Ressources naturelles, promiscuité géographique, héritage soviétique, la région du Donbass est devenue l’obsession de Vladimir Poutine qui estime que ce territoire fait partie intégrante de la Russie.
Quelle était la teneur des entretiens entre Donald Trump et Vladimir Poutine lors du Sommet d’Anchorage en Alaska sur l’Ukraine, vendredi 15 août 2025 ? Selon les bribes d’informations corroborées par des médias britanniques et américains, il apparaît que le premier aurait donné le feu vert au plan territorial proposé par le maître du Kremlin ; lequel impliquerait le contrôle total par la Russie de deux régions ukrainiennes dont le Donbass, un territoire rassemblant les régions de Donetsk et Lougansk, dans l’est de l’Ukraine. Et ce, en échange de la « promesse » du gel du front dans les régions de Kherson et Zaporijia que Moscou ne contrôle que partiellement.
Selon le quotidien britannique Financial Times, Donald Trump aurait en effet affirmé par téléphone à Volodymyr Zelensky que Vladimir Poutine était prêt à « geler le reste du front si ses principales demandes sont acceptées ». Une proposition inacceptable pour le président ukrainien qui aurait aussitôt refusé que la région du Donbass lui soit amputée, arguant que la Constitution ukrainienne l’en empêchait.
Rappelons à cet égard qu’après l’invasion de l’Ukraine, la Russie avait annexé en septembre 2022 les quatre régions ukrainiennes de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia. Actuellement, l’armée russe occupe la quasi-totalité de la région de Louhansk et une grande partie de la région de Donetsk. Toutefois, les principaux centres urbains de Zaporijjia et de Kherson sont toujours sous contrôle ukrainien.
Une histoire mouvementée
Mais pourquoi l’homme fort de la Russie tient-il tant à « récupérer » cette région stratégique, quitte à en faire une monnaie d’échange ? A la fois pour des raisons émotionnelles, historiques, politiques, stratégiques et surtout économiques.
En effet, le Donbass, un territoire de 55 000 kilomètres carrés, à l’est de l’Ukraine et frontalier de la Russie, faisait autrefois partie de l’Union soviétique. A l’époque, ce grand bassin industriel, qui regorge de charbon et de minerais, permettait à Staline de relancer sa machine de guerre contre l’envahisseur allemand. Les ouvriers russes sont venus s’y installer en plusieurs vagues, ce qui fait que cette région reste, encore, majoritairement russophone.
Historiquement, sous domination des Tatars de Crimée et des cosaques du Don, la région est rattachée à la « Nouvelle Russie » lors des conquêtes russes dans les années 1770.
Lors de l’avènement de l’URSS, au début du XXe siècle, le Donbass est rattaché ainsi à la République socialiste soviétique d’Ukraine.
Russification forcée
Dans les années 1930 qui correspondent à la grande famine organisée par Staline, la langue ukrainienne est même interdite dans l’enseignement supérieur. Au fil des décennies, l’ethnie russe finit par constituer une importante part de la population de cette partie de l’Ukraine. Au début des années 2000, les Russophones représentent 40 % de la population des oblasts, les régions administratives, de Donetsk et Louhansk.
Au fil de son histoire, cette russification a été menée à marche forcée, y compris après la Seconde Guerre mondiale et le repeuplement mené par les Soviétiques qui a suivi.
Avec l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, le Donbass devient officiellement partie prenante de l’Ukraine, devenue indépendante. C’est donc sur la forte proportion de Russophones que s’appuie Vladimir Poutine pour accuser l’armée ukrainienne de génocide sur cette population spécifique et justifier ses velléités d’annexion.
En 2014, des séparatistes pro-russes prirent les armes proclamant les Républiques de Donetsk et de Louhansk, reconnues par Vladimir Poutine trois jours avant de lancer l’invasion.
Aussitôt Poutine – un « stato-impérial » qui met l’accent sur la puissance de l’État, qui se compose d’une population russe composite en termes de culture et d’ethnicité, doublé d’un « ethnonationaliste » qui prône la primauté du groupe ethnique russe sur l’État, groupe qui constitue aujourd’hui 80 % de la population – en profita pour intervenir militairement sous prétexte de « défendre les Russophones ».
Le 21 février 2022, Vladimir Poutine annonce la reconnaissance russe de l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et Louhansk. Les forces armées russes envahissent l’est de l’Ukraine contrôlé par les séparatistes prorusses, avant que la Russie ne finisse par tenter d’envahir totalement le territoire ukrainien.
Une mine d’or
Rappelons enfin que le Donbass, qui représente la moitié des richesses de l’Ukraine, se distingue par ses ressources souterraines dont une grande variété de métaux et minéraux (calcaire, dolomie, grès, quartzites, craie, ardoises…).
Outre les richesses minières, le sol de cette région tant convoitée regorge de métaux rares, comme le lithium, essentiel pour les batteries, de gaz de schiste et de gisements de gaz naturel.
Sans oublier que la région compte près de 2,8 millions d’hectares de terres arables, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Rien d’étonnant que le Donbass soit considéré comme l’un des poumons économiques de l’Union soviétique.
Dimension stratégique
Cela étant et au-delà de l’aspect économique, le Donbass possède une dimension stratégique indéniable. Car, d’une part, contrôler cette zone permet à la Russie de maintenir une profondeur géopolitique face à l’OTAN, en plus, d’autre part, de consolider un corridor reliant la Crimée – annexée en 2014 – à la frontière russe. Ainsi, le Donbass devient une pièce maîtresse dans la vision sécuritaire du Kremlin ; lequel considère l’Ukraine comme un « État tampon » indispensable à sa sphère d’influence.
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