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Entreprises publiques : pragmatisme

03. August 2025 um 04:46

Nos ministres peuvent-ils (elles) avoir le sommeil ? A commencer par le ministre du Transport face à l’effondrement et à l’agonie de Tunisair qui fut en son temps l’incarnation et le symbole de cette Tunisie sûre et conquérante. La SNCFT, Etat dans l’Etat, qui marqua de son empreinte les Trente Glorieuses, l’âge d’or de l’économie nationale, sombre dans le coma, dans un état de mort clinique. Le transport urbain est victime d’euthanasie précoce. Il poursuit sa descente aux enfers, au grand dam des usagers qui n’en peuvent plus. La CTN, qui sillonnait naguère les mers chaudes et froides, voit son pronostic vital engagé. Pour combien de temps encore ? Ce navire amiral du transport maritime bat de l’aile plus qu’il n’arbore le pavillon national. Sa flotte se rétrécit comme peau de chagrin, entraînée qu’elle est sur la même pente que Tunisair, la SNCFT et bien d’autres encore.

Grandeur et décadence, vie et mort programmée d’entreprises publiques que rien ne prédestinait à une telle tragédie. Figures emblématiques, elles connurent leur heure de gloire sous la houlette de dirigeants visionnaires, aidés en cela par la politique volontariste de l’Etat. Ces entreprises phares, qui dominaient et structuraient le paysage productif, étaient les principaux leviers de développement d’une économie en construction, aux premiers stades de son démarrage. Elles étaient aussi l’affirmation d’une volonté d’émergence sur la scène mondiale après la longue nuit coloniale. Il y flottait un air de souveraineté retrouvée. Elles avaient osé et elles avaient réussi à faire jeu égal jusqu’à susciter la crainte de concurrents de réputation mondiale.

 

Le temps a, semble-t-il, suspendu son vol sur les ports de Sfax, Bizerte et Zarzis. Ils sont aujourd’hui beaucoup moins ouverts sur le monde qu’ils ne l’étaient par le passé

 

Le ministre de l’Equipement n’est pas non plus à l’abri de terribles insomnies. Il a bien des raisons de s’inquiéter de l’état de délabrement de nos ports, devenus la risée des transporteurs mondiaux. Les bateaux, quand il leur arrive de s’arrimer à quai, y accostent pour ne jamais sortir dans les délais qui sont de rigueur, ne serait-ce que dans le pourtour méditerranéen. Maintenus en rade, faute de manutention aux standards mondiaux, ils provoquent une véritable saignée en ces temps de disette de devises. Que n’a-t-on construit les quais 8 et 9 du port de Radès et mis fin à une gestion calamiteuse d’un autre âge des flux de marchandises !

Le temps a, semble-t-il, suspendu son vol sur les ports de Sfax, Bizerte et Zarzis. Ils sont aujourd’hui beaucoup moins ouverts sur le monde qu’ils ne l’étaient par le passé. Et ne parlons pas de ce serpent de mer qu’est le port en eau profonde d’Enfidha, dont on n’arrête pas de parler depuis plus de 20 ans. Que d’occasions et d’opportunités d’investissements perdues !

Que de rendez-vous ratés pour enclencher une vraie dynamique de développement et une montée en gamme de l’industrie automobile et de bien d’autres filières industrielles ! On n’arrête pas de nous promettre la lune, comme si parler valait réalisation, au seul motif de se dédouaner ou de se faire bonne conscience. Le fait est que les ministres continuent leur chemin sur les décombres de notre infrastructure de transport, pourtant véritable épine dorsale de l’économie nationale. Pendant ce temps, le pays s’enfonce dans la dé pression et poursuit son inexorable déclassement.

La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, pur produit de ce secteur qu’elle maîtrise et qu’elle porte au plus profond d’elle-même, a bien des soucis à se faire à l’idée de voir se saborder de la pire des manières la CPG, l’ETAP…, hier fleurons de l’activité minière et pétrolière dans la région. Le séisme postrévolutionnaire est passé par là.

Ici aussi, comme ailleurs, les transitions énergétiques et environnementales, si nécessaires pour préparer l’avenir, ont pris trop de retard et sont dans un état embryonnaire. Pourtant, le déficit énergétique et le stress hydrique font peser de sérieuses menaces sur le pays. Dire qu’on voyait venir le danger, qu’on avait largement anticipé ses effets sur la balance des paiements, l’agriculture et l’industrie ! A qui la faute ? Comment expliquer cette passivité des pouvoirs publics ?

Anticiper, agir, c’est devenu au-dessus de nos moyens. A peine sommes-nous capables de réagir dans l’urgence, en mode survie, forcément sans grand succès au regard de l’étendue des dégâts. Le coût de l’immobilisme est si élevé qu’il condamne à la paralysie.

 

A quoi peut-on s’attendre dans ces conditions? Gérer le vide ou tirer des plans sur la comète ? Difficile de déplacer les montagnes, pris qu’est le pays dans l’étau des contraintes à nulle autre pareilles. Que peut-on planifier dès lors, sinon craindre le repli, le déclassement et le déclin?

 

Dans ces conditions, le ministre de l’Economie et de la Planification, universitaire et économiste chevronné, une tête bien faite et bien pleine, qui a pour champ de vision l’ensemble des entreprises, paraît en lévitation, hors-sol. Il a d’autant plus de soucis – de quoi troubler son sommeil – qu’il a une conscience aiguë du poids des contraintes qui limitent sa marge de manœuvre.

Quelle politique économique ? Quel type de planification à court ou à moyen terme peut-on mettre en œuvre quand les déficits jumeaux crèvent structurellement tous les plafonds, quand les transferts des revenus du tourisme et des TRE couvrent à peine le service d’une dette abyssale et non soutenable ? Que faire quand le taux d’investissement, à force d’errements budgétaires, chute à près de 11% ? Moins du tiers de ce qu’il est dans la région.

L’épargne nationale, au regard de la situation des entreprises publiques maintenues sous perfusion, est descendue à son plus bas étiage : à peine 6%. A quoi peut-on s’attendre dans ces conditions? Gérer le vide ou tirer des plans sur la comète ? Difficile de déplacer les montagnes, pris qu’est le pays dans l’étau des contraintes à nulle autre pareilles. Que peut-on planifier dès lors, sinon craindre le repli, le déclassement et le déclin?

A quoi bon égrener la liste des ministres aux bilans peu reluisants, qui peinent à agir, alors qu’ils nous proposent à chaque fois de remettre les choses à l’endroit ? Peuvent-ils dormir du sommeil des braves, sachant que de partout montent la déception, les frustrations et la colère ? On a sacrifié l’avenir sans même tirer la moindre satisfaction du présent. Ni investissements structurants, ni projets futuristes, rien de ce qui pourrait nourrir le rêve tunisien : les prix flambent, le chômage se propage comme une traînée de poudre, la misère se répand – plus d’un Tunisien sur quatre vit sous le seuil de pauvreté -, le déclassement social s’institutionnalise. L’informel n’est pas loin de devenir la norme et l’économie formelle l’exception, tout en étant victimes d’une fiscalité devenue confiscatoire.

 

Le pragmatisme et l’aptitude au changement sont de rigueur. Se rendre à l’évidence est une vertu cardinale qui honore plus qu’elle ne décrédibilise. Il faut traiter le mal à la racine pour briser ce cercle vicieux qui sape les fondements des entreprises publiques, ultime creuset de développement.

 

Face à ce malstrom qui balaie tout sur son passage et menace d’emporter des entreprises publiques qui donnent encore des signes de vie, il faut savoir raison garder. Plu tôt que de se résigner ou de s’abriter derrière les mots, mieux vaut s’armer de courage, d’audace, d’humilité et de réalisme. A l’ère de l’IA, l’idéologie n’a plus cours. Le pragmatisme et l’aptitude au changement sont de rigueur. Se rendre à l’évidence est une vertu cardinale qui honore plus qu’elle ne décrédibilise. Il faut traiter le mal à la racine pour briser ce cercle vicieux qui sape les fondements des entreprises publiques, ultime creuset de développement. C’est ici, en même temps qu’à l’extérieur, qu’il faut aller chercher la croissance avec les dents.

Les entreprises publiques, en raison de leur énorme potentiel de développement, doivent retrouver leur statut et leur rôle de pôle de création de richesse, d’innovation technologique et sociale, de leadership et de locomotive de l’économie nationale. Elles doivent retrouver les motivations, les ressorts et les leviers d’une croissance et d’un développement durable.

Sous quelle forme pourraient-elles refaire surface? Le tout-Etat ne garantit pas l’Etat social, pas plus que le moins d’Etat sans redistribution juste et efficace n’est une panacée. Le choix du scénario importe moins que la capacité de rebond des entreprises : restructuration, choix d’un partenaire stratégique, privatisation partielle ou totale. L’essentiel est qu’il y ait un appel d’air : assainissement et injection de capitaux, recapitalisation… Et une autonomie de décision pleine et entière, à travers un mode de gouvernance à l’abri de toute interférence poli tique, sous la houlette de dirigeants d’entreprise visionnaires et de réputation internationale, sans lésiner sur les moyens de leur rétribution.

Quand on est pauvre, la seule recette qui vaille est de pratiquer une politique de riche. Pour se faire respecter et entendre ici et ailleurs. La présence de top managers à la tête des entreprises rassure et sécurise. Ils sauront mobiliser les capitaux des SICAR qui cherchent à s’investir et à rallier les clients aux quatre coins de la planète. Ils ont obligation de résultat après avoir validé leur plan d’action et leur programme. D’un mot, si la volonté d’éviter un naufrage collectif d’entreprises publiques que rien ne condamnait au déclin y est, c’est maintenant ou jamais qu’il faut agir. C’est une question de vie ou de mort. Qui oserait dans ces conditions manifester la moindre résistance sans s’exposer aux pires des déconvenues ?

Cet édito est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n°925 du 30 juillet au 27 août 2025.

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