Caisses sociales en 2024 : entre équilibre apparent et fragilités structurelles
À défaut de disposer des états financiers des caisses sociales, les comptes de la Nation offrent un aperçu global de la situation des organismes de sécurité sociale. Certains indicateurs peuvent sembler positifs à première vue, mais il est important de rappeler au lecteur qu’un équilibre comptable ne garantit pas nécessairement une situation de liquidité satisfaisante.
Il convient aussi de souligner que nous parlons ici d’un secteur dont la valeur ajoutée s’élève à 551,5 millions de dinars à la fin de l’année 2024.
Des cotisations en hausse
Du côté des revenus, les cotisations sociales ont atteint un record de 14 584,2 millions de dinars (MTND) en 2024. C’est seulement pour la deuxième année que le seuil des 14 milliards de dinars est franchi.
À ce montant s’ajoutent des transferts courants de 1 579,9 millions de dinars, dont 984,5 millions proviennent des administrations publiques. Autrement dit, l’effort budgétaire direct de l’État pour soutenir les caisses sociales. Les ressources totales atteignent ainsi 16 164,1 MTND.
Par ailleurs, les revenus de propriété se sont élevés à 171,4 millions de dinars, répartis entre 147,3 millions de dinars d’intérêts et 24,1 millions de dinars de dividendes issus des participations détenues par les caisses dans diverses entreprises. Ce chiffre relativement faible constitue un point de vulnérabilité majeur.
Le modèle économique actuel des caisses sociales repose entièrement sur la consommation immédiate des cotisations perçues au cours d’une année pour financer les prestations sociales de la même période. Elles ne parviennent pas à capitaliser ni à investir sur le long terme.
Durant les années d’excédent, les surplus n’ont pas été investis de manière stratégique, par exemple dans l’immobilier ou dans des titres à revenus fixes susceptibles de générer des revenus réguliers. Au lieu de cela, ces fonds ont été orientés vers des projets à visée politique, tels que le financement de la voiture populaire ou des prêts universitaires.
Bien que ces initiatives aient eu un impact social indéniable, elles n’ont pas renforcé la viabilité du système d’un point de vue technique et financier.
Des emplois appelés à croître rapidement
En ce qui concerne l’utilisation des ressources, les prestations sociales en espèces ont atteint un total de 12 559,1 millions de dinars en 2024. À cela s’ajoutent d’autres transferts courants s’élevant à 1 095,8 millions de dinars, comprenant notamment 1,1 million de dinars de primes nettes d’assurance-dommages et 1 049,2 millions de dinars de transferts courants entre administrations publiques.
Les caisses sociales, en raison de leur situation financière tendue, ont dû contracter des emprunts, générant des charges d’intérêts de 23,7 millions de dinars. En parallèle, elles supportent une masse salariale de 506,6 millions de dinars pour la rémunération de leur personnel.
Les dépenses de consommation finale, quant à elles, se sont élevées à 2 607,5 millions de dinars.
Cette structure financière, qui peut donner l’impression d’un certain équilibre à première vue, ne doit pas masquer les tensions réelles rencontrées en cours d’exercice. Le respect strict des dates de versement des pensions est un impératif. Il constitue un filet de sécurité vital pour des centaines de milliers de retraités. Or, le nombre de départs à la retraite ne cessera d’augmenter dans les années à venir, ce qui impose de trouver des sources de financement supplémentaires.
C’est dans ce contexte que s’inscrit, en partie, la volonté de l’administration publique de recruter davantage, dans l’espoir de générer des cotisations sociales additionnelles. Toutefois, cela ne suffira pas à garantir la viabilité du système. Il sera indispensable d’intensifier la lutte contre la sous-déclaration des revenus, notamment dans le régime des indépendants géré par la CNSS.
Par ailleurs, une réforme en profondeur du marché du travail est nécessaire. Le rendre plus flexible permettrait aux entreprises de recruter plus facilement. Toutefois, à l’ère de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, il ne faut pas négliger le fait que certaines entreprises pourraient être tentées d’augmenter leur productivité par des licenciements. Cela souligne l’urgence de trouver un équilibre entre performance économique et protection sociale.
Assurer la soutenabilité financière des caisses sociales, tant à court qu’à long terme, constitue un exercice technique complexe, mais indispensable pour préserver le pacte social.
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