Plan d’annexion de la Cisjordanie : même Washington s’y oppose !
Tollé général contre l’approbation de la Knesset, mercredi 22 octobre en lecture préliminaire, de deux projets de loi visant à étendre la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie occupée.
Nul doute que le ballon d’essai lancé récemment par la droite et l’extrême droite israélienne était destiné à tester la réaction des Américains. Mais l’indignation internationale, notamment aux États-Unis et dans le monde arabe, aura contraint les dirigeants Israéliens à adopter un profil bas en attendant un timing plus propice.
En effet, en dépit de l’avertissement du président américain Donald Trump, pourtant un allié inconditionnel de l’État hébreu, lequel s’est prononcé clairement contre toute annexion de la Cisjordanie par Israël : « Je ne permettrai pas à Israël d’annexer la Cisjordanie », a-t-il déclaré aux journalistes à la Maison Blanche… «Non, je ne le permettrai pas. Cela n’arrivera pas ». Et en pleine visite mercredi 22 octobre du vice-président J.D. Vance à Tel-Aviv, la Knesset s’est penchée sur l’examen de deux projets de loi visant à étendre la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée.
Un pas vers l’annexion de la Cisjordanie
Ainsi, le premier texte – proposé par Avigdor Lieberman, le chef du parti nationaliste Israël Beiteinou (opposition), visant à étendre la souveraineté israélienne à Maalé Adumim, une colonie de plus de 40 000 habitants située juste à l’est de Jérusalem – a été adopté par 32 députés contre 9.
Le second projet de loi, proposé par le député d’extrême droite Avi Maoz, également dans l’opposition, visant également à appliquer la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Cisjordanie, a été adopté en lecture préliminaire par 25 députés pour et 24 contre.
Selon les médias israéliens, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou aurait ordonné aux députés de son parti de s’abstenir pendant les votes. Le Likoud a qualifié les votes de « provocation de l’opposition visant à nuire à nos relations avec les États-Unis et aux grandes réalisations d’Israël dans la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas».
Faut-il rappeler qu’Israël a approuvé en août dernier un projet clé de construction de 3 400 logements en Cisjordanie, dénoncé par l’ONU. Car baptisé E1, ce projet couperait de facto la Cisjordanie en deux et empêcherait définitivement la création d’un éventuel État palestinien.
À noter également que quelque trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, aux côtés d’environ 500 000 Israéliens installés dans des colonies que l’ONU juge illégales au regard du droit international. Sachant que la colonisation de la Cisjordanie s’est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens, de gauche comme de droite, depuis 1967. Rien que ces derniers mois, plusieurs ministres israéliens d’extrême droite ont appelé ouvertement à l’annexion de la Cisjordanie.
J.D. Vance : « Très stupide »
Réaction outragée du vice-président J.D. Vance au terme de sa visite en Israël, dans le cadre d’une initiative diplomatique américaine visant à maintenir le cessez-le-feu à Gaza, entré en vigueur le 10 octobre : « La politique de l’administration Trump est que la Cisjordanie ne sera pas annexée par Israël, cela continuera d’être notre politique. Si c’était un coup politique, c’était un coup politique très stupide, et je le prends personnellement comme une insulte ».
Plus diplomatique était la réaction du secrétaire d’État américain Marco Rubio, lequel a averti mercredi qu’Israël « menaçait » l’accord de cessez-le-feu à Gaza proposé par le président Donald Trump. « Je pense que le président s’est assuré que nous ne pouvons pas soutenir ce projet pour le moment. Et nous pensons que cela menace même l’accord de paix », a déclaré le chef de la diplomatie américaine aux journalistes avant son départ pour Israël.
En effet, Trump a déclaré dans une entrevue accordée au magazine américain Time, le 15 octobre, cinq jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qu’« Israël perdrait tout le soutien des États-Unis si cela se produisait », affirmant que « cela n’arrivera pas. Cela n’arrivera pas parce que j’ai donné ma parole aux pays arabes ».
Or, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », rappelle cyniquement Henri Queuille, homme politique français de la IIIe et IVe République !
« Violation du droit international »
Le monde arabe n’est pas en reste. Le ministère qatari des Affaires étrangères a dénoncé les projets de loi israéliens, les qualifiant d’« atteinte flagrante aux droits historiques du peuple palestinien et de violation flagrante du droit international et des résolutions de l’ONU ».
Pour sa part, le ministère saoudien des Affaires étrangères a exprimé « le rejet total par le royaume de toutes les violations de la colonisation et de l’expansionnisme perpétrées par les autorités d’occupation israéliennes ».
Le ministère koweïtien des Affaires étrangères a également publié une déclaration dénonçant la mesure israélienne « dans les termes les plus fermes », la qualifiant de « violation flagrante du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, en particulier la résolution 2234, qui condamne la colonisation israélienne et affirme son illégalité ».
Même son de cloche de la part de Hamas, le mouvement islamiste a rejeté les projets de loi israéliens, qualifiant de « nulles et non avenues » les tentatives israéliennes d’annexion de la Cisjordanie occupée.
« Les tentatives effrénées de l’occupation d’annexer la Cisjordanie sont illégales et invalides. Elles ne changent rien au fait que la Cisjordanie est une terre palestinienne au regard de l’histoire, du droit international et de l’avis consultatif de 2024 de la Cour internationale de Justice », lit-on dans un communiqué.
Un simple lapsus ?
Au final, il est permis de penser que face au tollé général soulevé par la dernière manœuvre israélienne visant à mettre la main sur la Cisjordanie occupée, le gouvernement Netanyahou ronge son frein en attendant le moment propice pour relancer cette perfide manœuvre avec l’aval des Américains. D’ailleurs, n’est-il pas curieux de constater que le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a déclaré que « le président s’est assuré que nous ne pouvons pas soutenir ce projet pour le moment ».
Pour le moment ? Laisse-t-il entendre que, pour sauver le cessez-le-feu à Gaza, le moment n’est pas opportun à l’heure actuelle pour Tel-Aviv de soulever cette question. En attendant des jours meilleurs ? Nuance.
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