De Bizerte à Dakar, du Lac de Tunis à Port-Gentil, Borhène Dhaouadi, 45 ans, fait émerger un réseau de villes connectées par la vision d’un continent en pleine mutation. À travers ses multiples projets, le Bizertin s’impose comme une figure majeure de la modernité urbaine africaine. Son approche conjugue innovation technologique, inclusion sociale et valorisation du patrimoine méditerranéen. Il conçoit la ville comme un écosystème vivant où la technologie sert d’outil d’émancipation collective.
Lotfi Sahli
Lapose du câble en fibre optique Medusa reliant douze pays méditerranéens, évoquée (Kapitalis du novembre 2025), a ravivé le souvenir d’une visite marquante effectuée en 2019au hub numérique Interxion de Marseille. Véritable nœud stratégique des communications internationales, ce centre constitue une passerelle essentielle entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. À cette occasion, un groupe de professionnels tunisiens réunis sous la bannière du programme Tunisian Smart Cities, dirigé par Dhaouadi, avait découvert cette infrastructure symbolique du monde numérique globalisé. Le défi porté par Dhaouadi consistait à faire de Bizerte un hub numérique africain, capable à son tour de servir de pont entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Dans cette optique, il a œuvré à différents niveaux pour concrétiser cette vision, notamment lors de son passage à l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), où il a contribué à réfléchir sur la place de la Tunisie dans la nouvelle géographie numérique méditerranéenne et africaine.
Borhène Dhaouadi est un architecte urbaniste et expert international avec plus de 20 ans d’expérience en planification intégrée des territoires, mobilité multimodale, et stratégies Smart Resilient Cities. Diplômé de l’École d’Architecture de Luminy à Marseille et titulaire d’un Master en Immobilier et Politiques urbaines de Kedge Business School, il combine des compétences en architecture, urbanisme, ingénierie de la mobilité, et économie territoriale.
Partageant sa vie entre Marseille et Bizerte, Dhaouadi relie deux mondes : celui des pratiques avancées de la «smart city» et celui des besoins concrets des villes tunisiennes. Cette double appartenance nourrit son ambition : bâtir des cités connectées mais profondément humaines. Son engagement se concrétise avec le concept de Bizerte Smart City et la fondation du programme Tunisian Smart Cities, destiné à faire émerger des villes inclusives, numériques et durables à l’échelle nationale.
Le programme Tunisian Smart Cities
Lancé en 2019 avec plusieurs partenaires et le soutien de quatre ministères tunisiens, ce programme a pour objectif de transformer la Tunisie en laboratoire africain de la ville intelligente. Il prévoit la création d’un écosystème d’entreprises nationales intervenant dans une trentaine de communes tunisiennes, chacune développant son propre périmètre «Smart City».
Toujours en 2019, il cofonde le programme «African Digital Hub», présenté d’abord au Forum de Bizerte, puis à Marseille lors de l’acte III de «La Méditerranée du Futur». Cette initiative vise à structurer un réseau panafricain de compétences numériques et à renforcer la coopération technologique entre l’Afrique et l’Europe.
Durant la crise du Covid-19, Dhaouadi a insisté sur la nécessité de repenser la conception urbaine et architecturale. Dans ses interventions en ligne, il soulignait que l’interface entre les bâtiments, la santé publique et la data territoriale devait être au cœur de la planification. Pour lui, le numérique n’est pas seulement un outil de connectivité, mais un vecteur de résilience et d’inclusion sociale.
Groupement DTA : une ambition africaine
À la tête du Groupement DTA, une société d’architecture fondée en 2008 à Zarzouna (près de Bizerte), Dhaouadi mène des projets d’envergure à travers l’Afrique. Son cabinet, composé d’une vingtaine de collaborateurs, s’est illustré par la conception de grandes infrastructures : l’Autoroute de l’Avenir à Dakar, en partenariat avec Eiffage; le Train express régional de Dakar, avec une équipe locale de dix personnes; l’aéroport de Port-Gentil au Gabon, incluant un pavillon présidentiel.
Héritier d’une culture entrepreneuriale – son père étant un modèle de travail et de persévérance –, Dhaouadi adopte une approche à la fois pragmatique et passionnée. Ses proches le décrivent comme un «fonceur» : rigoureux, ambitieux, toujours prêt à relever de nouveaux défis. Son objectif : atteindre 5 millions d’euros de chiffre d’affaires dans les cinq prochaines années tout en consolidant la place du Groupement DTA parmi les acteurs incontournables de la ville africaine du futur.
Bizerte 2050, ville du XXIᵉ siècle
En parallèle de ses engagements continentaux, Dhaouadi reste profondément attaché à sa région natale. À travers l’association Bizerte 2050, il porte un projet emblématique : transformer Bizerte en première Smart City tunisienne. Cette initiative citoyenne vise à impliquer la société civile dans la transformation de la ville, autour de dix grands chantiers structurants, dont la création d’un techno-parc dédié à la recherche urbaine et à la qualité de vie.
L’ambition est de faire de Bizerte une vitrine de l’innovation tunisienne et un modèle d’intégration des nouvelles technologies dans la planification urbaine. L’association a déjà fédéré de nombreux partenaires : chercheurs, architectes, ingénieurs et investisseurs. En 2019, la conférence “Bizerte 2050” a réuni plus de 12 000 participants, dont 2 000 entreprises, témoignant de l’intérêt du secteur privé pour cette dynamique territoriale.
Des projets structurants pour la Tunisie
Parallèlement, le cabinet dirigé par Dhaouadi pilote la conception d’un écoquartier connecté autour du Lac de Tunis, un vaste programme d’un million de mètres carrés estimé à près d’un milliard d’euros. Porté par la Société de Promotion du Lac de Tunis, ce chantier emblématique incarne la transition du pays vers un urbanisme durable, intelligent et ouvert sur les technologies numériques. Véritable laboratoire d’innovation urbaine, il ambitionne de devenir une vitrine exportable du savoir-faire tunisien sur la scène internationale.
Dans le même esprit de modernisation, Dhaouadi, également directeur associé au sein de Marseille Architecture Partners, collabore avec Arlynk pour accompagner les autorités tunisiennes dans le suivi de l’aménagement de la zone de Sebkha Ben Ghayadha à Mahdia. Ce projet d’envergure, s’étendant sur 140 hectares dont 40 hectares de plan d’eau, illustre la volonté d’intégrer les dimensions écologiques et paysagères au cœur de la planification urbaine. Ensemble, ces initiatives traduisent la vision d’un architecte qui fait de la Tunisie un terrain d’expérimentation pour la ville du futur.
Une figure de la modernité africaine
À travers ses multiples projets, Dhaouadi s’impose comme une figure majeure de la modernité urbaine africaine. Son approche conjugue innovation technologique, inclusion sociale et valorisation du patrimoine méditerranéen. Il conçoit la ville comme un écosystème vivant où la technologie sert d’outil d’émancipation collective.
De Bizerte à Dakar, du Lac de Tunis à Port-Gentil, il fait émerger un réseau de villes connectées par la vision d’un continent en pleine mutation. À 45 ans, il représente cette génération d’architectes africains capables de penser globalement tout en agissant localement. Entre la France et la Tunisie, Dhaouadi trace le sillon d’un urbanisme résolument tourné vers l’avenir : durable, collaboratif et africain.
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