El Gouna 2025 – Cinq films égyptiens sélectionnés
Depuis sa création, le Festival de cinéma d’El Gouna (GFF) s’est imposé comme l’un des rendez-vous majeurs pour le cinéma arabe. À la fois vitrine internationale et espace de travail, il offre aux cinéastes la possibilité de présenter leurs films mais aussi de développer leurs projets grâce à CineGouna, sa plateforme dédiée. Pour cette 8ᵉ édition, qui se tiendra du 16 au 24 octobre 2025, le festival a dévoilé une sélection égyptienne variée qui reflète plusieurs tendances : l’émergence de jeunes auteurs qui signent leurs premiers longs-métrages, le retour de réalisateurs déjà remarqués sur la scène internationale, et la volonté de maintenir un équilibre entre fiction et documentaire.
Mohamed Siam et le passage à la fiction
Parmi les films en compétition, My Father’s Scent marque un tournant dans la carrière de Mohamed Siam. Le cinéaste s’est fait connaître par ses documentaires : Whose Country?, sélectionné à l’IDFA, et Amal, présenté à Locarno et primé à Thessalonique et aux Journées Cinématographiques de Carthage. Dans ses œuvres précédentes, il explorait souvent la jeunesse, la famille ou les rapports de pouvoir à travers des récits ancrés dans la société égyptienne contemporaine. Avec My Father’s Scent, il passe pour la première fois à la fiction, tout en restant fidèle à ses thématiques : le film met en scène une relation père-fils traversée par des rancunes accumulées et une nuit de révélations.
Le choix de Kamel El Basha, Lion d’or de Venise en 2017 pour The Insult de Ziad Doueiri, et d’Ahmed Malek, jeune acteur égyptien dont la carrière prend une dimension internationale (Clash de Mohamed Diab, The Furnace de Roderick MacKay), inscrit le film dans une volonté de croiser plusieurs générations d’interprètes. Le projet avait été repéré dès 2021 par CineGouna, qui lui avait accordé un soutien au développement. Sa sélection à El Gouna boucle ainsi un parcours entamé il y a quatre ans dans le cadre professionnel du festival.
Mohamed Rashad et une première fiction attendue
Avec The Settlement, Mohamed Rashad signe son premier long-métrage de fiction, après s’être illustré dans le documentaire. Son film Little Eagles (2016) avait été remarqué pour son approche politique et intime à la fois, en retraçant l’histoire d’un militantisme générationnel. The Settlement s’inspire cette fois d’un fait divers : la mort d’un ouvrier sur un chantier, que ses enfants refusent de considérer comme un accident. Le récit, mené comme un thriller, confronte les protagonistes à une vérité difficile à établir.
Soutenu en 2024 par CineGouna, le projet a rapidement trouvé des partenaires en France, en Allemagne, au Qatar et en Arabie saoudite. Le film a eu sa première mondiale à Berlin, dans la section Perspectives, avant d’arriver à El Gouna. Pour Mohamed Rashad, il s’agit d’un moment important : présenter son premier film de fiction dans un grand festival européen, puis le montrer en Égypte dans un cadre régional qui valorise aussi la production locale.
Yomna Khattab et l’autobiographie filmée
Dans la compétition documentaire, 50 Meters de Yomna Khattab poursuit une démarche profondément personnelle. La réalisatrice filme sa relation avec son père et la distance affective qui les sépare. Le titre renvoie à cette proximité géographique – à peine quelques dizaines de mètres – qui ne suffit pas à combler un éloignement intérieur. Loin d’un récit spectaculaire, le film se construit comme une tentative de rapprochement par l’image.
Présenté en première mondiale au CPH:DOX, dans la section NEXT:WAVE, 50 Meters s’inscrit dans une tendance du documentaire contemporain où la caméra devient un outil d’introspection et de réparation familiale. Le projet avait été soutenu par CineGouna dès 2021, ce qui témoigne de l’intérêt précoce du festival pour ce type de démarches intimistes, à contre-courant d’un cinéma plus frontal.
Namir Abdel Messeeh : retour après La Vierge, les Coptes et moi
Le deuxième documentaire en compétition, Life After Siham, est signé par Namir Abdel Messeeh. Cinéaste franco-égyptien, il avait été révélé par La Vierge, les Coptes et moi, présenté à Cannes à l’ACID et récompensé au Festival de Carthage en 2011. Ce film explorait déjà la mémoire familiale et religieuse, avec une mise en scène à la fois sérieuse et ludique.
Avec Life After Siham, il revient à un sujet plus intime : la mort de sa mère et les difficultés créatives qui en découlent. Le film, coproduit avec la France et soutenu par CineGouna en 2024, a été montré cette année à Cannes dans la section ACID. En retraçant son histoire familiale à travers la caméra, Abdel Messeeh poursuit un travail singulier sur le rapport entre mémoire personnelle et récit collectif.
Hors compétition : un premier film féminin
Hors compétition, El Gouna accueillera la première mondiale de Love Imagined de Sarah Rozik. La réalisatrice y entrecroise les parcours d’une étudiante, d’une femme en rupture sentimentale et d’un professeur confronté au deuil. Le film s’intéresse à la manière dont l’amour et la perte façonnent des existences ordinaires.
Le rôle du CineGouna
Un élément commun relie quatre des films sélectionnés en compétition : ils ont tous bénéficié du soutien de CineGouna, qu’il s’agisse de l’aide au développement ou à la postproduction. Depuis son lancement, cette plateforme est devenue un instrument clé pour accompagner les cinéastes arabes et égyptiens, leur permettant de trouver des financements internationaux et de structurer leurs projets.
Le fait que My Father’s Scent, The Settlement, 50 Meters et Life After Siham soient aujourd’hui terminés et circulent dans les festivals atteste de l’efficacité de ce dispositif. Cela montre aussi la capacité du GFF à se positionner non seulement comme un festival de diffusion mais aussi comme un acteur du développement du cinéma régional.
À ce sujet, Marianne Khoury, directrice artistique du festival, a déclaré :
« Nous sommes incroyablement fiers d’annoncer que quatre films de notre sélection, 50 Meters, Life After Siham, My Father’s Scent et The Settlement, sont tous des alumni de notre plateforme phare CineGouna Funding ! »
Un cadre pour le cinéma égyptien contemporain
La programmation 2025 confirme une orientation : valoriser un cinéma égyptien multiple, qui ne se limite pas aux genres populaires dominants mais explore aussi la mémoire, la famille, la justice et les sentiments à travers des formes plus personnelles. On y trouve des cinéastes confirmés, comme Siam ou Abdel Messeeh, des auteurs en transition, comme Rashad, et de nouvelles voix comme Rozik.
À propos de cette sélection, Andrew Mohsen, responsable de la programmation du GFF, a précisé : « La sélection de cette année est un témoignage puissant de la créativité vibrante et des voix diverses qui émergent d’Égypte. Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir une première mondiale (Love Imagined), aux côtés de films réalisés tant par des cinéastes établis que par de nouveaux auteurs qui se font déjà remarquer sur la scène internationale. C’est un honneur de célébrer leur capacité à capter l’essence de l’expérience humaine. Avec le film d’ouverture de Sarah Gohar, Happy Birthday, nous sommes ravis de mettre en valeur la vitalité et la diversité du cinéma égyptien contemporain. »
Pour El Gouna, qui accueillera en ouverture Happy Birthday de Sarah Gohar, cette 8ᵉ édition est une manière d’affirmer son rôle central dans la circulation du cinéma arabe. Le festival se veut un carrefour entre productions locales et réseaux internationaux, entre premiers films et œuvres plus expérimentées.
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