Le film « Who Do I Belong To » de Meryam Joobeur, dont la première mondiale avait eu lieu à la Berlinale en février dernier, est dans la course au Tanit d’Or des 35èmes Journées Cinématographiques de Carthage.
Ce premier long métrage écrit et réalisé par la cinéaste tunisienne basée à Montréal, au Canada, est une coproduction entre la Tunisie, le Canada et la France qui a fait son avant-première nationale, lundi soir, au Théâtre de l’Opéra de Tunis en présence de la réalisatrice et de l’équipe artistique du film. « Je suis très contente de présenter le film en Tunisie qui constitue une expérience a déclaré Meryam Joobeur, avant la projection, un moment qu’elle dit avoir attendu des années ».
“Who Do I Belong To ” (« Là d’où l’on vient » ou « Mé el Aïn ») est la version longue de son court métrage “Brotherhood” nominé aux Oscars 2020, sélectionné dans plus de 150 festivals et ayant remporté 75 prix internationaux. Le casting est composé de Salha Nasraoui, Mohamed Hassine Grayaa, Malek Mechergui, Rayen Mechergui, Adam Bessa, Chaker Mechergui et Dea Liane.
Le film relate l’histoire d’une famille vivant dans une zone rurale pittoresque montagneuse, contraints à subir le départ de leurs deux fils à la guerre après d’être enfuis pour rejoindre les groupes de Daech à Raqqa, en Syrie, dont l’un d’eux est revenu traumatisé à jamais.
La thématique du film est dans la même approche de ses courts-métrages qui abordent des histoires uniques de personnages dans des contextes socio-politiques souvent difficiles: Gods, Weeds and Revolutions (2012), Born in the Maelstrom (2017) et Brotherhood (2018).
Dans ce nouveau film, sous-titré en français, le vécu d’une famille tunisienne dans une zone montagneuse, dévastée par l’ampleur de la radicalisation des jeunes, au lendemain de la révolution, sont explorés à travers une vision à la fois poétique, abstraite et profonde qui suscite les émotions les plus contradictoires.
Son style de narration a créé une sorte de confusion et d’empathie envers les personnages vivant un mélange de sentiments d’angoisse, de peur, de chagrin et d’amour. Une multitude d’émotions s’emparent du spectateur dans cette fiction au ton atmosphérique qui creuse dans les profondeurs de l’âme créant un lien inexplicable avec chaque instant et chaque fait vécu par les personnages.
Maryem Joobeur adopte une écriture cinématographique qui traduit sa vision de cinéaste femme ayant le sens du détail, capable de capter chaque mouvement, chaque geste et chaque regard des personnages et la douleur qui les habite.
Ce drame (120’) est l’histoire de « Aïcha » (Salha Nasraoui) et son mari « Brahim » (Mohamed Hassine Grayaa), éleveurs d’ovins vivant avec leur fils junior, Adam (Rayen Mechergui), écolier, dans une ferme au milieu de la nature dont la réalisatrice explore chaque élément allant du bruit du vent, au chant d’oiseaux jusqu’au bruissement de l’herbe. La caméra capte les moindres mouvements des personnages, tels que le frottement des mains de Brahim, le père, le bruit des petits pois dans le saladier dans une scène montrant sa femme, Aicha, dans la cuisine avec sa voisine, en train de les éplucher.
Avec le développement des évènements, les images deviennent de plus en plus dures pour revivre les trois chapitres du film dans chaque moment de détresse et de souvenir douloureux dans des cauchemars interminables pour la maman et son fils, « Mehdi » (Malek Mechergui) de retour de Reqqa où il a perdu son frère, « Amine » (Chaker Mechergui). Son père lui reproche d’avoir entrainé avec lui son frère, étudiant, alors que sa mère, une femme aux rêves prémonitoires, se montre toujours protectrice et compréhensive, guidée par son instant maternel.
« Who Do I Belong To » débarque dans les salles tunisiennes au terme d’une tournée de plusieurs mois, démarrée, en février dernier, dans les plus grands festivals de cinéma occidentaux et arabes où il a été sélectionné en compétition officielle.
Ce premier long métrage de Joobeur offre un voyage unique dans l’univers onirique de la jeune réalisatrice diplômée de l’École de cinéma Mel Hoppenheim de Montréal, qui nous dévoile une fiction au style narratif unique.
Son directeur de photographie, le Canadien Vincent Gonneville avec lequel elle a collaboré dans ses premiers films, est derrière la force de l’image dans ce drame paradoxalement dominé par les paysages pittoresques. Grâce à sa complicité, le film a merveilleusement transmis et capté les sentiments de deuil interminables et les images symboliques dans une toile de plans rapprochés aux couleurs de son âme d’artiste.