Le mirage de la flexibilité : quand le travail dévore les vies
Les chiffres sont là, implacables. Mais derrière les données, ce sont des êtres humains qui s’effondrent lentement sous le poids d’un monde du travail qui a perdu toute mesure.
Microsoft, géant de la tech et observateur privilégié de nos routines numériques, vient de tirer la sonnette d’alarme. Dans une étude récemment publiée, l’entreprise met en lumière un phénomène aussi insidieux qu’endurant : le prolongement sans fin des journées de travail. Ce que l’on appelait jadis « équilibre vie pro/vie perso » ressemble de plus en plus à un vieux rêve confiné aux promesses de l’après-Covid.
Des journées sans fin, des nuits captives
L’étude, nourrie par l’analyse de milliards de signaux de productivité issus de Microsoft 365, ne fait pas dans la nuance :
- 40 % des utilisateurs sont déjà plongés dans leurs e-mails à 6 heures du matin.
- 29 % continuent à les consulter à 22 h.
- 5 % y travaillent le dimanche soir.
- Les réunions après 20 h ont bondi de 16 % en un an.
Ajoutez à cela 117 e-mails et 153 messages Teams par jour — soit une interruption toutes les deux minutes — et vous obtenez une recette parfaite pour l’épuisement cognitif. À cela s’ajoute un paradoxe cruel : les créneaux traditionnellement les plus productifs (9 h-11 h et 13 h-15 h) sont colonisés par les réunions, laissant peu de place à la concentration profonde.
La fausse promesse du numérique libérateur
Là où le télétravail devait offrir plus de liberté, il a souvent apporté une nouvelle forme d’aliénation. La frontière entre le professionnel et l’intime se dilue, et l’écran reste allumé, longtemps après que la lumière du jour a décliné.
Certes, Microsoft propose l’intelligence artificielle comme voie de sortie. Automatiser les tâches répétitives, instaurer la règle des 80/20, déléguer aux machines ce qui épuise les humains… L’intention est louable. Mais là encore, le remède peut cacher un nouveau poison : quid de l’avenir des employés administratifs, des fonctions intermédiaires, des métiers qui risquent d’être effacés plus vite que leur fatigue actuelle ?
Un appel à la lucidité sociale
Il est temps de dépasser les tableaux Excel et les dashboards d’activité. Le vrai indicateur de performance, c’est la qualité de vie. Et sur ce plan, l’économie numérique — malgré ses gadgets et ses promesses d’autonomie — est en train d’échouer.
Ce que révèle cette étude n’est pas une dérive technique, mais une crise profondément humaine. À force de connecter tout, tout le temps, on finit par déconnecter les gens d’eux-mêmes.
L’article Le mirage de la flexibilité : quand le travail dévore les vies est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.