Soixante-neuf ans après la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP), il ne peut être qu’utile de rappeler les hommes qui ont permis de réformer le statut de la femme dans la société tunisienne. Le président Bourguiba, qui n’était alors que le Grand vizir du dernier bey, évidemment. Mais pas seulement.
Souvent pour illustrer un article relatif au Code du Statut Personnel (CSP), la presse recourt quasiment toujours à la même photographie que nous reproduisons ici. On y voit six personnalités dont quatre ont joué un rôle central dans la promulgation de ce texte qui est le décret du 13 août 1956. Le premier président de la République, Habib Bourguiba, qui était à cette époque le Grand vizir (assis au centre), le ministre de la Justice, Ahmed Mestiri (à sa droite), le théologien Mohamed Taher Ben Achour (à sa gauche). Et derrière lui, en djellaba blanche, debout au centre, un autre théologien, en l’occurrence Mohamed Abdelaziz Djaït.
Au centre de la photographie, donc, Habib Bourguiba a été le principal artisan de ce décret. Et ce qui est bien significatif, en la matière, c’est la date de la promulgation du CSP : le 13 août 1956. Soit juste cinq mois après l’indépendance et bien avant que le président Bourguiba ne prenne toutes les rênes du pouvoir en main avec la proclamation de la République, onze mois plus tard, en juillet 1957. Ou encore que ne soit promulguée la Constitution de 1959.
Ce qui en dit long sur un certain empressement du Zaïm à décider d’un ensemble de mesures qui lui ont semblé être prioritaires dans le bâtit d’une Tunisie indépendante. D’où cette phrase d’un autre acteur du CSP, Ahmed Mestiri, qui a déclaré, dans un témoignage publié dans les colonnes de notre confrère Le Magreb, du 24 août 2012 : « Sans Bourguiba, point de CSP ». Il va sans dire que de par son observation du vécu de la société française pendant ses études à Paris, l’influence exercée sur lui à la fois par les idéaux de la philosophie de la Société des Lumières – connue également sous le nom de « Siècle des Lumières » – et des penseurs libéraux tunisiens, comme Tahar Haddad, et de par le vécu des femmes tunisiennes de l’époque, à commencer par celui de sa propre mère, ont poussé Bourguiba à engager une réforme sociale à l’endroit de la femme.
Implication de l’autorité religieuse
Ahmed Mestiri a été le principal coordinateur du CSP. Il a notamment chapeauté la quinzaine de juristes, pour l’essentiel arabophones, chargés de rédiger le CSP. Militant de la première heure, il est un libéral opposé à toute forme d’asservissement. Et un homme engagé – il l’a montré en s’opposant, plus tard, à ce qu’il a considéré être les dérives du Zaïm Bourguiba, en matière de démocratie et de droits de l’Homme.
Son observation du vécu de la société française pendant ses études à Paris, l’influence exercée sur lui à la fois par les idéaux de la philosophie de la Société des Lumières et des penseurs libéraux tunisiens, comme Tahar Haddad, et de par le vécu des femmes tunisiennes de l’époque, à commencer par celui de sa propre mère, ont poussé Bourguiba à engager une réforme sociale à l’endroit de la femme.
La présence de Mohamed Taher Ben Achour sur la photographie symbolise l’implication de l’autorité religieuse dans l’élaboration du texte du CSP. Théologien de renom, ayant enseigné à l’Université de la Zitouna, dont il deviendra le recteur, et auteur de nombreux ouvrages, Mohamed Taher Ben Achour, a donné beaucoup de crédit aux réformes introduites dans le Code. Il a notamment rejoint le groupe chargé de la rédaction de ce dernier pour « aplanir les différends » apparus entre les membres. Avec, dit-on, pour point d’achoppement la question de l’interdiction de la polygamie.
Autre théologien qui a été au centre de l’opération de l’élaboration du CSP : Mohamed Abdelaziz Djaït. Son statut de Cheikh El Islam malékite d’alors avait aussi offert un crédit certain aux réformes annoncées. D’ailleurs, le projet de La Majlalh, dont il est le principal auteur, « préfigure, assure-t-on, le Code du Statut Personnel ».
Noura Borsali, universitaire et écrivaine tunisienne de renom, a narré, dans un article publié dans les colonnes du quotidien La Presse du 13 août 2013, sous le titre « Et le Code du Statut Personnel fut promulgué », la genèse des réformes annoncées par le président Habib Bourguiba.
« Ni dans le fond ni dans la forme »
On y lit notamment, « et le 16 juillet 1949, un décret beylical institua une commission en vue de l’élaboration d’un code charaïque de la famille. Ajoutant qu’il ne s’agissait « guère d’une œuvre adaptée aux circonstances ni dans le fond ni dans la forme », mais était « un remarquable travail d’érudition, propre à intéresser des juristes spécialisés ou des historiens ».
Force est de constater, et malgré les quelques critiques auxquelles a donné lieu le CSP, les réformes introduites ont été acceptées par l’ensemble de la population. Les historiens notent à ce propos que « la polygamie était marginale » dans la société. Ainsi, et aussi loin qu’ils s’en souviennent, les Tunisiens se rendent vite compte que bien rares sont les ascendants à avoir épousé plus d’une femme.
Force est du reste de constater, et malgré les quelques critiques auxquelles a donné lieu le CSP, les réformes introduites ont été acceptées par l’ensemble de la population. Les historiens, notent, à ce propos, que la polygamie était marginale » dans la société. Ainsi, et aussi loin qu’ils s’en souviennent, les Tunisiens se rendent vite compte que bien rares sont les ascendants à avoir épousé plus d’une femme.
La Tunisie se distinguait dans le monde musulman par l’existence du « contrat de mariage kairouanais ». Connu sous le nom de « Sadaq al-Kairouani », c’est un contrat de mariage traditionnel de Kairouan, en Tunisie qui « se distingue par certaines clauses spécifiques, notamment celle où le mari s’engage à respecter l’obéissance de sa femme, avec l’interdiction pour le mari de se remarier ou d’avoir des concubines ».
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