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Ziad Rahbani (1956–2025) : la voix rebelle d’un Liban en musique

26. Juli 2025 um 11:56


Il aura passé sa vie à dire tout haut ce que d’autres murmuraient, et à faire entendre sur scène et au piano une colère douce, lucide, ironique, mais toujours désespérément humaine. Ziad Rahbani s’est éteint ce samedi 26 juillet 2025, à l’âge de 69 ans, laissant orphelines des générations entières pour qui ses mots, ses mélodies et ses silences faisaient partie d’une mémoire collective, douloureuse et belle à la fois.

Héritier d’une famille mythique — il était le fils de la grande Fairuz et du compositeur Assi Rahbani, membre du légendaire duo des frères Rahbani — Ziad a tracé une voie singulière dès ses débuts. Et s’il a grandi à l’ombre d’un arbre immense, il n’a jamais voulu s’y abriter. Très tôt, il se pose en contrepoint. À 17 ans, il compose sa première œuvre pour la comédie musicale Al Mahatta, interprétée par sa mère. Mais c’est en 1974 que le public libanais découvre vraiment sa voix, avec Nazl el-Sourour, pièce satirique, drôle et désespérée, où il joue un personnage désabusé dans un pays déjà au bord du gouffre. L’année suivante, la guerre civile éclate. Elle durera quinze ans.

C’est dans ce Liban en lambeaux que l’œuvre de Ziad Rahbani prend toute sa force. Bennesbeh Labokra Chou? (Qu’en est-il de demain ?) est sans doute l’une de ses pièces les plus marquantes. Elle met en scène des laissés-pour-compte, dans un bar, à Beyrouth. Des personnages simples, unis par la solitude, la peur, l’alcool et l’humour noir. Le tout ponctué par la musique de Ziad, mélancolique, jazzy, toujours à la lisière de l’implosion. C’est un théâtre populaire, mais profond. Engagé, mais jamais didactique. Un théâtre qui ne donne pas de leçon, mais tend un miroir, cruel et tendre à la fois.

À mesure que les années passent, Ziad Rahbani continue à écrire, composer, jouer. Il invente un langage musical hybride, à la croisée du jazz, du funk, du classique occidental et des modes arabes. Il ne cherche pas à plaire, il cherche à dire. Il refuse la facilité, se méfie du succès. Il compose pour Fairuz des chansons bouleversantes — Ouverture 83, Kifak Inta, Bala Wala Chi — qui tranchent avec les grandes fresques lyriques des frères Rahbani. C’est un virage plus intime, plus âpre, parfois même rugueux. Fairuz, habituellement éthérée, y devient une femme blessée, inquiète, questionnante. Une chanteuse plus humaine encore.

Et pourtant, malgré cette collaboration puissante, leur relation mère-fils a connu des zones d’ombre. Pendant plusieurs années, ils ne se sont plus exprimés publiquement l’un sur l’autre, et leur présence commune sur scène s’est raréfiée. Leurs désaccords personnels, leurs choix de vie très différents, ont nourri des tensions — parfois exposées, parfois simplement devinées. Mais jamais ces silences privés n’ont altéré la profondeur de leur lien artistique.

Entre eux deux, il n’y eut jamais de rupture artistique. Malgré les silences, les fuites, les tensions, leur lien musical est resté intact, souterrain, indéfectible. Fairuz l’a porté enfant, il l’a portée en retour sur scène. Il connaissait ses moindres silences, ses respirations, ses angoisses. Elle fut son premier monde, il fut pour elle une nouvelle voix. Leur dialogue, à travers la musique, a continué bien après que les mots se sont faits rares. Il composait pour elle non pas ce qu’elle voulait entendre, mais ce qu’il savait qu’elle pouvait porter – avec cette grâce blessée, presque douloureuse, que seule Fairuz pouvait offrir au public arabe.

Fairuz et son fils Ziad Rahbani

Ziad Rahbani n’a jamais rejeté la musique orientale. Il l’a bousculée, interrogée, déplacée. À ceux qui voyaient dans son amour du jazz ou du funk une trahison des traditions, il répondait par l’écriture. Dans ses compositions, l’oud cohabite avec le piano électrique, la derbouka se glisse entre deux lignes de basse syncopées, et les improvisations orientales trouvent un écho dans les envolées du saxophone. Il se situait dans une filiation, mais sans nostalgie. Il reconnaissait la dette envers Sayyed Darwich, Mohamed Abdelwahab ou les maqâms traditionnels, tout en leur ouvrant d’autres chemins. En réalité, il faisait de la musique arabe ce qu’elle a toujours été : un art vivant, ouvert, en conversation avec le monde.

Ziad Rahbani ne s’est jamais limité à la scène ou au studio. Homme de radio, il provoque, ironise, déconstruit. Communiste assumé, athée revendiqué, il se tient à l’écart des institutions politiques comme des puissances religieuses. Il incarne une forme de contre-culture, rare dans le monde arabe. Il parle la langue du peuple, avec ses aspérités, ses failles, son humour cru. Il est moqué, critiqué, censuré parfois, mais aimé. Immensément.

Son engagement politique ne se traduit pas par des slogans, mais par une vision. Celle d’un Liban qui aurait pu être. Un Liban laïc, progressiste, égalitaire. Ce Liban n’a jamais existé que dans ses pièces, ses disques, ses illusions. Mais il l’a rêvé si fort qu’il est devenu réel, au moins le temps d’un spectacle, d’une chanson, d’un accord.

L’annonce de sa mort a provoqué une vague d’émotion dans tout le monde arabe. Le président libanais Joseph Aoun lui a rendu hommage, saluant un « phénomène culturel », « une voix rebelle contre l’injustice », « une conscience lucide ». Les réseaux sociaux, eux, se sont remplis de souvenirs personnels, de phrases de ses pièces devenues proverbiales, de chansons fredonnées à voix basse, comme des prières laïques pour ne pas sombrer.

Mais Ziad Rahbani n’aurait sans doute pas aimé qu’on le sacralise. Lui qui, toute sa vie, a lutté contre les icônes figées, les statues poussiéreuses, les mythes étouffants. Il préférait l’ironie à la révérence, le doute à la certitude. Dans Bennesbeh Labokra Chou?, son personnage lançait : « Ils disent que demain sera mieux… mais aujourd’hui, qui s’en occupe ? » Cette phrase, amère et lucide, résume peut-être toute son œuvre.

Ziad Rahbani laisse derrière lui une œuvre monumentale, mais surtout un esprit. Celui d’un homme libre, douloureusement libre, qui a préféré la vérité à la gloire, la complexité à la simplification, la musique à la propagande. Il ne cherchait pas à plaire. Il cherchait à comprendre, à ressentir, à dénoncer, à exister. À travers ses mots, ses notes, ses silences.

Aujourd’hui, le Liban pleure un artiste. Mais plus encore, il pleure une conscience. Une voix qui, même quand elle se taisait, disait quelque chose d’essentiel. Et dont l’écho, longtemps encore, résonnera entre les murs fissurés d’un pays qu’il a tant aimé — à sa façon.

Neïla Driss

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Tunisie : le compositeur Amine Bouhafa en lice pour la meilleure bande originale du film “Ni chaînes, ni maîtres”

15. August 2025 um 19:11

Le compositeur franco-tunisien de musique de films Amine Bouhafa a annoncé sur sa page sa sélection dans la shortlist du Public Choice Award de la 25ème édition du World Soundtrack Award (WSA), qui se tiendra dans le cadre du 52ème Festival international du film de Flandre-Gand (Film Fest Gent), et ce, du 08 au 19 octobre 2025 à Gand, en Belgique.

Amine Bouhafa été retenu pour la bande originale du film “Ni chaînes, ni maîtres” (No Chains, No Masters, 2024), oeuvre dont il a déclaré être “particulièrement fier, tout comme du film”, premier long métrage du cinéaste franco-béninois Simon Moutairou, qui traite de l’esclavage et du marronnage à l’île Maurice au XVIIIème siècle.3

Le World Soundtrack Award -Public Choice Award est un prix décerné chaque année lors des World Soundtrack Awards qui récompensent les meilleures musiques de films et de séries. Le Public Choice Award, en particulier, est attribué par le vote du public à la meilleure bande originale parmi une sélection internationale. Pour l’édition 2025, le vote est ouvert jusqu’au 21 août prochain. Les finalistes seront annoncées à la mi-septembre, et les lauréats seront révélés le 15 octobre 2025 lors de la cérémonie des World Soundtrack Awards.

Auteur de nombreuses musiques de films à succès à l’échelle internationale, Amine Bouhafa est considéré comme un véritable génie musical. Il a marqué de nombreuses productions, de la fiction aux documentaires, en passant par l’animation. Il a notamment collaboré avec le réalisateur égyptien Adel Adib sur trois séries arabes (Bab El Khalkh, Place on the Palace et Jebel El Halel), offrant à chaque fois des musiques bouleversantes et mémorables. Il a également signé le générique de la série à succès “El Hachachine”, réunissant l’acteur Karim Abdel Aziz et le réalisateur Peter Mimi, sur un scénario d’Abdel Rahim Kamal. En France, il a participé à plusieurs projets, dont la série “Le Monde de demain” (2022), “Tapie” (2023), la série documentaire “Histoires d’une Nation” (2018) ainsi que “Les Aventures de Paddington ” (2019).

En 2018, il assure, au piano et la direction artistique, le spectacle d’ouverture du 18ème Sommet de la Francophonie à l’île de Djerba, avec l’Orchestre symphonique tunisien, sous la direction de Mohamed Bouslama, accompagné d’artistes tunisiens, arabes et européens de renom.

Son parcours est jalonné de récompenses prestigieuses dont en 2015, le César de la meilleure musique de film pour “Timbuktu” du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako. En 2017, il obtient le prix de la meilleure Création Sonore au Festival de Cannes pour la musique du film “La Belle et la Meute” de Kaouther Ben Hania. En 2020, il décroche le prix de la meilleure musique au Festival du Film d’Odessa pour “Tu Mourras à vingt ans” du cinéaste soudanais Amjed Abou Alala. En 2023, il décroche le Critics Awards de la meilleure musique de film pour “Sous les figues” d’Erige Sehiri. En 2025, il a été récompensé par le prix de la Meilleure musique pour “Aicha” de Mehdi Barsaoui, lors de la 9ème édition des Critics Awards for Arab Films, organisée dans le cadre de la 78ème édition du Festival de Cannes.

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