par ailleurs, une part importante des exportations chinoises – notamment les composants critiques pour l’électronique, les machines-outils, ou les produits pharmaceutiques – reste difficile à substituer et demeure essentielle pour les entreprises américaines. Cela réduit la probabilité de relocalisations de production (reshoring) et renforce le statut incontournable de la Chine dans l’industrie mondiale.
- La compétitivité prix renforcée par la dépréciation du renminbi (RMB)
La dépréciation du renminbi (RMB), notamment en termes réels effectifs, est venue compenser les effets des tarifs douaniers. Depuis l’escalade du conflit commercial en février, le RMB s’est affaibli face au dollar, mais encore davantage face à un panier élargi de devises, ce qui a entraîné une dépréciation significative du taux de change effectif réel (REER).
Cela a permis de rendre les exportations chinoises plus compétitives sur les marchés non libellés en dollars, favorisant une hausse de leurs parts de marché mondiales malgré les barrières américaines. Cette dépréciation agit comme un stabilisateur automatique de l’économie chinoise, en soutenant la demande externe et en contribuant à maintenir l’excédent commercial, soulignant ainsi les limites des mesures commerciales unilatérales.
Conclusion
Les perspectives de croissance de la Chine pour 2025 restent modérément solides, malgré les tensions commerciales persistantes. Cela s’explique par :
- la réduction structurelle de la dépendance aux exportations vers les États-Unis,
- l’inefficacité des droits de douane dans un système de production mondialisé,
- et le regain de compétitivité prix grâce à la dépréciation du RMB.
Ces éléments ont permis de coussin l’impact des chocs externes majeurs sur l’économie chinoise, confirmant sa capacité à absorber les secousses liées aux politiques commerciales protectionnistes.
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