Terres rares : le levier stratégique de Pékin face aux Etats-Unis
Au terme de sa tournée asiatique, Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping se rencontreront jeudi 30 octobre en Corée du Sud pour tenter de mettre un terme à leur guerre commerciale. Les terres rares seront au menu de cette rencontre qui s’annonce cruciale.
Finalement, la guerre commerciale entre les deux plus grandes économies du monde n’aura pas lieu. Une trêve qui illustre, au-delà de la surenchère verbale de part et d’autre, un fait incontournable : en dépit de leur rivalité économique, militaire, technologique et géopolitique, Pékin et Washington ont fini par prendre conscience que la logique du compromis est préférable à celle de la confrontation musclée, souvent périlleuse, voire stérile.
Le deal
La preuve ? Avant la rencontre cruciale qui se tiendra jeudi 30 octobre en Corée du Sud entre Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping en marge d’un sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), et sous l’effet de la surenchère fiévreuse au sein du couple sino-américain, le président américain menaça le 10 octobre d’imposer un tarif additionnel de 100 % sur les produits chinois si Pékin renforçait les contrôles sur les exportations de terres rares et sur les technologies nécessaires à leur raffinage.
Mais deux jours de négociations en Malaisie, le week-end des 25 et 26 octobre, ont permis de définir les contours d’un compromis susceptible de maintenir une relative stabilité dans les relations des deux pays. Ainsi, en échange du report des restrictions à l’exportation de terres rares et de la reprise de l’achat de soja à Washington, la Chine évite l’imposition de 100 % de droits de douane additionnels prévus à partir du 1er novembre en cas d’échec des négociations.
« Ils veulent faire un « deal » et nous voulons faire un « deal », a déclaré, dimanche dernier, le président américain.
Terres rares : des smartphones aux avions de chasse
Pékin avait-il d’autre choix que de suivre la voix du compromis face aux menaces américaines ?
« La Chine ne peut pas se permettre une confrontation prolongée. Elle a besoin de continuer à exporter. Non pas parce qu’elle adore avoir un excédent commercial; mais tout simplement parce qu’elle produit trop et que sa population ne consomme pas assez », estime François Godement, historien, conseiller pour l’Asie et les États-Unis à l’Institut Montaigne à Paris
Mais si « la Chine reste dépendante de ses marchés occidentaux, elle possède également des armes économiques redoutables, notamment dans le domaine des terres rares, indispensables à l’industrie numérique et à la défense », assure la même source.
Et d’ajouter : « La Chine produit aujourd’hui environ 60 % des terres rares extraites dans le monde et contrôle près de 90 % de leur raffinage. La remplacer, pas seulement sur l’extraction, mais surtout sur les processus de raffinage, prendrait des années. Or, les terres rares sont indispensables pour les industries d’armement. Par conséquent, c’est une arme de dissuasion massive pour les États-Unis et l’Europe ».
Pour preuve, le ministère chinois du Commerce vient de publier un document intitulé « Annonce n° 62 de 2025 ». Lequel détaille de nouvelles restrictions majeures sur les exportations de terres rares. Ainsi, les entreprises étrangères doivent désormais obtenir l’approbation du gouvernement chinois pour exporter des produits contenant ne serait-ce qu’une infime quantité de terres rares et doivent en déclarer l’usage prévu. Des mesures qui resserrent encore l’emprise de Pékin sur l’approvisionnement mondial en ces minéraux critiques. De même qu’elles rappellent que l’ancien Empire du Milieu détient un levier stratégique dans la guerre commerciale avec les Etats-Unis.
La riposte américaine
Pour contrer cette « arme de dissuasion massive », les Etats-Unis se démènent comme un diable pour s’emparer des terres rares et des minerais stratégiques dont on recense 17 variétés et qui sont vitales à l’économie et à la défense américaine. D’où la volonté du président américain de contrôler des territoires comme le Groenland, l’Ukraine ou la République démocratique du Congo.
D’ailleurs, lors de sa récente tournée asiatique, Donald Trump a signé le 26 octobre avec la Malaisie un accord sécurisant l’accès des États-Unis aux terres rares de ce pays. Selon l’accord, la Malaisie s’engage à accélérer le développement de son secteur des minéraux critiques en partenariat avec les entreprises américaines, notamment en prolongeant les licences d’exploitation, afin d’accroître les capacités de production.
Un produit stratégique
Rappelons à ce propos que les minerais stratégiques sont utilisés comme aimants dans les moteurs des éoliennes (néodyme, dysprosium), les batteries (lanthanum) ou encore les catalyseurs automobiles (cérium). On en trouve aussi dans la plupart des écrans du quotidien comme nos télévisions, nos smartphones et nos ordinateurs. Sans oublier les panneaux solaires et les voitures électriques.
Plus stratégique encore : ils sont omniprésents dans l’industrie de la défense, puisqu’ils sont indispensables à la fabrication de missiles, de radars et de moteurs d’avions. Ainsi, transformés en aimants, ils permettent aux chasseurs de voler, aux missiles de trouver leur cible. On les retrouve dans les bâtiments de combat, les blindés, les bombes guidées et les radars.
Un exemple concret ? Un seul avion américain de chasse du type F-35 nécessiterait plus de 400 kg de terres rares pour ses revêtements furtifs, ses moteurs, ses radars et d’autres composants.
Faut-il s’étonner qu’au fur et à mesure que la demande pour ces technologies de pointe augmente, l’accès aux terres rares deviendra un levier stratégique pour la souveraineté énergétique, économique et technologique des nations ?
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