Que se cache-t-il derrière la médiation américaine entre Alger et Rabat ?
Dans une déclaration spectaculaire, Steve Witcoff, l’envoyé spécial du président américain pour le Moyen-Orient, a révélé qu’un accord de paix serait conclu entre le Maroc et l’Algérie « d’ici 60 jours ».
Eclairage.
Donald Trump, l’homme qui lorgne vers le prix Nobel de la paix et qui compte à son actif un cessez-le-feu à Gaza arraché aux forceps, sera-t-il en mesure de mettre un terme à plusieurs décennies de brouille entre le Maroc et l’Algérie, sur fond d’avenir du Sahara occidental; et ce, en seulement soixante jours ?
C’est ce que claironne Steve Witkoff, le promoteur immobilier new-yorkais devenu envoyé spécial du président Trump pour le Moyen-Orient. En effet, celui-ci a lâché dimanche 19 octobre une bombe géopolitique sur le plateau de « 60 Minutes », l’émission phare de CBS.
Interrogé par un journaliste sur les prochains chantiers diplomatiques américains après le cessez-le-feu à Gaza, l’ami personnel du président américain – accompagné par l’inévitable Jared Kushner, le gendre du président Trump – a répondu avec un aplomb qu’un accord de paix entre Rabat et Alger serait conclu « d’ici soixante jours ».
« Nous y travaillons actuellement, et un accord de paix sera conclu dans les deux prochains mois », a-t-il encore affirmé.
Pourquoi un délai de « soixante jours » ? Car Trump cherche à multiplier les « victoires » diplomatiques rapides pour marquer son retour à la Maison-Blanche. Tout en mettant une pression maximale sur les deux pays pour les contraindre à accepter un cadre négocié à Washington.
Le double jeu de Washington
Mais que se cache-t-il derrière la médiation américaine ? Outre la stabilisation du Maghreb, Washington cherche de toute évidence à contrer les influences étrangères dans la région, notamment russes et chinoises.
De plus, selon les observateurs, une éventuelle recomposition du Maghreb sous hégémonie américaine fait d’une pierre deux coups : consolider la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental tout en repositionnant l’Algérie comme nouvelle tête de pont militaire américaine dans le Sahel. Et ce, d’autant plus que l’Algérie dispose d’atouts géostratégiques que les États-Unis convoitent depuis longtemps. A savoir : une profondeur stratégique saharienne unique; des infrastructures militaires de premier ordre; et une position géographique idéale pour surveiller l’ensemble des pays du Sahel.
Sachant que les tensions au Sahel sont alimentées par une insécurité croissante liée au terrorisme et aux conflits, doublée par une instabilité politique et économique qui touche des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger, et qui déborde sur les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin.
Un soutien discret mais déterminant
Notons d’autre part que la médiation américaine en cours s’appuie sur le soutien de Ryad. Ainsi, le roi Mohammed VI et le président Abdelmadjid Tebboune ont récemment reçu des messages du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Sachant que le royaume wahabite, un poids lourd au sein du monde arabe et un allié stratégique des États-Unis, semble jouer un rôle discret mais déterminant dans les efforts pour rétablir le dialogue rompu entre Rabat et Alger.
Lueur d’espoir
Pour rappel, les relations diplomatiques entre les deux géants du Maghreb sont rompues depuis 2021 sur fond du contentieux sur le Sahara occidental. Une rupture concrétisée par la fermeture des frontières terrestres et aériennes. Ainsi, soutenu par Washington depuis 2020, le Maroc propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Tandis que l’Algérie défend le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Or, selon l’avis général, le retour à des relations normales serait bénéfique aussi bien pour les deux nations frères que pour la stabilité de toute la région du Maghreb.
Alors, la réouverture des frontières permettrait de relancer les échanges commerciaux, notamment dans les zones frontalières longtemps sinistrées. De plus, ce rapprochement pourrait donner un nouveau souffle à l’Union du Maghreb arabe (UMA), aujourd’hui totalement paralysée.
Prudence
Mais, qu’en est-il de l’Algérie ? Massad Boulos, conseiller pour l’Afrique et le Moyen-Orient de Donald Trump- qui s’est rendu dans la région en faisant escale en Libye, en Tunisie et en Algérie- révèle que lors de sa récente rencontre avec le président algérien, celui-ci souhaitait aussi une solution définitive et se montrait favorable à une amélioration de ses relations avec le Maroc. «Ils restent des frères et des voisins réunis par la même histoire», a ajouté Abdelmajid Tebboune. Tout en insistant sur la nécessité de tourner la page d’un conflit qui « dure depuis bientôt cinquante ans ».
Malgré ces perspectives encourageantes, la prudence reste de mise. Car les tensions historiques entre les deux pays, les différends idéologiques et les enjeux géopolitiques marqués par la normalisation contre nature entre Rabat et Tel-Aviv, rendent tout rapprochement délicat, voire éphémère.
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