Prix Nobel de la paix : Amertume et déception à la Maison Blanche
Le prix Nobel de la paix a été attribué, vendredi 10 octobre, à l’opposante vénézuélienne María Corina Machado. Au grand dam de Donald Trump qui convoitait tant cette prestigieuse récompense.
Il a fait de cette distinction une obsession. Il s’est démené comme un diable pour l’avoir, quitte à considérer que ne pas la lui donner serait une « insulte » contre les États-Unis ; il a beau assurer avoir mis fin à sept conflits, donnant pour exemples ses médiations entre l’Inde et le Pakistan, le Cambodge et la Thaïlande, l’Égypte et l’Ethiopie, le Rwanda et la République démocratique du Congo, la Serbie et le Kosovo: « Je ne sais pas vraiment ce que [le comité Nobel] va faire. Mais je sais une chose : personne dans l’histoire n’a jamais résolu huit guerres en l’espace de neuf mois », a fanfaronné le président américain jeudi dernier. « Et moi, j’ai mis fin à huit guerres. Cela ne s’était encore jamais vu », a-t-il dit, soulignant que celle de Gaza était « la plus importante de toutes ».
Pourtant, et au soulagement général, Donald Trump n’a pas reçu, vendredi 10 octobre, ce prix Nobel de la paix qu’il convoitait de toutes ses forces. Et c’est l’opposante vénézuélienne María Corina Machado, figure historique de l’opposition aux gouvernements d’Hugo Chávez et de Nicolás Maduro, qui aura raflé la mise cette année.
Zones d’ombre
Fidèle alliée des États-Unis, connue pour sa proximité avec les milieux conservateurs américains et israéliens – son parti Vente Venezuela a signé en 2020 un accord de coopération politique avec le Likoud de Benyamin Netanyahou, visant à renforcer les relations entre Caracas et Tel-Aviv, rompues depuis 2009 sous Hugo Chávez -, l’heureuse lauréate de la plus prestigieuse récompense décernée par le comité du prix Nobel a estimé vendredi que ce prix était un « élan » pour « conquérir la liberté » dans son pays, soulignant compter sur le soutien de Donald Trump, qui a déployé depuis août des bateaux de guerre dans les Caraïbes.
« Cette immense reconnaissance de la lutte de tous les Vénézuéliens est un élan pour achever notre tâche : conquérir la liberté. Nous sommes au seuil de la victoire et aujourd’hui plus que jamais, nous comptons sur le président Trump (…) Le Venezuela sera libre », a-t-elle écrit sur X. Un message que le président américain n’a pas manqué aussitôt de reprendre et de partager sur son réseau Truth social.
Réaction « plutôt modérée »
Or, alors que l’on s’attendait à une réaction brutale et explosive de l’intéressé – peu habitué à ce que ses caprices d’enfant gâté ne soient pas dare-dare satisfaits -, la Maison Blanche s’est fendue d’un communiqué plutôt « mesuré », estimant que le comité du prix Nobel de la paix avait fait passer la « politique avant la paix » en attribuant la récompense à la Vénézuélienne plutôt qu’au président américain.
« Le président Trump continuera à conclure des accords de paix, à mettre fin aux guerres et à sauver des vies », a réagi le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung, sur X. « Le comité Nobel a prouvé qu’il faisait passer la politique avant la paix », a-t-il déploré, ajoutant qu’« il a le cœur d’un humanitaire, et personne d’autre que lui ne saura déplacer des montagnes à la seule force de sa volonté ».
Trump hors-jeu
Mais, pourquoi l’actuel locataire de la Maison Blanche, qui « a le cœur d’un humanitaire », a-t-il été écarté de la course ?
Pour plusieurs observateurs, le slogan affiché par le président américain « l’Amérique d’abord » est contraire aux idéaux contenus dans le testament d’Alfred Nobel, tels que la coopération internationale, la fraternité entre les peuples et le désarmement.
Pour preuve, Øivind Stenersen, historien du prix Nobel, déclarait il y a quelques jours qu’il était « impensable » que Donald Trump soit récompensé car il « est à bien des égards à l’opposé des idéaux que représente le prix Nobel ».
Le Nobel de la paix, c’est la défense de la coopération multilatérale, par exemple à travers l’ONU. (…) Or Trump représente une rupture avec ce principe car il suit sa propre voie, de manière unilatérale », ajoutait-il.
D’ailleurs, il convient de rendre hommage au comité du prix Nobel de la paix qui a eu le mérite de résister aux pressions américaines et de ne pas tenir compte des soutiens parfois lourds et insistants d’autres chefs d’État alliés comme l’infréquentable Benjamin Netanyahu. « Dans la longue histoire du prix Nobel de la paix, le comité a vu tous les types de campagne, la tension dans les médias. Nous recevons chaque année des milliers et des milliers de lettres. (…) Ce comité délibère dans une pièce remplie des portraits des lauréats, une pièce qui est remplie de courage et d’intégrité. Nous basons notre choix seulement sur le travail et la volonté d’Alfred Nobel », a déclaré le Norvégien Jørgen Watne Frydnes, président du comité.
Rappelons enfin que cette distinction, qui obsède tant le président américain, a déjà été attribuée à quatre de ses prédécesseurs, parfois sur fond de polémiques : il s’agit en l’occurrence de Theodore Roosevelt en 1906, Woodrow Wilson en 1919, Jimmy Carter en 2002. Enfin, de la bête noire du milliardaire républicain, le flamboyant Barack Obama, en 2009.
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