Crise de modèle et distorsions économiques Financement public : une souveraineté en péril (Partie 1)

Dans notre pays, une question majeure s’impose avec acuité : comment financer durablement le budget de l’État sans alourdir davantage l’endettement extérieur ? En d’autres termes, comment mobiliser des ressources nationales sans aliéner notre souveraineté économique à des bailleurs bilatéraux ou institutionnels imposant des conditions parfois incompatibles avec nos intérêts stratégiques ?
Plus profondément, un paradoxe interpelle : alors que l’économie nationale traverse une récession marquée, que les secteurs productifs se contractent et que les performances industrielles reculent, les banques et institutions financières affichent des résultats remarquablement positifs. Ce décalage entre l’économie réelle et la sphère financière, qui semble de prime abord une distorsion économique, soulève des interrogations et semble indiquer une distorsion du modèle.
Selon les principes classiques de l’économie, une baisse de l’investissement, de la consommation, de l’épargne et un recul du recouvrement des créances devraient logiquement affecter les revenus des établissements de crédit. Le fait que cela ne soit pas le cas révèle l’existence de distorsions profondes dans notre système politico-économique, résultant soit de mécanismes internes auto-entretenus, soit de choix de politiques économiques délibérés.
Un modèle en décalage avec la création de valeur réelle
Si les créateurs de valeur – entrepreneurs, producteurs, travailleurs – sont en difficulté, et si le financement de l’activité productive se raréfie, alors se pose légitimement une question cruciale : d’où proviennent les résultats des institutions financières ? Quelle richesse réelle justifie l’augmentation de la masse monétaire ? Et sur quelles bases l’État parvient-il à clôturer son budget ?
Pour répondre à ces questions, il convient de revenir aux fondamentaux économiques.
Quatre grandes catégories d’acteurs structurent le fonctionnement de toute économie :
- Les entrepreneurs, moteurs de création de valeur et de prise de risque ;
- Les travailleurs-consommateurs, producteurs et soutiens de la demande ;
- L’État et son administration, organisateurs du cadre politique et régulateur de l’activité ;
- Le système monétaire et financier, gestionnaire des flux et ressources.
Lorsque les trois premières catégories s’essoufflent et que les revenus réels stagnent ou régressent, les recettes publiques s’affaiblissent. Pour compenser ce manque, l’État, pour assurer son train de vie, recourt à l’endettement, déclenchant une spirale aux effets systémiques.
L’arbitrage impossible : stabilité institutionnelle ou avenir collectif
L’administration publique se retrouve alors face à un arbitrage délicat : relancer l’investissement productif, maintenir son propre fonctionnement ou faire le choix du sacrifice temporaire au service du bien commun. Parallèlement, les décideurs politiques doivent choisir entre assurer leur survie à court terme ou assumer des réformes impopulaires mais nécessaires à moyen terme.
Dans la majorité des cas, les compromis convergent vers une priorité : maintenir la stabilité et le train de vie de l’appareil politico-administratif. Ce choix, légitimé par une logique de court terme, crée une déconnexion croissante entre l’État et les dynamiques productives du pays. Ainsi s’installe un déficit structurel chronique, creusé davantage par un recours croissant à l’endettement non productif, faute de création de valeur réelle.
Ce processus nourrit une situation de rente pour les institutions financières, captant les ressources disponibles au détriment de l’économie réelle. Le tarissement du crédit bancaire pour les acteurs productifs provoque une rareté artificielle de liquidité, accentuant la dépendance à l’endettement et ouvrant la voie à une ponction directe sur les réserves monétaires de la communauté – via la banque centrale ou les mécanismes d’émission – avec des conséquences inflationnistes et déstabilisatrices à moyen terme.
Une souveraineté économique de plus en plus contrainte
À cela s’ajoute une réalité préoccupante : les contraintes cumulées de notre situation structurelle et des choix de politique publique rendent de plus en plus difficile l’accès à des financements extérieurs viables. Les bailleurs internationaux, face à une dégradation des indicateurs, exigent désormais des garanties élevées voire réelles, appliquent des taux d’intérêt pénalisants, raccourcissent les maturités et limitent les montants accordés. Ce cercle vicieux réduit la marge de manœuvre de l’État et fragilise encore plus sa position sur la scène financière internationale.
En définitive, les politiques actuelles – en particulier en période de crise – génèrent des distorsions majeures dans notre modèle économique. L’État, en renforçant son emprise sur les mécanismes économiques sans créer de valeur réelle, accapare les ressources au détriment de la communauté productive. Ce faisant, il organise une forme de paupérisation systémique des travailleurs, des investisseurs et des entrepreneurs – pourtant les piliers de la croissance et de la répartition équitable de la richesse.
Conclusion
La crise actuelle révèle un décalage entre les mécanismes économiques et la création de valeur réelle. Pour restaurer la souveraineté économique, il est impératif de repenser les politiques publiques en favorisant l’investissement productif et en réduisant la dépendance à l’endettement extérieur. Une telle refondation permettra de rétablir l’équilibre entre les acteurs économiques et de promouvoir une croissance durable et inclusive. Il est essentiel d’agir rapidement pour éviter une aggravation des distorsions structurelles et préserver les fondements de notre économie.
Adnene Ben Salah
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