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Les cinéastes appellent à «reconstruire les JCC»

25. Dezember 2025 um 10:26

La Syndicale indépendante des réalisateurs et producteurs a publié, mercredi 24 décembre 2025, le communiqué que nous reproduisons ci-dessous où elle dénonce «les dysfonctionnements organisationnels et les manquements administratifs» qui ont entaché la 36e édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) qui se sont tenues  du 13 au 21 décembre à Tunis.

Depuis sa création, les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) se sont toujours voulues un bien collectif appartenant aux professionnels du cinéma, fondées sur le principe d’une participation effective des associations cinématographiques et des structures professionnelles à leur gouvernance et à la définition de leur vision. Elles n’ont jamais été conçues comme une institution bureaucratique pilotée d’en haut, mais sont nées dans le giron des ciné-clubs, en tant qu’espace de résistance et de liberté, célébrant le cinéma du Sud, défendant les causes de la libération et de la justice, et plaçant l’art au service de la conscience et de l’émancipation.

Dans cette continuité, tout écart à ce principe de cogestion, tout effacement de ces structures constitutives, constitue une trahison manifeste de l’esprit fondateur du festival.

Cela étant dit, les dysfonctionnements organisationnels et les manquements administratifs ayant entaché la présente édition ne sauraient occulter les réelles avancées artistiques qu’elle a également portées : une programmation de grande qualité, un renouveau de la cinéphilie, une forte mobilisation du public, ainsi qu’un engagement clair en faveur d’une identité arabo-africaine dans le choix des œuvres. Ces acquis méritent d’être consolidés, non compromis par les défaillances de gestion.

Parmi les manifestations les plus criantes de ce désordre figure l’attribution exclusive au Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) de la charge logistique, sans véritable articulation avec la vision artistique, ayant engendré confusion et désarroi au détriment de la réputation même du festival.

De même, la cérémonie de clôture, marquée par l’absence des jurys et le refus de communiquer leurs rapports au public, a offert un triste exemple de prise de décision unilatérale et d’une propension aux célébrations superficielles, en totale contradiction avec l’âme militante des JCC.

C’est pourquoi nous appelons à une évaluation sérieuse, globale et transparente, réunissant toutes les associations cinématographiques, les structures professionnelles et les acteurs authentiques du secteur, afin de reconstruire les JCC sur leurs fondations historiques : un véritable phare artistique et intellectuel, affranchi de toute tutelle, et jamais réduit à un instrument au service d’un agenda étranger à sa vocation culturelle et émancipatrice.

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JCC 2025 – Le soir où la parole a été confisquée

23. Dezember 2025 um 12:54

La cérémonie de clôture de la 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) n’a pas seulement surpris par sa forme inhabituelle : elle a révélé, de manière brutale et publique, une confiscation de la parole au cœur même d’un festival historiquement fondé sur l’expression et le débat.

Une cérémonie de clôture marquée par le malaise

Lors de la cérémonie de clôture de la 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage, un sentiment de vide et d’étrangeté s’est immédiatement imposé, aussi bien aux spectateurs présents dans la salle qu’à ceux qui suivaient l’événement à distance. La salle apparaissait clairsemée et, surtout, plusieurs jurys — au moins deux — étaient absents, non seulement de la scène mais de la salle elle-même. L’absence la plus visible restait celle du jury de la compétition des longs métrages de fiction, pourtant au cœur de toute cérémonie de clôture.

La forme même de cette clôture a accentué le malaise. Les prix ont été annoncés rapidement, sans lecture de motivations, sans discours d’aucune sorte. Les lauréats, appelés sur scène, n’ont pas eu accès à un micro pour remercier ou s’exprimer. Cette absence totale de parole a surpris, voire choqué. Le contraste entre l’importance symbolique d’une clôture et la pauvreté de sa mise en scène a été immédiatement perçu comme problématique.

Des interrogations immédiates et des prises de parole publiques

Dès le soir même, puis le lendemain, les interrogations se sont multipliées. Que s’était-il passé ? Pourquoi les jurys étaient-ils absents ? Pourquoi cette cérémonie semblait-elle privée de toute parole, alors que les JCC se sont toujours revendiquées comme un espace d’expression et de débat ? Ces questions, d’abord murmurées dans les coulisses et sur les réseaux sociaux, ont rapidement pris une dimension publique.

C’est dans ce contexte qu’est apparue la lettre ouverte du réalisateur Brahim Letaief, adressée au Président de la République. Membre du jury Première œuvre – Prix Tahar Chériaa, il portait ainsi la contestation depuis l’intérieur même des instances artistiques du festival. Par ce geste, le débat quittait le seul cadre organisationnel du festival pour être porté sur le terrain institutionnel et symbolique. Peu après, la déclaration du jury de la compétition des longs métrages de fiction est venue apporter un éclairage précis et argumenté sur les raisons de son absence, confirmant qu’il s’agissait d’un désaccord de fond concernant le rôle du jury et la suppression de sa parole lors de la cérémonie.

La publication successive de ces deux textes a provoqué une indignation largement partagée. Cinéastes, professionnels du secteur, mais aussi simples citoyens ont exprimé leur incompréhension et leur colère face à ce qui était désormais perçu non comme un incident isolé, mais comme une atteinte aux principes mêmes sur lesquels le festival s’est construit.

Une prise de position professionnelle : Dorra Bouchoucha et l’ARFT

Dans ce climat, la productrice Dorra Bouchoucha a jugé nécessaire de publier à son tour une mise au point, en français et en anglais. Elle y affirme que, si la décision de priver jurys et lauréats de parole avait été connue à l’avance, elle ne se serait ni déplacée pour la cérémonie de clôture, ni levée pour remettre ou recevoir un prix par intérim. Elle précise également que seule la retransmission en direct sur la chaîne nationale l’a conduite à rester et à monter sur scène.

Surtout, elle insiste sur un point fondamental : elle ne cautionne pas ce qui s’est produit et refuse d’être associée à une démarche qu’elle juge contraire à ses principes et aux fondements mêmes des JCC, construits depuis près de soixante ans comme un espace de parole libre. En rappelant que priver le festival de cette dimension revient à en altérer l’essence, elle rejoint, par un autre biais, les préoccupations exprimées par le jury et par Brahim Letaief.

Dans le même mouvement, l’Association des Réalisateurs de Films Tunisiens (ARFT) a publié, le 22 décembre 2025, un communiqué estimant que la crise survenue lors de cette 36ᵉ édition ne pouvait être réduite à un incident isolé. L’association y évoque des dysfonctionnements structurels et insiste sur la nécessité de préserver l’indépendance du jury et la séparation entre décision artistique et intervention administrative.

À travers ces prises de parole successives, ce qui se dessine n’est pas un simple désaccord ponctuel autour d’une cérémonie, mais une inquiétude profonde concernant la place accordée à la parole artistique, à l’indépendance des jurys et à la lisibilité des processus décisionnels.

Une crise de confiance aux effets durables

À moyen terme, les conséquences de ce qui s’est produit lors de cette clôture risquent d’être à la fois structurelles et symboliques. Dans le fonctionnement d’un festival international, les fragilités ne naissent pas uniquement de difficultés financières ou de défaillances organisationnelles, mais surtout lorsque se fissure le lien de confiance qui unit jurys, cinéastes, producteurs, partenaires et publics. Or, ce qui s’est joué à Carthage touche précisément à ce lien, dans ce qu’il a de plus sensible : la légitimité de la parole artistique.

Fondées en 1966, les Journées cinématographiques de Carthage sont le plus ancien festival du monde arabe et d’Afrique. Elles ont été pensées dès leur origine comme un festival militant, profondément politique au sens noble du terme, conçu comme un espace de visibilité, de débat et de liberté d’expression pour les cinémas d’Afrique, du monde arabe et du Sud global. Cette histoire n’est pas un simple arrière-plan : elle fonde l’identité du festival et conditionne la manière dont ses décisions sont perçues, en Tunisie comme à l’international.

Le risque d’un déclassement symbolique du rôle de juré

L’une des conséquences les plus lourdes de cet épisode concerne la place même du jury au sein des JCC. Aujourd’hui encore, être membre du jury reste un honneur et un engagement symbolique fort, impliquant un investissement personnel important et une responsabilité artistique assumée publiquement.

Or, la 36ᵉ édition introduit un doute majeur : celui de la reconnaissance effective du rôle du jury. Lorsque des jurés expliquent publiquement que leur parole a été empêchée, que leurs motivations n’ont pas été lues et que leur présence sur scène a été rendue impossible, ce n’est pas un simple malaise ponctuel qui s’exprime, mais un signal envoyé à tous les professionnels susceptibles d’être invités à l’avenir.

À moyen terme, ce signal peut avoir un effet dissuasif. Des cinéastes reconnus pourraient hésiter à accepter de siéger dans un jury, ou poser des conditions plus strictes quant au respect de leur rôle et de leur parole. Ce risque est d’autant plus préoccupant que les JCC ne disposent pas, contrairement à d’autres festivals de la région, de la capacité à attirer régulièrement de grandes signatures internationales, comme a pu le faire le Festival international du film du Caire avec Naomi Kawase ou Nuri Bilge Ceylan. Si le prestige symbolique du rôle de juré venait à s’éroder, c’est toute l’architecture institutionnelle du festival qui serait fragilisée.

La lisibilité des prix et la question de la légitimité artistique

La deuxième conséquence touche à la lisibilité et à la valeur symbolique des prix. Les JCC ont historiquement bâti leur réputation sur la clarté de leurs choix artistiques et sur la légitimité de leurs palmarès. Lorsque le processus de remise des prix devient opaque ou semble déconnecté de ceux qui les ont attribués, cette légitimité s’affaiblit.

La question soulevée par Brahim Letaief à propos du Tanit d’Honneur attribué au film La voix de Hind Rajab est, à cet égard, centrale. Si cette interrogation a pu se poser publiquement, c’est précisément parce que le jury a été privé de parole et n’a pas pu expliquer ses motivations lors de la cérémonie de clôture. Jointe au téléphone, la présidente du jury de la compétition des longs métrages de fiction, Najwa Najjar, a affirmé que ce Tanit d’Honneur a bien été décerné par le jury. Il n’en demeure pas moins que le simple fait que cette question ait pu émerger révèle une crise de lisibilité du processus décisionnel et met en cause une ligne rouge essentielle : la séparation entre décision artistique et décision administrative.

L’effacement du débat artistique et l’injustice faite aux films

Une autre conséquence majeure de cette clôture est l’effacement presque total du débat artistique. Au lendemain d’un festival, les discussions devraient porter sur les films, les choix du jury et les désaccords critiques. Or, cette fois, l’attention s’est déplacée presque exclusivement vers la cérémonie elle-même et les controverses qu’elle a suscitées.

Cette situation est injuste pour l’ensemble des professionnels dont le rôle est de prolonger la vie des films par l’analyse, mais surtout pour les lauréats, privés à la fois de parole sur scène et de l’attention médiatique qu’un prix aux JCC est censé leur offrir. Les films n’ont qu’un temps très limité pour exister dans l’espace public. En laissant la clôture occulter totalement les œuvres, le festival a fini par parler de lui-même, au détriment du cinéma.

La mémoire du festival et la peur d’un précédent

Au-delà des effets immédiats, cet épisode est appelé à s’inscrire durablement dans la mémoire des Journées cinématographiques de Carthage. Institution ancienne, les JCC reposent autant sur leurs archives que sur une mémoire professionnelle faite de crises, de ruptures et de moments charnières, qui structurent durablement le rapport des jurés et des cinéastes au festival.

Cette 36ᵉ édition risque ainsi d’être retenue moins pour ses films que comme un moment de rupture. Plus préoccupant encore, elle installe la peur d’un précédent : si la parole des jurys a pu être neutralisée une fois, rien ne garantit qu’elle ne le sera pas de nouveau. Dans les institutions culturelles, ce type de précédent est particulièrement corrosif, car il nourrit le doute, la méfiance et modifie durablement les comportements futurs.

La confiance institutionnelle, une fois entamée, ne se répare pas par des ajustements techniques ou communicationnels. Elle laisse des traces durables et influence la perception des éditions suivantes. C’est cette mémoire silencieuse, mais persistante, qui constitue l’un des risques majeurs pour les JCC.

Une lecture internationale et l’image culturelle de la Tunisie en jeu

Cet épisode a immédiatement fait l’objet d’une lecture internationale dépassant largement le cadre d’une cérémonie de clôture mal organisée. La diffusion multilingue de la déclaration du jury, la lettre ouverte de Brahim Letaief et la prise de position publique de Dorra Bouchouhca ont inscrit l’événement dans un espace discursif global.

Dans les milieux culturels internationaux, les festivals sont perçus comme des baromètres du rapport entre culture, pouvoir et liberté d’expression. Carthage occupe, à ce titre, une place singulière dans l’imaginaire du monde arabe, africain et du Sud global. Lorsque des jurés internationaux expliquent que leur parole a été empêchée, et que des professionnels tunisiens ressentent le besoin de s’exprimer publiquement pour défendre des principes fondamentaux, le signal envoyé dépasse immédiatement le champ du cinéma.

Cette lecture internationale affecte directement l’image culturelle de la Tunisie. Les JCC ont longtemps incarné une vitrine culturelle fondée sur le débat, l’engagement et la liberté d’expression. Ce capital symbolique, construit sur plusieurs décennies, se trouve aujourd’hui fragilisé.

Il ne s’agit pas d’affirmer que cette image est définitivement remise en cause, mais qu’elle entre dans une zone d’incertitude. Or, dans le champ culturel international, l’incertitude est souvent plus dommageable qu’une position clairement assumée. Le silence, l’absence de clarification ou la dilution des responsabilités laissent place à des interprétations durables. Lorsque la liberté de parole semble pouvoir être suspendue, même ponctuellement, c’est l’ensemble du récit culturel national qui est affecté.

Une exigence de clarification

Ce qui s’est produit lors de la clôture de la 36ᵉ édition des JCC ne pourra être ni effacé ni réduit à un simple dysfonctionnement organisationnel. Parce qu’il a été public et largement relayé, cet épisode appelle une clarification à la hauteur de l’histoire du festival.

Nées comme un festival militant, profondément politique au sens noble du terme, les Journées cinématographiques de Carthage ont été conçues comme un espace de résistance, de débat et de liberté d’expression pour les cinémas d’Afrique, du monde arabe et du Sud global. Cette dimension constitue leur ADN même. La priver, même ponctuellement, revient à en altérer la nature profonde.

La question posée par cette 36ᵉ édition dépasse donc largement une cérémonie de clôture. Elle interroge l’avenir même des JCC : resteront-elles fidèles à ce qu’elles ont toujours été — un espace de liberté et de parole — ou accepteront-elles que cette essence soit progressivement fragilisée ?

Neïla Driss

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JCC 2025 – Déclaration du jury des longs métrages sur son absence à la clôture

Von: Webdo
21. Dezember 2025 um 23:12

Le jury de la compétition des longs métrages de fiction de la 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage, présidé par Najwa Najjar, scénariste et réalisatrice palestinienne, et composé du critique de cinéma français Jean-Michel Frodon, du réalisateur et producteur tunisien Lotfi Achour, de la scénariste et réalisatrice rwandaise Kantarama Gahigiri et du réalisateur et producteur algérien Lotfi Bouchouchi, a publié une déclaration afin d’expliquer son absence, la veille, lors de la cérémonie de clôture du festival.

Rédigée et diffusée simultanément en arabe, en français et en anglais, cette déclaration a été rendue publique le 21 décembre 2025. Elle commence depuis à circuler largement sur les réseaux sociaux, dépassant rapidement le cadre tunisien pour être relayée à une échelle internationale. À travers ce texte, le jury revient sur le déroulement de son travail, les conditions des délibérations, ainsi que sur les circonstances précises ayant conduit à la décision collective de ne pas assister à la cérémonie de clôture.



Déclaration du Grand Jury

Ce fut un grand honneur d’être parmi vous en tant que cinéaste palestinienne et Présidente du jury international du Festival de Cinéma de Carthage. Le directeur du festival, M. Mohamed Tarek Ben Chaâbane, et son équipe ont réuni une sélection remarquablement pensée de 14 films issus d’Afrique et du monde arabe. En ces temps particulièrement sombres — marqués par un génocide en Palestine et par d’immenses souffrances à travers la région — nous avons été rappelés au fait que Carthage a toujours été bien plus qu’un festival. Il est, et a toujours été, un espace de liberté de pensée, d’expression et de conscience.

Notre jury international a visionné les films pendant cinq jours avec le plus grand soin et un profond sens des responsabilités. Nous avons longuement débattu, réfléchi et confronté nos points de vue, nos délibérations finales s’étant étendues sur plus de six heures. Chacun d’entre nous a pris sur son temps personnel, professionnel et familial — cette mission étant exercée à titre bénévole, précision nécessaire au regard de certaines rumeurs — afin d’honorer le cinéma et de juger les œuvres avec rigueur et équité. Nous avons rédigé collectivement des motivations claires expliquant les choix des films primés et avons remis la liste finale au JCC la veille de la cérémonie de clôture.

Le samedi matin, nous avons reçu un appel des JCC nous informant que les films lauréats seraient annoncés et présentés par des personnes autres que les membres du jury. Surpris — cette pratique étant très inhabituelle dans les festivals internationaux — nous avons refusé cette proposition.

Il convient de préciser que, tout au long de ce processus, le JCC a joué un rôle de relais et de soutien, transmettant nos préoccupations de bonne foi et maintenant le dialogue avec nous. Les décisions finales concernant le format de la cérémonie ont toutefois été prises à un niveau institutionnel et administratif dépassant l’autorité directe et la seule discrétion du festival.

Nous avons alors proposé une solution alternative : que les parties concernées puissent prendre connaissance à l’avance de nos motivations écrites et que, si l’enjeu était de faire monter des personnalités sur scène, le jury présente les motivations tandis que les invités remettraient les prix.

Nos préoccupations ont été relayées par les JCC, et nous avons été convoqués à une répétition à 15h30 à l’Opéra. Il nous a été explicitement indiqué que nous étions libres de présenter les motivations et les prix comme nous l’entendions. Après trois heures de répétitions avec l’ensemble des jurys, nous sommes retournés à l’hôtel pour nous préparer à la soirée.

À 19h30, nous avons reçu un nouvel appel nous informant que nous revenions au point de départ : les prix seraient à nouveau remis par d’autres personnes que le jury, et nos motivations ne seraient pas lues. Nous avons alors indiqué qu’une telle décision pourrait entraîner notre absence et demandé que notre position soit transmise aux parties concernées dans l’espoir de parvenir à un compromis. Un nouvel appel, quelques minutes plus tard, nous a confirmé qu’aucun changement n’aurait lieu.

Malgré cela, nous sommes restés dans le hall de l’hôtel jusqu’à 21h15, espérant qu’un dialogue restait possible. Hélas, aucun autre appel n’est arrivé.

Une décision extrêmement difficile a alors été prise à l’unanimité par le jury. Par respect pour notre rôle, notre travail et la responsabilité éthique qui nous était confiée, nous avons choisi de ne pas assister à la cérémonie. Cette décision n’a pas été prise à la légère, mais par principe. Un jury international n’est pas une entité symbolique : il est au cœur de l’intégrité de tout festival. Réduire sa voix au silence revient à fragiliser les fondements mêmes de la liberté cinématographique et de la confiance que des festivals comme Carthage ont toujours incarnées.

Najwa Najjar,
Présidente du Jury

Lire aussi : JCC 2025 – Une lettre ouverte d’Ibrahim Letaief sur le respect des instances artistiques

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JCC 2025 – Une lettre ouverte d’Ibrahim Letaief sur le respect des instances artistiques

Von: Webdo
21. Dezember 2025 um 22:21



Au lendemain de la cérémonie de clôture de la 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage, à laquelle les jurys n’ont pas assisté, le réalisateur Ibrahim Letaief a rendu publique une lettre ouverte adressée au Président de la République. Dans ce texte, rédigé dans un ton respectueux et institutionnel, il revient sur les circonstances de cet incident et alerte sur ses implications symboliques et culturelles pour un festival historique, pilier du rayonnement culturel de la Tunisie.
Ci-dessous la lettre:



Lettre ouverte à Son Excellence le Président de la République

Objet : Préservation de l’image culturelle de la Tunisie et du cadre institutionnel des Journées Cinématographiques de Carthage – Édition 2025

Son Excellence

Président de la République tunisienne

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.

Je me permets de m’adresser à Votre Excellence en ma qualité de réalisateur tunisien, membre de l’un des jurys des Journées Cinématographiques de Carthage 2025, et en tant que citoyen profondément attaché à la place qu’occupe la culture dans l’image et le rayonnement de la Tunisie, tant à l’échelle régionale qu’internationale.

Les Journées Cinématographiques de Carthage, fortes de plus de soixante années d’existence, ne constituent pas une simple manifestation artistique. Elles représentent l’un des piliers de la diplomatie culturelle tunisienne, un symbole historique du dialogue entre les cinématographies arabes, africaines et internationales, ainsi qu’un témoignage de la continuité de l’État dans son soutien à l’action culturelle.

Je tiens, en préambule, à saluer avec la plus grande considération le travail artistique accompli par le directeur du festival, ainsi que les efforts importants déployés par l’ensemble de l’équipe d’organisation. Cette édition s’est distinguée, dans son déroulement général, par une programmation exigeante, un accueil attentif des cinéastes et une relation soutenue avec le public, à la hauteur de l’histoire et du prestige de ce festival.

Cependant, les faits survenus lors de la cérémonie de clôture appellent, avec tout le respect dû aux institutions, une clarification d’ordre institutionnel.

Il a été constaté que les jurys officiels, dont je faisais partie, n’ont pas été en mesure de monter sur scène ni d’assumer publiquement leur rôle au moment de l’annonce des résultats, dans un contexte marqué par des décisions organisationnelles et protocolaires prises en dehors du cadre habituellement établi.

Par ailleurs, le déroulement de la cérémonie de clôture a été modifié, et un prix ne figurant pas dans le règlement officiel du festival a été instauré, plaçant ainsi les jurys dans une situation ne leur permettant plus d’exercer leurs responsabilités artistiques conformément aux règles en vigueur.

Face à cette situation, les jurys ont choisi, de manière collective, calme et responsable, de se retirer d’eux-mêmes du déroulement de la cérémonie. Cette décision ne procédait ni d’un différend personnel ni d’une volonté d’escalade, mais d’un souci de cohérence institutionnelle et de respect du rôle indépendant confié aux jurys.

Monsieur le Président de la République,

Ces faits, bien que circonstanciels, ont suscité une vive incompréhension au sein des milieux cinématographiques, tant en Tunisie qu’à l’étranger. Les Journées Cinématographiques de Carthage font l’objet d’une attention soutenue de la part d’artistes, de professionnels et d’institutions culturelles internationales, pour lesquels la clarté des règles, l’indépendance des jurys et la stabilité du cadre institutionnel constituent des critères essentiels de crédibilité.

Lorsque le cadre organisationnel d’un festival de cette envergure apparaît fragilisé, ou lorsque les instances artistiques se trouvent marginalisées au moment même où elles devraient être au cœur de la scène, l’image de la Tunisie en tant que pays respectueux de la culture, du droit et de la liberté de création peut s’en trouver affectée.

La présente démarche ne vise nullement à mettre en cause des personnes en particulier, mais à souligner, avec tout le respect requis, la nécessité de préserver une séparation claire entre la décision artistique et l’autorité administrative, condition indispensable à la pérennité de ce festival historique et à la sauvegarde de sa réputation internationale.

La protection des Journées Cinématographiques de Carthage, le respect de leur règlement intérieur et la préservation de leurs équilibres institutionnels ne relèvent pas d’un enjeu sectoriel. Ils participent pleinement de la préservation de l’image de la Tunisie et de sa place culturelle dans le monde.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.

Signature :
Ibrahim Letaief
Réalisateur

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JCC 2025 : Le Tanit d’or consacre le cinéma égyptien

21. Dezember 2025 um 10:30

La 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage s’est achevée à Tunis par la proclamation d’un palmarès marqué par la diversité des regards et des écritures. Le Tanit d’or du long métrage de fiction a été attribué à une œuvre égyptienne, confirmant la vitalité du cinéma arabe et africain contemporain.

Le sacre d’Abu Bakr Shawky

Le Tanit d’or du long métrage de fiction est revenu à The Stories, du réalisateur égyptien Abu Bakr Shawky. Le film a été couronné lors de la cérémonie de clôture organisée au Théâtre de l’Opéra de Tunis, point d’orgue d’une édition particulièrement riche sur le plan artistique.

Le Tanit d’argent a été décerné à My Father’s Shadow du Nigérian Akinola Davies Jr, également récompensé par le Prix Tahar Chériaa de la meilleure première œuvre. Le Tanit de bronze est allé au film jordanien Sink, réalisé par Zain Duraie.

Présence tunisienne remarquée au palmarès

Le Prix d’honneur du jury a distingué The Voice of Hind Rajab de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Le Prix du public a, quant à lui, été attribué à Where the Wind Comes From d’Amel Guellaty, qui a également remporté le Prix du meilleur scénario, confirmant l’écho favorable du film auprès des spectateurs.

Les prix d’interprétation ont récompensé Saja Kilani pour la meilleure performance féminine dans The Voice of Hind Rajab et Nawwaf Aldaferi pour la meilleure interprétation masculine dans Hijra.

Sur le plan technique et artistique, Assem Ali a reçu le Prix du meilleur décor pour My Father’s Scent (Égypte). Le film tchadien Diya s’est illustré avec deux récompenses, pour le meilleur montage et la meilleure musique, tandis que le Prix de la meilleure image est revenu à Miguel Ioann Littin Menz pour Hijra.

Documentaires et courts métrages à l’honneur

Dans la compétition des longs métrages documentaires, le Tanit d’or a été attribué à Liti Liti du Sénégalais Mamadou Khouma Gueye. Le Tanit d’argent est allé à The Lions by the River Tigris de l’Irakien Zaradasht Ahmed et le Tanit de bronze à On the Hill du Tunisien Belhassen Handous, avec une mention spéciale pour Notre Semence d’Anis Lassoued.

En courts métrages, 32 B du réalisateur égyptien Mohamed Taher a remporté le Tanit d’or, suivi de Coyotes du Palestinien Said Zagha (Tanit d’argent) et de She’s Swimming de la Libanaise Liliane Rahal (Tanit de bronze). Des mentions spéciales ont également été attribuées à des œuvres tunisienne et sénégalaise.

Le Prix Tahar Chériaa a confirmé My Father’s Shadow comme révélation de cette édition. Le Prix TV5 Monde a distingué Cotton Queen de la réalisatrice soudanaise Suzannah Mirghani, tandis que le Prix Ciné-Promesse est revenu à Pierre-Feuille-Ciseaux de la Tunisienne Cherifa Benouda.

Un festival fidèle à son ADN

Créées en 1966, les Journées cinématographiques de Carthage demeurent une référence pour les cinémas arabe et africain. Cette 36ᵉ édition a réuni plus de 200 films provenant de 44 pays, confirmant le rôle des JCC comme espace privilégié de dialogue entre création artistique, mémoire et réalités contemporaines.

Palmarès des 36ᵉ JCC

■ Longs métrages de fiction

  • Tanit d’or : The Stories, Abu Bakr Shawky (Égypte)
  • Tanit d’argent : My Father’s Shadow, Akinola Davies Jr (Nigéria)
  • Tanit de bronze : Sink, Zain Duraie (Jordanie)
  • Prix d’honneur du jury : The Voice of Hind Rajab, Kaouther Ben Hania (Tunisie)
  • Prix du public : Where the Wind Comes From, Amel Guellaty (Tunisie)

— Palmarès artistique

  • Prix du meilleur scénario : Amel Guellaty, Where the Wind Comes From (Tunisie)
  • Meilleure interprétation féminine : Saja Kilani, The Voice of Hind Rajab (Tunisie)
  • Meilleure interprétation masculine : Nawwaf Aldaferi, Hijra (Arabie saoudite)
  • Prix du meilleur décor : Assem Ali, My Father’s Scent (Égypte)
  • Prix du meilleur montage : Guillaume Talvas, Diya (Tchad)
  • Prix de la meilleure image : Miguel Ioann Littin Menz, Hijra (Arabie saoudite)
  • Prix de la meilleure musique : Afrotronix, Diya (Tchad)

■ Longs métrages documentaires

  • Tanit d’or : Liti Liti, Mamadou Khouma Gueye (Sénégal)
  • Tanit d’argent : The Lions by the River Tigris, Zaradasht Ahmed (Irak)
  • Tanit de bronze : On the Hill, Belhassen Handous (Tunisie)
  • Mention spéciale : Notre Semence, Anis Lassoued (Tunisie)

■ Courts métrages (fictions et documentaires)

  • Tanit d’or : 32 B, Mohamed Taher (Égypte)
  • Tanit d’argent : Coyotes, Said Zagha (Palestine)
  • Tanit de bronze : She’s Swimming, Liliane Rahal (Liban)

Mentions spéciales :

  • Le Fardeau des ailes, Rami Jarboui (Tunisie)
  • Café ?, Bamar Kane (Sénégal)

■ Compétition Première œuvre

  • Prix Tahar Chériaa : My Father’s Shadow, Akinola Davies Jr (Nigéria)
  • Prix TV5 Monde : Cotton Queen, Suzannah Mirghani (Soudan)

■ Ciné-Promesse

  • Prix : Pierre-Feuille-Ciseaux, Cherifa Benouda (Tunisie)

Mentions :

  • Was Never Her Choice, Marguerita Nakhoul (Liban)
  • Chercher Abbas Saber, Dina Hassan Aboelea (Égypte)

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JCC 2025 – Revoir « L’Homme de cendres », quarante ans après : film restauré, mémoire vivante

20. Dezember 2025 um 11:43

Revoir L’Homme de cendres aujourd’hui, dans sa version restaurée et présentée aux Journées cinématographiques de Carthage 2025, n’a rien d’un simple retour vers le passé. C’est une expérience profondément actuelle, presque troublante, tant le film semble résister au temps. Bien que je l’aie vu à plusieurs reprises depuis sa sortie, cette projection m’a procuré un plaisir particulier, celui de redécouvrir une œuvre qui se déploie avec la même intensité, comme si elle se donnait à voir pour la première fois. La restauration joue un rôle essentiel dans cette redécouverte, mais elle ne saurait à elle seule l’expliquer : c’est avant tout la force intrinsèque du film qui frappe.

Sorti en 1986, L’Homme de cendres s’impose comme une œuvre fondatrice du cinéma tunisien moderne. À travers le personnage de Hachemi, jeune homme sur le point de se marier, Nouri Bouzid explore les conséquences d’un traumatisme sexuel subi durant l’enfance, longtemps enfoui, mais ravivé à l’approche d’un moment charnière de la vie adulte. Le film avance sans détour vers ses zones les plus sensibles, mettant à nu les mécanismes du silence, de la honte et du refoulement, dans une société où les non-dits pèsent souvent plus lourd que la parole. Le récit ne cherche ni l’effet ni la démonstration, mais s’inscrit dans une approche directe, parfois inconfortable, qui oblige le spectateur à affronter une réalité rarement mise en images à l’époque.

Au moment de sa sortie, L’Homme de cendres a provoqué une véritable onde de choc. Le film a suscité une polémique importante, précisément parce qu’il abordait frontalement des sujets jusque-là largement absents, voire interdits, du cinéma tunisien et arabe : la pédophilie, les abus sexuels, la violence faite aux enfants et les traumatismes durables qui en résultent. Le film ne contournait pas ces questions, ne les enveloppait pas d’allusions. Il les exposait, avec une frontalité qui a dérangé, parfois choqué, révélant les résistances profondes d’une société peu disposée à affronter certaines blessures. Cette réception polémique dit autant du film que du contexte dans lequel il est apparu.

Dès 1986, L’Homme de cendres a toutefois été reconnu bien au-delà des frontières tunisiennes. Le film a été sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, confirmant la singularité du regard de Nouri Bouzid et l’importance de son geste cinématographique. La même année, il a remporté le Tanit d’or aux Journées cinématographiques de Carthage, inscrivant durablement le film dans l’histoire du cinéma tunisien. Cette double reconnaissance, internationale et régionale, a consacré L’Homme de cendres comme une œuvre majeure, à la fois saluée et discutée, admirée et dérangeante.

Quarante ans plus tard, force est de constater que le sujet du film n’a rien perdu de son actualité. Les violences sexuelles sur les enfants et les traumatismes qui en découlent existent toujours aujourd’hui, y compris dans des sociétés dites développées. À ce titre, L’Homme de cendres ne nécessite aucune relecture artificielle pour continuer à faire sens. Il parle encore au présent, sans effet de vieillissement, sans distance ironique ou historique. Cette permanence du propos explique en grande partie pourquoi le film continue de résonner avec autant de force.

Sur le plan de la réalisation, la modernité du film demeure frappante. Le génie de Nouri Bouzid réside précisément dans cette capacité à inscrire son œuvre hors du temps. La mise en scène est rigoureuse, tendue, dépouillée de tout effet superflu. Les cadrages, le rythme, l’attention portée aux silences et aux corps construisent une tension constante, sans jamais verser dans le sensationnalisme. Le film ne cherche pas à choquer par l’excès, mais par la justesse de son regard. Même quarante ans plus tard, il ne paraît jamais dépassé sur le plan formel.

Dans le parcours de Nouri Bouzid, L’Homme de cendres occupe une place centrale. Dès ce premier long métrage, le cinéaste affirme une démarche claire : faire du cinéma un espace de confrontation avec les non-dits, un lieu où les blessures individuelles révèlent des fractures collectives. Il s’impose d’emblée comme un auteur qui refuse les compromis, préférant affronter les zones d’ombre de la société plutôt que de les contourner. Le film annonce déjà les grandes lignes d’une œuvre marquée par une interrogation constante sur le corps, la violence, la liberté et les contraintes sociales.

En 2025, L’Homme de cendres a fait l’objet d’une restauration complète, marquant une étape décisive dans la redécouverte du film. Ce projet a été mené conjointement par la Cineteca di Bologna, la Cinémathèque royale de Belgique, Cinétéléfilms et l’association Ciné-sud Patrimoine, avec le soutien du ministère tunisien des Affaires culturelles. Les opérations techniques ont porté sur la numérisation en 4K de la copie négative originale, ainsi que sur la restauration de l’image et du son, réalisées dans des laboratoires spécialisés tels que L’Immagine Ritrovata.

Cette restauration ne relève pas d’un simple geste de conservation. Elle permet de restituer avec une précision nouvelle la texture de l’image, la profondeur des cadres, les contrastes et la richesse sonore du film, rendant pleinement justice à la mise en scène et à l’attention portée aux détails du quotidien. Elle renouvelle le regard porté sur le film et renforce sa capacité à dialoguer avec le présent.

La version restaurée de L’Homme de cendres a été dévoilée pour la première fois au 39ᵉ Il Cinema Ritrovato, en juin 2025, dans la section Cinemalibero. Ce festival, internationalement reconnu pour son travail de valorisation et de transmission du patrimoine cinématographique, offrait un cadre particulièrement significatif pour cette redécouverte. Cette première internationale a replacé le film dans une histoire mondiale du cinéma restauré, avant sa présentation au public tunisien et sa projection aux Journées cinématographiques de Carthage 2025, dans la section « JCC Classiques ».

JCC 2025
L'homme de cendres

Quarante ans plus tard, L’Homme de cendres s’impose aussi comme un témoignage précieux sur des pratiques sociales et des traditions aujourd’hui largement effacées. Le film ne se contente pas de raconter une histoire intime : il conserve la trace d’un mode de vie, d’une organisation familiale et de rituels collectifs qui appartiennent désormais à la mémoire. Il montre un borj familial sfaxien dans lequel toute la famille se réunit pour préparer un mariage, comme cela se faisait à l’époque, dans un temps long, partagé, où chacun avait un rôle précis à jouer. Ce lieu, à la fois espace domestique et espace communautaire, devient le cœur battant du film, un espace de circulation des corps, des paroles et des gestes.

Ces scènes, filmées sans emphase, avec une attention constante portée aux détails du quotidien, prennent aujourd’hui une valeur presque documentaire. Elles donnent à voir une organisation familiale élargie, une manière d’habiter ensemble, de préparer un événement collectif, qui contraste fortement avec les formes plus fragmentées et individualisées de la vie contemporaine. Le film enregistre ces gestes sans les commenter, sans les idéaliser, mais en leur accordant le temps et la place nécessaires pour exister à l’écran.

On y voit longuement les femmes préparer le hlouw, ces pâtisseries traditionnelles indissociables des grandes célébrations, dans un travail collectif où les gestes se répètent, se transmettent et se partagent. La préparation n’est pas seulement culinaire : elle est sociale, presque rituelle. Les femmes sont réunies, parlent, s’activent, inscrivant leur travail dans une continuité générationnelle. Le film montre également la grande famille rassemblée autour d’une mida et d’une senia, cette table basse ronde autour de laquelle on mange dans un plat commun. Ce partage du repas, à même la table basse, dit une certaine idée de la convivialité, du lien familial et du vivre-ensemble, aujourd’hui largement disparu ou marginalisé.

Parallèlement, les hommes s’affairent à préparer l’espace de la fête. Ils tendent les tentes à l’aide de bâches vertes, organisent les lieux, déplacent les objets, aménagent l’extérieur pour accueillir les invités. Ces gestes, précis, répétés, traduisent une répartition des rôles qui structurait la vie sociale de l’époque. Rien n’est montré comme folklorique : tout est simplement là, filmé dans sa normalité, dans son évidence. Or, quarante ans plus tard, cette évidence a disparu. Ces pratiques, ces manières de faire, ces rythmes collectifs sont aujourd’hui presque oubliés, et les jeunes générations ne les connaissent souvent plus que par fragments, récits ou images anciennes.

À travers ces scènes, L’Homme de cendres dépasse largement son statut de fiction pour devenir une véritable archive visuelle d’un monde en train de s’effacer. La restauration du film redonne à ces images toute leur lisibilité, leur profondeur et leur texture, renforçant encore cette dimension mémorielle. Ce que le film montre du passé n’est pas figé : c’est un passé vivant, traversé de gestes, de voix et de présences, que le cinéma permet aujourd’hui de retrouver.

Le film conserve aussi la mémoire d’un vivre-ensemble désormais fragilisé. On y retrouve la présence de Yacoub Bchiri, qui y chante une chanson, inscrivant la musique populaire dans le tissu même du récit. À travers les lieux et les personnages, le film évoque une époque où des immeubles abritaient des habitants de différentes confessions, vivant côte à côte sans que la religion de chacun ne constitue un marqueur central. Cette coexistence quotidienne, filmée sans discours ni démonstration, apparaît aujourd’hui comme un témoignage précieux d’une réalité sociale longtemps considérée comme allant de soi.

La projection permet enfin de mesurer la force de la distribution. On y retrouve des acteurs qui deviendront par la suite des figures reconnues du cinéma tunisien, alors qu’ils en étaient encore à leurs débuts. Plus étonnant encore, les deux acteurs principaux ont, quant à eux, disparu des écrans depuis, laissant derrière eux des interprétations fortes, indissociables de l’identité du film.

Revoir L’Homme de cendres aujourd’hui, c’est mesurer à quel point certaines œuvres traversent le temps sans s’user. C’est aussi rappeler que le cinéma peut être à la fois un espace de parole, de mémoire et de transmission. La présentation de ce film restauré aux Journées cinématographiques de Carthage 2025 ne relève pas seulement de l’hommage : elle affirme la nécessité de continuer à montrer et à interroger un cinéma qui, quarante ans plus tard, continue de dire ce que d’autres préfèrent encore taire, tout en conservant la trace d’un monde en grande partie disparu.

Neïla Driss

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JCC 2025 – « Aurora’s Sunrise » : raconter un génocide à travers une histoire individuelle

17. Dezember 2025 um 09:00

Sélectionné dans le cadre de la 36ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage, qui se tient du 13 au 20 décembre 2025, Aurora’s Sunrise (Aurora, une étoile arménienne), réalisé par Inna Sahakyan, est présenté dans la section « Focus sur le cinéma arménien ». Le film retrace le parcours d’Arshaluys Mardiganian, connue sous le nom d’Aurora, survivante du génocide arménien, et fait de son histoire personnelle le point d’entrée d’un récit beaucoup plus vaste, où la mémoire individuelle devient indissociable de l’histoire collective d’un peuple anéanti.

Aurora est encore adolescente lorsque débute, en 1915, le génocide des Arméniens dans l’Empire ottoman. Elle voit sa famille exterminée, son univers détruit, et traverse les violences extrêmes des déportations, des marches forcées, de l’esclavage et des sévices avant de parvenir à s’échapper. Prise en charge par une association alors qu’elle se trouve encore en Arménie, celle-ci organise son départ et lui permet de rejoindre les États-Unis. Ce soutien, mis en place dès l’origine, rend possible non seulement sa survie, mais aussi, plus tard, la diffusion de son témoignage.

La genèse de Aurora’s Sunrise repose sur un matériau rare : des entretiens filmés et enregistrés avec Aurora Mardiganian peu avant sa mort, survenue en 1994 à l’âge de 93 ans. Conservés par le Zoryan Institute, ces témoignages constituent la colonne vertébrale du film. Inna Sahakyan construit son œuvre à partir de cette parole directe, en assumant le caractère fragmentaire de la mémoire et en refusant toute reconstitution exhaustive ou illustrative.

La forme du film est déterminante, et Aurora’s Sunrise en pose le principe dès ses premières minutes. Le film s’ouvre sur la première de Auction of Souls (Âmes aux enchères), film muet réalisé en 1919 à partir du témoignage d’Aurora Mardiganian, dans lequel elle interprétait son propre rôle. Cette ouverture inscrit immédiatement le récit dans une histoire du cinéma marquée par la disparition, l’effacement et la survivance des images.

JCC 2025 
Aurora's sunrise
JCC 2025 – L’affiche du film « Auction of Souls (Âmes aux enchères) »

Construit à partir de plusieurs matériaux distincts, Aurora’s Sunrise mêle des séquences d’animation, des images d’archives photographiques et cinématographiques du début du XXᵉ siècle, l’interview filmée d’Aurora réalisée peu avant sa mort, ainsi que des fragments retrouvés de Auction of Souls. Longtemps considéré comme perdu, le film de 1919 n’a été conservé que de manière partielle. Ce n’est que des décennies plus tard, après la mort d’Aurora, que quelques scènes ont été retrouvées et intégrées au film de Sahakyan, permettant à ces images disparues de réapparaître et de dialoguer avec une œuvre contemporaine.

À travers ce travail sur les images manquantes, Aurora’s Sunrise pose aussi la question du cinéma comme archive de substitution. Lorsque les documents officiels font défaut, lorsque les images ont été détruites, perdues ou effacées, le cinéma devient un espace où l’histoire peut continuer d’exister autrement. Non pas comme preuve judiciaire ou document institutionnel, mais comme trace sensible et incarnée. Le film ne remplace pas les archives absentes ; il affirme leur disparition, tout en refusant que cette absence équivaille à un oubli.

L’animation occupe une place centrale dans ce dispositif. Elle permet de représenter ce qui n’a jamais été filmé : l’enfance d’Aurora, la destruction de sa famille, les marches forcées, la fuite, la violence quotidienne. Le dessin est stylisé, les corps parfois réduits à des silhouettes, les visages esquissés, laissant apparaître l’absence, le manque et la perte plutôt qu’une reconstitution réaliste. Cette animation dialogue constamment avec les archives et les fragments du film de 1919, créant une circulation entre mémoire vécue, mémoire filmée et mémoire reconstituée.

C’est précisément cette forme hybride qui confère à Aurora’s Sunrise une force de narration exceptionnelle. En combinant animation, archives, fragments de cinéma muet et témoignage direct, le film ne crée aucune distance avec la réalité ; il la rend au contraire plus tangible. L’histoire d’Aurora s’impose comme une expérience vécue, indiscutable dans sa réalité, et permet de raconter le génocide arménien dans toute son horreur. Si le film avait été conçu comme un documentaire classique, reposant uniquement sur des images d’archives et des entretiens, il n’aurait pas eu cette puissance de narration. La forme choisie donne corps à ce qui a été détruit et permet de faire exister une réalité longtemps reléguée dans les marges de l’histoire officielle.

Le corps d’Aurora occupe dans ce dispositif une place centrale. Il n’est pas seulement le corps d’une survivante marquée par la violence, mais devient un véritable espace politique. Corps filmé en 1919 dans Auction of Souls, corps exposé publiquement à Hollywood, corps juridiquement contrôlé lorsqu’Aurora est placée sous tutelle, corps qui témoigne encore des décennies plus tard dans une interview enregistrée avant sa mort, corps enfin reconstitué par l’animation. À travers ces différentes strates de représentation, le film montre comment un même corps traverse plusieurs régimes de visibilité et de pouvoir, révélant les liens étroits entre image, autorité, récit et domination.

À travers Aurora, Aurora’s Sunrise raconte l’histoire collective d’un peuple entier. Son parcours individuel — la perte de sa famille, la violence subie, l’exil — devient le prisme à travers lequel se lit l’anéantissement des Arméniens. Le génocide apparaît non seulement comme un événement historique, mais comme une blessure ouverte, jamais refermée. Le récit d’Aurora ne mène à aucune réparation, à aucune reconnaissance officielle, à aucune justice. Survivre ne signifie ni être réparée, ni être entendue, ni être reconnue par ceux qui ont exercé la violence. Le film rappelle ainsi que le génocide arménien demeure un crime sans tribunal et sans condamnation, et que cette impunité continue de peser sur la mémoire arménienne contemporaine.

À un moment précis du film, Aurora évoque explicitement cette absence de sanctions. Elle regrette que les responsables n’aient jamais été jugés et affirme que cette impunité a pu permettre la répétition des crimes de masse au XXᵉ siècle. Elle avance l’idée que si les auteurs du génocide arménien avaient été traduits en justice et sanctionnés, l’Holocauste aurait peut-être pu être évité. Elle précise toutefois que la justice qu’elle appelle de ses vœux ne passe ni par la vengeance ni par les armes : elle rejette toute logique de représailles sanglantes et insiste sur la nécessité de véritables procès, menés dans un cadre légal.

Une fois arrivée aux États-Unis, le témoignage d’Aurora est d’abord publié sous forme de feuilleton dans la presse américaine. Il est ensuite repris et développé sous forme de livre en 1918, avant d’être porté à l’écran l’année suivante avec Auction of Souls (Âmes aux enchères). Ce film s’inscrit dans une vaste campagne de sensibilisation et de mobilisation. Aurora’s Sunrise affirme que cette mobilisation a permis de réunir 116 millions de dollars, une somme colossale pour les années 1920, qui a servi à la construction d’orphelinats dans plusieurs pays du monde et au sauvetage de 128 000 enfants arméniens devenus orphelins après l’extermination de leurs familles

Mais le film ne réduit pas cette histoire à une réussite humanitaire. Il développe une réflexion plus profonde sur le pouvoir du narratif. Le récit d’Aurora est compris très tôt comme un outil capable de transformer les regards, d’influencer les mentalités et de rendre visible une tragédie que beaucoup ignoraient ou préféraient ignorer. Le narratif ne sert pas seulement à collecter des fonds ; il agit comme un levier politique, culturel et symbolique, capable d’inscrire un peuple et son histoire dans l’espace public. Cette question du narratif demeure d’une actualité brûlante, bien au-delà du contexte historique du film.

Cette puissance du récit n’est toutefois pas sans coût. Le film montre comment l’histoire d’Aurora est également confisquée et exploitée à titre individuel par un auteur américain qui s’en approprie les droits, devient son tuteur légal alors qu’elle est encore mineure, et tire un profit financier personnel de son témoignage. Cette exploitation s’inscrit dans un rapport de pouvoir juridique et économique profondément inégalitaire, transformant une survivante en objet de contrôle et de profit, indépendamment de l’engagement humanitaire auquel Aurora avait consenti.

Si Aurora’s Sunrise s’ancre dans une époque précise, il résonne de manière troublante avec le monde contemporain. La circulation accélérée des récits, leur instrumentalisation, la hiérarchisation des tragédies selon les intérêts géopolitiques, la sélection de ce qui mérite d’être montré ou ignoré restent des mécanismes à l’œuvre aujourd’hui. Le film éclaire ces dynamiques persistantes et rappelle que le narratif continue de façonner les perceptions et les réponses politiques face aux crimes de masse.

La réflexion du film s’inscrit enfin dans un contexte politique plus large. La médiatisation du génocide arménien et la mobilisation qu’elle suscite aux États-Unis s’articulent avec des projets géopolitiques de l’après-guerre, notamment celui, défendu par le président Woodrow Wilson, d’un mandat ou d’un protectorat américain sur l’Arménie. Le récit d’Aurora devient alors un outil de persuasion internationale. Mais ce projet est abandonné lorsque les priorités diplomatiques évoluent et que les relations entre les États-Unis et la Turquie se normalisent, révélant la fragilité des engagements politiques et la dépendance du destin d’un peuple aux intérêts stratégiques du moment.

La disparition de Auction of Souls, film pourtant largement distribué et projeté à travers les États-Unis au moment de sa sortie, ne peut qu’interroger. Longtemps considéré comme totalement perdu, il est resté introuvable pendant de très nombreuses années. Le film ne fournit pas de réponse définitive, mais laisse ouverte l’hypothèse d’un effacement lié à des enjeux politiques. La redécouverte tardive de fragments, après la mort d’Aurora, et leur intégration dans Aurora’s Sunrise, redonnent une existence à ces images perdues tout en rappelant ce qui a irrémédiablement disparu.

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Aurora's sunrise
JCC 2025 – La famille d’Aurora, dont sa soeur et elle sont les seules survivantes.

Le film met également en lumière une autre forme de violence, plus diffuse mais tout aussi destructrice : le silence. Silence judiciaire, puisque les responsables du génocide arménien n’ont jamais été jugés. Silence diplomatique, lorsque les intérêts géopolitiques prennent le pas sur la reconnaissance des crimes. Silence historique enfin, lorsque les images disparaissent et que les récits sont relégués en marge. Aurora’s Sunrise montre que le silence n’est jamais neutre : il agit, prolonge la violence et favorise la répétition.

En redonnant chair et voix à Aurora, Inna Sahakyan ne prétend ni réparer l’histoire ni refermer ses blessures. Elle montre que le cinéma peut devenir un espace de mémoire critique, capable de révéler à la fois la puissance du récit et ses zones d’ombre : ses manipulations, ses silences, ses usages politiques. Aurora’s Sunrise est ainsi un film sur la survivance, non seulement d’un peuple, mais aussi d’un récit arraché, instrumentalisé, puis lentement réapproprié.

Poignant, le film permet enfin à celles et ceux qui ne connaissent le génocide arménien que de manière vague d’en saisir plus précisément la réalité, l’ampleur et l’horreur. Et il impose un constat amer : plus d’un siècle après ces crimes, l’humanité n’a toujours pas retenu la leçon. Des génocides et des massacres sont encore en cours aujourd’hui, pour des raisons diverses, comme si l’être humain ne pouvait se défaire de la guerre et de la destruction. Aurora’s Sunrise rappelle alors, avec une force implacable, que raconter, transmettre et nommer restent des actes essentiels — peut-être les seuls capables de lutter contre l’oubli et la répétition.

Neïla Driss

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JCC 2025 – Soirée hommage à Claudia Cardinale : la Tunisie dans le cœur

15. Dezember 2025 um 11:18

Dans le cadre de la 36ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tient du 13 au 20 décembre 2025, une soirée particulièrement émouvante a été consacrée à la mémoire de Claudia Cardinale, « la plus belle Italienne de Tunis », disparue il y a quelques mois. Présentée par Tarek Ben Chaabane, cette soirée-hommage a réuni un très large public venu saluer une icône du cinéma mondial, profondément attachée à la Tunisie, son pays de naissance et de cœur.

La soirée s’est articulée en trois volets : Les Anneaux d’or (1956) de René Vautier et Mustapha El Fersi, le court métrage qui marqua la première apparition de Claudia Cardinale à l’écran ; Claudia Cardinale : La plus belle Italienne de Tunis (1994) de MaMahmoud Ben Mahmoud ; et enfin Claudia Cardinale : La Tunisie… splendeur et beauté (2025) de Lotfi Bahri, consacré à l’actrice. Une superbe affiche avait été conçue spécialement pour cette célébration, symbolisant la beauté, la mémoire et l’éternité d’une actrice légendaire.

JCC 2025
Claudia Cardinale

Tarek Ben Chaabane a ouvert la soirée en évoquant la singularité du parcours de Claudia Cardinale et le lien indéfectible qui l’unissait à la Tunisie. Lotfi Bahri a ensuite pris la parole pour partager un souvenir personnel : « J’ai fait la connaissance de Claudia Cardinale alors qu’elle tournait Jésus de Nazareth (1977) de Franco Zeffirelli à Monastir. Depuis, une longue amitié nous lie. J’ai voulu que mon film parle de sa relation avec la Tunisie et de l’amour profond qu’elle lui portait. » Il a également souligné qu’il fêtait ce soir-là ses cinquante ans de carrière, un anniversaire qu’il a tenu à dédier à tous ceux qui l’ont accompagné au fil des années.

JCC 2025 
Claudia Cardinale Lotfi Bahri
JCC 2025 – Tarek Ben Chaabane et Lotfi Bahri

Mahmoud Ben Mahmoud a, quant à lui, présenté son film de 1994, un documentaire essentiel consacré à la communauté italienne de Tunisie. « Cette communauté ne se trouvait nulle part, ni dans les livres d’histoire, ni dans nos archives. J’ai voulu sauver une mémoire qui allait s’effacer », a-t-il expliqué. « J’ai commencé par filmer des Italiens vivant du côté de Radès, des personnes âgées dont le témoignage était précieux et dont la mémoire aurait disparu avec leur disparition. » Il a raconté avoir contacté Claudia Cardinale à cette occasion : « Je suis allé en Italie, j’ai rencontré Bruno Cardinale et d’autres membres de sa famille. Claudia était alors en tournage à l’étranger, mais je l’ai revue à Paris. Elle devait figurer dans ce documentaire de 52 minutes. »

Ce film avait été projeté pour la première fois lors d’un hommage aux JCC de 1994, en présence de Claudia Cardinale et de sa famille. « Nous avions organisé la projection à la cathédrale de Carthage. C’était un moment fort. J’ai découvert à cette occasion que Claudia était ma voisine à l’Aéroport, dans la banlieue nord de Tunis. Nous partagions des souvenirs communs », a-t-il ajouté. Lors d’un témoignage, Claudia révéla d’ailleurs que c’est dans cette même cathédrale qu’elle avait fait sa communion !

Le documentaire, initialement prévu pour être diffusé sur RAI 3, fut finalement programmé en prime time sur RAI 1. Il demeure un travail de mémoire essentiel sur une communauté italienne de Tunis longtemps oubliée. « Heureusement que j’ai eu le temps de filmer ces anciens membres avant que leurs voix ne disparaissent », a confié Ben Mahmoud. Pour la soirée des JCC, seule la partie du documentaire consacrée à Claudia Cardinale a été présentée.

JCC 2025 Claudia Cardinale 
Mahmoud Ben Mahmoud
JCC 2025 – Mahmoud Ben Mahmoud

La salle, presque comble, témoignait de l’émotion et de l’attachement du public tunisien à celle qui n’a jamais renié ses origines. Le film de Lotfi Bahri sera d’ailleurs diffusé aujourd’hui en prime time sur la télévision nationale.

À travers les images et les témoignages projetés, transparaissait un amour profond et sincère : celui que Claudia Cardinale portait à la Tunisie, pays de sa famille depuis trois générations. Dans toutes ses déclarations, elle en parlait avec une tendresse infinie, évoquant ses souvenirs d’enfance, sa famille, ses racines et son attachement à cette terre. Née à La Goulette, à une époque où ce quartier incarnait la coexistence harmonieuse de plusieurs communautés et religions unies par leur amour du pays, elle a grandi dans cet esprit d’ouverture et de tolérance. À cette époque, personne ne demandait à l’autre sa religion ni ses croyances.

Claudia a vécu ses dix-huit premières années à Tunis. Elle parlait alors le sicilien, l’arabe et le français, mais ne parlait pas italien — un détail qu’elle rappelait souvent avec amusement, précisant d’ailleurs qu’elle avait eu, lors de son premier voyage à Venise, des difficultés de communication pour cette raison.

« Je suis née sous une bonne étoile », disait-elle, et elle avait bien raison. Vers l’âge de seize ou dix-sept ans, elle fut engagée pour un petit rôle dans Les Anneaux d’or, tourné à Mahdia. Le film remporta d’ailleurs le Youth Film Award du Meilleur court métrage pour la jeunesse au Festival de Berlin 1959. Bien que son apparition y soit brève, Claudia y bénéficie d’un gros plan sur son visage lumineux — peut-être ce sourire a-t-il convaincu Jacques Baratier et Omar Sharif d’aller l’attendre devant son lycée Paul Cambon à Tunis pour lui proposer un rôle dans Goha ? Peut-être bien !

Mais sa carrière prit véritablement son essor lorsqu’un hasard décisif changea sa vie : alors qu’elle aidait sa mère, membre d’une organisation caritative, lors d’une soirée de bienfaisance, Claudia fut poussée sur le podium et élue « la plus belle Italienne de Tunis ». Ce titre lui valut un voyage au Festival de Venise. Elle raconta plus tard qu’à Venise, elle se sentait un peu perdue, ne parlant pas encore italien, mais que ses racines tunisiennes lui avaient porté chance : elle portait alors des vêtements traditionnels tunisiens, comme un burnous, ce qui la distinguait des autres et attira l’attention des photographes. Cette visibilité lui permit d’apparaître dans plusieurs grands magazines, illustrés de magnifiques photos d’elle, qui contribuèrent à lancer son image et à attirer sur elle les regards du monde du cinéma.

Mineure à l’époque, elle avait besoin de l’autorisation de son père, qui, d’abord réticent, refusa de laisser partir sa fille seule à l’étranger. Finalement, il se rendit en Italie pour signer les contrats en son nom. C’est ainsi que débuta la carrière internationale de Claudia Cardinale.

Un autre témoignage émouvant fut celui de la grande Mouna Noureddine, qui, elle aussi, avait fait ses débuts dans Les Anneaux d’or puis dans Goha, mais dont la carrière n’avait pas pris la même dimension internationale. « Chacun son étoile ! », a-t-elle confié avec émotion et sourire.

Ce qui ressort avec force des deux documentaires projetés, c’est l’attachement viscéral de Claudia Cardinale à la Tunisie, un amour qu’elle tenait de ses parents et qu’elle a transmis à ses enfants. Elle leur parlait de ses origines, les emmenait souvent en Tunisie, leur faisait visiter différentes régions, en particulier Tozeur, qu’elle affectionnait pour le silence du désert et la sérénité des palmeraies. Elle disait aimer les palmiers parce qu’ils la rattachaient à son « chez elle ». Chez ses parents, même installés en Italie, la cuisine restait tunisienne : mloukhiya, couscous et autres plats traditionnels. Les racines de Claudia étaient profondément tunisiennes, et c’est en Tunisie qu’elle venait se ressourcer chaque fois qu’elle en ressentait le besoin.

Et le destin, une fois encore, a bouclé la boucle : ses tout premiers rôles furent dans des films tunisiens, et son dernier rôle l’aura également ramenée à sa patrie d’origine, dans L’Île du pardon (2022) de Ridha Behi — une conclusion symbolique pour celle qui fut toujours une femme du monde, mais avant tout, une fille de Tunis.

Neïla Driss



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JCC 2025 – Une cérémonie d’ouverture sobre, tournée vers le cinéma et la Palestine

14. Dezember 2025 um 14:50

La 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se déroule du 13 au 20 décembre 2025, a débuté hier soir au Théâtre de l’Opéra de la Cité de la Culture. Retransmise en direct sur la Télévision Tunisienne, la Radio Nationale Tunisienne et les différentes chaînes de la Radio Tunisienne, la cérémonie d’ouverture s’est distinguée par sa sobriété et son recentrage sur le cinéma. Aucun discours d’officiels n’a été prononcé, si ce n’est un mot de bienvenue du directeur général du festival, Tarak Ben Chaabane.

De nombreux invités ont d’ailleurs apprécié que la cérémonie n’ait pas duré longtemps et qu’elle ait échappé à la multitude de discours officiels habituels. Oui, c’est là un véritable atout : le cinéma devait être la seule vedette de la soirée. Par ailleurs, j’aurais personnellement aimé qu’en plus des deux chansons de Ziad Rahbani, il y ait eu une petite animation, une touche de fantaisie, comme cela avait été fait lors de la cérémonie d’ouverture des JCC 2021 — par exemple un sketch évoquant un film, ou une courte séquence humoristique. Cela aurait apporté une note de légèreté et de bonne humeur. En plus, il aurait été juste aussi d’ajouter une rubrique pour rendre hommage à tous les professionnels tunisiens du cinéma qui nous ont quittés cette année.

Une ouverture fluide et sans protocole

Confiée au maître de cérémonie Amine Ben Hamza, la soirée a été menée avec fluidité et retenue. Dès le début, le ton était donné : célébrer le cinéma, sans s’attarder sur les interventions protocolaires ou autres. Tarak Ben Chaabane n’est monté sur scène que vers le milieu de la cérémonie pour adresser un bref mot au public, fidèle à l’esprit des JCC, qui veulent remettre le film au centre de la scène.

La soirée a commencé par un hommage à Ziad Rahbani, compositeur et metteur en scène libanais disparu il y a quelques mois. Figure essentielle de la culture arabe, Ziad Rahbani laisse derrière lui une œuvre marquée par l’engagement et la modernité, que les JCC saluent à travers une programmation dédiée.

Juste après cet hommage, Amine Ben Hamza a présenté le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir et annoncé la présence dans la salle de l’équipe, avant d’enchaîner avec la présentation des différents hommages et sections de cette 36ᵉ édition. Ce choix est rare, car lors des cérémonies inaugurales, on présente rarement le film dès le début de la soirée.

Les figures honorées de cette 36ᵉ édition

Amine Ben Hamza a annoncé les divers hommages qui viendront ponctuer la semaine. Fadhel Jaziri (1948-2025) est mis à l’honneur avec deux œuvres majeures : La Noce (1978), restauré et présenté pour la première fois en Tunisie, et Traversées (1982) de Mahmoud Ben Mahmoud, où il tient le rôle principal. Un hommage est aussi rendu à ce dernier, qui animera une master class sur son parcours et sa vision de cinéaste.

Une séquence vidéo a été consacrée à Claudia Cardinale. L’actrice sera célébrée lors d’une soirée spéciale le dimanche 14 décembre. Trois films accompagnent cet hommage : Les Anneaux d’or (1956) de René Vautier et Mustapha El Fersi, Claudia Cardinale : La plus belle Italienne de Tunis (1994) de Mahmoud Ben Mahmoud, et Claudia Cardinale : La Tunisie… splendeur et beauté (2025) de Lotfi Bahri. Trois œuvres qui racontent, chacune à leur manière, une histoire d’amour durable entre une femme et sa terre natale.

Abdelaziz Ben Mlouka a reçu le Tanit d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Le trophée lui a été remis par le réalisateur Mohamed Dammak, précédé d’une vidéo retraçant son impressionnant parcours de producteur. Les JCC lui consacrent également un hommage à travers la projection de plusieurs films qu’il a produits, dont la version restaurée de Star Wars : Épisode I.

JCC 2025 
Ouverture
Abdelaziz Ben Mlouka
JCC 2025 – Abdelaziz Ben Mlouka et son Tanit d’Or d’honneur

Présentation des diverses sections et des jurys

La cérémonie a aussi permis de dévoiler les grandes lignes de cette édition. Carthage Pro accueille cette année vingt projets, confirmant la vocation du festival à soutenir la création arabe et africaine.

Les sections compétitives ont ensuite été introduites : quarante-deux films représentant dix-neuf pays se disputeront les Tanit dans les trois compétitions officielles.

Les membres des divers jurys ont été présentés. Ceux de la compétition des longs métrages de fiction sont montés sur scène, présidée par la réalisatrice palestinienne Najwa Najjar. Diplômée en sciences politiques et en cinéma, Najwa Najjar a signé plusieurs documentaires et longs métrages (Pomegranates and Myrrh, Eyes of a Thief, Between Heaven and Earth). À ses côtés siègent Jean-Michel Frodon, Lotfi Achour, Kantarama Gahigiri et Lotfi Bouchouchi.

JCC 2025 
Ouverture
Jury compétition Longs métrages de fiction
JCC 2025 – Les membres du Jury compétition Longs métrages de fiction

La Tunisie mise en avant comme terre de tournage

Une vidéo consacrée aux tournages réalisés en Tunisie a ensuite été projetée, mêlant extraits de films et témoignages d’artistes, dont celui d’Antonio Banderas. Le montage mettait en valeur les paysages et les atouts du pays, avant de se conclure par une mention intrigante : l’existence d’un « guichet unique » pour le cinéma. Est-ce déjà une réalité ou simplement un vœu ? La question reste ouverte.

Un film d’ouverture porteur de résistance : Palestine 36

L’équipe du film est ensuite montée sur scène pour le présenter. La réalisatrice Annemarie Jacir a raconté les conditions extrêmement difficiles du tournage : « Nous avons construit un immense décor avec des techniciens palestiniens. La guerre a commencé et tout a été détruit. Nous avons tout reconstruit, non pas pour le cinéma, mais pour montrer que nous sommes debout, que nous aimons la vie et que nous ne nous laisserons pas abattre. » Elle a conclu en remerciant la Tunisie et les JCC pour leur accueil. Palestine 36 a été choisi par la Palestine pour la représenter aux Oscars.

Le film retrace le parcours de Yusuf, un jeune homme partagé entre son village et Jérusalem en 1936, au moment où la révolte contre le mandat britannique éclate. Il interroge la mémoire et la résistance à travers un récit à la fois historique et profondément humain. Son casting réunit, autour de Dhafer L’Abidine, Hiam Abbass, Kamel El Basha, Saleh Bakri, Yasmine Al-Massri, Jeremy Irons, Liam Cunningham et Billy Howle.

JCC 2025 
Ouverture Palestine 36
JCC 2025 – L’équipe du film d’ouverture « Palestine 36 »

Un public qui reste pour le film

Fait rare : à l’issue de la cérémonie, la majorité du public est restée pour assister à la projection du film d’ouverture. Habituellement, beaucoup quittent la salle avant le début de la projection. Cette fois, presque personne n’est parti. Pourquoi ? Était-ce l’envie de découvrir un film dont on a tant parlé ? Par solidarité avec la Palestine ? Ou simplement parce qu’il n’y avait pas de soirée after party ?

Les questions restent ouvertes. Mais ce moment inattendu — une salle pleine qui choisit de rester pour regarder un film — résume à lui seul l’esprit des JCC 2025 : un festival recentré sur le cinéma, sur la mémoire et sur la dignité.

Neïla Driss

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Coup d’envoi de la 36e édition des Journées cinématographiques de Carthage (Photos)

Von: Yusra NY
13. Dezember 2025 um 21:49

La Cité de la Culture de Tunis a accueilli dans la soirée de ce samedi 13 décembre 2025, la cérémonie d’ouverture de la 36e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).

Une session dont le programme comportera pas moins de 165 films qui seront projetés dans 14 salles (96 longs-métrages et 69 courts-métrages), venus de 23 pays, entre les 54 films en compétition dans les différentes sections dont 14 pour la compétition des longs-métrages fiction, 12 pour celle des longs –métrages documentaire, 16 pour les courts-métrages et 12 pour « Ciné Promesses ».

Ceci en plus de la section « La Palestine au cœur des JCC » (10 films), les focus consacrés à l’Arménie (11 films) et aux Philippines (5 films), un « Regard sur le cinéma espagnol » (5 films), un « Voyage à travers le cinéma latino-américain » (7 films) et un « Panorama du cinéma tunisien » (15 films).

Parmi ces films, on comptera 46 œuvres tunisiennes, avec 23 longs-métrages et 23 courts-métrages.

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Les JCC dévoilent le Maître de cérémonie de l’ouverture de sa 36ᵉ édition

Von: Yusra NY
13. Dezember 2025 um 18:37

Les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) ont dévoilé le Maître de cérémonie de l’ouverture de sa 36ᵉ édition prévue dans la soirée de ce samedi 13 décembre 2025.

C’est Amine Ben Hamza qui assurera l’ouverture de la 36ᵉ édition, qui sera par ailleurs retransmise en direct sur la Télévision Tunisienne et la Radio nationale Tunisienne, ainsi que les différentes chaînes de la Radio Tunisienne.

Rappelons que les billets sont disponibles en ligne et en guichets physiques et que les tarifs ont été fixés à 6 Dinars Tunisiens (D.T.) pour le grand public et à 3 D.T. pour le tarif réduit destiné aux élèves et étudiants.

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Tout savoir sur la billetterie des JCC 2025

Von: Yusra NY
11. Dezember 2025 um 21:03

Les organisateurs des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), ont dévoilé, ce jeudi 11 décembre 2025, le système de billetterie adopté pour la 36e édition de ce festival incontournable

L’achat en ligne est ouvert dès aujourd’hui, offrant la possibilité d’acquérir des tickets pour l’intégralité des films du festival.

L’achat direct aux guichets débutera le 13 décembre. Ce dernier est limité à l’acquisition des programmes du jour même et du jour suivant.

Dans les deux cas (en ligne et aux guichets), l’achat est limité à trois (03) billets par film et par personne.

Les guichets physiques :

  • La Cité de la Culture propose une vente continue de 9h00 à 21h30 du 14 au 20 décembre; exceptionnellement, la vente le 13 décembre sera de 9h00 à 14h00.
  • Les salles du Centre-Ville de Tunis assurent la vente uniquement le matin, de 9h00 à 14h00, du 13 au 20 décembre 2025.
  • Les salles de cinéma L’Agora, Cinémadart et Alhambra Zephyr assurent également une vente continue de 9h00 à 21h30, du 13 au 20 décembre.

Les tarifs ont été fixés à 6 dinars tunisiens pour le grand public et à 3 D.T. pour le tarif réduit destiné aux élèves et étudiants.

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JCC 36ᵉ édition : Où et quand acheter vos tickets pour les films du festival ?

11. Dezember 2025 um 14:52
JCC 36ᵉ édition : Où et quand acheter vos tickets pour les films du festival ?

Les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) ont dévoilé, via leur page Facebook officielle, le système complet de billetterie adopté pour la 36ᵉ édition. L’achat en ligne, disponible dès le 11 décembre 2025 sur la plateforme teskerti.tn, permet de réserver des billets pour l’ensemble des films programmés. L’achat direct aux guichets débutera à partir du 13 […]

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JCC 2025 : Gros plan sur le cinéma espagnol

11. Dezember 2025 um 09:49

La trente-sixième édition des Journées cinématographiques de Carthage proposera un gros plan sur le cinéma espagnol. Cinq films inédits seront au programme de cette section.

  • MORLAIX de Jaime Rosales. Un film où le silence devient un langage, révélant l’invisible et l’intranquillité du quotidien.
  • ROMÉRIA de Carla Simón. Une exploration intime de la mémoire, des racines et des liens familiaux.
  • LA CASA de Álex Montoya. Une œuvre qui interroge ce que nous gardons, ce que nous laissons derrière nous, et ce que disent les maisons de nos vies.
  • EL 47 de Marcel Barrena. Un récit où la réalité sociale s’impose comme matière vivante, urgente et profondément humaine.
  • SORDA de Eva Libertad. Un film qui bouleverse nos certitudes et propose une autre manière de « écouter le monde ».

Une plongée dans la richesse, la sensibilité et la diversité du cinéma espagnol. Les JCC auront lieu du 13 au 20 décembre.

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JCC : le cinéma palestinien illumine la 36ᵉ édition

10. Dezember 2025 um 21:41
JCC : le cinéma palestinien illumine la 36ᵉ édition

La 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage, prévue du 13 au 20 décembre à Tunis, met à l’honneur la cause palestinienne à travers une programmation riche et diversifiée. La réalisatrice palestinienne Najwa Najjar préside le jury des longs métrages de fiction, entourée de cinéastes et experts internationaux. Le festival présente notamment le film « […]

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JCC 2025 – La réalisatrice Najwa Najjar préside le jury des longs métrages de fiction

09. Dezember 2025 um 10:20

La 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025, a choisi la scénariste et réalisatrice palestinienne Najwa Najjar pour présider le jury de la compétition officielle des longs métrages de fiction. À ses côtés siégeront le critique de cinéma français Jean-Michel Frodon, le réalisateur et producteur tunisien Lotfi Achour, la scénariste et réalisatrice rwandaise Kantarama Gahigiri et le réalisateur et producteur algérien Lotfi Bouchouchi, composant un jury à l’image de l’ADN des JCC : africain, arabe et ouvert sur le reste du monde.

Najwa Najjar, un parcours entre études politiques et cinéma

Issue d’un père jordanien et d’une mère palestinienne, Najwa Najjar a grandi au Moyen-Orient. Elle poursuit ensuite des études en sciences politiques et en économie aux États-Unis, où elle obtient également un master en réalisation et production cinématographiques, avant de s’orienter vers l’écriture et la réalisation. De retour en Palestine, où elle vit et travaille aujourd’hui, elle développe une œuvre marquée par cette double formation, intellectuelle et artistique : un cinéma d’auteur à la fois ancré dans la réalité politique et attentif à la dimension humaine des récits.

Une cinéaste palestinienne au parcours transnational

Dès la fin des années 1990, elle réalise plusieurs documentaires et courts métrages qui explorent la mémoire, la transmission et la vie quotidienne en Palestine. On lui doit notamment Naim and Wadee’a (1999), Quintessence of Oblivion (2000), A Boy Called Mohamed (2002), Blue Gold (2004), They Came from the East (2004) ou encore Yasmine Tughani (2006), des œuvres souvent montrées dans des festivals internationaux et qui installent peu à peu sa voix dans le paysage du cinéma palestinien.

Parallèlement à ces films, elle produit en 2009 une anthologie de courts métrages internationaux, Gaza Winter, témoignant déjà d’un intérêt pour les formes collectives et pour la circulation des récits autour de la Palestine.

Trois longs métrages de fiction au rayonnement international

En 2008–2009, Najwa Najjar signe son premier long métrage de fiction, Pomegranates and Myrrh (Grenades et myrrhe), centré sur le destin d’une jeune danseuse palestinienne confrontée à l’emprisonnement de son mari et aux contraintes de l’occupation. Le film circule largement, est projeté dans plus de 80 festivals internationaux et reçoit plusieurs récompenses, notamment à Doha Tribeca, où il obtient un prix du meilleur film arabe et à Saint-Sébastien où il remporte le Cinema in Motion Award.

Elle poursuit en 2014 avec Eyes of a Thief (Les yeux d’un voleur), son deuxième long métrage, tourné en Cisjordanie. Ce film, inspiré d’un fait réel, est distingué dans plusieurs festivals, dont meilleur acteur attribué à Khaled Abol Naga au Festival international du film du Caire et meilleur réalisateur au Festival international du film de Calcutta, et est choisi pour représenter la Palestine à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère pour l’édition 2015.

Le film raconte l’histoire de Tarek, un homme libéré après dix ans de prison, qui retourne dans sa ville natale de Naplouse à la recherche de sa fille disparue. En retraçant ses pas, il découvre une société marquée par la méfiance, les blessures de l’occupation et la survie quotidienne. Entre secrets enfouis, loyautés conflictuelles et désir de rédemption, Eyes of a Thief aborde la question du pardon et du poids du passé, tout en révélant la persistance de l’espoir dans un territoire meurtri.

JCC 2025 
Najwa Najjar
Najwa Najjar sur le plateau de tournage de « Eyes of a thief »

En 2019, son troisième long métrage, Between Heaven and Earth (Entre le paradis et la terre), prend la forme d’un road movie à travers les checkpoints et les frontières administratives, suivant un couple en instance de divorce qui se voit contraint de traverser la Palestine pour obtenir des documents officiels. Présenté notamment au Festival international du film du Caire, où il remporte le Prix Naguib Mahfouz du meilleur scénario, le film confirme sa capacité à mêler intimité, observation sociale et réflexion politique.

Ces trois œuvres de fiction prolongent, chacune à leur manière, le travail entamé dans ses documentaires : raconter des histoires de couples, de familles, de circulation entravée, mais aussi d’attachement à la terre et aux lieux, dans un contexte où chaque geste du quotidien est traversé par les réalités de l’occupation.

Un quatrième long métrage en préparation

Najwa Najjar développe actuellement son quatrième long métrage, Kiss of a Stranger, un film musical qu’elle a écrit pendant la période de confinement du Covid-19. L’histoire se déroule dans l’Égypte des années 1930, à l’âge d’or du cinéma, au cœur de la ville d’Alexandrie. À travers la musique, la danse et le pouvoir du cinéma, le film évoque la naissance d’une industrie et d’un rêve collectif, porté par des personnages venus d’horizons différents en quête de liberté et de sens. Produite par Ustura Films, cette nouvelle œuvre s’annonce comme une célébration du rêve, de la créativité et de la mémoire du monde arabe.

Productrice, pédagogue et membre de jurys

Au-delà de la réalisation, Najwa Najjar cofonde la société de production Ustura Films, basée à Ramallah, aux côtés de son mari, le producteur Hani E. Kort, avec l’objectif affirmé d’accompagner un cinéma palestinien indépendant, ancré dans son territoire et capable de dialoguer avec les réseaux internationaux.

Dans plusieurs entretiens, à l’instar de celui auquel elle a participé l’an dernier, lors du festival International du Film du Caire, elle souligne l’importance de raconter la Palestine à travers des personnages palestiniens complexes, loin des clichés et des simplifications. Sa filmographie entière témoigne de cette volonté : donner à voir des existences multiples, prises entre contraintes politiques et liberté intérieure.

Elle intervient aussi dans des programmes de formation : elle a été lectrice (reader) puis conseillère auprès du Rawi Sundance Scriptwriters Lab, dédié aux scénaristes arabes, et est régulièrement invitée pour des masterclasses, comme au Galway Film Fleadh en 2016. Elle participe par ailleurs à des jurys de festivals, qu’il s’agisse de manifestations de la région ou d’événements internationaux, renforçant ainsi sa place dans le réseau des professionnels du cinéma.

En reconnaissance de son parcours et de sa contribution au cinéma arabe et international, Najwa Najjar a été élue membre de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences en 2020, rejoignant ainsi les cinéastes du monde entier appelés à participer aux votes des Oscars. Cette distinction souligne la portée de son œuvre et l’estime qu’elle suscite bien au-delà des frontières palestiniennes.

Une présidence en résonance avec l’esprit des JCC

La présence de Najwa Najjar à la tête du jury des longs métrages de fiction des JCC 2025 s’inscrit dans une continuité cohérente entre son œuvre et la vocation même du festival : interroger le monde à travers les images. Depuis ses débuts, elle défend un cinéma où la parole et la responsabilité ne s’opposent pas à l’émotion, où la mémoire ne sert pas de refuge mais d’élan.
Sa perspective palestinienne lui donne une acuité particulière face aux récits de résistance, mais ce qu’elle apporte à Carthage dépasse la seule appartenance nationale : un regard capable de relier les expériences, d’écouter ce que les films disent des blessures et des espoirs collectifs.
Dans un contexte où les frontières — politiques, esthétiques, culturelles — semblent se refermer, sa présidence rappelle la fonction première du cinéma : créer des passages. Et c’est peut-être là que se joue, cette année encore, l’essence même des JCC — un festival qui, en choisissant Najwa Najjar, continue de croire que le cinéma peut encore unir là où tout divise.

Neïla Driss

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JCC 2025 – Une édition entre renouveau et mémoire

08. Dezember 2025 um 08:00

Un point de presse a été organisé pour présenter la 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025. Si le programme avait déjà été largement dévoilé sur la page Facebook du festival, cette rencontre a permis de mieux comprendre la vision de cette édition et les nouveautés qu’elle introduit.

On y retrouve les sections classiques — compétitions officielles de longs et courts métrages, sélection hors compétition, panorama du cinéma tunisien et différents focus — mais aussi quelques nouveautés.

Comme chaque année, parmi les plus attendues figure la section Cinéma du monde, véritable respiration internationale du festival, où les cinéphiles espèrent découvrir les grands films de l’année souvent absents de nos écrans tunisiens.
Cette année, quatre titres y sont particulièrement remarquables : trois films représentant leurs pays à l’Oscar du meilleur film international — Late Shift, de Petra Biondina Volpe, choisi par la Suisse ; Sirat d’Olivier Laxe, Prix du Jury ex æquo à Cannes et représentant l’Espagne ; et O Agente Secreto de Kleber Mendonça Filho, récompensé à Cannes par les Prix de la mise en scène, du meilleur acteur et FIPRESCI, et représentant le Brésil. À ceux-là s’ajoute Zan o Bachech (Woman and Child) de l’Iranien Saeed Roustayi, sélectionné en compétition officielle à Cannes en mai dernier. De très beaux films, prometteurs d’un large engouement auprès du public tunisien.

Retour aux sources et hommage au cinéma palestinien

Tarek Ben Chaabane, directeur de cette 36ᵉ édition et président du comité d’organisation, a ouvert la rencontre en remerciant son équipe, composée en grande majorité de jeunes collaborateurs. Il a ensuite exposé les grandes lignes de cette édition, conçue comme un retour à l’esprit d’origine des JCC : mettre à l’honneur les films d’auteur et les cinémas du monde arabe et africain.

Le cinéma palestinien en sera cette année le fil conducteur et sera présent dans plusieurs sections, à commencer par le film d’ouverture, Palestine 36, réalisé par Annemarie Jacir, choisi d’ailleurs par la Palestine pour la course à l’Oscar du meilleur film international. Le festival présentera également la deuxième partie de From Ground Zero, film d’anthologie coordonné par le réalisateur Rashid Masharawi, qui réunit plusieurs courts métrages tournés à la fin de la guerre de Gaza. Ce projet collectif, chargé d’émotion et de mémoire, explore la survie, la résistance et la reconstruction à travers des récits pluriels.

JCC 2025 Ouverture Palestine 36

Autre temps fort de la programmation palestinienne, Il était une fois à Gaza des frères Nasser, lauréat du Prix de la mise en scène dans la section Un Certain Regard à Cannes 2025 et triple primé au Festival international du film du Caire, figurera également au programme. Sera aussi projeté La Voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania, représentant la Tunisie aux Oscars 2026 et en compétition officielle à Carthage.

La présidente du jury de la compétition officielle des longs métrages de fiction sera la réalisatrice et scénariste palestinienne Najwa Najjar, dont le film Entre ciel et terre sera présenté dans la section Nouveau cinéma arabe. Ce film, en compétition internationale, avait remporté le Prix du Meilleur scénario au Festival international du film du Caire en 2019.

Focus et hommages

Cette édition proposera un focus sur le cinéma arménien, à travers quatre films restaurés, des œuvres de jeunes cinéastes, une exposition d’affiches et une master class sur le thème Cinéma arménien et identité, animée par la réalisatrice arménienne Tamara Stepanyan, le mercredi 17 décembre 2025 à 15h00, au MACAM – Musée National d’Art Moderne et Contemporain, Cité de la Culture Chedly Klibi, Tunis.

Un autre focus sera consacré au cinéma philippin, ainsi qu’à un panorama du cinéma espagnol et à un voyage à travers le cinéma d’Amérique latine, mêlant films anciens et récents pour offrir un regard global sur ces cinématographies. Parmi les titres espagnols programmés, Sorda (Deaf), réalisé par Eva Libertad, nommé pour les Arab Critics’ Awards for European Films, se distingue particulièrement par sa sensibilité et sa puissance formelle.

Hommages et patrimoine restauré

Le cinéma africain aura, bien sûr, une place de choix, avec un hommage à Souleymane Cissé, accompagné d’une installation consacrée à son œuvre et à sa recherche sur la lumière. Cissé, pionnier du cinéma africain, fut aussi l’un des fondateurs de la Fédération africaine de la critique cinématographique. L’hommage rendu à Cissé est rehaussé par la présence de la réalisatrice Fatou Cissé qui présentera son film Hommage d’une fille à son père, une œuvre retraçant l’enfance, la jeunesse et le travail du réalisateur et révélant les moments qui ont façonné sa vision cinématographique et son influence sur l’histoire du cinéma africain.

Un hommage sera rendu à Mohammed Lakhdar-Hamina, premier cinéaste maghrébin et africain à remporter la Palme d’or, en 1975, pour Chronique des années de braise. La version restaurée du film sera projetée lors du festival, rappelant l’importance historique de cette œuvre majeure.

Le festival célèbrera aussi le centenaire de Paulin Soumanou Vieyra, figure fondatrice du cinéma africain, historien et critique essentiel à la reconnaissance du septième art sur le continent.

Plusieurs autres hommages viendront enrichir la programmation : celui rendu à Ziad Rahbani, compositeur et metteur en scène libanais disparu récemment, honoré à travers la projection de ses films et de ses musiques emblématiques ; à Abdelaziz Ben Mlouka, avec la projection de plusieurs des films qu’il a produits, dont la version restaurée de Star Wars : Épisode I ; à Fadhel Jaziri (1948-2025), à travers la projection de deux œuvres majeures auxquelles il a pris part — La Noce (1978), restauré et présenté pour la première fois en Tunisie, et Traversées (1982) de Mahmoud Ben Mahmoud, où il incarne le rôle principal ; à Mahmoud Ben Mahmoud, qui animera une master class offrant l’occasion d’explorer son parcours et sa vision artistique ; et enfin à Claudia Cardinale, la légendaire actrice récemment décédée, célébrée à travers trois films : Les Anneaux d’or (1956) de René Vautier et Mustapha El Fersi, Claudia Cardinale, la plus belle Italienne de Tunis (1994) de Mahmoud Ben Mahmoud, et Claudia Cardinale : Splendeur et beauté (2025) de Lotfi Bahri.

JCC 2025 Claudia Cardinale


Dans cette continuité, le festival introduira une nouvelle section intitulée JCC Classiques, dédiée aux films restaurés. Cette initiative s’inscrit dans la dynamique mondiale qui redonne au patrimoine cinématographique sa juste place dans les grands festivals internationaux.

Présence et valorisation des invités

Questionné à propos de la cérémonie d’ouverture, Tarek Ben Chaabane n’a livré que peu de détails, évoquant notamment un hommage à Ziad Rahbani. Quant à la présence de stars, il a repris avec humour une phrase de Nejib Ben Ayed : « Les véritables stars des JCC sont les réalisateurs. »

Une position défendable, certes, mais qui soulève une interrogation récurrente : pourquoi les JCC ne mettent-ils pas davantage en valeur ceux et celles qu’ils honorent ? Les hommages se limitent souvent à la remise d’un trophée et à la projection d’un ou plusieurs films, sans qu’un véritable dialogue ne s’instaure avec le public. L’exception demeure l’hommage à Youssef Chahine en 2016, enrichi d’une exposition et d’un panel réunissant plusieurs de ses proches collaborateurs.

Pourquoi ne pas renouer avec cette tradition d’échanges ?

D’autres festivals, comme ceux d’El Gouna, du Caire ou de Cannes, organisent des panels, master classes ou conversations avec leurs invités d’honneur. Au Caire, par exemple, le président du jury participe chaque année à une rencontre avec le public.

Pour cette édition, le festival aurait pu, par exemple, organiser une rencontre avec la présidente du jury de la compétition longs métrages de fiction, Najwa Najjar, autour du cinéma palestinien, ou avec Mariam Naoum, scénariste égyptienne et présidente du jury Première Œuvre – Prix Tahar Cheriaa, à propos de son parcours et de son succès. En Égypte, un scénario signé Mariam Naoum est presque synonyme de succès !

Table ronde : un nouveau cinéma arabe ?

Une table ronde réunira cinéastes et critiques arabes autour d’un thème à la fois ambitieux et symbolique : Y a-t-il un nouveau cinéma arabe ? Quarante ans après le film Camera arabe de Férid Boughedir, la question demeure brûlante. La rencontre, prévue mercredi à 10h au cinéma Africa, sera accompagnée de projections d’œuvres arabes marquantes des vingt dernières années.

Le sujet est prometteur, mais il aurait été tout aussi intéressant d’aborder des thématiques plus concrètes, notamment celles liées à la production et aux tournages en Tunisie. Le pays, autrefois terre d’accueil de nombreuses productions internationales, a peu à peu laissé la place à ses voisins : le Maroc, la Jordanie, l’Égypte et même l’Arabie saoudite. Star Wars – Épisode I, dont plusieurs scènes avaient été tournées dans le sud tunisien, sera d’ailleurs projeté cette année dans le cadre des hommages. Cette projection rappellera à quel point la Tunisie a pu être un décor majeur du cinéma mondial. On ne peut s’empêcher de rêver qu’un jour, de grandes productions y reviennent, à condition que les lois et les structures de soutien à l’industrie cinématographique suivent. Pourquoi ne pas profiter de la présence en Tunisie d’un grand nombre de cinéastes et de journalistes étrangers pour leur montrer tout ce que le pays a à offrir ?

Par ailleurs, d’autres thématiques auraient pu être abordées, comme la circulation des films africains et arabes hors de nos frontières. À un moment où la question du narratif est devenue essentielle, il est temps que nous, Africains et Arabes, puissions imposer nos propres récits, nos propres regards, plutôt que de laisser les autres raconter nos histoires à travers leur prisme culturel.

Une autre piste aurait pu être celle de la coproduction, qui joue aujourd’hui un rôle crucial dans la visibilité internationale de nos films. Ces collaborations, souvent européennes, permettent à nos œuvres de participer aux grandes compétitions internationales sous des drapeaux occidentaux. Mais elles posent aussi une question fondamentale : ces coproductions imposent-elles parfois des contraintes sur le contenu, ou une adaptation du propos pour correspondre à des attentes extérieures ? Autant de thèmes qui auraient pu enrichir la réflexion.

Réflexion et publications

Deux signatures de livres sont annoncées : Pépites du cinéma arabe, volume 1, publié par l’ATPCC, et Champs contractuels de Kamel Ben Ouanes. Ces présentations viennent enrichir le programme intellectuel du festival, qui ne se limite pas aux projections mais s’ouvre également à la réflexion et à l’édition.

Budget et transparence

Chaker Chikhi, chargé de la gestion du Centre National du Cinéma et de l’Image (CNCI), a insisté sur l’effort de transparence entrepris cette année. Pour la première fois, l’intégralité des chiffres relatifs au budget du festival sera publiée sur les sites officiels des JCC et du CNCI, permettant à chacun d’en connaître les détails.

Le budget global de cette édition s’élève à 3,8 millions de dinars, contre 2,5 millions en 2024. L’année précédente, les JCC avaient enregistré un déficit de 400 000 dinars. Pour 2025, environ 650 000 dinars proviendront des partenaires du festival, et 130 000 dinars devraient être générés par la billetterie selon les prévisions. Le budget est réparti de manière équilibrée : un tiers consacré aux ressources humaines, un tiers aux locations d’équipements, de salles et d’hôtels, et un dernier tiers au volet artistique.

Quel avenir pour les JCC ?

Interrogé sur l’avenir du festival face à la montée en puissance des autres rendez-vous arabes, Tarek Ben Chaabane a répondu avec sérénité : « C’est une question philosophique. L’essentiel est de préserver l’âme des JCC. Peu importe la concurrence : notre festival a une identité, une mémoire et une responsabilité. »

Quant à un éventuel retour du festival à ses dates historiques d’octobre ou novembre, il a reconnu que le défi restait ouvert : « Pour y parvenir, il faut renforcer notre plateforme professionnelle. Les grands festivals paient cher pour obtenir des premières mondiales. Le cinéma est aussi une industrie, et il nous faut travailler dans cette direction. »

Mémoire, archives et continuité

À la veille de son soixantième anniversaire, qui sera célébré en 2026, la question des archives du festival demeure cruciale et a été soulevée à plusieurs reprises par les journalistes. Déjà en 2020, une équipe avait tenté de reconstituer la mémoire des JCC pour préparer une rétrospective. Mais le travail accompli semble aujourd’hui perdu. Selon Chaker Chikhi, les archives existent bel et bien, mais elles sont éparpillées entre plusieurs institutions et entreprises privées. Le festival, lui, ne dispose toujours pas d’un fonds propre — une carence inquiétante pour un événement d’une telle portée.

Ouverture citoyenne et perspectives

Fidèles à leur vocation citoyenne, les JCC poursuivront leur démarche d’ouverture, avec des projections prévues dans les régions, les prisons et les casernes, afin de permettre à un public large et diversifié d’accéder à la programmation.

À l’heure où le cinéma se transforme, les Journées cinématographiques de Carthage doivent affirmer leur rôle de passerelle entre les cinémas arabes et africains et le reste du monde. Leur avenir dépendra de leur capacité à conjuguer mémoire et renouveau, à faire dialoguer patrimoine restauré et créations contemporaines, et à renforcer leur visibilité sur la scène internationale.

Plus que jamais, les JCC ont vocation à demeurer un lieu de rencontre, de réflexion et de passion pour un cinéma libre, ancré dans nos réalités et ouvert sur l’avenir.

Neïla Driss

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Snapshot : Au Colisée, la Rotonde se prépare pour les JCC ?

05. Dezember 2025 um 11:30

Les Journées cinématographiques de Carthage démarrent le samedi 13 décembre et se poursuivront jusqu’au 20 décembre.

La longue tradition du festival a fait que la Rotonde, café de référence au Colisée de Tunis, se transforme en espace dédié au festival.

Est-ce que ce sera le cas cette nouvelle édition ? Attendons voir mais pour le moment, à la Rotonde, c’est le grand ménage du vendredi ( jour de fermeture hebdomadaire).

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JCC : une 36e édition plus ouverte, plus politique et résolument tournée vers le Sud

04. Dezember 2025 um 19:54

Les Journées cinématographiques de Carthage ont levé le voile sur la programmation complète de leur 36e édition, présentée lors d’une conférence de presse à la Cité de la Culture. La direction promet un festival plus large, plus inclusif et toujours fidèle à son ADN : un espace où se rencontrent les cinémas arabes et africains engagés.

L’ouverture sera marquée par Palestine 36 d’Annemarie Jacir, film représentant la Palestine aux Oscars, projeté au Théâtre de l’Opéra.

Un budget consolidé

Tarek Ben Chaabane, directeur des JCC, a indiqué que le budget global atteint 3,8 millions de dinars, dont 3 millions apportés par le ministère des Affaires culturelles. Le reste provient des recettes propres et des partenariats.

Les billets seront vendus entre 5 et 6 dinars, avec un tarif étudiant réduit à 3 dinars, afin de préserver la dimension populaire du festival.

42 films et une forte présence tunisienne

Les trois compétitions officielles réuniront 42 films provenant de 19 pays, dont neuf œuvres tunisiennes en lice pour les Tanits. La sélection comprend 14 longs-métrages de fiction, 12 longs documentaires, 16 courts-métrages.

Les œuvres proviennent notamment du Burkina Faso, du Congo, du Maroc, du Sénégal, du Nigeria, du Soudan, de l’Arabie saoudite, de la Palestine, du Liban, de l’Afrique du Sud, du Cap-Vert, du Togo, de la Syrie et de la Tunisie.

La Tunisie concourt dans les catégories phares avec Promis le Ciel d’Erige Sehiri, La Voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania et Where the Wind Comes From d’Amel Guellaty. Côté documentaires, Notre Semence d’Anis Lassoued et On The Hill de Belhassen Handous complètent la présence nationale.

Les courts-métrages retenus sont Sursis de Walid Tayaa, Tomates maudites de Marwa Tiba et Le Fardeau des ailes de Rami Jarboui.

Des figures reconnues

Le jury fiction sera mené par la cinéaste palestinienne Najwa Najjar, entourée de Kantarama Gahigiri, Lotfi Achour, Lotfi Bouchouchi et Jean-Michel Frodon.

Pour les documentaires, la présidence revient à Raja Amari, accompagnée de Laura Nikolov, Alassane Diago, Eliane Raheb et Nadia Kaabi-Linke.

Carthage Pro : un tremplin pour les projets

La plateforme professionnelle « Carthage Pro » accueillera 17 projets entre le 15 et le 18 décembre : 8 projets en post-production dans l’atelier Takmil, 9 projets en développement dans l’espace Chabaka.

Créée en 1992, cette structure accompagne la fabrication des films du stade de l’écriture à la finalisation.

La Palestine au centre de cette édition

Le festival place la Palestine au cœur de son dispositif artistique. Outre le film d’ouverture, plusieurs œuvres évoquent Gaza, la mémoire palestinienne ou les récits de résistance :

  • From Ground Zero de Rashid Masharawi,
  • Once Upon a Time in Gaza de Arab & Tarzan Nasser,
  • les courts Coyotes de Said Zagha et Intersecting Memory de Shayma Awawdeh,
  • Qaher de Nada Khalifa en Ciné Promesse.

Autres focus et regard sur le monde

Des hommages seront rendus aux cinéastes Fadhel Jaziri, Paulin Soumanou Vieyra, Souleymane Cissé, Claudia Cardinale, Walid Chmait et Ziad Rahbani.

Des focus mettront à l’honneur les cinémas arménien, philippin, espagnol, latino-américain et une section « Cinéma vert » consacrée aux enjeux environnementaux présentera des films de Tunisie, du Liban, de Syrie et de Palestine.

Le festival hors les murs

Les JCC se déploieront dans plusieurs régions, ainsi que dans les prisons (14–20 décembre) et les casernes (17–24 décembre). Des rencontres, publications et activités parallèles accompagneront cette édition, fidèle à la vocation militante et ouverte du festival depuis sa création en 1966.

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