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El Gouna 2025 – 12 premiers films sélectionnés pour la 8ᵉ édition

21. August 2025 um 19:56

Du 16 au 24 octobre 2025, la station balnéaire d’El Gouna, en Égypte, accueillera la 8ᵉ édition de son festival de cinéma, un rendez-vous désormais incontournable sur la carte des grands événements culturels de la région MENA. Depuis sa création, le Festival du film d’El Gouna (GFF) s’est imposé comme un espace de rencontre entre cinématographies arabes et internationales, un lieu de découverte et de dialogue où se croisent cinéastes confirmés et nouveaux talents. L’annonce de la première partie de sa programmation confirme cette ambition : treize films, dont plusieurs déjà auréolés de prix dans les plus grands festivals, viennent donner le ton d’une édition qui s’annonce particulièrement prestigieuse.

« Nous sommes incroyablement fiers du programme soigneusement élaboré qui sera présenté, chaque film contribuant à une riche tapisserie d’histoires venues du monde entier. Le festival est une plateforme de dialogue et de découverte, et nous sommes convaincus que cette première sélection résonnera profondément auprès de notre public », a déclaré Marianne Khoury, directrice artistique du GFF.

Des films déjà primés sur la scène internationale

Le cinéma iranien ouvrira cette première sélection avec It Was Just an Accident/Un simple accident de Jafar Panahi, Palme d’or au dernier Festival de Cannes. Fidèle à son art de faire surgir de petites situations un portrait plus vaste de la société, Panahi suit les conséquences en cascade d’un simple accident de la route. Derrière l’apparente banalité du point de départ, le film met à nu des mécanismes sociaux et politiques complexes, une écriture qui a valu au cinéaste sa reconnaissance internationale et qui trouve à El Gouna un nouveau public.

Autre grand nom du cinéma d’auteur contemporain, Joachim Trier revient avec Sentimental Value. Lauréat du Grand Prix à Cannes, ce récit intime explore la relation de deux sœurs aux trajectoires opposées : l’une a choisi la carrière d’actrice, l’autre la vie de famille. Le retour de leur père, cinéaste absent et désormais vieilli, ravive des blessures anciennes et interroge le rapport à la mémoire, à l’art et aux liens familiaux. Trier avait déjà marqué El Gouna en 2021 avec The Worst Person in the World ; son retour témoigne de la fidélité de certains cinéastes au festival.

Toujours venu de Norvège, Dag Johan Haugerud a remporté l’Ours d’or à la Berlinale avec Dreams (Sex Love). Le film adopte le point de vue adolescent d’une jeune fille tombant amoureuse de son professeur, qu’elle raconte dans ses écrits. Plus qu’un simple récit d’initiation, l’œuvre met en lumière la découverte du désir, la construction de l’identité et la complexité de la parole intime. La reconnaissance critique obtenue à Berlin – avec en prime le Prix FIPRESCI – confirme la singularité de son approche.

Richard Linklater, quant à lui, propose avec Blue Moon une variation audacieuse sur le temps réel : le récit se concentre sur la soirée du 31 mars 1943, où le parolier Lorenz Hart fait face à l’effondrement de sa vie professionnelle et personnelle. Porté par Andrew Scott, récompensé à Berlin d’un Ours d’argent pour sa prestation, le film est une plongée dans le destin d’un artiste, où la fragilité humaine rencontre l’exigence de la création.

Entre réalisme et imaginaire : la fiction en éclats

La sélection met également à l’honneur des récits où le réel se trouble au contact de l’imaginaire. Avec Resurrection, Bi Gan imagine un monde privé du rêve où un monstre tente de préserver les dernières illusions. Porté par une esthétique sensorielle, le film, couronné à Cannes d’un Prix spécial, interroge la place du rêve et de l’inconscient dans une société mécanisée.

Dans Sound of Falling, Mascha Schilinski raconte l’histoire de quatre jeunes filles, séparées par un siècle mais réunies par un même lieu, une ferme où leurs existences se reflètent les unes dans les autres. Lauréat du Prix du jury à Cannes, le film aborde le passage du temps, la mémoire des lieux et la transmission entre générations.

Le Mexicain Ernesto Martínez Bucio fait une entrée remarquée avec son premier long-métrage, The Devil Smokes (and Saves the Burnt Matches in the Same Box). Le film met en scène cinq enfants abandonnés, livrés à la garde d’une grand-mère schizophrène. Entre réalité et hallucinations, ce récit dérangeant, primé à la Berlinale, propose une plongée dans un imaginaire sombre, révélant un nouveau talent à suivre.

Deux autres films viennent enrichir cette catégorie de récits ancrés dans la vie et la création. Avec A Poet, Simón Mesa Soto suit le parcours d’un vieil écrivain erratique qui retrouve un sens à sa vie en guidant une adolescente vers l’écriture. Primé à Cannes dans la section Un Certain Regard, le film témoigne de l’importance des rencontres et du rôle des mentors. Enfin, Laura Wandel, déjà connue du public d’El Gouna pour Un monde/Playground, revient avec Adam’s Sake. L’histoire, centrée sur une infirmière pédiatrique confrontée au désespoir d’une mère refusant de quitter son enfant hospitalisé, aborde avec délicatesse la douleur, la solidarité et l’engagement des soignants. Présenté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes, le film confirme la place de Wandel comme une cinéaste attentive à l’enfance et aux relations humaines.

Des documentaires puissants et poétiques

À la fin de cette première sélection, le festival propose aussi plusieurs documentaires marquants. Better Go Mad in the Wild de Miro Remo (République tchèque, Slovaquie) explore la relation complexe de jumeaux élevés dans la nature et confrontés à la séparation. Récompensé par le Grand Prix du Festival de Karlovy Vary, le film mêle observation sensible et réflexion sur le lien fraternel et la solitude.

Avec Always, Deming Chen livre une allégorie sur la perte de l’innocence à travers le parcours d’un jeune Chinois, Gong Youbin, qui se découvre au fil de la poésie. Ce premier film, déjà lauréat du DOX:AWARD à CPH:DOX, démontre la vitalité du documentaire contemporain et sa capacité à s’emparer de formes narratives inédites.

Enfin, Raoul Peck, figure majeure du documentaire engagé, revient avec Orwell: 2+2=5. Après le succès international de I Am Not Your Negro, présenté à El Gouna en 2017, Peck s’attache cette fois aux derniers mois de George Orwell et à l’actualité brûlante de son œuvre 1984. Concepts tels que le doublethink ou le newspeak trouvent une résonance troublante dans notre monde contemporain, renforçant la pertinence politique du cinéma documentaire.

Un festival au cœur du dialogue culturel

Depuis sa création, le Festival du film d’El Gouna s’est fixé pour mission de créer un pont entre les cinémas du monde. En présentant des films arabes et internationaux à un public curieux et averti, il contribue à la circulation des œuvres et à l’émergence de nouvelles voix. « Ces films représentent un éventail mondial de récits, allant de la fiction aux documentaires les plus percutants, dont beaucoup ont déjà été distingués dans les grands festivals. Ce n’est qu’un aperçu du voyage cinématographique qui attend notre public », a souligné Andrew Mohsen, responsable de la programmation.

La richesse de cette première sélection témoigne de l’ambition du GFF : mettre en avant des films exigeants, des signatures confirmées comme des révélations, et offrir aux spectateurs une expérience où se rencontrent cultures, esthétiques et visions du monde. Dans les semaines à venir, de nouveaux titres viendront compléter cette programmation, mais déjà, cette première annonce affirme le rôle d’El Gouna comme un carrefour incontournable du cinéma international.

Neïla Driss

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LAFF 2026 – Appel à films et célébration du centenaire de Youssef Chahine

16. August 2025 um 19:28

Le Festival de Louxor du Film Africain (LAFF) se prépare pour sa 15ᵉ édition, programmée du 30 mars au 5 avril 2026, et vient d’ouvrir officiellement son appel à candidatures, marquant le début d’un long processus qui mènera, dans quelques mois, à une semaine entièrement consacrée au cinéma africain et à ses voix les plus vibrantes. Créé il y a maintenant une quinzaine d’années, le LAFF s’est imposé au fil des éditions comme l’un des rendez-vous incontournables du cinéma sur le continent, accueillant chaque printemps à Louxor, au cœur de la Haute-Égypte, cinéastes, critiques, producteurs et publics passionnés.

Cette nouvelle édition sera placée sous la présidence d’honneur d’un acteur qui incarne à lui seul une partie de l’histoire récente du cinéma égyptien : Mahmoud Hemida. Figure emblématique, il apportera à ce rendez-vous une aura toute particulière, rappelant que le festival n’est pas seulement une vitrine pour les cinémas africains, mais aussi un lieu de reconnaissance et de dialogue entre les générations d’artistes.

Le fondateur et président du festival, le scénariste Sayed Fouad, a annoncé l’ouverture des candidatures pour les quatre compétitions principales qui structurent l’événement. La première, celle des longs métrages, accueille les œuvres de fiction, documentaires ou d’animation de plus de soixante minutes. La deuxième est consacrée aux courts métrages, tous genres confondus. Ces deux compétitions sont exclusivement réservées aux cinéastes africains. La troisième met en lumière les films de la diaspora, une catégorie qui permet à des cinéastes africains installés hors d’Afrique de proposer des récits tournés vers le continent, enrichis par une perspective internationale. Enfin, la quatrième, singulière et profondément ancrée dans le territoire qui accueille le festival, est celle des films de jeunes, destinée aux jeunes cinéastes des gouvernorats de Qena et de Louxor.

Cette dernière initiative prend une ampleur particulière grâce au travail de la fondatrice et directrice du festival, Azza El Hosseiny. Elle a annoncé que plusieurs mois avant la tenue du festival, un atelier sera organisé afin de former les jeunes talents de Louxor et de Qena à la réalisation de courts métrages sans budget. L’objectif est double : d’une part, permettre à ces jeunes cinéastes de développer des compétences techniques et artistiques, et d’autre part, leur offrir un accès direct au paysage cinématographique égyptien et africain. Mais le projet ne s’arrête pas là : il se concrétisera également par l’ouverture d’une compétition spéciale pour les films issus de ces deux gouvernorats, évalués par un jury local. Ce dispositif illustre la volonté du festival d’inscrire son action dans une dynamique durable, en formant et en soutenant la relève dans une région qui, historiquement, a toujours été au cœur de la culture égyptienne.

La 15ᵉ édition du LAFF aura également une dimension symbolique forte. Elle sera placée sous le signe d’un hommage à l’un des plus grands cinéastes égyptiens, Youssef Chahine, à l’occasion du centenaire de sa naissance. Le festival adoptera pour l’occasion le titre « Youssef Chahine… Une histoire égyptienne », en référence à l’un de ses films les plus personnels. Ce choix illustre la volonté de la direction du festival de rendre hommage à une figure qui a marqué le cinéma égyptien et africain, mais aussi de replacer son œuvre dans un contexte de transmission aux nouvelles générations. L’héritage de Chahine, son regard à la fois intime et universel, continue d’inspirer les créateurs, et le fait que le LAFF consacre son édition anniversaire à ce géant du cinéma envoie un signal fort : celui de l’importance de la mémoire et de l’histoire dans la construction de l’avenir.

Les candidatures, ouvertes depuis le 20 août 2025, resteront possibles jusqu’au 25 novembre 2025 via le site officiel du festival. Les films soumis devront avoir été produits en 2025 et ne jamais avoir été projetés en Égypte. Ces conditions strictes garantissent que les sélections du LAFF offriront un regard neuf, tourné vers les créations les plus récentes et inédites, renforçant ainsi l’attractivité du festival auprès des cinéastes comme des spectateurs.

Le festival est porté par la Fondation des Jeunes Artistes Indépendants pour le soutien et le développement, une organisation civile à but non lucratif. Mais au fil des années, il a su fédérer autour de lui un vaste réseau d’institutions et de partenaires, témoignant de son importance culturelle et diplomatique. La 15ᵉ édition est organisée en collaboration avec plusieurs ministères égyptiens – la Culture, le Tourisme et les Antiquités, la Jeunesse et les Sports, ainsi que les Affaires étrangères –, et bénéficie du soutien du gouvernorat de Louxor. Elle se tient également sous le patronage du Syndicat égyptien du cinéma, de la Banque nationale d’Égypte, de Misr International Films et de la Fondation Kemet Boutros Ghali pour la paix et la connaissance.

En se dirigeant vers cette 15ᵉ édition, le Festival de Louxor du Film Africain confirme ainsi son rôle central : celui d’un espace où l’Afrique se raconte à travers ses films, où ses diasporas trouvent une scène pour dialoguer avec le continent, et où les nouvelles générations peuvent s’inscrire dans un héritage tout en forgeant leur propre voix. Le rendez-vous de 2026 ne sera pas seulement une célébration d’un parcours déjà riche, mais aussi une ouverture vers les quinze prochaines années, où le cinéma africain continuera de se réinventer, sous le regard attentif de Louxor, ville millénaire devenue un carrefour moderne des images et des récits.

Neïla Driss

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El Gouna 2025 – Appel à candidatures pour CineGouna Emerge

11. August 2025 um 12:11

Pour sa 8ᵉ édition, le El Gouna Film Festival (GFF) annonce l’ouverture des candidatures pour les programmes CineGouna Emerge, une initiative soutenue par son Impact Partner — partenaire stratégique engagé dans des actions à fort impact social et culturel — la Sawiris Foundation for Social Development (SFSD), ainsi que par l’Union européenne en Égypte. Pensé pour accompagner et renforcer les talents émergents du cinéma, ce dispositif confirme l’engagement du festival à soutenir la nouvelle génération de créateurs en Égypte, dans le monde arabe et en Afrique.

Fort du succès rencontré lors des deux précédentes éditions, CineGouna Emerge a permis à des centaines de participants de tisser des liens avec l’industrie cinématographique régionale et internationale, tout en intégrant une communauté dynamique de pairs. De nombreux anciens participants ont franchi des étapes décisives dans leur parcours professionnel, reconnaissant souvent que ce programme a joué un rôle charnière dans leur évolution. Pour 2025, le festival élargit encore le champ des opportunités, veillant à ce que chaque jeune talent puisse trouver un espace pour se développer, se connecter et s’épanouir.

Cette édition se déploie à travers plusieurs parcours distincts. Le programme phare, CineGouna Emerge, s’adresse aux jeunes cinéastes et professionnels du secteur — réalisateurs, scénaristes, producteurs, acteurs, chefs opérateurs, monteurs, ingénieurs du son — en leur offrant une immersion complète dans le festival : projections, masterclasses, tables rondes, ateliers, et rencontres ciblées pour favoriser les échanges et collaborations.

Le SeeMe Track est spécialement conçu pour les acteurs émergents. Il leur permet de vivre l’expérience du tapis rouge, de se préparer à dialoguer avec la presse et les médias, et de se présenter avec assurance à des réalisateurs, producteurs et agents.

Avec le Perspectives Track, ce sont les jeunes photographes, journalistes, critiques de cinéma et créateurs de contenus qui sont mis en lumière. Ils pourront couvrir le festival par le biais d’articles, de reportages photographiques ou de vidéos, en collaboration avec l’équipe Presse et Publications du GFF.

Grande nouveauté cette année : Emerge: Take Two. Ce parcours inédit est réservé aux anciens participants des éditions précédentes, invités à revenir en tant que mentors pour accompagner les nouveaux venus tout au long de leur expérience au festival.

Les candidatures sont ouvertes aux personnes âgées de 18 à 35 ans, ou aux professionnels en début de carrière. Les participants doivent être étudiants ou diplômés de formations en cinéma ou médias, avoir contribué à au moins un film ou une série projeté publiquement, ou développer activement un projet lié au cinéma. Les candidats retenus bénéficieront d’une accréditation leur donnant accès aux projections, au CineGouna Forum et aux activités du marché. Leurs frais de déplacement intérieur, leur hébergement et leurs repas seront également pris en charge.

Pour Amr Mansi, directeur exécutif du El Gouna Film Festival, « CineGouna Emerge est l’initiative la plus proche de notre cœur, et l’une des plus impactantes du festival. En l’élargissant en un programme multi-parcours, nous offrons à chaque jeune talent — qu’il soit cinéaste, acteur, critique ou créateur de contenu — la possibilité d’apprendre, de progresser et de briller à El Gouna. »

Marianne Khoury, directrice artistique du GFF, souligne : « Lors des deux dernières éditions, nous avons constaté l’impact transformateur de CineGouna Emerge. Beaucoup de nos anciens participants travaillent aujourd’hui activement dans l’industrie, et leurs retours sont extrêmement positifs. L’extension du programme cette année vise à rendre ce que nous avons reçu : les anciens accompagneront les nouveaux, et ensemble, nous continuerons à bâtir un réseau créatif fort et solidaire. »

Pour Hayat Aljowaily, responsable de CineGouna Emerge, « notre mission a toujours été de soutenir la nouvelle génération de conteurs d’histoires en Égypte, dans le monde arabe et en Afrique. L’introduction de nouveaux parcours comme Take Two illustre notre foi dans la continuité, le mentorat et la force de la communauté au sein du secteur cinématographique. »

Les inscriptions pour tous les parcours de CineGouna Emerge 2025 sont ouvertes sur le site officiel du El Gouna Film Festival et se clôtureront le 17 août 2025. Une opportunité unique pour les jeunes créateurs de rejoindre un réseau en pleine expansion, et de participer à l’essor du cinéma dans la région.

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CIFF 2025 : appel à projets immersifs pour la 1ère édition de “CAIRO’S XR”

07. August 2025 um 13:45

Le Festival International du Film du Caire lance « CAIRO’S XR », une nouvelle section dédiée aux technologies immersives

Le Festival International du Film du Caire innove pour sa 46e édition, prévue du 12 au 21 novembre 2025, en inaugurant une nouvelle section baptisée « CAIRO’S XR », première du genre dans l’histoire de la manifestation. Cette initiative marque une étape importante pour le festival, qui confirme ainsi son rôle de pionnier en matière d’exploration des nouvelles formes de narration cinématographique.

Avec cette section inédite, le festival entend offrir au public de la région une expérience narrative radicalement différente, plus interactive et plus engageante, en s’appuyant sur les technologies immersives les plus avancées. Pensé comme un pont entre le cinéma et les nouvelles technologies, CAIRO’S XR accueillera des œuvres qui dépassent le cadre traditionnel de l’écran pour proposer des univers élargis, des récits à intelligence artificielle, des installations interactives ou encore des projets en réalité virtuelle et augmentée.

Mohamed Tarek, directeur artistique du festival, explique :
« CAIRO’S XR propose une autre façon de vivre le cinéma, en intégrant les nouveaux médias au cœur du récit. Grâce à la technologie XR, l’histoire ne se regarde plus simplement, elle se vit : le spectateur y entre, l’explore, interagit avec elle et peut même en influencer le déroulement. Cela reflète notre engagement pour l’avenir du cinéma. »

CIFF 2025 Cairo's XR

Cette nouvelle section repose sur une conviction forte : la technologie n’est pas une fin en soi, mais un levier pour enrichir les dimensions émotionnelles, intellectuelles et spatiales d’un récit. Qu’il s’agisse de marcher dans un souvenir en réalité virtuelle, de dialoguer avec un personnage piloté par une intelligence artificielle, ou de s’immerger dans une installation spatiale, les projets retenus pour CAIRO’S XR visent à repousser les limites du langage cinématographique.

Le programme invite ainsi artistes, créateurs et techniciens à conjuguer cinéma, design, moteurs de jeux vidéo, intelligence artificielle, et environnements interactifs, pour imaginer les formes narratives de demain, sans renier l’essence artistique et émotionnelle du cinéma.

Les candidatures sont désormais ouvertes pour les projets utilisant principalement la réalité étendue (XR) et les formats immersifs associés, incluant :

  • des expériences en réalité virtuelle (VR),
  • des projets en réalité augmentée (AR) et réalité mixte (MR),
  • des installations immersives interactives,
  • des récits pilotés par l’intelligence artificielle,
  • des jeux et expériences gamifiées.

Date limite de dépôt : 30 août 2025
Soumission des projets via ce lien : https://ciff.org.eg/cairos-xr

Les œuvres sélectionnées seront présentées en première mondiale pendant le CIFF 2025. Elles bénéficieront d’une visibilité internationale, de rencontres avec des professionnels de haut niveau, et d’une occasion unique de contribuer à façonner l’avenir du récit cinématographique, depuis le cœur du monde arabe.

Neïla Driss

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Golden Globes 2026 – Les candidatures sont ouvertes, mais où sont les films tunisiens ?

01. August 2025 um 19:58

Les Golden Globes Awards viennent d’ouvrir les candidatures pour leur 83e édition, prévue le 11 janvier 2026, en direct du Beverly Hilton à Los Angeles. Première grande cérémonie de la saison des prix, l’événement célèbre chaque année le meilleur du cinéma, de la télévision – et depuis peu, du podcast – dans une ambiance glamour qui lui vaut le surnom de « Hollywood’s Party of the Year® ».

Les inscriptions sont désormais ouvertes via la plateforme officielle de soumission :
👉 Soumettre un film ou une série

La date limite est fixée au vendredi 31 octobre 2025, et les nominations seront annoncées le lundi 8 décembre 2025.

La soirée sera diffusée en direct sur CBS et en streaming sur Paramount+ aux États-Unis. Pour la deuxième année consécutive, l’humoriste, actrice et comédienne Nikki Glaser, nommée aux Golden Globes, aux Grammys et aux Emmys, assurera le rôle d’hôte de la cérémonie, animant les remises de prix et les moments forts du direct.

À la production, Glenn Weiss et Ricky Kirshner, duo multi-récompensé aux Emmy Awards, rempilent pour une troisième année consécutive en tant que showrunners exécutifs, sous la houlette de Dick Clark Productions. Le show, diffusé dans plus de 185 pays, reste l’un des événements télévisés les plus suivis au monde.

Créés en 1944, les Golden Globes Awards se distinguent par la diversité de leurs catégories, notamment celle du « Meilleur film en langue étrangère », qui offre une visibilité rare aux œuvres non anglophones. Pourtant, malgré cette opportunité, on constate que les films tunisiens y sont pratiquement absents.

Ce constat étonne d’autant plus que les cinéastes tunisiens soumettent régulièrement leurs œuvres aux Oscars dans cette même catégorie. En 2024 encore, Les filles d’Olfa/Four Daughters de Kaouther Ben Hania figurait parmi les finalistes aux Oscars, mais n’avait pas été proposé aux Golden Globes.

La procédure de soumission est pourtant claire et accessible. Le règlement complet est consultable ici :
👉 Règles, calendrier et catégories

Aucune obligation de distribution américaine préalable n’est requise, et la plateforme permet de soumettre directement en ligne, que ce soit pour un film, une série ou un podcast.

Par ailleurs – et c’est un fait distinct mais significatif – depuis quelques années, les Golden Globes Awards ont élargi leur collège électoral à des critiques de cinéma du monde entier. En 2024, j’ai eu l’honneur d’être sélectionnée comme électrice internationale. Je suis ainsi devenue la première – et à ce jour la seule – critique tunisienne à faire partie des votants aux Golden Globes. Cette évolution témoigne d’une volonté réelle d’ouverture, de diversification des regards, et de meilleure représentation des sensibilités cinématographiques mondiales.

Alors que les candidatures pour l’édition 2026 sont désormais ouvertes, la question mérite d’être posée : pourquoi les cinéastes tunisiens ne soumettent-ils pas leurs films pour ce prix prestigieux dans la catégorie « Film en langue étrangère » ?

Neïla Driss

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JCC 2025 – Entre cinéma et musique, l’univers de Ziad Rahbani

01. August 2025 um 14:05

La 36e édition des Journées Cinématographiques de Carthage, qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025, consacrera un hommage appuyé à l’une des figures les plus singulières du monde artistique arabe : Ziad Rahbani.

Décédé à Beyrouth le 1er août 2025 à l’âge de 68 ans, l’auteur, compositeur, acteur, dramaturge et chroniqueur libanais laisse derrière lui une œuvre foisonnante, marquée par la satire politique, une lucidité implacable et une modernité musicale qui ont profondément influencé toute une génération.

Fils de la grande chanteuse Fairuz et du compositeur Assi Rahbani, Ziad Rahbani s’est affirmé très tôt comme un artiste inclassable, héritier du patrimoine musical levantin mais farouchement libre dans son expression. Figure de proue de la contre-culture beyrouthine dans les années 1970 et 1980, il a également marqué de son empreinte le cinéma arabe, notamment à travers ses collaborations avec des cinéastes majeurs tels que Maroun Bagdadi, Farouk Beloufa, Randa Chahhal ou Kassem Hawal.

C’est à ce lien fort entre Ziad Rahbani et le nouveau cinéma arabe que les JCC 2025 ont choisi de rendre hommage. Une sélection de films auxquels il a participé – comme acteur ou compositeur – sera présentée dans le cadre du festival. Parmi eux, plusieurs œuvres rares ou restaurées permettront de redécouvrir son rôle discret mais essentiel dans l’évolution esthétique et sonore du cinéma engagé des années 1970-1980.

Des rencontres, projections spéciales et événements parallèles viendront compléter cette programmation, afin de célébrer la richesse de son parcours artistique. Ziad Rahbani ne sera pas à Carthage pour présenter son ironique Long métrage américain, mais sa présence sera partout dans cette édition, à travers son esprit mordant, son regard désabusé sur le monde arabe, et son sens inimitable de la composition.

Avec cet hommage, les JCC affirment une fois encore leur attachement à une mémoire cinématographique critique, populaire, indisciplinée – à l’image de l’artiste qu’ils saluent cette année.

Neïla Driss

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À la mémoire de Karim Kilani : un homme de cœur et de vision

01. August 2025 um 12:07

Né à Carthage le 1er août 1964, Karim Kilani s’est éteint le 16 avril 2019, à l’âge de 54 ans. Homme d’affaires respecté, passionné de musique, de mer, et de savoir, il laisse derrière lui le souvenir d’un homme profondément humain, chaleureux, et d’une rare générosité. À l’approche de ce qui aurait été son 61e anniversaire, ses proches, ses collaborateurs et ses amis se souviennent d’un bâtisseur discret, dont l’empreinte demeure dans les cœurs autant que dans les structures qu’il a aidé à développer.

Issu d’une famille d’entrepreneurs, Karim Kilani a joué un rôle central dans la transformation du groupe familial. Grâce à sa vision à long terme et à ses qualités de stratège, il a su faire évoluer une société de gros spécialisée en quincaillerie en un véritable groupe structuré, réunissant plusieurs entreprises actives dans des secteurs complémentaires tels que le chauffage, l’électroménager, les sanitaires ou encore la logistique. Il a su anticiper les mutations du marché, impulser des orientations nouvelles, et fédérer des entités juridiquement distinctes autour d’une stratégie commune, assurant ainsi une croissance cohérente et durable.

Formé en économie, Karim Kilani avait choisi une spécialisation en économétrie qu’il avait poursuivie à Rabat, au Maroc. Mais son intérêt ne s’arrêtait pas au monde de l’entreprise ou de la théorie économique. Grand lecteur, il possédait une impressionnante bibliothèque, nourrie au fil des ans par sa passion pour l’Histoire et plus particulièrement l’histoire des religions, avec une fascination marquée pour les trois monothéismes. Ses lectures n’étaient pas de simples passe-temps : elles traduisaient une quête de compréhension, une ouverture d’esprit, et un profond respect pour la diversité des cultures et des croyances.

Cet humanisme se traduisait aussi dans sa manière d’être. Très sociable, bon vivant, profondément généreux, Karim Kilani était reconnu pour sa disponibilité envers les autres, son écoute, et sa tendance spontanée à soutenir des personnes ou des associations caritatives, toujours dans la discrétion. Son prénom, qui signifie « généreux », semblait lui aller à merveille, tant il incarnait cette qualité dans tous les aspects de sa vie.

Musicien dans l’âme, il était aussi passionné de sons et de rythmes. DJ amateur, il a animé de nombreuses soirées dans les clubs tunisiens, notamment au Calypso à Hammamet, où il partageait sa passion avec talent et enthousiasme. Ses sets étaient connus pour leur éclectisme, leur énergie communicative, et son habileté à faire danser les foules, toujours avec le sourire.

Parallèlement à ses activités professionnelles, Karim Kilani a également présidé le Sporting Club de Ben Arous, contribuant au rayonnement de cette structure locale. Il ne pratiquait pas lui-même de sport, mais il croyait fermement à l’importance du tissu associatif et au rôle fédérateur des clubs sportifs dans la société. Son implication dans ce club, comme dans tout ce qu’il entreprenait, était motivée par le désir de soutenir, d’encourager, et de construire.

Il était aussi membre fondateur du CJD Tunisie (Centre des Jeunes Dirigeants), à travers lequel il a encouragé une nouvelle génération de chefs d’entreprise à allier performance économique et responsabilité sociale. Ses idées sur l’entreprise étaient résolument modernes, alliant rigueur, créativité et respect des autres.

La mer occupait aussi une place à part dans sa vie. Il aimait y retrouver le silence, l’horizon, la beauté brute. Il partait souvent à la pêche, passion qu’il vivait avec la même intensité que ses lectures ou la musique. Il a d’ailleurs été inhumé au cimetière marin de Sidi Bou Said, surplombant les flots bleus qu’il chérissait tant.

À six ans de sa disparition, le souvenir de Karim Kilani reste vivace. Non seulement dans les entreprises qu’il a bâties ou accompagnées, mais aussi dans les esprits de ceux qu’il a soutenus, encouragés, fait rire ou aidés à rêver. Dans les pages de ses livres, les disques qu’il mixait, les associations qu’il soutenait ou les projets qu’il lançait, il a semé les traces d’une vie intense, généreuse, et profondément humaine.

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Lynette Howell Taylor élue présidente de l’Académie des Oscars

31. Juli 2025 um 23:41

La productrice britannique Lynette Howell Taylor a été élue présidente de l’Académie des Oscars pour la mandature 2025‑2026, succédant ainsi à Janet Yang, arrivée au terme de son mandat. Le conseil des gouverneurs de l’institution a officialisé sa nomination lors d’un vote tenu à Los Angeles, marquant un tournant significatif dans l’histoire de l’Académie.

Âgée de 46 ans, née à Liverpool, Howell Taylor devient la plus jeune présidente de l’Académie depuis 70 ans — depuis que George Seaton en avait pris la tête à 44 ans — et la première personnalité née hors des États-Unis à occuper ce poste depuis le Canadien Arthur Hiller, en 1993. Ces deux faits traduisent une volonté de renouvellement de la part de l’organisation, qui cherche à diversifier ses figures dirigeantes tout en renforçant sa portée internationale.

La nouvelle présidente sera entourée d’une équipe élue simultanément pour cette même mandature. Lesley Barber, représentante de la branche Musique, a été reconduite au poste de vice-présidente et continuera de présider le comité dédié à l’adhésion. Jennifer Fox, de la branche des producteurs, accède pour la première fois au bureau en tant que vice-présidente et prendra la tête du comité des récompenses. Le documentariste Simon Kilmurry, également nouvel entrant, assumera les fonctions de vice-président et de trésorier, tandis que Lou Diamond Phillips, représentant la branche des acteurs, occupera un poste de vice-président en charge des questions d’équité et d’inclusion. Enfin, Howard A. Rodman, issu de la branche des scénaristes, est reconduit en tant que vice-président et secrétaire, et poursuivra son travail à la tête du comité de gouvernance.

Membre de l’Académie depuis 2014, Lynette Howell Taylor siège actuellement pour la deuxième fois au conseil des gouverneurs en tant que représentante de la branche des producteurs. Elle a également exercé pendant trois ans les fonctions de vice‑présidente et présidé le comité des Oscars. Ces dernières années, elle a fortement contribué à moderniser la réflexion de l’Académie sur ses cérémonies et ses critères d’attribution, notamment en travaillant à leur ouverture et à leur adaptation face aux mutations du secteur audiovisuel.

Son parcours dans le cinéma indépendant américain témoigne d’une sensibilité artistique affirmée, et d’un engagement constant pour une production audacieuse, humaine et exigeante. Elle a produit plus de vingt-cinq longs métrages, parmi lesquels Half Nelson, Blue Valentine, The Place Beyond the Pines, Captain Fantastic ou encore Big Eyes. Mais c’est en 2018, avec A Star Is Born, réalisé par Bradley Cooper, qu’elle atteint une notoriété mondiale : le film reçoit huit nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film, et connaît un immense succès critique et public. Lynette Howell Taylor produira ensuite la 92e cérémonie des Oscars en 2020, aux côtés de Stephanie Allain, une édition saluée pour son énergie et sa volonté d’ouverture, qui lui vaudra une nomination aux Emmy Awards.

Formée à la Liverpool Institute for Performing Arts, elle fonde en 2017 sa propre société de production, 51 Entertainment, avec une orientation très claire : promouvoir des récits inclusifs, soutenir les voix sous-représentées, et défendre l’égalité des genres dans tous les maillons de la chaîne cinématographique. Ce positionnement militant, au cœur des débats qui traversent Hollywood depuis l’affaire Weinstein, a renforcé sa crédibilité dans les cercles de décision de l’industrie.

Sa nomination intervient à un moment stratégique pour l’Académie, qui cherche à renforcer sa légitimité et sa pertinence dans un paysage audiovisuel en pleine transformation. Ces derniers mois, la prestigieuse institution a entrepris de réformer ses statuts et d’élargir son horizon, en introduisant de nouvelles catégories de prix, comme celle du meilleur directeur de casting dès 2026, ou celle du meilleur coordinateur de cascades à partir de 2027. Elle tente aussi de renouer avec le public : la dernière cérémonie des Oscars a réuni 19,7 millions de téléspectateurs aux États-Unis, une nette remontée par rapport aux années précédentes.

Dans ce contexte, Bill Kramer, directeur général de l’Académie, s’est félicité de cette élection. Il a salué le rôle majeur de Lynette Howell Taylor dans la modernisation du comité des récompenses, soulignant sa vision stratégique, son dévouement, et sa capacité à fédérer les énergies autour des missions fondamentales de l’organisation : soutenir ses membres à travers le monde, préserver la santé financière de l’Académie, et célébrer les accomplissements du cinéma mondial.

Avec ce nouveau bureau, composé de profils expérimentés et engagés, Lynette Howell Taylor prend les rênes de l’Académie à un moment clé. Elle incarne une nouvelle génération de leadership, porteuse d’une vision inclusive et résolument tournée vers l’avenir. Son élection est plus qu’un symbole : c’est le signe qu’Hollywood, malgré ses lenteurs, continue à se réinventer.

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El Gouna 2025 – Le festival relance le concours “Eish”

31. Juli 2025 um 15:06

Après le succès retentissant de sa première édition en 2024, le concours « Eish » fait son retour au sein du El Gouna Film Festival, dans une édition renouvelée et ambitieuse, portée par une alliance fructueuse entre le festival, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies en Égypte, et la société Zest. Cette initiative régionale unique convie à nouveau les cinéastes d’Égypte et du monde arabe à proposer leurs projets de courts métrages en développement, d’une durée maximale de quinze minutes, autour d’un thème crucial mais souvent marginalisé dans le paysage audiovisuel : la sécurité alimentaire.

Le mot « Eish » en lui-même porte une double signification qui résonne profondément avec la philosophie du concours. En arabe classique, il signifie « Vivre », tandis qu’en dialecte égyptien, il désigne le « Pain ». Deux sens qui, loin de s’opposer, se rejoignent de manière essentielle : car le pain est la base de la vie. Sans pain, il est impossible de vivre. Ce titre simple, direct et polysémique, résume à lui seul le message que ce concours cherche à transmettre — celui d’une urgence vitale, d’un droit humain fondamental, et d’un combat collectif à mener.

La date limite de soumission des projets a été fixée au 30 août 2025, et le projet lauréat sera dévoilé lors d’un événement spécial organisé dans le cadre de la huitième édition du festival, qui se tiendra du 16 au 24 octobre à El Gouna. Ce calendrier n’est pas anodin : l’ouverture du festival coïncide cette année avec la Journée mondiale de l’alimentation, renforçant le message que cinéma et engagement humanitaire peuvent avancer main dans la main.

Un succès immédiat et un écho régional

Lancée en 2024, la première édition du concours avait suscité un engouement immédiat, avec un nombre impressionnant de candidatures reçues en un laps de temps réduit. Ce succès témoigne non seulement de la vitalité de la jeune création arabe, mais aussi de l’urgence ressentie par les nouvelles générations d’artistes à traiter de sujets sociétaux majeurs, à commencer par celui de la faim, de l’inégalité dans l’accès à la nourriture, et de la précarité alimentaire, qui touche encore des millions de personnes dans la région.

Le projet lauréat de l’an passé, Khufu du cinéaste Mohamed Khaled Al Assi, illustrait parfaitement cette volonté : à travers l’histoire simple et bouleversante d’une famille dont la survie économique dépend d’un seul chameau tombé malade, le réalisateur explorait avec pudeur les conséquences d’une instabilité financière aiguë, à l’échelle domestique. Un récit local, intime, mais porteur d’un écho universel.

L’art pour éveiller les consciences

« Eish n’est pas simplement un concours », rappelle Amr Mansi, directeur exécutif et cofondateur du El Gouna Film Festival, « c’est un appel à faire de l’art une force de changement. » Pour lui, cette initiative incarne pleinement la foi du festival dans le pouvoir du cinéma à faire évoluer les mentalités, à sensibiliser, à provoquer des dialogues. « Nous sommes fiers de poursuivre cette collaboration avec le WFP et Zest. Elle permet aux cinéastes arabes de raconter des histoires profondément ancrées dans leur réalité, et qui abordent de front des enjeux vitaux comme la sécurité alimentaire. »

Cette démarche est pleinement partagée par le Programme alimentaire mondial, représenté en Égypte par Jean-Pierre de Margerie, qui souligne la capacité du cinéma à humaniser les défis les plus complexes. « L’accès à la nourriture est à la base de la dignité humaine, de la stabilité et de la résilience des sociétés. Le cinéma a ce pouvoir unique : il ne se contente pas d’émouvoir, il incite à l’action. »

Quand la nourriture devient récit

Si l’engagement du WFP apparaît évident, la présence de Zest dans ce partenariat pourrait surprendre. Mais pour Abdallah Dnewar, directeur des programmes spéciaux chez Zest et responsable du concours, cette collaboration coule de source. « Zest est une entreprise qui place l’interaction avec la nourriture au cœur de son activité. Le lien entre alimentation et narration est, selon nous, fondamental : il permet d’explorer la complexité de l’expérience humaine. En nous associant au GFF et au WFP, nous offrons aux créateurs une tribune inédite pour raconter l’histoire de notre humanité à travers ce que nous mangeons, partageons ou perdons. »

Cette perspective ouvre un champ immense aux cinéastes : des questions de pénurie aux problématiques d’agriculture durable, des tensions liées aux chaînes d’approvisionnement aux récits de résilience face à la faim, le concours « Eish » incite à traiter la sécurité alimentaire sous toutes ses facettes, avec inventivité et engagement.

Un engagement ancré dans la mission du festival

Le El Gouna Film Festival, depuis sa création, s’est imposé comme un espace de découverte et de dialogue, où les voix arabes trouvent un écho international. En mettant en avant le cinéma comme vecteur de conscience sociale, le festival ne se contente pas de célébrer la création : il en fait un levier de transformation. Son objectif reste inchangé : promouvoir le cinéma arabe dans toute sa diversité, favoriser les échanges culturels, et soutenir l’émergence de nouveaux talents.

Le concours « Eish » s’inscrit dans cette lignée, en combinant engagement social, accompagnement artistique et rayonnement régional. En plaçant la thématique de la sécurité alimentaire au cœur du processus créatif, il permet aux cinéastes de raconter autrement leur monde, leurs inquiétudes, mais aussi leur espérance.

Le cinéma peut-il contribuer à la justice alimentaire ? Le GFF, le WFP et Zest parient que oui. Et ce sont les jeunes cinéastes arabes qui, une fois encore, auront la parole.

Neïla Driss

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A Paris, une statue pour Gisèle Halimi, mémoire d’un combat ancré entre deux rives

30. Juli 2025 um 13:36


Paris lui rend hommage avec une statue, haute de quatre mètres, érigée en juillet 2025 dans le nord de la capitale, rue de la Chapelle. Cette sculpture dorée de Gisèle Halimi, avocate, militante et femme politique, décédée en juillet 2020, fait désormais partie d’un parcours urbain dédié aux grandes figures féminines honorées lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Elle rejoint neuf autres femmes ayant marqué l’Histoire, dans un quartier en pleine mutation où la ville de Paris entend inscrire les luttes pour l’égalité dans l’espace public.

Gisèle Halimi y a toute sa place. Non seulement pour la portée de ses combats, mais aussi pour la constance avec laquelle elle a défendu, tout au long de sa vie, les principes de justice, de dignité et de liberté.

Statue Gisèle Halimi Paris

Née Zeiza Gisèle Élise Taïeb, le 27 juillet 1927 à La Goulette, près de Tunis, elle grandit dans une famille juive modeste. Enfant, elle prend très tôt conscience de l’inégalité entre les sexes : son père, dit-elle, aurait préféré qu’elle soit un garçon. Elle refuse les rôles qu’on tente de lui imposer, proteste contre les prières obligatoires à l’école, rejette les tâches réservées aux filles. Ce refus de la soumission, dès l’enfance, est le point de départ d’un engagement de toute une vie.

Son attachement à la Tunisie restera profond. Elle ne cessera de revendiquer ses racines tunisiennes, méditerranéennes, juives et laïques, et d’affirmer combien son enfance à La Goulette avait façonné sa manière de penser, de se révolter, d’aimer. Elle consacrera à cette période plusieurs livres, notamment Le Lait de l’oranger, où elle raconte son enfance dans cette banlieue portuaire de Tunis, et Fritna, un récit intime et bouleversant consacré à sa mère, dans lequel elle revient sur l’ambivalence de leur relation et sur l’éducation des filles dans une société patriarcale.

Gisèle Halimi enfant en Tunisie

Dans La Kahena, publié en 2006, elle s’identifie à cette reine berbère qui résista aux envahisseurs arabes au VIIe siècle, et dont l’histoire, longtemps effacée ou mythifiée, résonne chez elle comme un symbole de révolte féminine. À travers cette figure, Halimi puise dans les racines nord-africaines un modèle d’insoumission, et une manière de relier son propre engagement féministe à une mémoire plus vaste, souvent marginalisée. C’est aussi dans ce livre qu’elle interroge plus directement son identité multiple, à la croisée de plusieurs appartenances, dans un monde politique où l’universel est trop souvent pensé au masculin.

Avocate au barreau de Tunis, puis de Paris, elle s’engage dès les années 1950 aux côtés des militants indépendantistes tunisiens, puis dans la défense des militants du FLN algérien. Elle devient célèbre en 1960 pour avoir défendu Djamila Boupacha, une militante torturée et violée par des militaires français. En rendant publique cette affaire, elle met au cœur du débat des réalités que la société française voulait ignorer : la torture, la guerre, le viol comme arme de domination.

Dans les années 1970, elle devient l’une des figures centrales du féminisme français. Elle cofonde avec Simone de Beauvoir le mouvement Choisir la cause des femmes, signe le Manifeste des 343, et mène le procès de Bobigny en 1972, où elle défend une jeune fille poursuivie pour avoir avorté après un viol. Ce procès, très médiatisé, contribuera à ouvrir la voie à la loi Veil de 1975, légalisant l’IVG en France.

Députée, ambassadrice de la France à l’UNESCO, essayiste et militante infatigable, Gisèle Halimi n’a jamais cessé de lutter, refusant les compromis, affirmant sans relâche que l’égalité entre les sexes et la justice pour les peuples ne peuvent être dissociées.

Après la révolution tunisienne de 2011, Gisèle Halimi multiplie les prises de parole pour soutenir la transition démocratique. Elle se rend à plusieurs reprises en Tunisie, rencontre des associations, des responsables politiques, s’adresse aux médias, et affirme, dans une tribune publiée dans Le Monde, que « la Tunisie a montré la voie du courage ». Elle plaide pour un État laïque, et insiste sur l’importance de préserver les acquis des femmes tunisiennes, tout en appelant à inscrire une véritable égalité entre les sexes dans la nouvelle Constitution. À chaque visite, elle renouvelle son attachement au pays, tout en avertissant contre les reculs possibles en matière de droits.

Son engagement auprès des Tunisiennes est sans relâche. Elle participe à des rencontres avec des jeunes militantes, encourage les nouvelles générations à faire entendre leur voix, et met en garde contre les compromis politiques sur le dos des droits des femmes. Pour elle, l’égalité n’est pas négociable. Elle rappelle que l’émancipation passe par l’éducation, l’indépendance économique, et la maîtrise de son propre corps. Sa parole reste lucide, ferme, profondément politique.

Ce n’est pas la première fois que Paris honore sa mémoire. En 2021 déjà, une promenade Gisèle-Halimi avait été inaugurée en bord de Seine, entre le pont de l’Alma et le pont des Invalides, dans le quartier où elle vivait. La statue récemment installée rue de la Chapelle vient inscrire un peu plus durablement son nom dans le paysage de la capitale.

Mais au-delà de Paris, il serait peut-être temps que la Tunisie elle-même rende hommage à cette femme née sur son sol, formée par sa culture, et qui l’a portée si haut. Gisèle Halimi a honoré la Tunisie par ses combats, son intégrité et la clarté de sa parole. Elle a fait entendre, bien au-delà des frontières, une voix libre, ancrée dans son histoire tunisienne, mais tournée vers l’universel.

Neïla Driss

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Ziad Rahbani (1956–2025) : la voix rebelle d’un Liban en musique

26. Juli 2025 um 11:56


Il aura passé sa vie à dire tout haut ce que d’autres murmuraient, et à faire entendre sur scène et au piano une colère douce, lucide, ironique, mais toujours désespérément humaine. Ziad Rahbani s’est éteint ce samedi 26 juillet 2025, à l’âge de 69 ans, laissant orphelines des générations entières pour qui ses mots, ses mélodies et ses silences faisaient partie d’une mémoire collective, douloureuse et belle à la fois.

Héritier d’une famille mythique — il était le fils de la grande Fairuz et du compositeur Assi Rahbani, membre du légendaire duo des frères Rahbani — Ziad a tracé une voie singulière dès ses débuts. Et s’il a grandi à l’ombre d’un arbre immense, il n’a jamais voulu s’y abriter. Très tôt, il se pose en contrepoint. À 17 ans, il compose sa première œuvre pour la comédie musicale Al Mahatta, interprétée par sa mère. Mais c’est en 1974 que le public libanais découvre vraiment sa voix, avec Nazl el-Sourour, pièce satirique, drôle et désespérée, où il joue un personnage désabusé dans un pays déjà au bord du gouffre. L’année suivante, la guerre civile éclate. Elle durera quinze ans.

C’est dans ce Liban en lambeaux que l’œuvre de Ziad Rahbani prend toute sa force. Bennesbeh Labokra Chou? (Qu’en est-il de demain ?) est sans doute l’une de ses pièces les plus marquantes. Elle met en scène des laissés-pour-compte, dans un bar, à Beyrouth. Des personnages simples, unis par la solitude, la peur, l’alcool et l’humour noir. Le tout ponctué par la musique de Ziad, mélancolique, jazzy, toujours à la lisière de l’implosion. C’est un théâtre populaire, mais profond. Engagé, mais jamais didactique. Un théâtre qui ne donne pas de leçon, mais tend un miroir, cruel et tendre à la fois.

À mesure que les années passent, Ziad Rahbani continue à écrire, composer, jouer. Il invente un langage musical hybride, à la croisée du jazz, du funk, du classique occidental et des modes arabes. Il ne cherche pas à plaire, il cherche à dire. Il refuse la facilité, se méfie du succès. Il compose pour Fairuz des chansons bouleversantes — Ouverture 83, Kifak Inta, Bala Wala Chi — qui tranchent avec les grandes fresques lyriques des frères Rahbani. C’est un virage plus intime, plus âpre, parfois même rugueux. Fairuz, habituellement éthérée, y devient une femme blessée, inquiète, questionnante. Une chanteuse plus humaine encore.

Et pourtant, malgré cette collaboration puissante, leur relation mère-fils a connu des zones d’ombre. Pendant plusieurs années, ils ne se sont plus exprimés publiquement l’un sur l’autre, et leur présence commune sur scène s’est raréfiée. Leurs désaccords personnels, leurs choix de vie très différents, ont nourri des tensions — parfois exposées, parfois simplement devinées. Mais jamais ces silences privés n’ont altéré la profondeur de leur lien artistique.

Entre eux deux, il n’y eut jamais de rupture artistique. Malgré les silences, les fuites, les tensions, leur lien musical est resté intact, souterrain, indéfectible. Fairuz l’a porté enfant, il l’a portée en retour sur scène. Il connaissait ses moindres silences, ses respirations, ses angoisses. Elle fut son premier monde, il fut pour elle une nouvelle voix. Leur dialogue, à travers la musique, a continué bien après que les mots se sont faits rares. Il composait pour elle non pas ce qu’elle voulait entendre, mais ce qu’il savait qu’elle pouvait porter – avec cette grâce blessée, presque douloureuse, que seule Fairuz pouvait offrir au public arabe.

Fairuz et son fils Ziad Rahbani

Ziad Rahbani n’a jamais rejeté la musique orientale. Il l’a bousculée, interrogée, déplacée. À ceux qui voyaient dans son amour du jazz ou du funk une trahison des traditions, il répondait par l’écriture. Dans ses compositions, l’oud cohabite avec le piano électrique, la derbouka se glisse entre deux lignes de basse syncopées, et les improvisations orientales trouvent un écho dans les envolées du saxophone. Il se situait dans une filiation, mais sans nostalgie. Il reconnaissait la dette envers Sayyed Darwich, Mohamed Abdelwahab ou les maqâms traditionnels, tout en leur ouvrant d’autres chemins. En réalité, il faisait de la musique arabe ce qu’elle a toujours été : un art vivant, ouvert, en conversation avec le monde.

Ziad Rahbani ne s’est jamais limité à la scène ou au studio. Homme de radio, il provoque, ironise, déconstruit. Communiste assumé, athée revendiqué, il se tient à l’écart des institutions politiques comme des puissances religieuses. Il incarne une forme de contre-culture, rare dans le monde arabe. Il parle la langue du peuple, avec ses aspérités, ses failles, son humour cru. Il est moqué, critiqué, censuré parfois, mais aimé. Immensément.

Son engagement politique ne se traduit pas par des slogans, mais par une vision. Celle d’un Liban qui aurait pu être. Un Liban laïc, progressiste, égalitaire. Ce Liban n’a jamais existé que dans ses pièces, ses disques, ses illusions. Mais il l’a rêvé si fort qu’il est devenu réel, au moins le temps d’un spectacle, d’une chanson, d’un accord.

L’annonce de sa mort a provoqué une vague d’émotion dans tout le monde arabe. Le président libanais Joseph Aoun lui a rendu hommage, saluant un « phénomène culturel », « une voix rebelle contre l’injustice », « une conscience lucide ». Les réseaux sociaux, eux, se sont remplis de souvenirs personnels, de phrases de ses pièces devenues proverbiales, de chansons fredonnées à voix basse, comme des prières laïques pour ne pas sombrer.

Mais Ziad Rahbani n’aurait sans doute pas aimé qu’on le sacralise. Lui qui, toute sa vie, a lutté contre les icônes figées, les statues poussiéreuses, les mythes étouffants. Il préférait l’ironie à la révérence, le doute à la certitude. Dans Bennesbeh Labokra Chou?, son personnage lançait : « Ils disent que demain sera mieux… mais aujourd’hui, qui s’en occupe ? » Cette phrase, amère et lucide, résume peut-être toute son œuvre.

Ziad Rahbani laisse derrière lui une œuvre monumentale, mais surtout un esprit. Celui d’un homme libre, douloureusement libre, qui a préféré la vérité à la gloire, la complexité à la simplification, la musique à la propagande. Il ne cherchait pas à plaire. Il cherchait à comprendre, à ressentir, à dénoncer, à exister. À travers ses mots, ses notes, ses silences.

Aujourd’hui, le Liban pleure un artiste. Mais plus encore, il pleure une conscience. Une voix qui, même quand elle se taisait, disait quelque chose d’essentiel. Et dont l’écho, longtemps encore, résonnera entre les murs fissurés d’un pays qu’il a tant aimé — à sa façon.

Neïla Driss

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Quand un mégot peut tout brûler : chronique d’un incendie évité, et d’un mal profond

24. Juli 2025 um 12:37

Ce devait être une journée paisible, une journée d’été comme tant d’autres. Le sable chaud, les rires des enfants, le clapotis des vagues. Et puis, tout à coup, les cris : « Au feu ! ». En quelques instants, la panique. Une cabane au toit de paille venait de s’enflammer.

La scène s’est déroulée en pleine journée, sur une plage tunisienne. Très vite, les employés du site — gardiens, agents de sécurité, serveurs — ont accouru, armés d’extincteurs. Leur sang-froid et leur efficacité ont permis de contenir les flammes, d’éviter le pire. Les pompiers ont ensuite pris le relais. Bilan : des dégâts matériels. Pas de blessés. Mais une colère profonde, tenace, qui ne s’éteindra pas aussi facilement que le feu.

Cet incendie aurait pu avoir des conséquences bien plus graves. Car cette cabane est située juste à côté d’un abri de voiture. Que se serait-il passé si une voiture avait été touchée ? Si son réservoir d’essence avait explosé ? À quelques mètres de là se trouve aussi un accès direct à la plage, souvent emprunté par des familles, des enfants, des personnes âgées. Une seule étincelle de plus, et la tragédie était à portée de souffle.

D’après l’enquête préliminaire de la Protection civile, l’incendie aurait été provoqué par un simple mégot de cigarette, jeté par-dessus un mur peut-être par un client ou un employé d’un restaurant voisin, également construit en paille. Un geste anodin, négligent, irresponsable. Et pourtant, potentiellement meurtrier.

Ce n’est qu’un fait divers, diront certains. Mais il est révélateur d’un mal bien plus profond : l’incivilité banalisée, la négligence élevée au rang de norme, le refus d’assumer la moindre responsabilité collective.

Dans le cas présent, ce mégot a déclenché un feu. Mais combien d’autres mégots sont simplement enfoncés dans le sable ? Combien jonchent nos plages, au milieu des coquillages et des jouets d’enfants ? Combien de bébés, de tout-petits, risquent chaque jour de mettre un de ces déchets toxiques à la bouche, faute d’attention, faute de civisme ?

Et ce n’est pas faute d’infrastructures : des cendriers sont installés sur toutes les tables, les poubelles sont visibles, accessibles. Il suffirait de faire deux pas, ou de tendre la main. Mais non. Il est tellement plus facile de se débarrasser de son mégot dans le sable, comme on se débarrasse de sa responsabilité.

Chaque jour, par des gestes aussi simples qu’un jet de mégot ou qu’un sachet plastique laissé sur le sol, nous signons notre défaite. Mais faut-il s’y résigner ? Que faire ? D’abord, dire STOP. Dénoncer ces comportements. Exiger des amendes, des sanctions, des campagnes de sensibilisation sérieuses. Éduquer dès l’école, mais aussi rappeler aux adultes qu’ils n’ont pas le droit de polluer, de dégrader, de mettre en danger les autres. Multiplier les cendriers, oui. Mais aussi exiger leur usage.

Surtout, il est urgent de redonner de la valeur à l’espace collectif. Une plage n’est pas un dépotoir. Une rue n’est pas un cendrier géant. Et si nous ne réapprenons pas à respecter ce qui est à tous, alors plus rien ne nous distinguera d’une société en décomposition.

Un mégot a failli tout brûler. Ce jour-là, le feu a été éteint. Mais la braise, elle, est encore là — invisible, insidieuse. Et elle nous consume lentement.

Neïla Driss

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Kaouther Ben Hania en compétition à Venise avec « The Voice of Hind Rajab »

22. Juli 2025 um 13:14

La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania entre en compétition officielle à la Mostra de Venise avec son nouveau long-métrage The Voice of Hind Rajab (La voix de Hind Rajab). Cette sélection confirme le rayonnement international de l’une des voix les plus singulières du cinéma arabe contemporain, quelques mois seulement après sa nomination aux Oscars pour Les Filles d’Olfa (Four Daughters).

Dans une déclaration bouleversante, Kaouther Ben Hania revient sur la genèse fulgurante de ce projet né d’un choc personnel. C’est en pleine campagne pour les Oscars, alors qu’elle s’apprêtait à tourner un film qu’elle préparait depuis dix ans, qu’un enregistrement audio va tout bouleverser. Lors d’une escale à l’aéroport de Los Angeles, elle entend la voix d’une fillette appelant à l’aide : « J’ai entendu un enregistrement de Hind Rajab qui suppliait qu’on vienne l’aider. J’ai immédiatement ressenti un mélange de tristesse accablante et d’impuissance. C’était physique, comme si le sol s’effondrait sous moi. Je ne pouvais pas continuer comme prévu. »

Hind Rajab, 6 ans, est une enfant palestinienne de Gaza. Le 29 janvier 2024, alors que sa famille tente de fuir les bombardements israéliens, leur voiture est prise pour cible. Hind est la seule survivante, cachée dans le véhicule avec les corps de ses proches. Elle appelle à l’aide via un téléphone portable. L’enregistrement de sa voix – devenu viral – capte en temps réel l’attente, la peur, la solitude. Malgré l’alerte lancée par le Croissant-Rouge, l’enfant ne sera jamais secourue. Elle est retrouvée morte quelques jours plus tard, avec les secouristes envoyés pour elle. La voiture qui les transportait avait reçu 355 balles.

The Voice of Hind Rajab

Profondément marquée par ce drame, la réalisatrice entre en contact avec la famille de Hind, avec les équipes du Croissant-Rouge, et obtient l’intégralité de l’audio original, soixante-dix minutes d’un enregistrement insoutenable. C’est à partir de ces voix réelles et de ces témoignages qu’elle décide de bâtir un film de fiction : The Voice of Hind Rajab.

Le film repose sur un dispositif minimaliste : un lieu unique, aucune image de violence, mais un hors-champ qui oppresse. Un choix assumé : « Les images violentes sont partout autour de nous : sur nos écrans, nos téléphones. Ce que je voulais montrer, c’est l’invisible – l’attente, la peur, le silence insupportable quand personne ne vient. »

Dans cette mise en scène de l’attente, du silence, de l’inaction face à l’urgence, Kaouther Ben Hania interroge ce que le cinéma peut encore dire, ce qu’il peut préserver face à l’accélération du temps médiatique. Pour elle, The Voice of Hind Rajab n’est pas seulement un film sur Gaza : « Cette histoire ne parle pas seulement de Gaza. Elle évoque un deuil universel. Le cinéma peut préserver une mémoire. Il peut résister à l’amnésie. Que la voix de Hind Rajab soit entendue. »

Produit par Nadim Cheikhrouha, Odessa Rae et James Wilson, le film a été soutenu par Totem Films pour les ventes internationales. Il a également bénéficié d’une subvention du Fonds de soutien à la création artistique et littéraire, relevant du ministère tunisien des Affaires culturelles.

Après La Belle et la Meute, L’Homme qui a vendu sa peau ou encore Les Filles d’Olfa, Kaouther Ben Hania continue d’explorer les failles du monde à travers des dispositifs singuliers. Avec The Voice of Hind Rajab, elle signe un film de résistance et de mémoire, où le cinéma devient à la fois écoute, hommage, et cri contre l’oubli.

Neïla Driss

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Neïla Benzina, un parcours d’excellence récompensé par la Légion d’honneur

21. Juli 2025 um 13:12

Le 14 juillet 2025, à l’occasion de la traditionnelle promotion civile de la Légion d’honneur, Neïla Benzina a été nommée chevalier par décret présidentiel publié au Journal officiel de la République française en date du 13 juillet 2025. Cette distinction honore un parcours d’exception, à l’intersection de la technologie, de l’éducation et de l’engagement citoyen, entre la Tunisie et la France, entre le Maghreb et l’Europe.

Née en Tunisie, diplômée de l’Institut national des télécommunications (aujourd’hui Télécom SudParis), Neïla Benzina s’inscrit dès le début de sa carrière dans les métiers de la transformation digitale. Elle débute en tant que consultante en France pour des groupes comme LVMH, Renault ou Saint-Gobain, avant de prendre la tête de la filiale Afrique et Moyen-Orient de Business & Decision, où elle pilote jusqu’en 2018 plus de 480 experts en data. Son départ intervient à la suite du rachat de l’entreprise par Orange Business Services.

Mais c’est surtout à travers son engagement entrepreneurial qu’elle s’impose comme une figure incontournable de l’innovation en Afrique. En 2019, elle fonde Wimbee (ou Wimbeetech), un cabinet de conseil en IA, data et transformation digitale, basé à Tunis, avec des ramifications à Paris, Madrid et Varsovie. Dans le même esprit d’impact, elle lance la Holberton School Tunisia, école d’informatique inclusive, fondée sur le peer learning, qui forme de jeunes talents issus de tous horizons à la programmation. À travers Campusna, sa plateforme edtech B2B, elle promeut la formation continue dans le secteur technologique, notamment à travers la solution Tekouin.

Femme de réseaux et d’influence, Neïla Benzina occupe également des fonctions stratégiques au sein de plusieurs institutions : présidente de French Tech Tunis, vice-présidente de TACT et de Réseau Entreprendre Tunisie, membre du Conseil stratégique national du numérique en Tunisie. En 2024, elle est désignée représentante des actionnaires minoritaires au conseil d’administration d’Attijari Bank Tunisie, et siège depuis à ce titre dans la gouvernance de la banque.

Neïla Benzina
Neïla Benzina

Cette reconnaissance officielle française vient couronner un engagement de plus de deux décennies, salué à plusieurs reprises par d’autres distinctions : chevalier de l’Ordre national du Mérite tunisien en 2015, sélection par Jeune Afrique parmi les 50 femmes les plus influentes du continent dès 2017, et plus récemment, en avril 2025, inclusion dans la prestigieuse liste “Forbes France 50 Over 50”, qui célèbre les femmes inspirantes de plus de 50 ans.

Dans un message publié peu après l’annonce de sa décoration, Neïla Benzina a exprimé son émotion, rappelant qu’elle la recevait aussi « au nom de toutes les femmes qui travaillent dans l’ombre, qui osent transformer leurs rêves en réalités concrètes, et qui refusent de choisir entre ambition et impact ». Une déclaration à l’image de son itinéraire : sans éclats artificiels, mais avec constance, lucidité et ambition.

Son nom rejoint ainsi celui de quelques autres femmes franco-tunisiennes ayant marqué leur époque par leur audace et leur détermination. Ce n’est pas un hasard si elle est également la petite-fille de Tawhida Ben Cheikh, première femme médecin en Afrique du Nord. L’héritage de cette pionnière semble se prolonger naturellement dans les combats de sa descendante, investie dans l’intelligence artificielle, la transmission du savoir et la construction de ponts entre les générations et les continents.

La Légion d’honneur n’est pas ici une fin, mais un jalon. Neïla Benzina continue de tracer un chemin pour les innovatrices d’Afrique et d’ailleurs, où la technologie devient un levier d’émancipation et de justice sociale.

Neïla Driss


 

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Thierry Ardisson, l’homme en noir s’en est allé

14. Juli 2025 um 11:08

Il avait fait du noir sa couleur, de l’impertinence son style, et du verbe une arme élégante. Thierry Ardisson s’est éteint à l’âge de 76 ans, des suites d’un cancer du foie, après plusieurs mois de lutte contre la maladie. Avec lui disparaît une figure singulière de la télévision française, à la fois iconoclaste, érudit et minutieusement mise en scène.

Né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf dans la Creuse, élevé à Montpellier, Thierry Ardisson arrive à Paris dans les années 70 avec l’intuition que la communication serait son terrain de jeu. Publicitaire de formation, il conçoit plusieurs slogans devenus cultes, avant de bifurquer vers la télévision où il ne tarde pas à imprimer sa marque.

Dans les années 80, Bains de minuit lui offre ses premiers pas d’animateur. Mais c’est avec Lunettes noires pour nuits blanches et surtout Tout le monde en parle que son style se cristallise : une émission-rituel, un face-à-face frontal, une mise en scène en clair-obscur où l’interview devient un jeu de pouvoir, de séduction et parfois de déstabilisation. Il n’avait pas peur de provoquer, mais cherchait toujours à créer un moment de vérité, même fugace, entre l’invité et lui.

Il écrivait ses questions, montait ses émissions, inventait des dispositifs où les mots étaient aussi importants que les silences. Son émission Salut les Terriens !, plus tard, lui permettra de prolonger ce théâtre télévisuel, en s’entourant de chroniqueurs aussi incisifs que lui. Thierry Ardisson aimait révéler, exagérer, troubler — mais toujours dans un souci de rythme, de dramaturgie, de télévision pensée comme spectacle total.

Producteur exigeant, il fonde ARDIS et s’essaie à de nombreux formats, du documentaire à la fiction. Fasciné par la mort, la mémoire, et l’illusion, il se lance en 2022 dans les interviews de personnalités décédées grâce à la technologie du deepfake, provoquant fascination et malaise. Cette expérimentation tardive était fidèle à son goût pour l’iconoclasme et pour les frontières mouvantes entre réel et représentation.

Malgré son image provocante, il y avait chez lui une forme de mélancolie, souvent perceptible. Lecteur assidu, amateur d’histoire et de littérature, il interrogeait souvent la mort, l’éternité, les traces qu’on laisse. Il disait souvent qu’à la télévision, « tout est faux, sauf les archives ». Il en aura laissé, et non des moindres.

Thierry Ardisson est mort entouré des siens. Il laisse son épouse Audrey Crespo-Mara, ses enfants, et des générations de téléspectateurs marqués par sa voix grave, son regard dissimulé derrière des lunettes noires, et sa manière unique d’incarner la télévision : un art de l’instant, du verbe, et de la mise en scène.

Neïla Driss

 

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« Hacks » : derrière la scène, la vérité d’un métier

16. Juni 2025 um 19:11

Sous ses airs de comédie sur le stand-up, Hacks s’impose comme l’une des séries les plus fines de ces dernières années. Récompensée à de multiples reprises, notamment aux Golden Globes 2022 et 2025, elle explore les rapports de pouvoir, de transmission et de survie dans l’univers impitoyable du spectacle. Au centre : la relation tendue et bouleversante entre deux femmes que tout oppose, unies par la nécessité de continuer à faire rire — et d’exister.

 

Il y a des séries qui divertissent, d’autres qui observent le monde avec un regard chirurgical. Hacks parvient à faire les deux à la fois. Depuis son lancement sur HBO Max en mai 2021, la série s’est imposée comme l’un des objets les plus singuliers et intelligents du paysage télévisuel américain. Sous ses dehors de comédie acide sur le stand-up, elle interroge en profondeur les rapports de pouvoir, de transmission, de solitude et de création dans le monde du spectacle — et plus encore, elle explore avec une rare justesse la tension entre deux femmes que tout oppose, sauf l’urgence de continuer à exister sur scène.

Créée par Lucia Aniello, Paul W. Downs et Jen Statsky, Hacks suit la rencontre explosive entre Deborah Vance (Jean Smart), icône vieillissante du stand-up reléguée à une résidence à Las Vegas, et Ava Daniels (Hannah Einbinder), jeune scénariste talentueuse mais précipitamment éjectée du milieu hollywoodien pour un tweet jugé offensant. Les deux sont à un moment critique de leur carrière : Deborah sent que son public s’effrite, que sa parole n’a plus le même impact, tandis qu’Ava découvre brutalement que le monde de la télévision n’a pas de place pour les jeunes femmes trop sûres d’elles. Leur agent commun, Jimmy, tente un pari risqué : forcer ces deux femmes que tout oppose à collaborer. Ava devra réécrire les blagues de Deborah, et Deborah devra accepter d’ouvrir son univers. Le reste n’est que chaos, fierté, douleurs et éclats de génie.

L’intérêt de Hacks ne réside pas dans un retournement de situation ou une mécanique comique répétitive, mais dans ce lien unique et instable entre Deborah et Ava, que la série décortique avec une minutie remarquable. Deborah, incarnée par une Jean Smart au sommet de son art, n’est jamais présentée comme une mentor douce ou nostalgique. Elle est dure, brillante, méfiante. Elle a construit sa carrière seule, dans un univers dominé par les hommes, en renonçant à la tendresse, à l’amour, parfois même à l’éthique. Trop de trahisons l’ont rendue incapable de faire confiance facilement.

Ava, de son côté, incarne une génération qui croit encore au pouvoir des mots, à la transparence, à la liberté créative. Mais elle est aussi arrogante, mal armée face à la brutalité du métier, pétrie de contradictions. Ce qu’elle méprise chez Deborah — ses compromis, son goût du public — est aussi ce qu’elle envie : une carrière, une voix, une liberté.

Entre elles, la série invente une relation rare à l’écran : ni amicale, ni maternelle, ni franchement antagoniste. Une relation faite de heurts, de silences, de micro-évolutions. Elles ne deviennent pas amies. Elles deviennent indispensables l’une à l’autre. C’est par la confrontation qu’elles avancent. Et c’est ce qui rend Hacks si poignant : son refus de simplifier, son refus du spectaculaire.

Mais Hacks est aussi une immersion dans les rouages concrets de la scène. À travers les répétitions, les discussions d’écriture, les soirées de rodage devant un public indifférent, la série dévoile les coulisses du métier d’humoriste, non pas sous un jour romantique, mais comme un travail d’orfèvre et de stratégie. Comment rendre une blague plus percutante ? Que vaut une anecdote personnelle si elle ne fait pas rire ? Quand faut-il choisir entre honnêteté et efficacité ? Chaque épisode est traversé par ces questions, souvent sans réponse, mais toujours ancrées dans la réalité du métier.

On découvre aussi tout ce que la réussite exige : des sacrifices personnels, des renoncements éthiques, une disponibilité totale au public, et surtout, une capacité à tout transformer en récit, même les douleurs les plus intimes. Deborah ne cesse de repousser le moment où elle parlera vraiment d’elle sur scène, et Ava la pousse à ce saut, sans toujours comprendre le prix à payer.

La série interroge aussi, en creux, la place des femmes dans ce milieu. Deborah a survécu là où beaucoup ont disparu. Elle a dû accepter d’être « l’exception » dans un monde d’hommes, quitte à reproduire certaines logiques de domination. Ava, elle, refuse de se soumettre, mais découvre à quel point la marginalité a un coût. Hacks ne les juge pas, mais les observe, avec une précision cruelle et parfois bouleversante.

Les premières saisons scrutent le métier d’humoriste : l’écriture d’un sketch, les répétitions, les retours de public, la peur du flop, les longues tournées, les hôtels impersonnels. Hacks déjoue la tentation de l’idéalisation. Tout est montré : les soirs de triomphe et les humiliations, les conseils cruels et les rivalités mesquines, les regards sexistes et les exigences commerciales. La scène devient un lieu d’exposition mais aussi de combat, de solitude et de stratégie. Ce n’est pas une série sur la célébrité, c’est une série sur ce qu’il faut sacrifier pour y rester.

 

Hacks
Affiche de la saison 4 de « Hacks »

 

Et c’est justement la saison 4, diffusée en 2025, qui pousse ce regard un cran plus loin. Deborah quitte Las Vegas pour animer un late show à la télévision américaine, un rêve qu’elle avait enterré, et qu’elle obtient enfin… au moment où elle pensait ne plus le désirer. La série change alors de décor et entre dans un autre monde : celui de la télévision généraliste, avec ses codes, ses censures, ses producteurs, ses annonceurs, ses décisions absurdes. On découvre comment chaque minute à l’écran est négociée, comment les invités sont sélectionnés, comment les blagues sont validées (ou coupées), et surtout à quel point le regard public — aujourd’hui démultiplié par les réseaux sociaux — peut devenir un piège.

Car la saison 4, en plus de dévoiler les coulisses de la télé, montre aussi comment une femme comme Deborah doit constamment négocier sa place : être drôle mais pas méchante, politique mais pas trop, moderne sans trahir son image. La moindre erreur devient virale, la moindre expression mal interprétée devient polémique. Et Ava, toujours présente à ses côtés comme co-autrice, devient le témoin inquiet de ces tensions. Entre elles, rien n’est jamais acquis. Leur lien se transforme : moins frontal, plus intime, mais toujours traversé de fêlures.

Cette saison est sans doute la plus cruelle, mais aussi la plus révélatrice. Elle questionne le rôle des femmes dans les médias, l’obsession du rajeunissement, les injonctions contradictoires à être « fun » mais inoffensive, « libre » mais lisse, « inclusive » mais rentable. Elle montre aussi le poids grandissant des réseaux sociaux dans la fabrique du succès, la manière dont chaque image, chaque mot peut être recadré, détourné, recyclé contre vous. À travers Deborah, Hacks ausculte une époque où la visibilité est à la fois une arme et une menace.

Dès la première saison, la série a été saluée par la critique. Jean Smart a remporté un Emmy Award pour son rôle, et la série a décroché deux Golden Globes en 2022, dont celui de la meilleure comédie. En 2025, elle réitère l’exploit : nouveau Golden Globe pour la meilleure série comique, nouveau prix pour Jean Smart, récompensée pour une performance d’une rare intensité. À ce jour, Hacks a remporté 92 prix et obtenu 192 nominations, un palmarès impressionnant pour une série qui refuse toute facilité.

 

Hacks
« Hacks » – Golden Globes 2025 de la Meilleure série télévisée – comédie ou comédie musicale

 

Hacks
« Hacks » – Golden Globes 2025 de la Meilleure actrice dans une série télévisée – comédie ou comédie musicale pour Jean Smart

Après quatre saisons d’une remarquable cohérence artistique, une cinquième saison a été confirmée, bien que la date de diffusion ne soit pas encore annoncée. La série continue à se renouveler, à approfondir ses personnages, et surtout à interroger ce que signifie faire rire aujourd’hui : à quel prix, pour qui, et jusqu’à quand.

Hacks n’est donc pas une série « sur » le stand-up. Elle est une série sur ce que le stand-up révèle : la solitude des artistes, la violence du regard public, la négociation permanente entre ce qu’on est et ce qu’on montre. Et au cœur de tout cela, deux femmes qui refusent de disparaître, qui se battent pour écrire, parler, exister — quitte à se détruire un peu au passage.

Neïla Driss

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Cannes 2025 – « Woman and Child », le grand absent du palmarès

27. Mai 2025 um 17:01

Pour la deuxième fois, Saeed Roustaee quitte le Festival de Cannes sans figurer au palmarès officiel, et cela demeure difficilement compréhensible. En 2022, son remarquable Leila et ses frères avait certes remporté le Prix FIPRESCI, mais n’avait reçu aucune récompense du jury officiel. Cette année, avec Woman and Child, le cinéaste iranien livre pourtant un nouveau film puissant, parfaitement maîtrisé, qui aurait largement mérité une reconnaissance à la hauteur de son audace et de sa profondeur.

Présenté en sélection officielle au 78ème Festival de Cannes, Woman and Child (Zan o Bacheh, en version originale) a immédiatement marqué les esprits lors de sa première au Grand Théâtre Lumière. Accueilli par une longue standing ovation, ce film bouleversant illustre avec force les tensions sociales et intimes qui agitent l’Iran d’aujourd’hui.

Saeed Roustaee, réalisateur iranien né en 1989 à Téhéran, s’est imposé comme l’un des cinéastes les plus pertinents de sa génération. Diplômé de l’Université Soore de Téhéran, il est connu pour ses œuvres incisives telles que Life and a Day (2016) et La Loi de Téhéran (2019), qui explorent les fractures sociales et les violences au sein de la société iranienne. Saeed Roustaee est aussi un artiste dont la liberté d’expression a été mise à rude épreuve. Son film Leila et ses frères (2022), présenté à Cannes sans l’aval des autorités iraniennes, lui a valu des démêlés judiciaires importants, avec une condamnation à six mois de prison avec sursis pour « propagande contre le régime ».

Woman and Child se concentre sur le parcours de Mahnaz, interprétée avec une intensité remarquable par Parinaz Izadyar, une infirmière veuve qui élève seule ses enfants dans le Téhéran contemporain, avec l’aide de sa mère chez laquelle elle vit. Alors qu’elle s’apprête à refaire sa vie avec Hamid, son fiancé joué par Payman Maadi, un drame familial survient : le fils de Mahnaz est renvoyé de l’école, et bientôt, un accident tragique vient bouleverser le fragile équilibre familial. Ce choc intime devient le révélateur de tensions plus larges, sociales et politiques, qui traversent la société iranienne.

Le synopsis pourrait sembler classique à première vue, mais c’est dans la manière dont Saeed Roustaee construit cette histoire qu’émerge toute la force du film. La narration est subtile, entre suspense et émotion brute, et jamais le réalisateur ne cède à la facilité. Le film déroute par ses nombreux retournements narratifs, ces twists qui bousculent notre compréhension des personnages et de leur réalité, tout en maintenant une tension dramatique jusqu’à la dernière minute. Cette construction complexe, digne d’un thriller psychologique, épouse brillamment la montée d’une tension sociale palpable dans l’Iran d’aujourd’hui.

L’une des grandes forces du film réside dans son portrait d’une femme iranienne contemporaine, confrontée à une société patriarcale et répressive. Mahnaz est une figure d’indépendance et de résistance, qui lutte pour sa liberté et celle de ses enfants. Mais son combat est aussi celui de toutes les femmes iraniennes, enfermées dans un système rigide où le poids des traditions misogynes, des lois et des normes religieuses, pèse lourdement. À travers elle, Saeed Roustaee donne une voix à une population qui souffre en silence, un cri étouffé mais vibrant. Ce portrait social est d’autant plus fort qu’il est porté par l’interprétation intense et juste de Parinaz Izadyar, saluée à l’unanimité par la critique. Beaucoup ont estimé qu’elle méritait haut la main le Prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes, tant son jeu mêle vulnérabilité et force, douleur et rage contenue.

 

Cannes 2025 – Montée des marches pour l’équipe du film « Woman and child »

 

Mais cette œuvre sociale majeure n’a pas échappé à la polémique. Woman and Child a suscité une controverse avant même sa présentation à Cannes. L’Association des cinéastes iraniens indépendants (IIFMA) a accusé Saeed Roustaee de faire de la « propagande » pro-régime, en raison notamment de l’obtention d’un permis de tournage — perçu comme une marque de compromission — et de la représentation de femmes voilées, y compris dans des scènes se déroulant dans la sphère domestique. Selon l’IIFMA, cela constituerait une trahison du mouvement « Femme, Vie, Liberté », né après la mort de Mahsa Amini et qui a profondément bouleversé la société iranienne.

Roustaee a répliqué publiquement en expliquant que l’autorisation officielle n’était qu’une formalité administrative indispensable pour mener à bien le film féministe qu’il avait en tête. Il a revendiqué son œuvre comme relevant d’un « cinéma de résistance », affirmant que le film devait justement parler de l’émancipation féminine depuis l’intérieur du système, afin de pouvoir atteindre le public iranien.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection, Roustaee a été interrogé sur la question de l’autocensure, notamment à la lumière de l’interdiction en Iran de son troisième film, Leila et ses frères. Il a répondu qu’il ne savait pas exactement si, dans son inconscient, il s’autocensurait. Âgé de 35 ans et vivant en Iran, il connaît bien son cinéma, qui s’inscrit dans la continuité du cinéma social iranien des 45 dernières années. Il ne sait pas jusqu’où il s’autocensure, si c’est le cas, mais il fait des films pour être vus par le public iranien dans les salles du pays. Il admet donc qu’il fait sûrement attention à certains aspects pour que cela soit possible.

D’autres critiques ont rejoint ce débat, cette fois au sein même de la diaspora iranienne. Certains reprochent à Roustaee de ne pas montrer des femmes assez libres ou assez émancipées à l’écran, estimant qu’il reste trop prudent dans sa manière de les représenter. Alors que, dans la réalité iranienne, un nombre croissant de femmes choisissent de ne pas porter le voile dans la sphère publique, certains lui reprochent de montrer des personnages féminins voilés à la maison, ce qui pourrait être interprété comme une forme d’acceptation ou de normalisation d’une norme imposée. D’autres réalisateurs iraniens ont, ces dernières années, cherché à ne pas respecter cette règle : par exemple Mohammad Rasoulof a choisi, dans son film Le Diable n’existe pas (2020), de montrer des femmes non voilées dans la sphère privée ; ou plus récemment encore Jafar Panahi, dont on voit une femme non voilée y compris dans la rue dans son film Un simple accident. Roustaee, par son travail, navigue avec subtilité dans ces eaux troubles, ce qui ne peut que susciter débats et questionnements.

 

Cannes 2025 – Le réalisateur Saeed Roustaee, les acteurs Payman Maadi, Parinaz Izadyar et l’enfant Arshida Dorostkar

 

Sur le plan de la direction d’acteurs, le film brille aussi par la complicité entre Saeed Roustaee et Payman Maadi, acteur qu’il considère comme son « acteur fétiche ». Leur collaboration remonte à Life and a Day, et depuis, Maadi incarne souvent des personnages complexes, révélateurs des contradictions de la société iranienne. Dans Woman and Child, son interprétation de Hamid ajoute une couche supplémentaire à la tension dramatique, entre soutien et conflit familial.

L’écriture du film mérite également une mention spéciale. Le scénario, solidement construit, explore de manière subtile mais incisive les thèmes du deuil, de la justice, et de la condition des femmes. Ce qui fait la force du récit, c’est sa capacité à mêler un drame intime et une critique sociale profonde. La tension narrative est savamment orchestrée, chaque scène apportant son lot de révélations et de retournements, ce qui rend la progression du film captivante et parfois déconcertante. Selon moi, Woman and Child aurait mérité un prix du meilleur scénario à Cannes, tant ce travail d’écriture épouse parfaitement la complexité psychologique des personnages tout en reflétant la réalité sociale iranienne.

Le film est donc une œuvre qui témoigne d’un esprit rebelle profond, d’une volonté farouche de faire entendre une voix féminine dans un contexte où celle-ci est souvent réduite au silence. Woman and Child n’est pas seulement le portrait d’une femme isolée : c’est aussi un miroir de la société iranienne contemporaine, où traditions, religion, pouvoir patriarcal et aspirations individuelles s’entrechoquent douloureusement.

Mais au-delà de son sujet immédiat, Woman and Child interroge aussi, en filigrane, la notion même de responsabilité dans une société où les lignes d’autorité sont brouillées. Où commence l’autorité d’un parent ? Jusqu’où s’étend celle de l’État, de la tradition, ou même de la famille élargie ? En abordant la question de la justice et de la garde des enfants, Saeed Roustaee ouvre la voie à une réflexion plus large sur la manière dont les sociétés patriarcales organisent — ou désorganisent — les liens familiaux et sociaux. Dans un pays où la tutelle légale des enfants est encore majoritairement confiée aux hommes, qu’advient-il des femmes lorsqu’elles réclament, non pas un statut, mais un droit à la voix, à la colère, et à l’auto-détermination ?

Par ailleurs, Woman and Child pose en creux une question plus vaste : que peut encore le cinéma face à la censure, à l’oppression, ou à l’indifférence des institutions ? Jusqu’où un cinéaste peut-il résister tout en restant audible ? Jusqu’où peut-il aller pour défendre sa liberté d’expression et de création ? Faut-il aller jusqu’à quitter son pays, comme l’a fait Mohammad Rasoulof ? Faut-il braver la justice, comme l’a fait Jafar Panahi ? Ces interrogations, laissées en suspens, prolongent la portée du film bien au-delà de l’écran — et convoquent, pour les spectateurs comme pour les programmateurs, une réflexion urgente sur le rôle politique et symbolique de l’art.

Neïla Driss

 

 
 
 

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Cannes 2025 – La voix de Fatma Hassouna, plus forte que jamais

26. Mai 2025 um 20:31

Présenté dans la section ACID au Festival de Cannes 2025, le film « Put Your Soul on Your Hand and Walk » a été suivi d’une conférence de presse marquée par les interventions de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU, et de représentants d’ONG actives sur le terrain. Tous ont souligné l’importance de faire entendre la voix de Fatma et des Palestiniens, et dénoncé les mécanismes qui cherchent à réduire au silence les témoins de crimes.

Sous un soleil éclatant, ils étaient nombreux à s’être rassemblés au Pavillon Palestinien du Village International du Festival de Cannes pour assister à la conférence de presse bouleversante organisée par la cinéaste iranienne Sepideh Farsi, réalisatrice du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, présenté dans la sélection ACID au Festival de Cannes 2025. L’assistance, en très grande majorité occidentale, comprenait des journalistes et des cinéastes, dont l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart, membre du Jury Un Certain Regard, venu témoigner de son soutien. Un événement à la fois politique et intime, marqué par une émotion vive, une indignation collective et un besoin urgent de témoignage.

 

L’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart, membre du Jury Un Certain Regard

 

Le point de départ de cette conférence était tragique : la photojournaliste palestinienne Fatma Hassouna, qui a travaillé avec Sepideh Farsi sur le film, a été assassinée par l’armée israélienne vingt-quatre heures seulement après l’annonce de la sélection du film à Cannes. « Elle a été tuée parce que le film a été sélectionné, et personne n’a rien fait », a déclaré Sepideh Farsi, ajoutant que c’était la première fois dans le monde qu’une personne était tuée en représailles directes à la sélection d’un film dans un festival de cinéma.

Sepideh Farsi a lu publiquement un extrait du rapport d’enquête sur l’assassinat de Fatma Hassouna. Le texte, bouleversant, démontre clairement qu’elle a été « visée exprès ». 

 

 

À ses côtés, des voix engagées. Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés, était présente, ainsi que des représentants de Reporters Sans Frontières, de Médecins Sans Frontières, d’Amnesty International, et d’autres ONG. Tous ont pris la parole. Tous ont dénoncé ce qu’ils qualifient clairement de génocide.

Francesca Albanese a ouvert son intervention par une déclaration lourde : « Au moment même où nous parlons, des Palestiniens sont en train d’être tués par centaines. Cela fait vingt mois de massacre non-stop. » Elle a exprimé son malaise à Cannes, en découvrant les festivités dans une ville qui semble vivre « dans une bulle », pendant que « des enfants palestiniens meurent de faim ». Venue pour soutenir la presse indépendante qui essaye de donner une voix aux palestiniens parce que les mainstream sont silencieux, elle a insisté sur le rôle crucial des journalistes dans la documentation des crimes commis, et sur le fait qu’ils sont aujourd’hui « délibérément ciblés ». Selon elle, Israël serait dans une « phase finale de l’extermination des Palestiniens, y compris en Cisjordanie ».

Elle a rappelé que « 200 journalistes ont été tués, plus que lors de la Seconde Guerre mondiale, plus que dans toute autre guerre au monde ». C’est, selon elle, un génocide manifeste : « Dès le début, l’intention a été l’extermination, et ils le disaient ouvertement. » Et de souligner que Gaza a mis à nu les failles des démocraties occidentales et le caractère « élastique » des droits humains. « Les droits de l’homme sont en train d’être tués, et ils nous manqueront quand ils ne seront plus là », a-t-elle conclu.

Un message de Ken Loach a été lu à cette occasion. Le réalisateur britannique, absent physiquement, a tenu à exprimer sa solidarité. Dans sa lettre, il rappelle que « le monde regarde, mais personne ne réagit ». Il insiste : « Tous les États ont l’obligation d’arrêter un génocide. Ils doivent agir. Ils disent respecter la loi, mais ils ne font rien. »

La représentante d’Amnesty International a ensuite pris la parole. Elle a rappelé que son organisation, qui documente la situation depuis vingt mois, a publié en décembre dernier un rapport concluant que « Israël commet un génocide », tel que défini par le droit international. Elle a décrit la situation à Gaza comme celle d’un peuple affamé, privé d’eau, d’électricité, de nourriture. « Israël est en train de détruire les mosquées, les églises, tout ce qui constitue la mémoire palestinienne. Il détruit aussi le futur, en attaquant écoles, universités, tout ce qui pourrait permettre une vie. »

Elle a affirmé que « tout est documenté », que « personne ne pourra dire qu’il ne savait pas ». Le monde, selon elle, est « à un carrefour », et les États échouent à agir, et cela restera dans les consciences. Elle a appelé à la fin de l’impunité et à un embargo sur les armes et à la responsabilité des États qui continuent à fournir Israël. « Netanyahou doit être traduit devant la justice. Aucune immunité. »

 

 

Un témoignage particulièrement fort est venu d’une membre de Médecins sans frontières, qui revenait tout juste de Gaza. Elle y a passé plusieurs mois, depuis décembre. Elle a décrit des conditions de vie inhumaines : « Les gens n’ont plus rien. Pas de travail, pas de nourriture, pas d’eau, pas de soins. Tout a été détruit. Les enfant seuls, sans familles, se comptent par milliers». Elle a expliqué que la population est déplacée en permanence, que les gens vivent avec des inconnus, qu’ils doivent brûler n’importe quoi pour faire du feu, faute de gaz, ce qui entraîne de nombreux brûlés. Et que la moitié des patients qui arrivaient dans les hôpitaux mourraient, faute de soins adaptés.

Elle a rappelé que depuis onze semaines, aucune aide n’est entrée dans Gaza. L’aide humanitaire est retenue à l’extérieur. Elle a précisé que lorsqu’il y avait de l’aide qui entrait à Gaza, plusieurs produits étaient interdits, y compris le matériel médical.
« Contrairement aux allégations d’Israël, l’aide n’allait pas au marché noir, elle était réellement distribuée par les ONG. » Aujourd’hui, Israël veut imposer la distribution de l’aide uniquement dans le Sud, dans le but de forcer les déplacés à s’y concentrer. « 80 % du territoire est sous ordre d’évacuation, il ne reste que 20 % pour tout le monde, sans eau, sans sanitaires, sans hygiène, et toujours sous les bombes. »

Elle a décrit la situation dans les hôpitaux : médecins exténués, médecins étrangers bloqués à l’entrée, ONG empêchées d’agir, plus de matériel, plus de médicaments, plus rien. « Nos collègues palestiniens travaillent jour et nuit alors qu’ils vivent dans les mêmes conditions que tous, qu’ils ont faim et que leurs familles sont sous les bombes. »

Le drame de Fatma Hassouna a été abordé à nouveau : six membres de sa famille sont morts sur le coup, sa mère a survécu mais, en ouvrant les yeux, a refusé de se nourrir. « Elle ne voulait plus vivre », a-t-elle dit.

 

 

Le représentant de Reporters Sans Frontières a poursuivi : « Chaque fois qu’un journaliste est tué, il faut faire du bruit. Or, cela fait vingt mois que les journalistes sont tués en permanence. » RSF a porté plainte, mais l’impunité persiste. « C’est grâce aux journalistes que le monde voit ce génocide. » Il s’est indigné qu’on pose aujourd’hui la question à chaque fois qu’un journaliste est tué : « Êtes-vous sûr que ce journaliste n’était pas un terroriste ? » Une question dangereuse, selon lui, qui alimente la violence.

« Fatma était une photojournaliste. Grâce à elle, nous voyons Gaza. Elle a payé de sa vie. Elle n’a pas été la dernière. Il faut que cela cesse. Chaque personne dans le monde doit dire NON. »

Sepideh Farsi a tenu à rappeler que le combat pour la Palestine ne devait pas être assimilé à une hostilité envers d’autres peuples. « Se battre pour une cause n’empêche pas de se battre pour une autre. Parler pour la Palestine ne fait pas de nous des antisémites. Il s’agit simplement de défendre des vies humaines. »

Elle a évoqué les mandats d’arrêt contre Netanyahou et d’autres responsables israéliens. Elle espérait qu’ils changeraient les choses. Fatma lui avait dit que non. Et en effet, « cela n’a rien changé ».

C’est le réalisateur Rashid Masharawi, né et grandi à Gaza, qui a conclu l’événement. En contact permanent avec sa famille, il a partagé un échange récent avec son frère. Ce dernier vit avec trente personnes dans un appartement. On leur a ordonné d’évacuer. Il doit décider pour tous: « Rester et risquer d’être tués ou partir et risquer d’être tués. » Une responsabilité qu’il a peur d’assumer.

Il a évoqué un programme d’aide mené avec la productrice Laura Nikolov pour faire sortir une trentaine d’artistes de Gaza, mais la majorité reste livrée à elle-même. « Nous aimons la vie. Cela finira un jour. Mais il restera une honte pour certains pays qui ont permis, et même aidé, à cela. »

Rashid a aussi dénoncé la régression démocratique. Il a évoqué les États-Unis, mais aussi la France : « Cette conférence devait avoir lieu au Majestic. Sans raison, elle a été annulée. Heureusement, le Pavillon palestinien nous a ouvert ses portes. »

 

Le réalisateur palestinien Rashid Masharawi et des photos de Fatma Hassouna

 

Francesca Albanese est intervenue une dernière fois pour rappeler que les humanitaires et les acteurs privés ne pouvaient pas être les seuls à agir : « Il faut un engagement politique ». Elle a insisté sur l’anormalité d’une situation où ceux qui dénoncent sont systématiquement combattus – que ce soit à titre personnel ou à travers la suppression des financements de leurs ONG. « Ce n’est pas normal », a-t-elle répété. Elle a également évoqué les entraves documentées à la liberté d’expression : les interdictions de manifester en faveur des Palestiniens, y compris en France, et la répression violente subie par les étudiants aux États-Unis. « Beaucoup ont été poussés au silence pour avoir dénoncé un génocide. Or c’est bien un génocide. »

La conférence s’est conclue par un remerciement appuyé à l’ACID, aux journalistes qui ont relayé la voix de Fatma, et à tous ceux qui ont fait le choix de ne pas se taire.

Le film Put Your Soul on Your Hand and Walk a été projeté à Cannes à guichets fermés, dans des salles combles. Le public y était très nombreux, attentif et profondément touché. La presse internationale s’est emparée du film et de son histoire, lui offrant une large couverture. Fatma Hassouna avait dit qu’elle voulait que sa mort fasse du bruit. Israël l’a assassinée pour que sa voix ne porte pas. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : sa voix est devenue plus forte. Selon le vendeur international du film, celui-ci a déjà été demandé par plusieurs festivals et distributeurs, et il sortira prochainement dans de nombreux pays.

Neïla Driss

 
 

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Cannes 2025 – L’iranien Jafar Panahi sacré, l’irakien Hasan Hadi distingué

24. Mai 2025 um 23:05

La 78e édition du Festival de Cannes s’est achevée dans une atmosphère d’apaisement et de satisfaction partagée, portée par une sélection dense, exigeante, et un palmarès d’une rare justesse. Sur le tapis rouge du Palais des Festivals, les membres du jury sont apparus aux côtés des équipes de films venues saluer une dernière fois la Croisette, avant de découvrir le verdict tant attendu.

Douze jours durant, les cinéphiles, journalistes et festivaliers ont vibré au rythme des vingt-deux films en compétition. Dans les files d’attente, les halls d’hôtels ou les abords des salles, les discussions allaient bon train. Les favoris changeaient au gré des projections, les arguments s’échangeaient avec fougue, les certitudes chancelaient. Chacun défendait sa vision, ses émotions, ses élans : entre la force émotionnelle de Valeur sentimentale de Joachim Trier, la radicalité sensorielle de Sirât du cinéaste hispano-français Oliver Laxe ou encore la complexité politique d’Un simple accident du réalisateur iranien Jafar Panahi, les propositions remarquables ne manquaient pas. À ces œuvres déjà mémorables s’ajoutait l’énigmatique Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) de Bi Gan, une proposition inclassable, mais inoubliable.

Laurent Lafitte, maître de cérémonie, a lancé la soirée de clôture sans préambule, dévoilant un palmarès très attendu dans une ambiance à la fois recueillie et joyeuse. Un instant inattendu est toutefois venu rompre le protocole : l’acteur américain John C. Reilly, chargé de remettre le prix du scénario à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour leur film Jeunes mères, a choisi l’humour pour alléger l’atmosphère. Évoquant la panne d’électricité survenue dans la journée, il a plaisanté : « Chaque fois que je viens à Cannes, il se passe quelque chose. Cette fois, c’est mon anniversaire ! » Puis, à la surprise générale, il s’est mis à chanter La Vie en rose en anglais — la seule version, a-t-il avoué, qu’il connaissait — avant de s’excuser avec un sourire désarmant.

Le Prix du Jury, attribué ex-aequo, a été l’un des moments les plus émouvants de la soirée. Il est revenu à Sirât d’Oliver Laxe et à Sound of Falling de la réalisatrice allemande Mascha Schilinski. Sur scène, le discours d’Oliver Laxe a pris des allures de prière humaniste. S’exprimant en arabe, il a cité un verset coranique : « Nous vous avons créés en peuples et tribus afin que vous vous connaissiez. » Une parole qu’il a confié avoir entendue de la bouche d’un chauffeur de taxi palestinien lors d’un festival à Jérusalem, et qui a profondément marqué sa vision du monde.

 

Cannes 2025 – Le Prix du Jury, attribué ex-aequo à Sirât d’Oliver Laxe

 

Le prix de la mise en scène est allé au Brésilien Kleber Mendonça Filho pour O Agente Secreto, une adaptation contemporaine, nerveuse et explosive d’un récit d’espionnage. Wagner Moura, bouleversant dans le rôle principal, a reçu le prix d’interprétation masculine pour ce même film. Le prix d’interprétation féminine a quant à lui couronné Nadia Melliti, pour son rôle dans La petite dernière de Hafsia Herzi.

 

Cannes 2025 – Le prix d’interprétation féminine à Nadia Melliti

 

Un prix spécial du Jury a été attribué à Résurrection. Il était difficile d’imaginer une autre distinction pour ce film étrange et singulier, tant il semble résister à toute classification. Une œuvre hors normes, donc, pour un prix hors catégories.

En revanche, l’absence remarquée de Woman and Child de Saeed Roustaee a laissé un goût d’inachevé. Le film, d’une grande justesse, n’a reçu aucune récompense, et son actrice principale, Parinaz Izadyar, aurait mérité de repartir avec le prix d’interprétation. Son jeu, d’une richesse remarquable, embrassait une large palette d’émotions, de la mère endeuillée à la femme abandonnée, de la sœur trahie à l’amante blessée. Un rôle intense, pour un très beau film, qui n’a visiblement pas su émouvoir les membres du jury.

Comme je l’avais pressenti dès les premières projections, et anticipé dans mon article Cannes 2025 – Pronostics croisés à quelques heures du palmarès, les deux plus hautes distinctions ont été décernées aux œuvres qui avaient su le plus toucher à la fois le public et la critique. La Palme d’or a été attribuée à Un simple accident de Jafar Panahi, un film d’une sobriété radicale, tendu comme un fil de rasoir ; tandis que le Grand Prix est allé à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim Trier, une œuvre d’une subtilité bouleversante. Ces deux récompenses majeures ont été accueillies avec un rare consensus. Pour la première fois depuis longtemps, le palmarès semblait faire l’unanimité : nul n’a parlé d’injustice, d’absurde ou d’oubli criant.

Cannes 2025 – Grand Prix à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim TRIER

 

Juliette Binoche, présidente du jury, a pris la parole dans un discours sensible, évoquant les artistes et les peuples qui souffrent à cause de leurs opinions, et rappelant la force de l’art lorsqu’il puise dans la compassion, la tendresse, et une humanité partagée. L’art, a-t-elle affirmé, provoque, questionne, bouleverse, et révèle en nous des dimensions insoupçonnées ; il mobilise notre part la plus précieuse, la plus vivante, et transforme les ténèbres en espérance. C’est à cette lumière qu’elle a expliqué le choix du jury pour la Palme d’or.

Récompensé pour Un simple accident, Jafar Panahi, déjà lauréat du Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle et de l’Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, a prononcé un discours d’une intensité bouleversante, qui a profondément ému la salle :

« Avant de dire quelque chose, permettez-moi de remercier ma famille, pour tout le temps où je n’étais pas présent avec eux, et toute mon équipe. Ils m’ont accompagné sur ce chemin pour qu’on fasse ce film ensemble. Je vous remercie aussi toute l’équipe qui m’a accompagné ici en France pour la post-production. Je crois que c’est le moment de demander à tous les gens, tous les Iraniens, avec toutes les opinions différentes, partout dans le monde, en Iran ou ailleurs… je me permets de demander une chose : mettons tous les problèmes, toutes les différences de côté. Le plus important en ce moment, c’est notre pays et sa liberté. Ensemble. Que personne n’ose nous dire ce qu’il faut faire correctement, ce qu’il faut dire ou ne pas dire, ce qu’il faut manger… Le cinéma, c’est une société. Personne n’a le droit de nous dicter notre conduite. J’espère ce jour. Je vous remercie tous, je remercie le Festival de Cannes et tout le monde présent. »

 

Cannes 2025 – Palme d’or : Un simple accident de Jafar PANAHI

 

Un autre moment fort de cette soirée a été la remise de la Caméra d’or, récompensant le meilleur premier film toutes sections confondues. Pour la première fois de son histoire, le Festival a couronné une œuvre venue d’Irak. La présidente du jury, la cinéaste italienne Alice Rohrwacher, a remis la distinction à The President’s Cake de Hasan Hadi, présenté à la Quinzaine des cinéastes. « Une œuvre qui nous a hantés, moi et mon jury, comme un fantôme », a-t-elle confié. Le film se déroule sous le régime autoritaire irakien : la jeune Lamia, neuf ans, tente de rassembler les ingrédients nécessaires à la préparation d’un gâteau, pour commémorer l’anniversaire de la mort de Saddam Hussein. Une fable grinçante et poignante sur l’enfance, la mémoire, et l’absurdité du pouvoir.

 

Le Palmarès du 78e Festival de Cannes :

Le Jury, présidé par Juliette Binoche et composé de Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, a distingué les films suivants parmi les 22 en Compétition :

Longs Métrages :

  • Palme d’or : Un simple accident – Jafar PANAHI
  • Grand Prix : Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) – Joachim TRIER
  • Prix du Jury (ex-aequo) : Sirât d’Oliver LAXE et Sound of Falling  de Mascha SCHILINSKI
  • Prix de la Mise en Scène : Kleber MENDONÇA FILHO pour O Agente Secreto (L’Agent secret)
  • Prix du scénario : Jean-Pierre et Luc DARDENNE pour Jeunes mères
  • Prix d’interprétation féminine : Nadia MELLITI dans La petite dernière de Hafsia HERZI
  • Prix d’interprétation masculine : Wagner MOURA dans O Agente Secreto de Kleber MENDONÇA FILHO
  • Prix spécial du Jury : Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) – Bi GAN

Courts Métrages :

  • Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM
  • Mention spéciale : Ali – Adnan AL RAJEEV

 

Cannes 2025 – Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM

 

Caméra d’or

  • The President’s cake de Hassan HADI – Quinzaine des Cinéastes
  • Mention Spéciale : My Father’s shadow d’Akinola DAVIES Jr – Un Certain Regard

 

Cannes 2025 – Caméra d’Or pour The President’s cake de Hassan HADI

 

À l’issue de cette cérémonie de clôture, il reste le souvenir d’un festival riche et profondément cohérent, où la diversité des récits, la profondeur des regards et la sincérité des propositions artistiques ont guidé les choix. Un millésime 2025 qui, sans chercher l’éclat à tout prix, s’est imposé par son équilibre, sa justesse, et cette forme rare d’évidence qui fait les grands palmarès.

Neïla Driss

 
 
 
 
 
 
 

 

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