Marine Le Pen, désormais maîtresse des horloges du tempo politique en France ?
Pour la première fois à l’Assemblée nationale, les députés ont voté une proposition de résolution revancharde du Rassemblement national (RN) visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Un événement politique inédit qui illustre l’effondrement du front républicain face à la montée en puissance de l’extrême droite en France.
Coup de tonnerre à l’Assemblée nationale française et une première sous la Vème République. A la surprise générale, le Rassemblement national (RN), le parti d’extrême droite dirigée d’une main de fer par Marine Le Pen, est parvenu jeudi 30 octobre 2025 à faire voter un texte qui enjoint au gouvernement d’abroger des accords de 1968 entre la France et l’Algérie.
En effet, dans un contexte de vives tensions entre Paris et Alger, ce texte-qui n’est pas contraignant juridiquement, mais dont la portée symbolique et politique est de la plus haute importance- a été adopté par une très courte majorité, à 185 voix pour, 184 voix contre, cinq abstention et 203 députés n’ayant pas pris part au vote.
Quid des accords de 1968 ?
Mais de quoi s’agit-il au juste ? Signés il y a une cinquantaine d’années et six ans après la fin de la guerre d’Algérie et les accords d’Évian, les fameux accords de 1968 octroient un statut particulier aux Algériens et leur offrent certains privilèges en matière de circulation, d’immigration et de séjour en France.
Ainsi, contrairement aux ressortissants d’autres pays dans le monde, l’entrée des Algériens sur le territoire français est plus fluide. Ils bénéficient aussi d’un accès plus rapide aux titres de séjour valable 10 ans et le rapprochement familial est également plus souple.
De plus, les accords de 1968 permettent aux Algériens d’ouvrir plus facilement un commerce ou d’exercer une profession indépendante. Cependant, ces accords ne comportent pas que des avantages. Les étudiants algériens, par exemple, ne peuvent pas avoir un travail à côté de leurs études sans autorisation. De même qu’ils sont aussi limités dans le nombre d’heures pendant lesquelles ils peuvent travailler en tant que salarié.
Notons que ces accords initiés sous la présidence du Général De Gaulle prévoyaient à l’époque une libre circulation entre les deux pays, ainsi que l’installation des travailleurs algériens en France, jusqu’à 35 000 par an à l’époque, ainsi que de leur famille. Sachant que la France était en plein dans la période des Trente Glorieuses et manquait cruellement de main-d’œuvre.
Un traité international
A noter que ces accords ont été déjà révisés trois fois en 1985, 1994 et 2001. Mais les grands principes de l’accord et les dérogations au droit commun ont toujours été maintenus. En outre, étant donné que cet accord est un traité international, il a une valeur supérieure aux lois nationales. Ce qui signifie que les différentes lois sur l’immigration votées ces dernières années ne s’appliquent pas aux Algériens, ou seulement en partie.
Réactions passionnées
Et c’est dans l’ordre des choses qu’en raison des relations tumultueuses entre Alger et Paris, les réactions du microcosme politique furent passionnées et passionnelles.
Ainsi, la droite jubile : à la sortie de l’hémicycle, Marine Le Pen savoure sa victoire et salue « une victoire historique ».
Pour sa part, le Premier ministre déclare, jeudi 30 octobre, qu’il fallait « renégocier » l’accord franco-algérien de 1968.
« Il faut le renégocier parce qu’il appartient à une autre époque », a-t-il assuré. Tout en précisant que « c’est le président de la République qui est garant des traités, qui les négocient et qui les signent ».
Pour sa part, le ministre des relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a fait part de son « incompréhension » en expliquant que Paris entendait « privilégier la voie de la renégociation dans le cadre d’un dialogue exigeant » avec Alger. Car il n’y aurait « rien à gagner à une aggravation de la crise » déjà prégnante entre les deux pays.
A gauche, c’est l’indignation qui domine : Dominique de Villepin– ancien premier ministre de Jacques Chirac et président du parti La France Humaniste- regrette « la tentation » en France « de faire de l’Algérie le bouc émissaire d’un certain nombre de nos problèmes ». Alors que la cheffe des députés « insoumis », Mathilde Panot, a fustigé « un texte raciste voté grâce à l’absence des macronistes ». « La droite est aujourd’hui avec l’extrême droite, dans la même folie xénophobe et raciste », a lancé pour sa part l’« insoumise » Danièle Obono.
Imbroglio juridique
Or, cette résolution portée par la candidate potentielle aux prochaines élections présidentielles met le président de la République, Emmanuel Macron, dans l’embarra. En effet, même s’il n’est pas juridiquement tenu de la prendre en compte, il ne pourrait pas non plus la dénoncer au mépris du droit international qui stipule noir sur blanc que cet accord entre la France et l’Algérie ne prévoit pas la possibilité d’une rupture unilatérale. Au final, il s’agit d’une résolution-piège; à lui de ne pas tomber dans le panneau.
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