Alors que les dirigeants africains et les délégations économiques se réunissent une nouvelle fois pour célébrer les ambitions du commerce intra-africain lors de l’Intra-African Trade Fair (IATF), du 4 au 10 septembre 2025, à Alger, un silence assourdissant plane sur l’écart abyssal entre les discours enthousiastes et la réalité amère vécue par les entrepreneurs sur le terrain.
Leith Lakhoua *
L’IATF est présenté comme le fer de lance de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), un cadre destiné à dynamiser les échanges et à unir le continent. Pourtant, sur le terrain, les obstacles protectionnistes, le manque de coordination et l’absence de volonté politique effective réduisent souvent ces belles intentions à de simples coquilles vides.
Le récit officiel est séduisant : un marché uni de 1,3 milliard de personnes, une croissance économique boostée par la libre circulation des marchandises. Mais pour de nombreuses entreprises, la réalité est tout autre.
Des barrières qui persistent
Prenez l’exemple récent et emblématique d’une société tunisienne spécialisée dans le montage d’usines clés en main. Après avoir remporté un marché, elle s’est retrouvée paralysée par le blocage arbitraire de ses machines et équipements aux frontières algériennes. Ce cas n’est pas isolé ; il est symptomatique d’un malaise profond.
Comment peut-on parler d’intégration économique lorsque des produits africains se voient refuser l’entrée sur le territoire d’un pays voisin, sous des prétextes administratifs opaques ou pour des raisons protectionnistes déguisées ? Cette situation révèle un manque criant de coordination entre les administrations douanières et une absence de volonté politique pour appliquer les principes pourtant largement affichés.
Des fissures structurelles
L’IATF brille par ses annonces de milliards de dollars de deals et ses promesses de collaboration. Mais une fois les lumières éteintes et les stands démontés, que reste-t-il ? Trop souvent, les mêmes vieux démons ressurgissent : la bureaucratie kafkaïenne, les réglementations contradictoires d’un pays à l’autre et une méfiance tenace qui étouffe l’initiative privée.
La question se pose : ces grands événements ne servent-ils qu’à offrir une vitrine politiquement correcte, une poudre aux yeux pour masquer l’incapacité des États membres à harmoniser leurs politiques et à véritablement coopérer ?
Cette absence de coordination a un prix. Elle freine la croissance économique en empêchant les entreprises de saisir des opportunités transfrontalières, décourage les investisseurs qui voient dans ces blocages un risque politique et administratif rédhibitoire, et, last but not least, maintient le continent dans une dépendance aux marchés extérieurs, alors même que l’objectif affiché est l’autosuffisance et le commerce entre pairs.
Passer des paroles aux actes
L’idée de l’IATF et de la Zlecaf est puissante et nécessaire. Mais il est urgent que les États membres dépassent les beaux discours et s’attaquent enfin aux véritables barrières.
Cela nécessite une volonté politique ferme de simplifier et d’harmoniser les procédures douanières, la création de mécanismes de règlement des différends efficaces et rapides pour les entreprises confrontées à des blocages arbitraires, et une véritable transparence dans les règles et réglementations commerciales.
Le potentiel de l’Afrique est certes immense. Mais il ne se réalisera pas grâce à des foires commerciales si celles-ci ne sont pas suivies d’actions concrètes et coordonnées. Il est temps de combler le fossé entre les ambitions affichées et la coopération effective. Le temps des excuses est révolu ; celui de l’action est indispensable.
* Consultant en logistique et organisation industrielle.
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