Chaque année, le 8 mars nous offre l’occasion de célébrer les acquis des femmes, de mesurer les avancées et de rappeler les défis persistants pour l’égalité des genres. En Tunisie, pays historiquement en avance sur de nombreux droits des femmes dans la région, la question de l’autonomisation féminine reste un enjeu crucial. Si des progrès notables ont été réalisés, ils ne doivent pas masquer les disparités qui subsistent et les défis qui restent à relever pour parvenir à une égalité réelle et durable.
Un contexte tunisien contrasté
La Tunisie a été pionnière dans la région en matière de droits des femmes grâce à des réformes historiques telles que le Code du Statut Personnel de 1956, qui a aboli la polygamie et renforcé les droits des femmes en matière de mariage et de divorce. Toutefois, malgré ces avancées législatives, la mise en application effective de ces droits reste inégale selon les régions et les milieux sociaux.
Le taux de participation des femmes au marché du travail demeure faible (autour de 28 %), et les inégalités salariales persistent. Trop souvent, les femmes occupent des emplois précaires, sous-payés et sans protection sociale adéquate. Dans les zones rurales, les femmes font face à une précarité accrue, souvent exacerbée par le manque d’accès aux ressources financières, aux opportunités entrepreneuriales et à des infrastructures adaptées, telles que les transports et les services de garde d’enfants.
La crise économique actuelle et les tensions sociales ont aussi un impact disproportionné sur les femmes, notamment en ce qui concerne l’emploi informel et la sécurité sociale. À cela s’ajoute une réalité inquiétante : les violences basées sur le genre, qui continuent de toucher un nombre alarmant de femmes et de jeunes filles. Malgré l’adoption de la loi 58-2017 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les mécanismes de protection et d’accompagnement restent insuffisants, faute de moyens adéquats et de coordination entre les différents acteurs.
Les défis de l’autonomisation des femmes
L’autonomisation des femmes en Tunisie ne peut être envisagée uniquement sous l’angle juridique. Elle doit être soutenue par des politiques publiques fortes, des investissements ciblés et un changement de mentalités au sein de la société. Plusieurs défis majeurs restent à relever :
– L’accès à l’éducation et à la formation professionnelle : Bien que le taux de scolarisation des filles soit élevé, leur orientation vers des secteurs d’avenir comme les sciences, la technologie et l’innovation reste limitée. Il est crucial d’encourager leur présence dans des domaines à forte valeur ajoutée et de favoriser leur employabilité.
– L’inclusion économique et financière : Les femmes rencontrent encore des difficultés pour accéder aux financements et aux crédits bancaires, limitant leur capacité à entreprendre et à développer des projets économiques. Des solutions telles que le microcrédit et les coopératives féminines doivent être renforcées.
– Le partage des responsabilités familiales : La double charge que portent les femmes entre leur travail et leurs responsabilités domestiques reste un frein majeur à leur progression professionnelle. Encourager une meilleure répartition des tâches au sein des foyers et la mise en place de structures de garde adaptées est indispensable.
– La lutte contre les stéréotypes de genre : L’image de la femme dans les médias et la culture populaire influence profondément la perception de son rôle dans la société. Il est nécessaire de promouvoir des représentations valorisantes et diversifiées des femmes dans tous les secteurs d’activité.
Vers une société plus inclusive et égalitaire
Les avancées en matière de droits des femmes ne peuvent se faire sans une mobilisation collective. Il est essentiel que les entreprises, les institutions publiques et la société civile travaillent ensemble pour garantir un accès équitable aux opportunités économiques, sociales et politiques. Une société inclusive ne peut se construire sans une reconnaissance pleine et entière de la contribution des femmes à tous les niveaux.
En ce 8 mars, rappelons que l’égalité femmes-hommes ne se résume pas à une question de droits, c’est aussi un levier essentiel pour la prospérité collective. En garantissant aux femmes un accès équitable aux opportunités économiques et sociales, nous renforçons non seulement leur autonomie, mais nous bâtissons aussi une Tunisie plus forte, plus résiliente et plus juste. L’autonomisation des femmes ne doit pas être un simple objectif, mais une réalité tangible, portée par des actions concrètes et un engagement sans faille de toutes et tous.
Par Zahra Ben Nasr, Présidente de FACE Tunisie
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