La Commission de l’organisation et du développement de l’administration, de la digitalisation, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption à l’Assemblée des représentants du peuple a tenu, hier jeudi, une séance d’audition. Elle était consacrée à l’examen du projet de loi n°42/2024 relatif à la régulation de l’activité de marketing et de vente sur les sites web et les réseaux sociaux. Des représentants du ministère du Commerce et du Développement des exportations ont été invités à présenter leur vision et les mesures envisagées pour structurer un secteur en pleine expansion.
Dès l’ouverture de la séance, la cheffe de cabinet du ministre du Commerce a rappelé que le commerce électronique connaît un essor notable en Tunisie. En 2024, 1126 sites marchands ont été recensés dans les systèmes de paiement électronique. Le nombre de transactions en ligne a atteint 2,2 millions, enregistrant une hausse de 13,4 % par rapport à l’année précédente. Cette croissance rapide s’accompagne néanmoins de dérives. Les services du ministère ont reçu 86 plaintes de consommateurs cette année, dont 37 liées à des achats à distance, notamment sur Facebook. Ces réclamations portent principalement sur la non-conformité des produits livrés, l’absence de garanties, ou encore le défaut de justificatifs d’achat en bonne et due forme.
Le ministère a souligné que, malgré un cadre juridique existant — principalement la loi n°40 de 1998 sur les modes de vente et la publicité commerciale, ainsi que la loi n°83 de 2000 sur les échanges et le commerce électroniques — plusieurs lacunes persistent. Les difficultés touchent notamment le contrôle de l’activité des vendeurs sur les réseaux sociaux, l’identification des opérateurs dans l’espace numérique, le manque de ressources humaines spécialisées, l’impossibilité de sanctionner les plateformes étrangères, ainsi que l’absence d’un cadre réglementaire pour les entreprises de livraison de colis.
Pour répondre à ces défis, plusieurs initiatives ont été engagées. Une étude réalisée en 2022 a permis d’établir un diagnostic complet du climat du commerce électronique en Tunisie, en évaluant les infrastructures, les compétences, les solutions de paiement, les aspects logistiques, et les possibilités de financement de projets innovants. De cette étude sont issues 65 recommandations dont plusieurs ont été intégrées à un plan d’action national.
Une commission nationale du commerce électronique a également été mise en place pour assurer la gouvernance du secteur et renforcer la coordination entre les ministères concernés, notamment sur les aspects liés au marché local et à l’exportation. Un projet de décret définissant les missions, la composition et le fonctionnement de cette instance est en cours d’élaboration. Par ailleurs, un travail est en cours pour instaurer un label de confiance destiné aux sites de commerce électronique. Ce label vise à rassurer les consommateurs sur la fiabilité des plateformes et la qualité des services proposés. Un projet d’arrêté définissant les critères et les procédures d’attribution de ce label a été préparé.
La proposition de loi en discussion marque un tournant en intégrant explicitement les réseaux sociaux parmi les canaux de vente à distance. Cette reconnaissance officielle reflète leur rôle grandissant dans les habitudes d’achat des Tunisiens. Le texte entend clarifier les conditions d’exercice de cette activité, protéger les droits des consommateurs et mettre fin à l’irrégularité croissante des ventes en ligne.
Le ministère plaide ainsi pour une révision du cadre légal actuel, en s’inspirant des propositions contenues dans cette initiative législative. Il souhaite également structurer le secteur de la livraison, maillon essentiel entre le vendeur et le client, et développer une coopération plus étroite avec les plateformes sociales internationales, afin de lutter contre la fraude, assurer la transparence des contenus commerciaux et limiter les impacts négatifs du commerce informel sur l’économie nationale. Parmi les mesures envisagées figure aussi la création d’une plateforme nationale recensant les sites de commerce électronique certifiés, dans le but de renforcer la confiance du public.
Les députés ont salué ces efforts, tout en soulignant la nécessité d’une action plus énergique face à la prolifération de produits dangereux vendus en ligne, notamment via les réseaux sociaux. Ils ont proposé la création d’une structure permanente spécialisée dans le suivi des infractions et appuyée par des ressources humaines qualifiées.
En réponse, les représentants du ministère ont insisté sur l’importance des campagnes de sensibilisation, menées en partenariat avec l’Institut national de la consommation, pour informer les utilisateurs de leurs droits et encourager les bonnes pratiques. Concernant le label de confiance, ils ont précisé que sa mise en place fait l’objet d’un travail technique approfondi, en coordination avec plusieurs parties prenantes. Ils ont également souligné la nécessité de renforcer les compétences des agents de contrôle, notamment à travers la coopération internationale et l’adoption des meilleures pratiques observées à l’échelle mondiale.
La commission poursuivra ses séances d’audition au cours des prochaines semaines afin d’approfondir l’examen du projet de loi et de recueillir les contributions de l’ensemble des acteurs concernés.
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