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Heute — 05. März 2025Haupt-Feeds

Öcalan enterre la hache de guerre | Quand un leader réécrit l’Histoire

05. März 2025 um 10:43

L’auteure, psychanalyste, propose ici une lecture psychologique et organisationnelle du discours d’Abdullah Öcalan, chef historique du mouvement de libération du Kurdistan, annonçant la fin de la lutte armée.

Manel Albouchi *

Il y a des moments où l’Histoire bascule. Non pas par la force des armes, mais par la densité d’un silence, par l’inflexion d’un mot, par une respiration suspendue entre deux phrases. Ceux qui, comme moi, scrutent les dynamiques humaines savent que les véritables révolutions ne sont pas nécessairement le fruit de moments spectaculaires, mais se manifestent souvent à travers la lente maturation d’une nouvelle manière d’être, d’une autre manière de raconter le monde. 

Le 27 février 2025, Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie depuis 1999 et condamné à mort pour terrorisme, a prononcé un discours qui marque un tournant historique. Un seul discours, un seul énoncé, peut parfois résonner comme une véritable révolution. Depuis sa cellule, il initie un processus de mutation psychique et organisationnelle d’une ampleur inédite : la fin de la lutte armée et une réorganisation stratégique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement armé de guérilla opérant depuis sa création en 1978 dans les régions montagneuses à majorité kurde du sud-est de la Turquie et du nord de l’Irak. Il est encore classé terroriste par la Turquie, les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux autres pays.  

De la lutte à la reconstruction 

Ce n’est pas simplement une stratégie militaire qui change, c’est une dynamique de mutation identitaire, personnelle et collective. Car comment abandonne-t-on un mode d’existence qui a forgé une cause, une communauté, une mémoire? Comment passe-t-on de la résistance à la reconstruction ? 

Les grandes transformations ne se résument jamais à des décisions. Elles sont faites de chair, de peur, de renoncements. Un combattant qui a grandi dans la lutte et qui a vu ses proches tomber peut-il du jour au lendemain troquer le fusil contre la négociation et le dialogue ? Peut-il accepter que ce qu’il a toujours connu doive disparaître pour qu’autre chose naisse ? 

Les organisations, comme les individus, ne se définissent pas par leur stabilité, mais par leur capacité à se réinventer. Les organisations humaines ont, par nature, un besoin presque viscéral de sens. Et lorsque ce sens évolue, tout le groupe doit être orienté en conséquence. C’est exactement là qu’apparaît le rôle crucial du leadership : transformer une vision, un rêve, en une réalité collective partagée par tous. Car une organisation ne vit que lorsqu’elle réussit à se projeter de manière collective dans un récit commun. 

Ce que Öcalan dit sans le dire 

Écouter un discours ne se résume pas à entendre des mots. Ce qui est tu, ce qui est esquissé en filigrane, est parfois plus puissant que ce qui est énoncé. Öcalan ne s’est pas contenté d’appeler à la fin des armes. Il a proposé un récit alternatif, un autre futur possible. Car c’est ainsi que l’on transforme une organisation : en lui offrant une nouvelle histoire dans laquelle se reconnaître. 

Le discours d’Öcalan est une véritable stratégie psycholinguistique élaborée, où chaque mot et chaque silence sont soigneusement utilisés comme des leviers de transformation. Il ne s’agit pas d’un discours marqué par une rupture brutale, mais plutôt d’un discours visant à réconcilier le passé et l’avenir. Le choix des termes, le rythme des phrases, la tonalité fonctionnent ici comme un catalyseur du changement. Le langage n’est pas qu’un outil de communication ; il est un moteur de transformation profonde. Chaque formulation invite à dépasser la révolte pour entrer dans une phase nouvelle de dialogue et de négociation. 

Une organisation en transition, tout comme un mouvement politique, est une grande famille en reconstruction. Le langage devient alors un pont, un lien fragile mais essentiel entre deux univers opposés. Là où il y a division, le discours bâtit l’unité, crée l’empathie et exprime la réconciliation. 

Géopolitique et mutation identitaire 

Sur le plan géopolitique, ce discours n’est pas simplement le reflet d’une transformation interne, mais il s’inscrit dans un contexte mondial où les alliances et les stratégies évoluent sans cesse. La Turquie, l’Irak, la Syrie et d’autres acteurs régionaux sont des pièces cruciales dans ce puzzle géopolitique. Les actions du PKK, autrefois perçues comme une menace par ces nations, doivent désormais changer, se réinventer et s’adapter à un environnement politique où la diplomatie, la négociation et les pourparlers prennent le pas sur l’affrontement et la confrontation directe. Du moins le souhaite-t-on…  

Dans le monde des idées et des structures, il n’y a pas de transformation sans perte et pas de changement sans sacrifice. En abandonnant un mode de combat, ce discours devient une castration symbolique, un sacrifice indispensable à l’évolution. Les psychologues le savent : chaque transition implique un renoncement. Renoncer à ce qui fut, même lorsque cela a façonné une partie de soi. Et pourtant, ce moment de rupture est ce qui permet, paradoxalement, la guérison et la croissance. La transformation d’une organisation ne se fait jamais sans résistances internes et sans réticences. 

C’est là que le processus de sélection devient un enjeu central : comment choisir les nouvelles figures du mouvement, ceux qui incarneront cette transition? Qui sera apte à porter ce renouveau, à en être le visage crédible? La gestion de cette transition passe par un recrutement stratégique des leaders capables de fédérer, de négocier et d’inspirer sans recourir aux armes. 

Le leader comme architecte du changement 

Le changement initié par Öcalan ne touche pas seulement l’organisation du PKK; il redéfinit aussi son propre rôle. D’un chef révolutionnaire, il devient, de l’intérieur même de sa prison, un guide politique et moral, une mutation qui rappelle celle d’autres figures historiques ayant opéré une transition entre lutte et institutionnalisation, comme Nelson Mandela ou Gerry Adams. 

Plusieurs mécanismes psychologiques sous-tendent le leadership transformationnel : 

  • L’autorité symbolique : en restant le pivot central du changement, Öcalan empêche la fragmentation et la dissolution du mouvement. 
  • La pédagogie du changement : en introduisant la transition de manière graduelle, il évite un choc brutal. 
  • La projection dans l’avenir : il ne s’est pas contenté de fermer un chapitre, il en a ouvert un nouveau, donnant ainsi une perspective, un horizon d’action et de sens. 

Cependant, cette transition représente aussi un challenge organisationnel : passer d’une structure militaire à une structure orientée vers la politique et la diplomatie. Cela suppose une redéfinition des rôles, une réorganisation des alliances et une légitimation par l’engagement. La sélection des nouveaux cadres du mouvement devient alors un défi majeur : identifier ceux qui sauront incarner cette nouvelle dynamique, ceux qui auront la légitimité nécessaire pour conduire le changement. 

Dans toute transition, la gestion du changement est un enjeu clé. Si cette transformation est menée avec intelligence, elle peut permettre au PKK de se positionner durablement dans le paysage politique régional. Le véritable enjeu ne sera pas seulement d’arrêter la lutte armée, mais d’instaurer un nouvel imaginaire collectif capable de fédérer autour d’un projet politique crédible. 

Abdullah Öcalan a posé la première pierre d’un édifice encore en construction. Reste à savoir si le mouvement saura en faire une fondation solide pour l’avenir. La véritable force ne réside pas seulement dans le combat, mais dans la capacité à se réinventer. 

* Psychologue, psychanalyste.

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Gestern — 04. März 2025Haupt-Feeds

Pourquoi la Syrie est-elle le nouveau casse-tête d’Israël?

04. März 2025 um 08:07

Ce n’est plus le sud du Liban qui est le principal défi stratégique pour Israël mais la Syrie. Avec un nouveau pouvoir à Damas aux relations très fortes et très étroites avec la Turquie, les Israéliens voient que la défunte tutelle iranienne a été vite remplacée par une autre turque. De plus, l’avenir de la question kurde dans la région et un potentiel désarmement forcé des Kurdes syriens dicté par la conjoncture géopolitique ne fera qu’accentuer la mainmise d’Ankara et fera davantage de la Syrie son arrière-cour.

Imed Bahri

Le journal israélien Haaretz considère que la Turquie a transformé la Syrie en protectorat après la chute du régime du président Bachar Al-Assad et qu’elle cherche à en faire une sphère d’influence stratégique ce qui signifie fermer l’espace aérien syrien à Israël si la Turquie prenait son contrôle à la place des Russes.

L’éditorialiste Zvi Bar’el explique que l’annonce historique du leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdallah Öcalan, dans laquelle il appelait son parti à déposer les armes et à se dissoudre, peut être le début d’un changement dramatique dans l’équilibre des forces en Syrie et affecter la position régionale de la Turquie, en plus du fait que cela peut être renforcé par le retrait des forces américaines du territoire syrien ce qui constitue un défi à la présence israélienne dans le sud de la Syrie.

Bien que ce ne soit pas la première fois qu’Öcalan réponde à une initiative turque d’ouvrir des négociations et de procéder à un processus de réconciliation historique entre la Turquie et le mouvement séparatiste, l’appel était cette fois plus extrême puisqu’il exige que l’organisation dépose les armes et cesse d’exister.

Cependant, la décision prise par la direction du groupe samedi dernier d’adopter partiellement la déclaration d’Öcalan et un cessez-le-feu immédiat ne suffit pas à prouver une volonté de démanteler son cadre organisationnel en activité depuis plus de quatre décennies ni n’indique son désarmement mais c’est une première étape nécessaire pour entrer dans des négociations politiques pleines d’obstacles et dont on ne sait pas si elles aboutiront.

La Syrie, zone d’influence de la Turquie

Il ne fait aucun doute que la fin du long conflit qui a fait plus de 40 000 morts est dans l’intérêt des Kurdes et de la Turquie dirigée par Recep Tayyip Erdogan. Les développements régionaux depuis le 7 octobre 2023 ont montré la nécessité de parvenir à un accord entre les deux parties avec de meilleures chances de succès.

En effet, la Turquie qui s’est rapidement positionnée comme État parrain de la Syrie après la chute d’Al-Assad voit bien que son rôle ne se limite pas à être un partenaire de premier plan dans le vaste projet de reconstruction de la Syrie. Le président Erdogan considère que son voisin du sud fait partie intégrante de sa sphère d’influence régionale stratégique après le retrait de l’Iran.

Toutefois, Haaretz estime que pour récolter des gains diplomatiques et militaires en Syrie, la Turquie doit aider le nouveau président syrien Ahmed Al-Charaa à établir un État unifié avec une armée nationale pour remplacer les dizaines de milices encore actives dans le pays, en particulier les Forces démocratiques syriennes (les Kurdes du FDS) au nord et les forces druzes au sud car elles menacent le processus d’intégration politique et militaire.

Dans les deux régions, il y a aussi des forces étrangères, turques au nord, et israéliennes qui ont pris le contrôle de plusieurs zones au sud ce qui signifie que la Turquie est tenue de retirer ses forces de Syrie pour ne pas être considérée comme un État occupant et en même temps elle doit contrecarrer toute possibilité d’établir un État kurde indépendant qui puisse continuer sa lutte armée contre elle.

Bien que les forces kurdes aient annoncé leur volonté d’intégrer l’armée syrienne, Sharaa n’est pas d’accord avec la méthode qu’ils souhaitent et par conséquent la Turquie ne retirera pas ses forces à moins qu’une solution ne soit trouvée pour les forces kurdes d’où la grande importance de la réconciliation entre la Turquie et le PKK.

Le retrait annoncé des Américains

Si cette réconciliation réussit, il restera à voir comment elle affectera, si elle est mise en œuvre, les combats entre la Turquie et les forces kurdes en Syrie (FDS) d’autant plus que le chef de ces forces Mazloum Abdi a déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre la déclaration d’Öcalan et la décision du PKK  et le comportement de ses forces et que la décision de ce parti ne le liait pas.

Or, les FDS dépendent militairement et financièrement du soutien américain et de la présence de 2 000 soldats et formateurs américains dans le nord du pays. Il n’est pas improbable que le président américain Donald Trump, qui a déjà cherché en 2019 à retirer les forces de son pays de Syrie, soit convaincu que son ami Erdogan est capable de remplacer les Kurdes dans la guerre contre l’Etat islamique (EI) et ainsi de mettre fin à l’intervention de son pays dans ce pays.

Par conséquent, les Kurdes se retrouveront dans une confrontation militaire avec la Turquie et la Syrie sans le soutien américain tandis que la Turquie est engagée dans un processus de réconciliation avec le PKK qui pourrait in fine se désarmer.

Selon le scénario promu par la Turquie, les Kurdes syriens n’auront aucune marge de manœuvre militaire ou diplomatique et seront obligés d’accepter les diktats de la charia qui sont en fait ceux d’Erdogan et d’accepter la domination syrienne sur toutes les régions kurdes ce qui permettra à la Turquie de se retirer de Syrie.

Sur cette base, estime Zvi Bar’el, Israël se retrouvera confronté à une nouvelle situation dans laquelle il sera la seule puissance occupante étrangère en Syrie et devra faire face aux pressions turques et syriennes mais aussi à celles de l’administration américaine qui pourrait facilement faire à Erdogan le cadeau d’être le «gestionnaire» de la Syrie au nom des États-Unis.

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