Normale Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.
Ältere BeiträgeHaupt-Feeds

ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

05. August 2025 um 06:03

Alors que les grandes puissances redessinent les lignes de fracture de l’économie mondiale à coups de barrières tarifaires, de restrictions technologiques et de relocalisations industrielles, un vieux spectre resurgit : celui du mercantilisme. Sous son nouveau visage – le néomercantilisme – il ne s’agit plus de coopérer, mais de dominer. La mondialisation s’effrite, les blocs se reforment et les plus faibles risquent d’en payer le prix fort. Pour la Tunisie, le défi est clair : ne pas sombrer dans le mimétisme stratégique, mais inventer une souveraineté économique adaptée à ses réalités et à ses atouts.

Le retour brutal des États-puissance

Depuis la pandémie de Covid-19 et la montée des tensions géopolitiques, l’économie mondiale n’est plus guidée par le libre-échange ou les règles communes. Elle est désormais le terrain d’un affrontement feutré mais implacable entre grandes puissances. Les États-Unis imposent des droits de douane massifs, l’Europe subventionne ses industries « vertes », la Chine verrouille ses exportations stratégiques. Tous avancent un même objectif : sécuriser leurs intérêts nationaux dans un monde devenu instable. Cette montée en puissance des États s’accompagne d’un durcissement des accès aux marchés, aux technologies et aux ressources, au détriment des pays qui n’ont pas les moyens de riposter.

Un monde fermé aux économies vulnérables

La nouvelle architecture économique mondiale se structure en blocs. Ceux qui dictent les règles d’accès aux circuits financiers, aux innovations technologiques ou aux ressources naturelles ne sont plus dans une logique de partage, mais de contrôle. Pour les économies émergentes et en développement, cette fermeture est synonyme de marginalisation. La Tunisie, comme d’autres pays du Sud, risque de se retrouver enfermée dans une périphérie stratégique, exposée à des conditionnalités plus sévères et à une dépendance accrue vis-à-vis de flux exogènes.

Le piège de l’imitation

Dans ce contexte, la tentation est grande de calquer les choix des grandes puissances : protectionnisme, relocalisation, préférence nationale. Mais cette voie serait dangereuse pour un pays comme la Tunisie. Elle ne dispose ni d’un marché intérieur suffisant, ni de marges budgétaires, ni d’un appareil productif assez robuste pour soutenir une économie fermée. Adopter ces recettes sans les moyens d’en assumer les conséquences reviendrait à créer des niches étroites, inefficaces, coupées de l’innovation et de la compétitivité internationale.

Une souveraineté économique ouverte et maîtrisée

La Tunisie ne peut se permettre un repli. Elle doit au contraire bâtir une souveraineté économique lucide et intelligente. Cela implique de repenser son intégration mondiale, non pas en la refusant, mais en en maîtrisant les termes. La souveraineté ne consiste pas à s’isoler, mais à choisir ses dépendances, à diversifier ses partenariats, à anticiper les mutations et à renforcer ses capacités à négocier. L’avenir tunisien se joue dans sa capacité à s’insérer dans des alliances régionales solides – notamment avec l’Afrique et la Méditerranée – et à identifier les créneaux technologiques et industriels porteurs, en lien avec ses ressources et ses compétences.

La crise du multilatéralisme, une opportunité à saisir

Ce basculement vers le néomercantilisme s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un affaiblissement du multilatéralisme. Les institutions internationales perdent de leur influence, les règles communes vacillent, les rapports de force prennent le dessus. Ce vide normatif crée une instabilité globale, mais aussi un espace pour inventer autre chose. La Tunisie ne doit pas se contenter d’être spectatrice de cette recomposition, ni se soumettre à des modèles extérieurs. Elle peut, si elle le décide, devenir un acteur stratégique de cette transition mondiale, en misant sur l’innovation, la formation, la diplomatie économique et la projection régionale.

Inventer une voie tunisienne dans un monde fragmenté

Le néomercantilisme n’est pas une fatalité, mais un symptôme du désordre global. La Tunisie doit éviter deux écueils : celui de l’isolement et celui de la soumission. Elle a la possibilité de définir une voie originale, fondée sur la résilience, l’intelligence collective et le choix stratégique de ses interdépendances. Dans ce nouveau monde, la souveraineté ne se proclame pas à grand renfort de discours, elle se construit dans le détail des décisions, des alliances et des investissements.

In fine, penser l’après-mondialisation, pour la Tunisie, ce n’est pas tourner le dos à la mondialisation, mais refuser d’en subir les dérives. C’est affirmer une capacité à exister autrement, à faire entendre sa voix, à participer pleinement à la reconfiguration du monde – non pas comme un simple rouage, mais comme un acteur à part entière.

 

A suivre…

 

————————————-

 

Article en relation:

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/2)

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3) est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ?

04. August 2025 um 06:01

La récente publication de l’IACE sur « Le néomercantilisme : vers la formation d’un nouveau système économique mondial » s’inscrit dans un contexte de turbulences internationales où la globalisation, autrefois vecteur de convergence, semble aujourd’hui éclatée en sphères d’influence, tensions commerciales et nationalismes économiques.

Le constat proposé par l’Institut est factuellement rigoureux mais idéologiquement lisse. Derrière la neutralité du propos se dessine une profonde mutation du capitalisme mondial : une transformation où les logiques de coopération cèdent la place à des stratégies de puissance, et où l’intérêt national supplante toute ambition collective.

 

Du mercantilisme classique à sa résurgence contemporaine : l’illusion de la continuité

Le texte établit un parallèle historique entre le mercantilisme des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles et sa forme contemporaine. À première vue, le lien semble pertinent : la volonté d’accumulation, la primauté de l’export sur l’import, la centralité de l’État dans la stratégie économique. Mais ce rapprochement masque des différences fondamentales.

Le mercantilisme classique s’inscrivait dans un monde de monarchies absolues, d’empires coloniaux et de monnaies métalliques. Le néomercantilisme actuel, lui, s’implante dans une économie financiarisée, interconnectée, où les flux immatériels (données, brevets, normes, capitaux) pèsent souvent davantage que les marchandises. Ce que nous appelons aujourd’hui néomercantilisme est moins un retour qu’un recyclage – un habillage idéologique d’un capitalisme d’État stratège, interventionniste, technologique, profondément asymétrique.

 

La souveraineté économique : impératif stratégique ou prétexte hégémonique ?

La chronique de l’IACE insiste, à juste titre, sur les cinq piliers du néomercantilisme : autonomie technologique, protection des marchés, affirmation politique, sécurisation des ressources et contrôle des flux financiers. Ce cadrage est pertinent. Il reflète la volonté croissante des puissances – États-Unis, Chine, Europe – de réduire leur vulnérabilité structurelle face à un monde instable.

Mais ce positionnement, présenté comme un réflexe défensif, masque une réalité plus cynique : l’usage du néomercantilisme comme levier de puissance, souvent à sens unique. La « souveraineté économique » des puissants devient un instrument pour restreindre celle des autres. Par exemple, les sanctions technologiques imposées à la Chine, les restrictions sur les IDE dans les secteurs sensibles, ou encore les aides d’État massives sous couvert de transition écologique en Europe ne visent pas seulement à se protéger, mais à dominer, à verrouiller les rapports de dépendance.

 

La logique des blocs : vers une fragmentation géoéconomique du monde

L’un des angles morts de l’analyse réside dans la tendance à la bipolarisation, voire à la fragmentation du système économique mondial. Les politiques néomercantilismes, en renforçant les préférences nationales, les relocalisations et les exclusions réciproques, participent à l’érosion du multilatéralisme. L’OMC est marginalisée. Les accords bilatéraux supplantent les règles communes. Les normes deviennent des armes.

Le danger n’est pas théorique. Il est tangible : fragmentation des chaînes d’approvisionnement, inflation importée, compétition fiscale, explosion des subventions industrielles, guerre des brevets. Tout cela conduit à un « capitalisme géopolitique » dans lequel l’économie devient un champ de bataille permanent, sans arbitre, ni règles universelles.

 

Néomercantilisme et pays en développement : le piège de la périphérie

L’article ne dit presque rien sur la place des pays en développement dans ce nouvel échiquier. Or, pour des économies comme la Tunisie (nous y reviendrons), l’impact du néomercantilisme mondial pourrait être dévastateur. Dépendante des importations stratégiques (technologies, énergie, matières premières) et des marchés extérieurs pour ses exportations (agroalimentaire, composants automobiles, textile), la Tunisie risque de subir les effets collatéraux d’un repli protectionniste généralisé.

L’accès aux financements internationaux devient plus conditionné politiquement. Les normes imposées par les blocs dominants (règles d’origine, critères environnementaux, exigences technologiques) créent de nouveaux obstacles à l’intégration. Même les secteurs où la Tunisie pouvait espérer renforcer sa compétitivité – comme les services numériques – sont désormais verrouillés par des logiques de souveraineté technologique.

Face à cela, le risque pour la Tunisie serait de céder à la tentation mimétique : copier les politiques protectionnistes des grandes puissances sans disposer ni des marges budgétaires, ni des capacités industrielles, ni des leviers technologiques. Une souveraineté économique sans base productive ne serait qu’un slogan.

 

Un monde sans règles, ou un monde à réinventer ?

La chronique conclut que le néomercantilisme incarne une transition vers un nouveau système économique mondial. Mais elle ne dit pas si ce système sera plus juste, plus soutenable, ou plus stable. Or, c’est là que se situe l’enjeu central : dans l’absence d’une vision alternative.

Peut-on réellement bâtir un ordre économique fondé uniquement sur la compétition stratégique, la sécurisation des intérêts nationaux et la logique d’exclusion ? Le retour des États dans l’économie est nécessaire, mais leur repli sur eux-mêmes est dangereux.

Faut-il vraiment revenir au mercantilisme, ou ne vaudrait-il pas mieux redéfinir la souveraineté économique autour de la coopération régionale, de la solidarité technologique et d’une réforme du multilatéralisme ?

 

Souveraineté ou souverainisme économique ?

L’IACE a le mérite d’attirer l’attention sur un phénomène en pleine expansion. Mais en en faisant une évolution naturelle, presque inévitable, il court le risque de normaliser un processus profondément inégalitaire. Le néomercantilisme n’est pas une panacée. C’est une stratégie d’exception devenue système. Il peut répondre à des besoins de sécurité à court terme, mais il fragilise les fondements de l’économie mondiale à long terme.

Pour la Tunisie, comme pour les autres économies périphériques, la solution n’est pas de s’aligner aveuglément sur cette dynamique, mais de repenser ses leviers d’intégration, d’innovation et d’alliance. Il faut construire des espaces d’autonomie, certes, mais sans rompre avec les principes d’ouverture, de dialogue et d’équité. La souveraineté économique n’est pas un repli, c’est une capacité à choisir, à négocier et à inventer son propre modèle.

A suivre…

 

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ECLAIRAGE – Giorgia Meloni entre solidarité occidentale, intérêts méditerranéens et réalités géopolitiques

01. August 2025 um 14:00

Depuis son accession au pouvoir en octobre 2022, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, incarne un virage à droite de la politique italienne. Il est caractérisé par un atlantisme affirmé et un alignement stratégique sur les positions occidentales, notamment celles des États-Unis et d’Israël.

Sur la question palestinienne, Mme Meloni n’a pas dérogé à cette ligne : soutien explicite à Tel-Aviv; condamnation ferme du Hamas; et défense du « droit d’Israël à se défendre » comme principe non négociable.

Cette posture, bien que cohérente avec sa ligne idéologique et diplomatique, soulève néanmoins une série de tensions, tant sur le plan intérieur qu’international. En Italie, une partie de la société civile, du monde universitaire, de la gauche et des organisations catholiques expriment une solidarité historique envers le peuple palestinien, alimentée par les principes du droit international humanitaire. À l’extérieur, l’Italie est confrontée à un environnement méditerranéen où la cause palestinienne reste un facteur de sensibilité politique majeur.

La Méditerranée comme ligne de fracture

Le gouvernement Meloni est engagé dans une stratégie active de « Pacte pour l’Afrique », visant à renforcer l’influence de l’Italie dans le bassin méditerranéen et à endiguer les flux migratoires. Or, dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.

Les relations avec des partenaires clés du Sud souffrent ainsi d’un double discours. D’un côté, Rome affiche son ambition de devenir un pont entre l’Europe et l’Afrique. De l’autre, elle néglige la perception régionale du conflit israélo-palestinien, notamment après les offensives israéliennes récurrentes à Gaza. Ce déséquilibre complique l’agenda méditerranéen de Meloni, en particulier dans les enceintes de coopération multilatérale comme l’Union pour la Méditerranée (UpM) ou le Dialogue 5+5.

 

Dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.

 

Les contradictions d’une droite post-idéologique

Mme Meloni revendique l’héritage de la droite conservatrice. Et ce, tout en tentant de se démarquer du passé néofasciste du parti Fratelli d’Italia. Toutefois, sa position sur la question palestinienne révèle une continuité idéologique plus profonde. Celle d’un nationalisme identitaire pro-occidental, dans lequel la sécurité d’Israël est perçue comme une extension des intérêts européens.

Ce prisme conduit à une lecture sécuritaire du conflit, qui évacue les dimensions historiques, humanitaires et juridiques de la question palestinienne. Il en résulte une incapacité à proposer une diplomatie équilibrée, qui puisse conjuguer solidarité avec Israël et reconnaissance des droits légitimes des Palestiniens, notamment à un État viable et souverain.

Le dilemme stratégique de Rome

Face à l’enlisement du conflit et à la radicalisation des positions, Giorgia Meloni est confrontée à un dilemme stratégique : rester alignée sur la doctrine occidentale au risque de perdre toute capacité de médiation régionale; ou redéfinir une position plus nuancée, capable de parler à la fois à l’Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient.

Or, dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture. Le silence sur les exactions israéliennes, les frappes sur les civils, ou encore l’asphyxie de Gaza minent la crédibilité morale et politique de Rome dans les fora internationaux.

 

Dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture.

 

Entre fidélité idéologique et aveuglement géopolitique

La position de Giorgia Meloni sur la question palestinienne illustre les limites d’un tropisme idéologique non adapté à la complexité du théâtre méditerranéen. En s’enfermant dans une solidarité exclusive avec Israël, l’Italie compromet son ambition de leadership régional et se prive d’un rôle constructif dans une paix durable au Proche-Orient. Pour redevenir un acteur crédible, Rome devra tôt ou tard réintroduire dans sa diplomatie les principes de justice, d’équilibre et de souveraineté, sans quoi la Méditerranée lui restera fermée.

—————————–

Articles en relation: 

Migrants irréguliers : Saïed rejette le rôle de gendarme pour l’Europe

ECLAIRAGE – Le retour de l’axe Carthage-Rome : vers une Méditerranée stratégique partagée

 

 

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Giorgia Meloni entre solidarité occidentale, intérêts méditerranéens et réalités géopolitiques est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ECLAIRAGE – Le retour de l’axe Carthage-Rome : vers une Méditerranée stratégique partagée

31. Juli 2025 um 16:39

Au cœur d’une Méditerranée en recomposition, le rapprochement stratégique entre la Tunisie et l’Italie prend des allures de recentrage historique. Loin d’un simple partenariat bilatéral, cette relation se réinvente autour de défis partagés, d’ambitions énergétiques, de préoccupations migratoires et d’un nouvel équilibre géopolitique. Dans un contexte où les grands axes traditionnels sont fragilisés, l’axe Carthage-Rome réémerge comme l’un des plus crédibles, porteurs d’un projet commun de stabilité, de prospérité et d’intégration régionale.

Une relation historique, réactivée par les réalités contemporaines

L’Italie et la Tunisie ont toujours été liées par une proximité géographique évidente, mais aussi par une histoire dense faite d’échanges, de rivalités, de migrations et d’interdépendance. Si cette relation fut longtemps cantonnée à une diplomatie de voisinage, marquée par une coopération commerciale et culturelle classique, elle s’est, depuis peu, transformée en un véritable partenariat stratégique. Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

Cette convergence s’est accélérée sous l’effet conjugué de la crise énergétique mondiale, de la reconfiguration des flux migratoires, de l’instabilité au Sahel et de la nécessité pour l’Europe de repenser ses partenariats au sud. L’Italie ne se contente plus de regarder vers l’Est et le Nord : elle revient vers le Sud avec une stratégie claire, où la Tunisie occupe une place centrale.

 

Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

 

Un pacte énergétique au cœur du nouvel agenda

La transition énergétique est devenue un pilier du partenariat tuniso-italien. L’interconnexion électrique ELMED, projet emblématique soutenu activement par les deux gouvernements, vise à relier la Tunisie au réseau européen via la Sicile. Cette initiative, stratégique à plusieurs niveaux, permet à la Tunisie de s’ériger en futur corridor énergétique pour l’Europe, en valorisant son potentiel en énergies renouvelables. Pour l’Italie, il s’agit d’ancrer durablement sa position de plaque tournante énergétique en Méditerranée, particulièrement depuis que la guerre en Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité des dépendances gazières vis-à-vis de la Russie.

Cette coopération énergétique dépasse le simple échange technique : elle illustre une vision partagée d’une Méditerranée intégrée, solidaire et résiliente face aux chocs extérieurs. Elle trace les contours d’un nouveau modèle de co-développement, dans lequel la Tunisie peut passer du statut de périphérie dépendante à celui de partenaire stratégique incontournable.

La migration comme catalyseur de coopération sécuritaire

La question migratoire, souvent source de tensions, devient dans ce cadre un terrain de dialogue stratégique. L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine. Ce choix s’est manifesté par un appui constant, y compris dans les périodes où d’autres partenaires occidentaux adoptaient une posture d’attentisme critique.

Loin d’une politique uniquement sécuritaire, l’Italie promeut une logique de responsabilité partagée : appui au développement local, lutte contre les réseaux de traite, régularisation ciblée et soutien budgétaire. Ce positionnement est à contre-courant des discours stigmatisants souvent entendus ailleurs en Europe. Il redonne à la Tunisie un rôle actif dans la co-construction d’un pacte migratoire plus équilibré, plus humain et plus ancré dans la réalité des territoires.

 

L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine.

 

Une diplomatie économique qui redéfinit les priorités

L’Italie ne se contente pas d’une présence symbolique. Elle investit dans les infrastructures tunisiennes, soutient les petites et moyennes entreprises, accompagne la modernisation du tissu productif et encourage les partenariats technologiques. Ce retour actif s’illustre par des visites régulières de haut niveau, des programmes conjoints dans l’agriculture, l’éducation professionnelle, le numérique, et une volonté claire de construire des chaînes de valeur régionales. Il ne s’agit plus d’assistance ponctuelle, mais d’une diplomatie économique assumée, où la Tunisie devient un partenaire de production, un relai logistique et un marché d’avenir.

Cette orientation, bien que déséquilibrée en termes de poids économique, s’inscrit dans une volonté de structuration d’un espace économique commun. Elle redéfinit les termes de la coopération Nord-Sud, en sortant des logiques d’aide classique pour entrer dans celles du co-investissement stratégique.

Un levier d’autonomie géopolitique pour la Tunisie

Dans un monde marqué par la fragmentation des alliances et la résurgence des logiques de blocs, le partenariat avec l’Italie offre à la Tunisie une opportunité rare : celle de préserver sa souveraineté tout en s’inscrivant dans une dynamique régionale porteuse. Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

Mais cette opportunité implique aussi une exigence : celle de construire un État stratège, capable de négocier, de prioriser ses intérêts, et de mobiliser ses ressources internes pour faire de ce partenariat un levier de développement endogène. Sans cette capacité à structurer une vision nationale claire, même les partenariats les plus prometteurs risquent de rester lettre morte.

 

Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

 

In fine, une Méditerranée à reconstruire, un axe à réinventer

Le recentrage de l’axe Carthage-Rome n’est ni nostalgique ni improvisé. Il repose sur une convergence d’intérêts stratégiques, une volonté politique partagée et un regard commun vers une Méditerranée stabilisée, inclusive et intégrée. Ce partenariat est encore en construction, mais il ouvre la voie à une diplomatie méditerranéenne renouvelée, qui refuse la logique des blocs et privilégie celle des ponts.

Dans un monde où les repères traditionnels s’effritent, l’axe tuniso-italien peut devenir une boussole pour repenser les relations Nord-Sud. Il revient désormais aux deux capitales de nourrir cette dynamique, d’y injecter de la confiance, de la vision et de la constance. Car de ce partenariat pourrait bien dépendre l’avenir de la Méditerranée centrale.

 

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Le retour de l’axe Carthage-Rome : vers une Méditerranée stratégique partagée est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ECLAIRAGE – L’alliance Maroc-France face au prisme africain

31. Juli 2025 um 06:02

Dans un contexte de recomposition accélérée des alliances internationales sur le continent africain, l’alliance entre le Maroc et la France suscite des perceptions contrastées au sein des pays africains. Ce tandem, historiquement enraciné dans une relation postcoloniale à multiples facettes, est aujourd’hui réinterprété à l’aune de nouvelles dynamiques régionales, d’une montée des souverainismes africains et d’un recul relatif de l’influence française au sud du Sahara.

 

Le partenariat entre Rabat et Paris repose sur des bases anciennes : une forte coopération économique, des intérêts sécuritaires communs au Sahel, et une proximité culturelle renforcée par la francophonie. Pourtant, les dernières années ont été marquées par une relative tension, avant une tentative de relance diplomatique. Ce « recalibrage » des relations a été perçu, dans plusieurs chancelleries africaines, comme une tentative française de se repositionner indirectement sur le continent à travers une puissance régionale stable et influente : le Maroc.

Ce choix suscite la méfiance dans certains cercles panafricanistes, notamment en Afrique de l’Ouest et centrale, où la France est souvent accusée d’ingérence et de néocolonialisme. L’idée d’un retour de l’influence française par procuration via le Maroc est interprétée, par certains acteurs, comme une stratégie d’enracinement par alliances intermédiaire.

Le Maroc, une puissance africaine… ?

La montée en puissance diplomatique et économique du Maroc en Afrique – notamment en Afrique subsaharienne – est indéniable. Depuis son retour au sein de l’Union africaine en 2017, Rabat mène une diplomatie proactive fondée sur des partenariats Sud-Sud, des investissements bancaires, agricoles et énergétiques, et une image d’État stable et réformiste. Dans ce cadre, son rapprochement avec la France est vu, par certains pays africains, comme une stratégie d’influence réciproque : Rabat tire profit de son rôle d’interface crédible avec l’Occident, tandis que Paris cherche à redéployer son agenda africain sous une forme plus indirecte.

Mais cette perception n’est pas partagée unanimement. Des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Gabon perçoivent positivement ce type de coopération triangulaire, y voyant une opportunité de bénéficier de relais d’investissements et de savoir-faire conjoints. À l’inverse, dans des États en rupture avec Paris – Mali, Burkina Faso, Niger – cette alliance est considérée comme suspecte, voire instrumentale à une reconquête d’influence sur les anciennes zones d’influence française.

Entre rivalités maghrébines et fractures continentales

Il faut aussi replacer cette alliance dans le contexte des rivalités régionales. L’Algérie, engagée dans une stratégie d’émancipation géopolitique et économique du giron occidental, voit d’un œil critique cette convergence franco-marocaine, perçue comme un affront à sa posture de non-alignement. Cette rivalité se projette sur l’ensemble du continent, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, où Alger tente aussi d’imposer ses réseaux diplomatiques et énergétiques.

Par ailleurs, l’émergence des puissances non-occidentales – Russie, Chine, Turquie, Iran – redessine les équilibres africains et pousse certains pays à adopter des postures de rejet vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, y compris celles soupçonnées de leur servir de relais.

Entre méfiance, pragmatisme et recompositions silencieuses

L’alliance Maroc-France, dans sa dimension africaine, n’est ni unanimement saluée ni systématiquement rejetée. Elle est observée avec une lucidité stratégique croissante dans les capitales africaines. Pour certains, elle constitue un levier pragmatique de coopération Nord-Sud à travers un acteur africain légitime. Pour d’autres, elle s’apparente à une forme raffinée de néo-impérialisme.

Pour autant, cette perception dépend moins des intentions affichées que des bénéfices concrets perçus localement, et du degré de souveraineté réelle dont disposent les États africains pour orienter leur propre voie. Dans une Afrique en pleine affirmation géopolitique, l’heure est moins à l’alignement qu’à la diversification stratégique – un message que Rabat et Paris devront entendre s’ils veulent inscrire leur alliance dans une dynamique durablement acceptée sur le continent.

 

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – L’alliance Maroc-France face au prisme africain est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ECLAIRAGE – Partenariat stratégique Algérie-Italie : un cauchemar géoénergétique pour la France?

30. Juli 2025 um 07:41

Le rapprochement stratégique entre l’Algérie et l’Italie, notamment dans les domaines énergétique, militaire et logistique, s’affirme comme l’un des axes structurants d’un nouvel ordre méditerranéen en formation. Ce partenariat, s’il est perçu à Rome comme une opportunité historique de leadership régional, devient un véritable cauchemar stratégique pour la France, dont l’influence en Afrique du Nord et au Sahel ne cesse de s’éroder. L’axe Alger-Rome remet en question les équilibres établis, exacerbe les rivalités euro-méditerranéennes et redessine la carte des alliances autour des ressources et des corridors énergétiques.

Le pivot de ce partenariat est sans nul doute la question énergétique. Depuis la guerre en Ukraine et la rupture progressive avec le gaz russe, l’Italie a activement cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement. L’Algérie, deuxième fournisseur de gaz de l’Europe, est rapidement devenue un partenaire incontournable. Grâce à un renforcement du rôle de la Sonatrach, des investissements croisés, et des projets d’infrastructure comme l’expansion du gazoduc Transmed, l’Italie a sécurisé une part stratégique de ses importations.

Ce rapprochement énergétique marginalise de facto la France, qui n’a ni les volumes d’importation comparables ni une relation aussi stratégique avec Alger. Pire encore pour Paris : la diplomatie italienne, plus agile et moins empreinte de lourdeurs postcoloniales, a réussi là où son homologue française a échoué, en consolidant un lien de confiance avec les élites algériennes, dans un climat où la mémoire coloniale reste un facteur de tension latent.

Un axe logistique en formation : de la Méditerranée à l’Afrique

Au-delà du gaz, l’Italie mise sur l’Algérie comme un hub logistique vers le Sahel et l’Afrique subsaharienne. Le projet de route transsaharienne reliant Alger à Lagos, le développement de corridors ferroviaires et portuaires (comme celui du port de DjenDjen), ainsi que la multiplication des accords dans les secteurs du transport maritime et aérien, traduisent une ambition claire : positionner l’Italie comme le principal canal d’accès à l’Afrique depuis le nord de la Méditerranée.

Ce projet entre en collision directe avec les intérêts français, traditionnellement structurés autour du Maghreb francophone comme zone d’influence. L’Italie, avec l’appui algérien, défie ainsi un monopole historique que Paris pensait consolidé, en créant une nouvelle géographie économique au sud de l’Europe.

Dimension militaire et sécurité régionale

Le partenariat ne s’arrête pas à l’économie. Des coopérations discrètes mais actives en matière militaire et sécuritaire se mettent en place. Rome voit en Alger un rempart crédible contre l’instabilité sahélienne, la prolifération des groupes armés et les flux migratoires. L’Algérie, quant à elle, y voit un levier d’émancipation vis-à-vis de ses relations complexes avec la France et une possibilité de diversifier ses alliances militaires, notamment face à la montée en puissance de la Turquie dans la région.

Pour Paris, ce recentrage sécuritaire hors de son giron traditionnel fragilise encore davantage sa position déjà chancelante au Sahel, après les revers militaires au Mali et au Burkina Faso. L’émergence d’un axe Rome-Alger comme pôle de stabilité alternatif pourrait à terme priver la France de son rôle de puissance régulatrice en Afrique.

Une diplomatie italienne pragmatique contre un modèle français en crise

Ce partenariat illustre l’efficacité d’une diplomatie italienne pragmatique, moins idéologisée et moins engoncée dans les logiques paternalistes. L’Italie parle le langage des intérêts, de l’énergie, des infrastructures et de la sécurité, là où la France semble encore prisonnière d’un logiciel dépassé, mêlant injonctions morales et nostalgie postcoloniale. Dans cette dynamique, Alger trouve à Rome un partenaire à la fois respectueux, cohérent et porteur d’une vision stratégique alignée sur ses propres objectifs régionaux.

In fine, vers une recomposition de l’espace méditerranéen?

Ce que redoute Paris, ce n’est pas seulement la perte d’influence à Alger, mais bien un basculement plus large. Le partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie ne constitue pas un simple tête-à-tête bilatéral : il s’inscrit dans une reconfiguration plus vaste, où les rapports Nord-Sud évoluent, où les BRICS, la Turquie, la Chine et désormais l’Italie bousculent les hégémonies anciennes. Pour la France, le cauchemar n’est pas seulement italien ou algérien. Il est structurel. Et il l’invite à repenser radicalement sa posture géopolitique en Méditerranée et en Afrique.

 

===============================

* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ECLAIRAGE – Partenariat stratégique Algérie-Italie : un cauchemar géoénergétique pour la France? est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

❌
❌