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ECLAIRAGE – Le retour de l’axe Carthage-Rome : vers une Méditerranée stratégique partagée

31. Juli 2025 um 16:39

Au cœur d’une Méditerranée en recomposition, le rapprochement stratégique entre la Tunisie et l’Italie prend des allures de recentrage historique. Loin d’un simple partenariat bilatéral, cette relation se réinvente autour de défis partagés, d’ambitions énergétiques, de préoccupations migratoires et d’un nouvel équilibre géopolitique. Dans un contexte où les grands axes traditionnels sont fragilisés, l’axe Carthage-Rome réémerge comme l’un des plus crédibles, porteurs d’un projet commun de stabilité, de prospérité et d’intégration régionale.

Une relation historique, réactivée par les réalités contemporaines

L’Italie et la Tunisie ont toujours été liées par une proximité géographique évidente, mais aussi par une histoire dense faite d’échanges, de rivalités, de migrations et d’interdépendance. Si cette relation fut longtemps cantonnée à une diplomatie de voisinage, marquée par une coopération commerciale et culturelle classique, elle s’est, depuis peu, transformée en un véritable partenariat stratégique. Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

Cette convergence s’est accélérée sous l’effet conjugué de la crise énergétique mondiale, de la reconfiguration des flux migratoires, de l’instabilité au Sahel et de la nécessité pour l’Europe de repenser ses partenariats au sud. L’Italie ne se contente plus de regarder vers l’Est et le Nord : elle revient vers le Sud avec une stratégie claire, où la Tunisie occupe une place centrale.

 

Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

 

Un pacte énergétique au cœur du nouvel agenda

La transition énergétique est devenue un pilier du partenariat tuniso-italien. L’interconnexion électrique ELMED, projet emblématique soutenu activement par les deux gouvernements, vise à relier la Tunisie au réseau européen via la Sicile. Cette initiative, stratégique à plusieurs niveaux, permet à la Tunisie de s’ériger en futur corridor énergétique pour l’Europe, en valorisant son potentiel en énergies renouvelables. Pour l’Italie, il s’agit d’ancrer durablement sa position de plaque tournante énergétique en Méditerranée, particulièrement depuis que la guerre en Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité des dépendances gazières vis-à-vis de la Russie.

Cette coopération énergétique dépasse le simple échange technique : elle illustre une vision partagée d’une Méditerranée intégrée, solidaire et résiliente face aux chocs extérieurs. Elle trace les contours d’un nouveau modèle de co-développement, dans lequel la Tunisie peut passer du statut de périphérie dépendante à celui de partenaire stratégique incontournable.

La migration comme catalyseur de coopération sécuritaire

La question migratoire, souvent source de tensions, devient dans ce cadre un terrain de dialogue stratégique. L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine. Ce choix s’est manifesté par un appui constant, y compris dans les périodes où d’autres partenaires occidentaux adoptaient une posture d’attentisme critique.

Loin d’une politique uniquement sécuritaire, l’Italie promeut une logique de responsabilité partagée : appui au développement local, lutte contre les réseaux de traite, régularisation ciblée et soutien budgétaire. Ce positionnement est à contre-courant des discours stigmatisants souvent entendus ailleurs en Europe. Il redonne à la Tunisie un rôle actif dans la co-construction d’un pacte migratoire plus équilibré, plus humain et plus ancré dans la réalité des territoires.

 

L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine.

 

Une diplomatie économique qui redéfinit les priorités

L’Italie ne se contente pas d’une présence symbolique. Elle investit dans les infrastructures tunisiennes, soutient les petites et moyennes entreprises, accompagne la modernisation du tissu productif et encourage les partenariats technologiques. Ce retour actif s’illustre par des visites régulières de haut niveau, des programmes conjoints dans l’agriculture, l’éducation professionnelle, le numérique, et une volonté claire de construire des chaînes de valeur régionales. Il ne s’agit plus d’assistance ponctuelle, mais d’une diplomatie économique assumée, où la Tunisie devient un partenaire de production, un relai logistique et un marché d’avenir.

Cette orientation, bien que déséquilibrée en termes de poids économique, s’inscrit dans une volonté de structuration d’un espace économique commun. Elle redéfinit les termes de la coopération Nord-Sud, en sortant des logiques d’aide classique pour entrer dans celles du co-investissement stratégique.

Un levier d’autonomie géopolitique pour la Tunisie

Dans un monde marqué par la fragmentation des alliances et la résurgence des logiques de blocs, le partenariat avec l’Italie offre à la Tunisie une opportunité rare : celle de préserver sa souveraineté tout en s’inscrivant dans une dynamique régionale porteuse. Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

Mais cette opportunité implique aussi une exigence : celle de construire un État stratège, capable de négocier, de prioriser ses intérêts, et de mobiliser ses ressources internes pour faire de ce partenariat un levier de développement endogène. Sans cette capacité à structurer une vision nationale claire, même les partenariats les plus prometteurs risquent de rester lettre morte.

 

Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

 

In fine, une Méditerranée à reconstruire, un axe à réinventer

Le recentrage de l’axe Carthage-Rome n’est ni nostalgique ni improvisé. Il repose sur une convergence d’intérêts stratégiques, une volonté politique partagée et un regard commun vers une Méditerranée stabilisée, inclusive et intégrée. Ce partenariat est encore en construction, mais il ouvre la voie à une diplomatie méditerranéenne renouvelée, qui refuse la logique des blocs et privilégie celle des ponts.

Dans un monde où les repères traditionnels s’effritent, l’axe tuniso-italien peut devenir une boussole pour repenser les relations Nord-Sud. Il revient désormais aux deux capitales de nourrir cette dynamique, d’y injecter de la confiance, de la vision et de la constance. Car de ce partenariat pourrait bien dépendre l’avenir de la Méditerranée centrale.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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