Les femmes tunisiennes occupent une place majeure, notamment dans le domaine de la diplomatie. Grâce à leur persévérance et leur courage, elles ont toutes les qualités pour devenir des leaders dans ce secteur. En effet, sans motivation et savoir, aucun progrès n’est possible. C’est dans ce contexte que se tient ce mardi 24 juin 2025, à l’Académie diplomatique de Tunis, la Journée internationale des femmes dans la diplomatie.
Cet événement dépasse le simple symbole : il incarne une véritable reconnaissance. La Tunisie se distingue par une longue tradition d’engagement féminin en diplomatie, qui remonte à l’indépendance, au-delà même de son célèbre Code du statut personnel. À chaque avancée diplomatique tunisienne, des femmes ont joué un rôle déterminant.
Lors de son allocution, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, a rendu hommage à celles qui ont consacré leur carrière à la diplomatie tunisienne. Il a rappelé que « il y a trois ans, lors de sa 76ème session, l’Assemblée Générale des Nations Unies a déclaré par consensus que le 24 juin sera la journée des femmes dans la diplomatie, reconnaissant, ainsi, et célébrant la contribution des femmes à un domaine longtemps resté l’apanage des hommes. Co-sponsor de cette résolution, la Tunisie a considéré cette décision comme une étape importante vers la consécration de l’égalité des genres dans le domaine diplomatique et une reconnaissance du rôle vital de la femme diplomate dans le renforcement de la coopération multilatérale, mais aussi une nouvelle fondation dans l’édification de la paix et de la sécurité dans le monde, ainsi que dans la réalisation du développement durable. «
Le ministre souligne que les femmes diplomates ont prouvé leur capacité à contribuer efficacement à l’élaboration des politiques et stratégies face aux crises et mutations mondiales, à tous les niveaux. Il rappelle aussi que cet engagement est ancien : « En réalité, cet engagement ne date pas de 2022, il remonte à l’indépendance quand les premières femmes ont rejoint le Ministère des Affaires Étrangères pour renforcer les équipes œuvrant pour la représentation du pays fraîchement souverain, renforcer ses relations avec les pays frères et amis et défendre ses intérêts, comme vous avez pu certainement le découvrir à travers l’exposition documentaire. »
Il a également évoqué l’histoire tunisienne en rappelant l’exploit de la reine Didon, première grande négociatrice féminine du pays : « Elle a pu obtenir, pacifiquement, un terrain pour fonder Carthage, en concluant un accord avec le seigneur local, le roi Iarbas, qui ne voulait lui céder qu’une superficie égale à la peau d’un bœuf. Didon a alors rusé en découpant cette peau en très fines lanières, ce qui lui a permis de délimiter un périmètre beaucoup plus vaste que prévu pour fonder sa ville sur une péninsule. Ce stratagème ingénieux est à l’origine du nom de la citadelle punique, Byrsa, qui signifie “peau de bœuf” en grec. Cette négociation d’origine féminine est célèbre non seulement dans la mythologie grecque, mais aussi en mathématiques, où le “problème de Didon” est un classique sur l’optimisation de la surface délimitée par une longueur donnée. »
Malgré les difficultés, l’intégration des femmes dans le Ministère des Affaires étrangères s’est poursuivie sans relâche. Le ministre a souligné que « aujourd’hui, force est de constater que déjà 30 % des postes, toutes catégories confondues, sont occupés par des femmes diplomates. Il y a eu également une incontestable évolution dans le sens du renforcement de la présence des femmes dans le corps diplomatique qui compte actuellement 36 % de femmes. Le nombre de femmes occupant des postes de chefs de mission continue d’augmenter. On compte aujourd’hui 11 femmes cheffes de postes diplomatiques et consulaires dans les différentes régions du monde. »
Cette progression est le fruit d’une volonté politique forte au plus haut niveau de l’État, qui a favorisé la nomination de femmes à des postes longtemps réservés aux hommes. La Tunisie est ainsi représentée diplomatiquement par des femmes à Washington, Madrid, New Delhi, Pretoria, Amman, Prague, Oslo et Helsinki.
Le ministère accorde également une attention particulière à la dimension genre dans l’élaboration de sa stratégie, conformément au plan national d’institutionnalisation du genre et aux législations publiques associées.
Les progrès sont notables, mais le chemin reste encore long pour garantir un accès égal des femmes aux postes à responsabilité et une participation pleine et significative à la prise de décision dans la diplomatie. Le ministre a insisté sur la nécessité d’accélérer la formation de tous les diplomates aux approches sensibles au genre : « Il s’agit de veiller à ce que l’égalité et les droits des femmes soient systématiquement pris en compte dans la programmation des activités du Ministère et au sein de nos postes diplomatiques et consulaires. »
Il a salué l’engagement du Bureau d’ONU Femmes Tunisie, qui appuie ces efforts pour préparer les diplomates à des rôles de leadership, de médiation et de négociation.
Cette journée internationale des femmes en diplomatie coïncide cette année avec le 30ᵉ anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi qu’avec le 25ᵉ anniversaire de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité sur « Femmes, paix et sécurité ». La Tunisie, qui s’apprête à adopter son deuxième plan d’action national, s’engage à renforcer la participation des femmes à la prévention et à la résolution des conflits, ainsi qu’à la consolidation de la paix.
Face aux reculs inquiétants en matière de diplomatie et des droits des femmes dans le monde, la Tunisie réaffirme son engagement à consolider ces droits et à renforcer le rôle des femmes dans la paix mondiale.
Enfin, le ministre a rendu hommage aux femmes officiers tunisiennes de l’armée, de la police et des services pénitentiaires, qui contribuent activement aux opérations de maintien de la paix en Afrique. Il a conclu en adressant un message d’encouragement aux jeunes femmes, en particulier celles qui hésitent encore à rejoindre la diplomatie : « La diplomatie tunisienne a besoin de vous. C’est une carrière noble et passionnante, qui exige persévérance, sang-froid, sacrifices, mais surtout beaucoup de résilience. »
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