Naples a pris samedi soir la première place provisoire du Championnat d’Italie, en s’imposant 3-1 à domicile contre l’Atalanta Bergame, en attendant les matches de l’Inter et de la Roma dimanche.
Portés par un doublé de leur Brésilien David Neres, les Napolitains ont porté leur total à 25 points après 12 journées.
L’Inter, leader grâce à une meilleure différence de buts avant le début de cette journée avec 24 points, devra s’imposer dimanche dans le toujours très disputé derby contre l’AC Milan (20h45) pour être certain de conserver sa place.
La Roma, également à 24 points, sera en déplacement dimanche à Cremonese (11e, 14 pts) et peut profiter d’un faux pas des intéristes pour prendre seule la tête.
Contre l’Atalanta, Naples a ouvert le score rapidement (17e) par le Brésilien David Neres, à l’issue d’une belle chevauchée personnelle sur un contre mené tambour battant. Il a doublé la mise à la 38e minute, bien lancé dans la profondeur sur un ballon récupéré au milieu de terrain.
L’international néerlandais Noa Lang a tué le match juste avant la pause, de la tête à bout portant (3-0, 45e).
A Naples comme sur tous les terrains de Serie A ce week-end, joueurs, arbitres et entraîneurs portaient une étonnante marque rouge sur le visage: le Championnat d’Italie s’est associé de cette façon à la Journée
internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre. Le maquillage signifiait “carton rouge à la violence”.
Derrière Naples, la bonne affaire de ce samedi a été réalisée par Bologne, vainqueur 3-0 à Udinese. Les Bolognais comptent désormais 24 points, sont
provisoirement troisièmes, et complètement dans la course au titre.
Ils ont manqué un pénalty en première période, mais Tommaso Pobega a signé un doublé en cinq minutes après la pause (54e et 59e) pour assommer l’Udinese.
Federico Bernardeschi a profité d’une erreur de la défense adverse pour corser l’addition dans le temps additionnel (90e+4).
La Juventus en revanche a raté une occasion de s’accrocher au groupe de tête, en concédant un nul (1-1) à Florence après avoir mené. La Vieille Dame stagne à 20 points (provisoirement 6e), à cinq longueurs de Naples.
Filip Kostic a ouvert le score pour la Juve contre la Fiorentina sur un tir lointain à la reprise d’un ballon mal repoussé par la défense florentine (1-0, 45e+5). Mais Rolando Mandragora a égalisé juste au retour des vestiaires, lui aussi sur un tir lointain superbe en pleine lucarne (1-1, 48e).
Elche accueille le Real Madrid ce dimanche 23 novembre 2025, à l’occasion de la 13ᵉ journée de Liga. La rencontre se déroulera à l’Estadio Manuel Martínez Valero, où les locaux tenteront de faire face à l’une des équipes les plus redoutables du championnat espagnol.
Heure du coup d’envoi
Le match Elche – Real Madrid commencera à 21h00. Les supporters des deux équipes sont invités à se connecter quelques minutes avant pour ne rien manquer des compositions, de l’échauffement et des derniers préparatifs avant le coup d’envoi.
DiffusionTV
La rencontre sera diffusée en direct sur beIN Sports 1, permettant aux abonnés de suivre l’intégralité du match, ainsi que les analyses et commentaires d’avant et d’après-match.
L’Etoile Sportive du Sahel rencontre CS Sfaxien ce dimanche 23 novembre 2025 à 14h30 dans le cadre de la 16e journée du championnat de la Ligue 1 du football professionnel.
Vous pouvez regarder le match Etoile Sportive du Sahel vs CS Sfaxien sur la chaîne Alwatania 1.
Le LOSC accueille le Paris FC ce dimanche 23 novembre 2025 à l’occasion de la 13ᵉ journée de Ligue 1.
La rencontre se disputera au Stade Pierre-Mauroy, où les deux équipes tenteront de confirmer leurs ambitions dans ce premier tiers de saison.
À quelle heure commence le match ?
Le coup d’envoi de Lille – Paris FC sera donné à 20h45.
Sur quelle chaîne regarder Lille – Paris FC ?
La rencontre sera diffusée en direct à 20h45 sur la chaîne Ligue 1+. Les abonnés pourront suivre le match en intégralité, ainsi que les commentaires et analyses proposés avant et après la rencontre.
Un duel à suivre de près
Lille, qui évoluera à domicile, tentera d’imposer son rythme dans une enceinte où il reste souvent solide. En face, le Paris FC cherchera à créer la surprise contre un adversaire réputé difficile à manœuvrer.
Ce match en prime time promet une confrontation intéressante pour les amateurs de Ligue 1.
L’Arsenal FC reçoit Tottenham Hotspur ce dimanche 23 novembre 2025, dans le cadre de la 12ᵉ journée de Premier League. La rencontre se jouera à l’Emirates Stadium, théâtre du célèbre derby nord-londonien, l’un des affrontements les plus attendus du calendrier anglais.
Heure du coup d’envoi
Le match Arsenal – Tottenham débutera à 17h30.
Diffusion TV
La rencontre sera retransmise en direct sur Canal+, permettant aux abonnés de suivre l’intégralité du match ainsi que les commentaires et analyses d’avant et d’après-match.
Un derby à suivre de près
Ce derby nord-londonien promet toujours une ambiance électrique et des moments de football intenses. Arsenal cherchera à imposer son style offensif à domicile, tandis que Tottenham tentera de surprendre son rival et de ramener un résultat positif. Une confrontation à ne pas manquer pour tous les amateurs de Premier League et de grands classiques du football anglais.
L’Inter Milan reçoit son rival historique, l’AC Milan, ce dimanche 23 novembre 2025, pour le compte de la 12ᵉ journée de Serie A. La rencontre se déroulera au Stadio Giuseppe Meazza, théâtre d’un des derbys les plus passionnants du football italien.
Heure du coup d’envoi
Le match Inter Milan – AC Milan débutera à 20h45.
Diffusion TV
La rencontre sera diffusée en direct sur DAZN, permettant aux abonnés de suivre toute l’action, ainsi que les commentaires et analyses d’avant et d’après-match.
La 26e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC) s’est ouverte samedi soir au Théâtre de l’Opéra de la Cité de la Culture de Tunis, en présence de nombreuses figures du théâtre arabe et africain.
En marge de la cérémonie, l’avenue Habib Bourguiba a accueilli le spectacle musical « Jouloud », mêlant influences tunisiennes, arabes et africaines. La salle Le Rio a présenté « Rêve », nouvelle création du metteur en scène tunisien Fadhel Jaïbi. Vers 20h30, le Théâtre de l’Opéra a également programmé la pièce égyptienne « Le Roi Lear », mise en scène par Shady Sorour Ali et interprétée par Yehia El-Fakharani.
Dans son discours d’ouverture, le directeur artistique du festival, Mounir Ergui, a rappelé que l’édition 2025 se tient sous le slogan « Le théâtre, une conscience et un changement. Le théâtre, le coeur battant de la rue ». Il a souligné le théâtre comme « espace d’expression et de résistance » et évoqué la situation à Gaza, appelant à maintenir vivante la cause palestinienne.
La cérémonie a été marquée par l’hommage rendu à plusieurs artistes tunisiens, parmi lesquels Leïla Rezgui, Fethi Akkari, Ali Ohemiri, Lazheri Sebii, Slim Sanhaji et Hedi Boumiiza. Ont également été honorés la Marocaine Latefa Ahrrare, l’Omanien Imad Mohson Ali Chanfari et l’Ivoirien Abdramane Kamaté.
Un hommage posthume a également été rendu à des créateurs tunisiens disparus, dont Ahmed Hadhak El Aref, Fathi Haddaoui, Mohamed Fadhel Jaziri, Anouar Chaafi, Fraj Chouchane, Abir Jebali, Amara Melliti, Salah Bourjini, Mokhtar Mlih, Taoufik Hammami et Mohamed Ali Belhareth.
Le jury de la compétition officielle, présidé par le Tunisien Lassaad Ben Abdallah, réunit Saade Aldaass (Koweït), Malek Laakoun (Algérie), Abdon Fortunée (Congo), Thameur Arbid (Syrie) et Imed El May (Tunisie).
Douze spectacles arabes et africains concourent pour les Tanit d’or, d’argent et de bronze, ainsi que pour les prix du meilleur texte, de la meilleure scénographie et des meilleures interprétations féminine et masculine.
La programmation hors compétition réunit des œuvres venues notamment de France, d’Italie, du Sénégal, d’Islande, du Mexique, d’Arménie, d’Iran, de Colombie, de Pologne, d’Espagne et de Russie. S’y ajoutent des créations arabes, africaines, tunisiennes et des productions réalisées au sein d’établissements pénitentiaires et de centres de rééducation.
Organisée du 22 au 29 novembre, l’édition 2025 propose plus de 80 spectacles issus de Tunisie, du monde arabe, d’Afrique et d’autres régions. Elle comprend notamment un Forum international du théâtre (24 et 26 novembre) consacré au thème « L’artiste de théâtre : son temps et son œuvre » et une masterclass de l’homme de théâtre français Harold David sur la participation au festival off d’Avignon.
Créées en 1983 par le ministère tunisien des Affaires culturelles, les JTC figurent parmi les plus anciens festivals théâtraux du monde arabe et d’Afrique.
Une baisse relative des températures sera enregistrée, dimanche, et les maximales seront généralement comprises entre 12 et 17 degrés et atteignant 10 degrés sur les hauteurs ouest, selon les prévisions de l’Institut du national de la météorologie (INM). Les nuages seront parfois denses sur le nord avec des pluies éparses et temporairement orageuses sur les […]
Le concept est désormais bien rodé. Mais, en plus des villes du cœur, des moments forts. Alya Hamza, écrivaine et journaliste de talent, poursuit la publication de ses chroniques. Après Mahdia et Tozeur, et en attendant Kairouan, elle livre des souvenirs exquis sous le titre de Le jour où...Chroniques d’une journaliste nostalgique», paru aux Editions Simpact.
En une soixantaine de textes brefs et ciselés, Alya dessine des pièces de puzzle d’une époque, à partir des années 1970, qu’elle a vécue intensément. Reconstituant des ambiances et dressant des portraits furtifs, adossés à des scènes anecdotiques, elle peint ! Son lexique est très varié: il va du Pape à la ...
L’Espérance Sportive de Tunis a été tenue en échec (0-0) par le Stade Malien, samedi soir au stade Hamadi Agrébi de Radès, lors de la première journée de la phase de groupes (Groupe D) de la Ligue des champions d’Afrique. À l’issue de la rencontre, l’entraîneur du Stade Malien, Njoya Mesack Mauryl, s’est déclaré satisfait […]
Au cours de la séance plénière conjointe, tenue samedi soir entre l’assemblée des représentants du peuple (ARP) et le conseil national des régions et des districts (CNRD) consacrée à l’examen du projet de budget du ministère des Affaires sociales pour l’année 2026, les députés ont revendiqué l’activation en urgence du fonds d’assurance contre la perte […]
À l’issue du match nul concédé par l’Espérance sportive de Tunis face au Stade Malien (0-0), samedi au stade Hamadi Agrébi de Radès, pour le compte de la première journée de la phase de groupes (Groupe D) de la Ligue des champions d’Afrique, l’entraîneur espérantiste Maher Kanzari s’est montré partagé entre frustration et optimisme. Kanzari […]
Une baisse relative des températures sera enregistrée, dimanche 23 novembre 2025, et les maximales seront généralement comprises entre 12 et 17 degrés et atteignant 10 degrés sur les hauteurs ouest, selon les prévisions de l’Institut du national de la météorologie (INM). Les nuages seront parfois denses sur le nord avec des pluies éparses et temporairement […]
Leçon tirée de quelques navets cinématographiques : notre pays a besoin de réformes simples : libérer l’entreprise, faciliter l’accès à l’entrepreneuriat, cesser de faire payer le secteur organisé pour compenser l’informel et surtout, mais surtout sanctifier l’effort et la valeur travail.
Dr Monem Lachkam *
J’ai une passion étrange, presque coupable : les navets. Oui, les vrais, ceux qu’on regarde jusqu’au bout en se demandant si l’on ne devrait pas recevoir une médaille pour tant de patience. Si j’avais aimé les légumes, j’aurais sans doute parlé du navet. Mais non : je parle de ces films tellement mauvais qu’ils en deviennent fascinants et que même leur réalisateur hésite à les assumer en public.
Lorsque je me suis gavé de bons films, j’éprouve un plaisir presque pervers à m’infliger quelques brillants ratages, allez savoir, c’est peut-être pour relancer l’appétit. C’est ainsi que je suis tombé sur ‘‘L’Empire’’, un film français avec Fabrice Lucchini. J’apprécie énormément Lucchini — surtout pour sa prose, moins pour son jeu d’acteur — mais là, il faut être honnête : j’ai été fier de moi, d’avoir été capable d’en venir au bout. Je lance d’ailleurs le défi à quiconque oserait s’y aventurer, tellement c’est mauvais, tellement c’est absurde, tellement les acteurs semblaient avoir été forcés de jouer. Et dire que ce chef-d’œuvre involontaire a coûté cinq millions d’euros…
Marche ou crève !
Le second film, ‘’The Long Walk’’ n’est pas vraiment un navet, mais il recycle un thème saturé, usé jusqu’à la corde. On y retrouve un mélange de ‘‘Divergente’’ et de ‘‘Hunger Games’’, c’est adapté d’un roman de Stephen King et ça se laisse par ailleurs regarder facilement, mais on connaît déjà le goût.
Le film imagine les États-Unis 19 ans après une guerre dévastatrice. Pour relancer l’économie en ruine, les autorités organisent une marche mortelle : cinquante volontaires — que des garçons, allez comprendre — avancent sans ligne d’arrivée. À moins de 5 km/h ou hors de la route, ils sont exécutés. Le dernier survivant gagne un trillion de dollars et un vœu exaucé sur-le-champ.
Tout cela est, évidemment, d’une absurdité totale, truffé de morale facile, à l’américaine, tellement épaisse qu’elle pourrait être vendue en tube. Ce qui retient l’attention, pourtant, n’est ni le suspense ni l’esthétique dystopique, mais le discours qui justifie la «grande marche», le discours qui justifie ce jeu macabre. Le bourreau explique : «Pour retrouver la prospérité, nous organisons cette marche afin de réapprendre la valeur du travail et l’éthique de l’effort. Après chaque édition, la production nationale augmente. Notre problème est une épidémie de paresse généralisée.»
De nombreux pays ont été confrontés à ce genre de crise — la stagnation, l’économie de rente, l’effondrement de la productivité — et s’en sont sortis. Le Japon, par exemple, a démantelé la rente et misé sur les PME et l’agriculture, avec la concurrence intérieure et l’huile de coude. La Corée du Sud, la Singapour et la Chine confirment la même équation : la valeur travail + la force des PME + un secteur agricole respecté = décollage économique.
Et puis il y a des pays schizophrènes — dont nous faisons tristement partie — qui dénoncent la rente et poursuivent les rentiers tout en préservant, intacte, une législation qui la consolide. Des pays où l’on accable les PME, où l’agriculteur est le citoyen le plus délaissé, où la politique économique, trop souvent, se réduit à une politique sociale présentée sur un ton compassionnel, qui finit par décourager l’effort plutôt que de le stimuler, qui victimise le travailleur, qui l’incite presque à la revendication stérile et implicitement à la paresse. A quoi peut-on s’attendre dans ces conditions ?
Une économie de navets
Ce n’est un secret pour personne et c’est limite apodictique : salarier tout le monde est impossible. Encourager les petits entrepreneurs est vital. Moderniser et soutenir l’agriculture n’est plus une option, c’est du bon sens à l’état pur.
Quant à l’élite qui s’en va, ce n’est pas un manque de patriotisme comme le prétendent les moralisateurs de la vingt-cinquième heure. Ces jeunes n’ont pas fui : ils ont été chassés. Quand le choix se limite à partir ou crever la bouche ouverte, l’exil devient une nécessité.
En résumé — et avant que cela ne devienne aussi ennuyeux qu’un mauvais film — ce pays a besoin de réformes simples : libérer l’entreprise, faciliter l’accès à l’entrepreneuriat, cesser de faire payer le secteur organisé pour compenser l’informel et surtout, mais surtout sanctifier l’effort et la valeur travail.
Autrement, nous continuerons à produire des navets — économiques cette fois — moins divertissants que ceux du cinéma. Et n’oublions jamais que, même quand tout est raté, il reste toujours une morale à sauver.
La philosophie a été kidnappée. Elle a été arrachée aux agoras, aux cafés, aux rues et aux consciences individuelles pour être emprisonnée dans des facultés aseptisées. Ce que l’on enseigne aujourd’hui sous ce nom n’est trop souvent qu’un simulacre, une momie intellectuelle que l’on commente à l’infini sans jamais lui redonner souffle. Les philosophes médiatiques, quant à eux, sont les bouffons de ce système, des faiseurs d’opinion qui recyclent le bruit ambiant en pseudo-pensée. Mais la philosophie véritable, celle qui mord sur le réel, n’a pas disparu. Elle a déserté les lieux de son supplice pour se réfugier dans le feu de l’acte créateur.
Abdelhamid Larguèche *
La philosophie institutionnelle est une imposture. Elle a oublié que son père fondateur, Socrate, philosophait non pas dans un amphithéâtre, mais sur la place publique. Elle a surtout oublié l’exemple magistral d’Ibn Khaldun, dont les pérégrinations à travers le Maghreb et l’Andalousie furent la matrice vivante de sa pensée. Ce n’est pas dans le silence d’une bibliothèque qu’il élabora sa Muqaddima, mais au contact des tribus, des cours princières, des champs de bataille et des marchés. Sa théorie de la ‘asabiyya (cohésion sociale) et des cycles civilisationnels naquit de l’observation directe des réalités politiques et économiques les plus concrètes, mêlant réflexion méditative et expérience pratique dans un dialogue permanent avec le monde.
L’héritage combattant bafoué
Cet esprit de combat n’a jamais cessé de hanter la vraie philosophie. Marx et Engels ne rédigeaient pas le Manifeste du Parti communiste pour le plaisir de la spéculation abstraite, mais pour armer les prolétaires d’une conscience de classe, transformer la misère quotidienne en force révolutionnaire. Leur célèbre phrase «Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde diversement ; il s’agit de le transformer» est un acte d’accusation contre toute pensée désincarnée.
Quelques décennies plus tard, un écrivain, Émile Zola, héritait de ce courage avec son J’accuse!. Ce n’était pas un texte littéraire de plus, c’était un acte philosophique pur : risquer sa réputation, sa liberté, sa vie pour la vérité et la justice d’un officier juif injustement condamné. Il incarnait la pensée en action, refusant la distance confortable de l’intellectuel qui observe depuis sa tour d’ivoire.
Aujourd’hui, que reste-t-il de ce combat ? Une caste de spécialistes qui parlent une langue morte, autiste, pratiquant avec délice la «distanciation» face aux crises qui brûlent le monde. Cette distanciation n’est que le nom savant de la lâcheté, l’exact contraire des pérégrinations khaldouniennes qui engageaient le corps et l’esprit dans la compréhension du réel. C’est la trahison suprême de l’héritage de Socrate, d’Ibn Khaldun, de Marx, de Zola. On a stérilisé la pensée, on l’a coupée de ses racines : la colère, la passion, le désespoir et l’espoir des femmes et des hommes.
L’art, dernier bastion de la pensée en révolte
Face à cette trahison, l’art est devenu la nouvelle guérilla philosophique. Là où le professeur pontifie sur l’aliénation sans jamais affronter le système qui la produit, l’artiste la rend palpable. Là où l’un disserte sur «le mal», l’autre, comme Goya, grave l’horreur de la guerre dans Los Desastres. Là où l’un théorise «le temps», l’autre, comme Chadi Abdel Salam, le rend palpable, structurant comme dans La Momie.
L’artiste est l’héritier direct du philosophe-séditieux, du penseur en mouvement. Comme Ibn Khaldun parcourant les routes pour comprendre les mécanismes de l’histoire, l’artiste arpente les territoires mouvants de la sensibilité contemporaine. Il ne représente pas la pensée; il la fait. Avec ses mains, avec la matière, avec son corps. Il pense en sculptant, en filmant, en peignant. Il se souvient que la philosophie n’est pas une discipline, mais une intensité, un engagement total.
L’IA, nouveau champ de bataille
L’intelligence artificielle (IA), loin d’être une menace pour la pensée, est une gifle salutaire. Elle nous force à cesser de nous adorer nous-mêmes. Que vaut notre «génie créateur» face à une machine qui synthétise et compose ? Notre «libre arbitre» face à un algorithme qui prédit ? C’est une occasion unique de rejouer les grands débats philosophiques, non plus dans l’abstrait, mais dans le concret le plus brutal.
L’IA est le nouveau désert que nous devons traverser, la nouvelle géographie mentale où doivent s’engager nos pérégrinations, comme Ibn Khaldun en son temps. Elle nous interpelle dans la rue numérique : «Connais-toi toi-même, si tu l’oses encore.»
Pour un philosophe en permanente sédition
Le philosophe de demain doit cesser d’être un notaire du passé. Il doit redevenir un dissonant, un pirate des significations établies, un pèlerin du réel à la manière d’Ibn Khaldun. Il n’a pas de chaire, il a un atelier, un studio, un code à écrire, des routes à parcourir. Il est plasticien, cinéaste, poète ou codeur. Son œuvre n’illustre pas un concept; elle «est» le concept en acte. Sa mission n’est pas de répondre, mais de déranger, de créer des brèches dans le confort mental, de maintenir ouvertes les plaies du questionnement.
La philosophie n’est pas morte. Elle a simplement déserté les facultés pour rejoindre la résistance. Elle est dans le geste de l’artiste qui défie, dans le code du développeur qui interroge, dans le corps du danseur qui incarne, dans les pérégrinations de ceux qui, refusant le confort du bureau, vont chercher la pensée au cœur des turbulences du monde. Le vrai philosophe aujourd’hui n’est pas celui qui parle d’une vie qu’il ne vit pas. C’est celui qui se tait, serre les dents, et crée.
Marseille a marché. Pas seulement pour un hommage, mais pour dire non à la violence qui tue dans les rues, à la criminalité qui ronge la ville, à l’oubli qui tente d’effacer les vies fauchées. Samedi 22 novembre 2025, près de 7 000 personnes ont répondu à l’appel des Kessaci et ont participé à une marche blanche pour Mehdi, assassiné en plein jour, au cœur de Marseille.
Latif Belhedi
Le cortège, silencieux mais déterminé, avançait vers le rond-point Claudie Darcy, là où Mehdi a été tué. Des bougies, des œillets, des t-shirts blancs : autant de gestes symboliques qui transformaient la douleur en force collective. Les habitants de tous âges, de tous quartiers, marchaient côte à côte, partageant une même indignation.
Amine Kessaci, frère de Mehdi et militant écologiste engagé contre le narcotrafic, avait préparé un message enregistré. Sa voix, à la fois tendre et ferme, résonnait dans la foule : «Retenez son nom, mille fois répétez son nom, qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Pour nos quartiers, pour nos familles, levons-nous. Debout ! Debout ! Debout !» Ce n’était pas seulement un hommage, mais un appel à la dignité et à la résistance.
Trop de familles pleurent en silence
La mère de Mehdi, Ouassila, a pris la parole. Sa voix, tremblante mais forte, a porté dans la foule : «Que direz-vous à vos enfants et à vos mères ? Sont-elles fières de vous comme je suis fière de mes enfants, de mon fils ?» Elle a dénoncé la violence qui frappe les innocents et la passivité des pouvoirs publics : «Trop d’innocents tombent ou sont tombés. Trop de familles pleurent en silence.» Des mots simples, directs, qui ont fait trembler le silence de la marche.
Marseille n’était pas là pour seulement rendre hommage. Elle était là pour montrer sa force, son refus de céder à la peur. Juliette, 52 ans, formatrice, témoigne : «À force d’abandonner nos quartiers, voilà ce qui arrive. Cette marche, c’est pour que nos enfants n’aient plus peur de marcher dehors.» Fabienne Vie, orthophoniste, ajoute : «Il y a deux Marseille : celle qui vit dans la violence et celle qui continue malgré tout. Il faut sortir de cette inconscience.»
Des responsables politiques, de la gauche à l’extrême droite, étaient présents, mais c’est la voix des habitants qui dominait. Benoît Payan, maire de Marseille, a rappelé que Mehdi avait été tué pour intimider sa famille : «Mais nous ne céderons pas à la peur.» Dans cette marche blanche, la peur n’avait pas sa place.
Le narcotrafic n’est pas un problème lointain, il est là, dans les rues, dans les familles. Sophie, venue de Champigny-sur-Marne, insiste : «Ce n’est pas seulement Marseille, c’est partout. Le narcotrafic gangrène notre société.»
Le symbole d’une ville debout
Amine Kessaci et les participants rappellent que la lutte contre la violence ne peut se réduire à la répression : elle exige prévention, justice sociale et solidarité.
La marche blanche s’est terminée par un recueillement au lieu où Mehdi a été assassiné. Fleurs et bougies ont été déposées, et les slogans de la famille résonnaient encore : «Pour nos vies, levons-nous. Plus d’égalité, moins de criminalité.» La douleur s’est transformée en force collective, la mémoire en symbole d’engagement.
Cette marche blanche a montré que Marseille refuse l’injustice. Mehdi Kessaci n’est plus seulement un nom, il est devenu le symbole d’une ville debout, d’une communauté qui refuse la peur et exige justice. Ce n’était pas seulement une marche : c’était un acte de résistance, une promesse que la vie, la mémoire et la dignité triompheront toujours sur la violence.
La 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire s’est achevée au théâtre de l’Opéra du Caire par une cérémonie de clôture placée sous le signe de la mémoire et de la responsabilité du cinéma. La soirée s’est ouverte sur l’image de la petite Hind Rajab, accompagnée de l’enregistrement de sa voix. Ce sont ces appels que le monde entier a entendus : la voix d’une enfant palestinienne de Gaza, qui a appelé à l’aide pendant trois heures après avoir vu les membres de sa famille tués sous ses yeux par l’armée israélienne, avant d’être elle-même tuée. Elle n’avait que six ans.
Le président du festival, Hussein Fahmy, est alors monté sur scène pour rappeler que ce que le public venait d’entendre pourrait, à première écoute, ressembler à une scène de cinéma, mais qu’il s’agissait d’une réalité tragique. Il a insisté sur le fait que la force du cinéma réside dans sa capacité à documenter, à préserver les histoires vraies et à empêcher qu’elles ne soient effacées, quels que soient les efforts pour les ignorer. Il a souligné que Hind, son histoire et sa voix resteraient présentes, et que les enfants qui lui ressemblent ne sont pas des chiffres, mais des êtres humains de chair et de sang.
Hussein Fahmy a ensuite indiqué qu’il se réjouissait que le film de clôture de cette 46ᵉ édition soit La Voix de Hind Rajab, de Kaouther Ben Hania, un film qui revient précisément sur cet appel, sur les circonstances de la mort de l’enfant et sur la manière dont ce moment a été enregistré puis diffusé. Ce choix de clôture affirme la volonté du festival de placer au centre la question de la mémoire et du témoignage.
Dans la suite de son discours, il est revenu sur les différents volets de cette édition : les films en compétition, les films restaurés qui attirent toujours un public nombreux, les ateliers, les masterclasses, ainsi que le Marché du film qui a rassemblé de nombreux professionnels. Il a remercié les institutions égyptiennes qui ont soutenu cette édition, en particulier le ministère de la Culture dirigé par le Dr Ahmed Fouad Henawy, ainsi que les autres ministères concernés, l’Autorité égyptienne du tourisme, le gouvernorat du Caire et l’Opéra égyptienne. Il a enfin félicité le peuple qatari pour le lancement du festival de Doha et annoncé la signature d’un accord de coopération entre le Festival du Caire et la Qatar Media City Film Commission, destiné à développer une collaboration stratégique autour de la production et de la circulation des films arabes.
Avant la divulgation du palmarès et la remise des prix, plusieurs hommages ont été rendus à des figures marquantes du cinéma international et égyptien. Le réalisateur chinois Guan Hu a été honoré pour l’ensemble de sa carrière et pour sa contribution au rayonnement du cinéma asiatique contemporain. La cinéaste hongroise Ildikó Enyedi, qui avait animé une masterclasse remarquée au cours de cette édition, a également reçu un hommage spécial, saluant une œuvre singulière et profondément ancrée dans la réflexion sur l’identité et le regard. Le directeur de la photographie égyptien Mahmoud Abdel Samie a lui aussi été honoré pour l’ensemble de sa carrière. Dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion, il est revenu sur son engagement pour la préservation du patrimoine cinématographique égyptien et a annoncé que des discussions sont en cours pour l’ouverture, dans les prochaines années, d’un Musée du Cinéma en Égypte — un projet qu’il suit de près.
CIFF 2025 – La réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi et son trophée
Une fois ce cadre posé, la cérémonie a enchaîné avec l’annonce du palmarès.
Dans la compétition internationale, présidée par Nuri Bilge Ceylan, avec Basma, Bogdan Mureșanu, Joan Hu, Nadine Khan, Simona Paggi et Leyla Bouzid, la Pyramide d’or du meilleur film a été attribuée à Dragonfly de Paul Andrew Williams. Le prix de la meilleure interprétation féminine a été décerné ex aequo aux deux actrices principales de ce film, Andrea Riseborough et Brenda Andrew Williams. La Pyramide d’argent du meilleur réalisateur est revenue aux frères Tarzan et Arab Nasser pour Once Upon a Time in Gaza, tandis que le prix du meilleur acteur a récompensé Majd Eid pour le même film. Once Upon a Time in Gaza a également reçu le prix du meilleur long métrage arabe, ce qui porte à trois le nombre de prix obtenus par ce titre au Caire.
Once Upon a Time in Gaza, coproduction entre la France, la Palestine, l’Allemagne, le Portugal, le Qatar et la Jordanie, se déroule à Gaza en 2007. Le film suit Yahiya, un étudiant, et Osama, un trafiquant de drogue au bon cœur, qui se retrouvent associés et vendent de la drogue depuis un restaurant de falafels. Leur activité les met en présence d’un policier corrompu et arrogant, et les pressions s’accumulent progressivement, jusqu’à faire apparaître la fragilité des liens, la violence des rapports de pouvoir et la dureté des conditions de vie dans une société en crise. Le film avait fait sa première à Cannes, où il avait déjà obtenu un prix de mise en scène, avant d’arriver au Caire avec ce parcours déjà bien entamé.
CIFF 2025 – Le film « Once upon a time in Gaza » remporte trois prix
La Pyramide de bronze, prix spécial du jury, a distingué As We Breathe du réalisateur Seamus Alton.
Le prix Naguib Mahfouz du meilleur scénario a été attribué à The Things You Kill d’Alireza Khatami. Ce film (Turquie, Canada, France, Pologne, 2025, 113 minutes), sélectionné en compétition internationale et présenté par le Canada pour l’Oscar du meilleur film international, suit Ali, professeur de littérature installé en Turquie après des années passées aux États-Unis. La mort de sa mère l’oblige à revenir dans la maison familiale et fait remonter à la surface une enfance marquée par un père autoritaire et une mère silencieuse. L’arrivée de Reza, un jardinier qu’Ali engage, introduit un trouble supplémentaire : cet homme devient peu à peu le révélateur des zones obscures de son histoire. Le film avance par réminiscences, objets, gestes et non-dits, pour interroger la filiation, la culpabilité, la transmission de la violence et la peur de la reproduire au moment où Ali tente de devenir père à son tour. En plus du prix du scénario, The Things You Kill a également reçu le prix FIPRESCI de la critique internationale, ce qui en fait l’un des films les plus distingués de cette édition.
Le prix Henri Barakat de la meilleure contribution artistique a récompensé la photographie de Sand City, signée Matthew Gio Mbini.
Dans la section Horizons du cinéma arabe, le jury composé d’Abdel Salam Moussa, Nadia Dristi et Karim Aïtouna a remis le prix du meilleur scénario au très beau Complaint No. 713317 de Yasser Shafiei, dont c’est le premier long métrage. Le prix Salah Abou Seif, prix spécial du jury, est allé à Anti-Cinema du réalisateur Ali Saïd. Le grand prix Saad Eddine Wahba du meilleur film arabe a distingué Dead Dog (Kalb Saken) de la cinéaste libanaise Sarah Francis.
Le prix de la meilleure interprétation féminine dans cette section a été attribué à Afef Ben Mahmoud pour son rôle dans Round 13 de Mohamed Ali Nahdi. Le film arrive au Caire directement après sa participation au festival de Tallinn. Il suit une famille tunisienne confrontée à la maladie d’un enfant et explore, à travers ce noyau familial, la douleur, la dignité et le poids des difficultés sociales qui s’ajoutent à l’épreuve intime. C’est dans ce cadre qu’Afef Ben Mahmoud incarne une mère aux prises avec une situation qui dépasse ses forces, entre inquiétude, responsabilité et épuisement. Le film s’attache aux gestes du quotidien, aux regards, à la tension qui s’installe au sein de la famille, et c’est à partir de là que se construit le rôle qui lui a valu ce prix.
Du côté des documentaires, le Festival du Caire a annoncé la victoire de Souraya mon amour de Nicolas Khoury. Ce film libano-qatari, en arabe, d’une durée de 81 minutes, plonge dans l’univers de l’artiste Souraya Baghdadi et revient sur la relation qui l’unissait à son mari, le réalisateur Maroun Bagdadi, plus de trente ans après sa mort. Le documentaire se construit à partir d’extraits de Petites guerres (1982), où Maroun Bagdadi avait filmé leur première rencontre, ainsi que d’archives personnelles et d’entretiens. Il s’intéresse notamment au rapport de Souraya à son corps après des années de danse et de méditation, et interroge la manière dont le deuil et la mémoire se tissent dans le temps.
Le prix du public Youssef Sherif Rizkallah, doté de 15 000 dollars, a été remis à One More Show (Dayel ‘Anna ‘Ard) de Mai Saad et Ahmed al-Danf. Le film se déroule au cœur de la destruction à Gaza et suit la troupe du Free Gaza Circus – Youssef, Batout, Ismail, Mohamed et Just – contrainte au déplacement du nord de Gaza vers le sud. Malgré les ruines, ces artistes de cirque continuent à se produire pour les enfants dans les abris et dans les rues, transformant leurs numéros en acte de résistance et en geste de consolation.
Le prix NETPAC du meilleur film asiatique a été attribué à The Botanist de Jing Yi, dans le cadre de l’engagement du festival en faveur de la visibilité des cinémas asiatiques.
La compétition des courts métrages, présidée par la réalisatrice thaïlandaise Boom Boonsermvicha, avec l’actrice égyptienne Tara Emad et le cinéaste suisse Anas Sarin, a vu le prix Youssef Chahine du meilleur film court attribué à Cairo Streets (Shawarei al-Qahira) du réalisateur Abdallah al-Tayea. Le prix du meilleur film arabe court est revenu à Teta w Teta (Two Tetas) de Lynn al-Safah, et le prix spécial du jury a récompensé A Very Straight Neck de Niu Sora.
Au milieu d’un palmarès dense et riche, un manque reste toutefois visible : le film Calle Málaga de Maryam Touzani repart sans aucun prix. Depuis sa projection, critiques et spectateurs n’avaient cessé d’en parler en termes élogieux, le décrivant comme un très beau film, une véritable ode à la vie et un condensé d’émotions. Son absence du palmarès a suscité de nombreux commentaires à la sortie de la cérémonie et sur les réseaux sociaux, chacun essayant de comprendre et d’expliquer cette absence, le film répondant à tous les critères pour remporter tous ces prix : un très beau scenario, une belle mise en scène et une interprétation remarquable de la part de son actrice principale Carmen Maura, sans oublier les couleurs, la chaleur du film, les belles photographies…
La soirée s’est achevée avec la projection de La Voix de Hind Rajab, confirmant le fil conducteur de cette clôture : un festival qui, au-delà des récompenses, interroge la manière dont le cinéma garde trace des voix, des visages et des histoires que l’on aurait trop facilement tendance à laisser disparaître.
Parmi les rares pays à avoir maintenu un cap démocratique après les soulèvements arabes de 2011, la Tunisie avait incarné une promesse fragile.
Liberté d’expression, élections pluralistes, société civile active… autant de conquêtes saluées par les chancelleries occidentales.
Une ère qui précède l’entrée en vigueur de l’article 54, dont l’adoption a marqué un tournant dans le cadre juridique encadrant la liberté d’expression. Depuis, les acteurs médiatiques et les internautes évoluent dans un climat de vigilance croissant, redoutant que certains de leurs propos soient considérés comme diffamatoires ou susceptibles de porter atteinte à l’image du pays.
Et derrière la vitrine politique, une réalité économique s’effondre. Chômage endémique, dette publique galopante, disparités régionales criantes : la transition tunisienne est en panne. Le soutien international, censé accompagner une transition politique et économique qui a trop duré semble à la fois timide, désordonné et parfois contre-productif.
Une voix éclairante : Sabina Henneberg
Sabina Henneberg, chercheuse principale au Washington Institute for Near East Policy, spécialiste de l’Afrique du Nord vient de publier au “Journal of International Affairs” de Columbia University, un long article récapitulatif des 10 années post 14 janvier 2011 (2011-2021) *. Son regard croisé sur les enjeux politiques et économiques tunisiens éclaire les limites du soutien international et les défis d’une transition durable.
(La traduction ci-dessous de son article ne prétend pas à l’exhaustivité, mais vise à restituer les principaux éléments de son proposé).
Les réformes imposées par les bailleurs internationaux manquent de légitimité locale. Faute d’ancrage national, elles n’ont pas réussi à améliorer la situation économique.
Une décennie de réformes… pour quels résultats ?
Depuis 2011, les gouvernements tunisiens se succèdent, porteurs de promesses de redressement. Mais les réformes structurelles, souvent dictées par les bailleurs internationaux, peinent à produire des effets tangibles, estime Sabina.
Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’Union européenne et d’autres partenaires ont proposé des plans d’aide, conditionnés à des ajustements budgétaires stricts : réduction des subventions, gel des salaires publics, privatisations…
Résultat : une population désabusée, une classe moyenne fragilisée, et une jeunesse qui regarde vers l’exil. Les réformes, perçues comme imposées de l’extérieur, manquent de légitimité sociale. Elles ne s’inscrivent pas dans une vision nationale partagée, mais dans une logique technocratique souvent déconnectée des réalités locales.
Un soutien international aux effets ambigus
Sabina Henneberg rappelle que peu d’études ont analysé le rôle de la communauté internationale dans cette transition économique insoutenable. Riccardo Fabiani (2018) a souligné que les bailleurs internationaux, séduits par les avancées démocratiques apparentes de la Tunisie, ont continué à fournir une « aide financière abondante et bon marché », malgré l’incapacité du pays à mettre en œuvre les réformes économiques requises.
De son côté, Robert Kubinec (2016) a mis en garde contre les risques liés à l’ignorance du népotisme et de l’inefficacité, qui pourraient compromettre les acquis plus larges de la Tunisie. À ce jour, aucune recherche n’a examiné de manière systématique les raisons pour lesquelles le soutien déclaré de la communauté internationale au processus de réforme économique tunisien a échoué aussi profondément d’ici 2021.
Le soutien international, malgré son importance, reste marqué par l’hésitation et l’incohérence. Cette dynamique a parfois amplifié les fragilités économiques.
Une décennie d’assistance… sans transformation
À la suite de la révolution tunisienne de 2011, le pays a reçu diverses formes d’assistance de la part de ses partenaires internationaux. Les premiers bailleurs à intervenir furent la Banque mondiale, qui a rapidement débloqué un prêt d’appui aux politiques de développement de 500 millions de dollars, ainsi que l’Union européenne, l’Agence française de développement (AFD) et la Banque africaine de développement (BAD).
En juin 2013, le Fonds monétaire international (FMI) a signé un accord de confirmation de 24 mois d’un montant de 1,74 milliard de dollars avec la Tunisie, suivi en 2016 d’un accord élargi de 36 mois pour un montant de 2,83 milliards de dollars.
Ces programmes visaient à stabiliser la situation macroéconomique du pays et à offrir un « espace de respiration » pour permettre la mise en œuvre de réformes de gouvernance et économiques à plus long terme.
Mais ce souffle espéré n’a jamais vraiment pris. Les aides, souvent conditionnées à des mesures d’austérité, ont creusé le fossé entre les institutions et les citoyens. Le soutien devient alors un facteur d’instabilité, au lieu d’être un levier de transformation.
Les conditionnalités imposées au nom de la stabilité budgétaire ont accentué la rupture entre les citoyens et leurs institutions, au lieu de favoriser la confiance.
Repenser l’aide : vers un pacte de confiance
Face à ce constat, plusieurs voix s’élèvent pour appeler à un changement de paradigme. Il ne s’agit pas de renoncer aux réformes, mais de les inscrire dans une démarche inclusive, adaptée aux spécificités tunisiennes. Cela implique :
une écoute réelle des acteurs locaux : syndicats, PME, associations, collectivités… Ce sont eux qui portent l’économie réelle ;
un soutien aux initiatives communautaires : agriculture durable, économie sociale, innovation locale ;
une valorisation du rôle des jeunes et des femmes : non comme bénéficiaires passifs, mais comme moteurs du changement.
une relecture des conditionnalités : pour éviter qu’elles ne deviennent des instruments de pression, au détriment de la souveraineté nationale ;
La Tunisie ne demande pas la charité. Elle appelle à un partenariat lucide, respectueux, fondé sur la co-construction. Un pacte de confiance, et non une tutelle déguisée.
La Tunisie dispose d’une jeunesse inventive et d’une société civile active. Ce qui lui fait défaut aujourd’hui, c’est un soutien international cohérent, stable et durable.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le moment est critique. La Tunisie vacille, mais elle n’a pas renoncé. Sa jeunesse est inventive, sa société civile est vivante, ses régions regorgent d’initiatives. Ce qu’il lui manque, ce n’est pas la volonté, mais un cadre de soutien cohérent, patient, et respectueux relève Sabina Henneberg.
À l’heure où les crises se multiplient, où les démocraties sont mises à mal, soutenir la Tunisie n’est pas un geste diplomatique. C’est un acte politique. Un choix de civilisation.
Et si, pour une fois, l’aide internationale osait la confiance ?
La Tunisie ne demande pas qu’on parle en son nom. Elle demande qu’on l’écoute, qu’on la soutienne, et qu’on la respecte.
Sabina Henneberg est l’autrice de Managing Transition : the First Post-Uprising Phase in Tunisia and Libya (Cambridge University Press, 2020), une analyse approfondie des dynamiques post-révolutionnaires dans les deux pays.
EN BREF
La Tunisie fait face à une crise économique persistante malgré une décennie d’aide internationale.
Les réformes imposées par les bailleurs souffrent d’un manque de légitimité et produisent peu d’effets tangibles.
Les mesures d’austérité ont fragilisé la classe moyenne et accentué la défiance citoyenne.
Un changement de méthode est demandé : inclusion des acteurs locaux, soutien aux initiatives communautaires et révision des conditionnalités.
La Tunisie appelle à un partenariat fondé sur la confiance plutôt qu’une tutelle.