Budget 2025 : faut-il revoir les hypothèses face à la baisse du pétrole ?
L’analyste économique et financier Bassem Ennaifer analyse, dans une interview à la TAP, les implications de la baisse des prix du pétrole sur l’économie tunisienne et le budget 2025. Selon lui, bien que cette tendance soit positive à court terme, elle reste instable et ne garantit pas d’avantages durables, notamment dans un contexte international incertain dominé par la guerre des droits de douane et le ralentissement des marchés européens.
La Tunisie a bâti son budget 2025 sur une hypothèse de prix moyen du baril de 77 dollars. Or, avec des prix fluctuant actuellement entre 63 et 64 dollars, le pays bénéficie d’économies substantielles. Chaque baisse d’un dollar permettrait d’économiser environ 162 millions de dinars, et une amélioration de 10 millimes dans le taux de change du dinar ajoute 52 millions supplémentaires en économies sur les subventions.
Toutefois, Ennaifer avertit : l’impact positif immédiat sur les finances publiques pourrait être contrebalancé par un ralentissement de la croissance mondiale, en particulier en Europe, qui absorbe 70 % des exportations tunisiennes. Cela affecterait directement les performances d’exportation, notamment dans les industries mécaniques et électriques, particulièrement vulnérables aux droits de douane. À cela s’ajoute une baisse attendue des revenus provenant des exportations d’huile d’olive, dégradant davantage la balance commerciale.
La baisse des prix du pétrole pourrait également dissuader les investissements dans l’exploration pétrolière, surtout dans des projets peu rentables. La Tunisie enregistre d’ailleurs un recul de ces opérations.
S’agissant du projet de loi de finances rectificative évoqué par la ministre des Finances, Ennaifer suggère la prudence. Il estime que les fondements actuels du budget n’ont pas subi de changements majeurs. Deux aspects seulement mériteraient une révision : la prévision de croissance de 3,2 %, jugée difficilement atteignable dans le contexte actuel, et la masse salariale, en raison notamment des recrutements dans l’éducation. Il suggère d’attendre plus de visibilité avant d’envisager un amendement budgétaire.
Sur le plan social, Ennaifer estime que bien que l’État réalise actuellement des gains liés à l’importation de pétrole, il n’est pas opportun de revoir à la baisse les prix à la pompe. Cela risquerait de réduire les recettes fiscales provenant de la vente des carburants. Il rappelle que l’État n’a pas augmenté les prix du carburant depuis près de deux ans, en assumant le coût de la subvention afin de protéger le pouvoir d’achat.
En conclusion, la baisse des prix du pétrole constitue un soulagement temporaire. Mais sur le long terme, une faiblesse prolongée des prix pourrait nuire à la croissance mondiale et, par ricochet, à l’économie tunisienne. Il est donc essentiel de maintenir une approche prudente et d’attendre une stabilisation des marchés pour prendre des décisions budgétaires structurantes.
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