JCC 2025 – Une cérémonie d’ouverture sobre, tournée vers le cinéma et la Palestine
La 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se déroule du 13 au 20 décembre 2025, a débuté hier soir au Théâtre de l’Opéra de la Cité de la Culture. Retransmise en direct sur la Télévision Tunisienne, la Radio Nationale Tunisienne et les différentes chaînes de la Radio Tunisienne, la cérémonie d’ouverture s’est distinguée par sa sobriété et son recentrage sur le cinéma. Aucun discours d’officiels n’a été prononcé, si ce n’est un mot de bienvenue du directeur général du festival, Tarak Ben Chaabane.
De nombreux invités ont d’ailleurs apprécié que la cérémonie n’ait pas duré longtemps et qu’elle ait échappé à la multitude de discours officiels habituels. Oui, c’est là un véritable atout : le cinéma devait être la seule vedette de la soirée. Par ailleurs, j’aurais personnellement aimé qu’en plus des deux chansons de Ziad Rahbani, il y ait eu une petite animation, une touche de fantaisie, comme cela avait été fait lors de la cérémonie d’ouverture des JCC 2021 — par exemple un sketch évoquant un film, ou une courte séquence humoristique. Cela aurait apporté une note de légèreté et de bonne humeur. En plus, il aurait été juste aussi d’ajouter une rubrique pour rendre hommage à tous les professionnels tunisiens du cinéma qui nous ont quittés cette année.
Une ouverture fluide et sans protocole
Confiée au maître de cérémonie Amine Ben Hamza, la soirée a été menée avec fluidité et retenue. Dès le début, le ton était donné : célébrer le cinéma, sans s’attarder sur les interventions protocolaires ou autres. Tarak Ben Chaabane n’est monté sur scène que vers le milieu de la cérémonie pour adresser un bref mot au public, fidèle à l’esprit des JCC, qui veulent remettre le film au centre de la scène.
La soirée a commencé par un hommage à Ziad Rahbani, compositeur et metteur en scène libanais disparu il y a quelques mois. Figure essentielle de la culture arabe, Ziad Rahbani laisse derrière lui une œuvre marquée par l’engagement et la modernité, que les JCC saluent à travers une programmation dédiée.
Juste après cet hommage, Amine Ben Hamza a présenté le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir et annoncé la présence dans la salle de l’équipe, avant d’enchaîner avec la présentation des différents hommages et sections de cette 36ᵉ édition. Ce choix est rare, car lors des cérémonies inaugurales, on présente rarement le film dès le début de la soirée.
Les figures honorées de cette 36ᵉ édition
Amine Ben Hamza a annoncé les divers hommages qui viendront ponctuer la semaine. Fadhel Jaziri (1948-2025) est mis à l’honneur avec deux œuvres majeures : La Noce (1978), restauré et présenté pour la première fois en Tunisie, et Traversées (1982) de Mahmoud Ben Mahmoud, où il tient le rôle principal. Un hommage est aussi rendu à ce dernier, qui animera une master class sur son parcours et sa vision de cinéaste.
Une séquence vidéo a été consacrée à Claudia Cardinale. L’actrice sera célébrée lors d’une soirée spéciale le dimanche 14 décembre. Trois films accompagnent cet hommage : Les Anneaux d’or (1956) de René Vautier et Mustapha El Fersi, Claudia Cardinale : La plus belle Italienne de Tunis (1994) de Mahmoud Ben Mahmoud, et Claudia Cardinale : La Tunisie… splendeur et beauté (2025) de Lotfi Bahri. Trois œuvres qui racontent, chacune à leur manière, une histoire d’amour durable entre une femme et sa terre natale.
Abdelaziz Ben Mlouka a reçu le Tanit d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Le trophée lui a été remis par le réalisateur Mohamed Dammak, précédé d’une vidéo retraçant son impressionnant parcours de producteur. Les JCC lui consacrent également un hommage à travers la projection de plusieurs films qu’il a produits, dont la version restaurée de Star Wars : Épisode I.

Présentation des diverses sections et des jurys
La cérémonie a aussi permis de dévoiler les grandes lignes de cette édition. Carthage Pro accueille cette année vingt projets, confirmant la vocation du festival à soutenir la création arabe et africaine.
Les sections compétitives ont ensuite été introduites : quarante-deux films représentant dix-neuf pays se disputeront les Tanit dans les trois compétitions officielles.
Les membres des divers jurys ont été présentés. Ceux de la compétition des longs métrages de fiction sont montés sur scène, présidée par la réalisatrice palestinienne Najwa Najjar. Diplômée en sciences politiques et en cinéma, Najwa Najjar a signé plusieurs documentaires et longs métrages (Pomegranates and Myrrh, Eyes of a Thief, Between Heaven and Earth). À ses côtés siègent Jean-Michel Frodon, Lotfi Achour, Kantarama Gahigiri et Lotfi Bouchouchi.

La Tunisie mise en avant comme terre de tournage
Une vidéo consacrée aux tournages réalisés en Tunisie a ensuite été projetée, mêlant extraits de films et témoignages d’artistes, dont celui d’Antonio Banderas. Le montage mettait en valeur les paysages et les atouts du pays, avant de se conclure par une mention intrigante : l’existence d’un « guichet unique » pour le cinéma. Est-ce déjà une réalité ou simplement un vœu ? La question reste ouverte.
Un film d’ouverture porteur de résistance : Palestine 36
L’équipe du film est ensuite montée sur scène pour le présenter. La réalisatrice Annemarie Jacir a raconté les conditions extrêmement difficiles du tournage : « Nous avons construit un immense décor avec des techniciens palestiniens. La guerre a commencé et tout a été détruit. Nous avons tout reconstruit, non pas pour le cinéma, mais pour montrer que nous sommes debout, que nous aimons la vie et que nous ne nous laisserons pas abattre. » Elle a conclu en remerciant la Tunisie et les JCC pour leur accueil. Palestine 36 a été choisi par la Palestine pour la représenter aux Oscars.
Le film retrace le parcours de Yusuf, un jeune homme partagé entre son village et Jérusalem en 1936, au moment où la révolte contre le mandat britannique éclate. Il interroge la mémoire et la résistance à travers un récit à la fois historique et profondément humain. Son casting réunit, autour de Dhafer L’Abidine, Hiam Abbass, Kamel El Basha, Saleh Bakri, Yasmine Al-Massri, Jeremy Irons, Liam Cunningham et Billy Howle.

Un public qui reste pour le film
Fait rare : à l’issue de la cérémonie, la majorité du public est restée pour assister à la projection du film d’ouverture. Habituellement, beaucoup quittent la salle avant le début de la projection. Cette fois, presque personne n’est parti. Pourquoi ? Était-ce l’envie de découvrir un film dont on a tant parlé ? Par solidarité avec la Palestine ? Ou simplement parce qu’il n’y avait pas de soirée after party ?
Les questions restent ouvertes. Mais ce moment inattendu — une salle pleine qui choisit de rester pour regarder un film — résume à lui seul l’esprit des JCC 2025 : un festival recentré sur le cinéma, sur la mémoire et sur la dignité.
Neïla Driss
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