Houda Kefi : « Célébrer les femmes, c’est honorer leur force, leur droit à choisir librement leur destin »
L’éducation joue un rôle crucial dans la construction d’une conscience culturelle, économique et politique chez les filles, en développant leur confiance, leur capacité d’agir et leur leadership. Houda Kefi, inspectrice générale de l’enseignement secondaire revient sur l’importance de dépasser les stéréotypes de genre et promouvoir une égalité réelle. Dans laquelle il est essentiel d’adopter des approches pédagogiques inclusives, d’encourager la participation dans les domaines technologiques et de construire des partenariats entre le système éducatif et les organisations féminines. À l’occasion de la Journée nationale de la femme, cette réflexion invite à penser les tensions entre les acquis législatifs et la persistance des inégalités sociales, en réaffirmant la nécessité d’un engagement collectif pour une société plus juste. Interview :
Comment l’éducation peut-elle, dès le plus jeune âge, contribuer à forger chez les filles une conscience culturelle, économique, politique en développant leur capacité d’agir et leur leadership ? Quelles approches pédagogiques favorisent l’émancipation et la confiance en soi dans ces domaines ?
Houda Kefi : L’éducation peut, dès le plus jeune âge, contribuer à forger chez les filles une conscience culturelle, économique et politique en leur proposant des contenus inclusifs qui valorisent des figures féminines inspirantes. Tout en adoptant des approches pédagogiques actives comme le débat, le travail en projet ou les jeux de rôle qui encouragent l’expression, l’esprit critique et la coopération. En intégrant des activités ancrées dans le réel (visites, enquêtes, rencontres), en instaurant un climat scolaire égalitaire sans stéréotypes de genre et en mettant en place des dispositifs de mentorat entre filles, l’école doit développer la confiance en soi, le sens de l’initiative et le leadership, favorisant ainsi leur émancipation et leur capacité d’agir dans tous les domaines de la vie.
De quelle manière l’école peut-elle, à travers ses programmes et sa culture, déconstruire les stéréotypes de genre et promouvoir une éthique de l’égalité et du respect des droits des femmes, afin de prévenir les violences sexistes ?
L’école peut déconstruire les stéréotypes de genre en intégrant dans ses programmes des contenus qui valorisent l’égalité, questionnent les rôles sociaux traditionnels et mettent en lumière les droits des femmes. En adoptant une culture scolaire fondée sur le respect, la mixité, la tolérance et la vigilance face aux discriminations, elle promeut une éthique de l’égalité. La formation du personnel, des actions de sensibilisation régulières et un encadrement clair des comportements contribuent à prévenir les violences sexistes dès le plus jeune âge.
À l’ère du numérique, comment repenser les réformes éducatives pour préparer les filles à s’approprier les savoirs technologiques et occuper des positions innovantes, garantissant ainsi leur autonomie économique et sociale ?
À l’ère du numérique, les réformes éducatives doivent intégrer dès le primaire un accès équitable des filles aux savoirs technologiques, en valorisant leur participation dans les sciences, la programmation, la robotique et l’innovation. Il s’agit de développer des curriculums inclusifs, des espaces d’apprentissage collaboratifs et des projets concrets qui stimulent la créativité numérique. L’école doit aussi multiplier les modèles féminins dans la tech, offrir du mentorat, et encourager l’esprit d’entrepreneuriat. En favorisant ainsi l’appropriation des outils numériques, l’éducation contribue à l’autonomie économique et sociale des filles et à leur capacité à devenir actrices des transitions technologiques.
Quelles formes de collaboration entre les organisations féminines et le système éducatif pourraient renforcer une éducation critique à l’égalité, capable de former des citoyennes engagées et conscientes des enjeux de justice sociale ?
En Tunisie, une collaboration étroite entre les organisations féminines et le système éducatif pourrait prendre la forme de partenariats pour concevoir des modules pédagogiques sur les droits des femmes, l’égalité de genre et la justice sociale, intégrés dans les programmes scolaires. Ces organisations peuvent intervenir en milieu scolaire à travers des ateliers, des témoignages, des campagnes de sensibilisation ou des forums ouverts, favorisant une éducation critique et engagée. Elles peuvent aussi former les enseignants à une approche égalitaire et inclusive. Dans un contexte tunisien marqué par des avancées légales mais aussi par des résistances sociales, cette synergie permettrait de renforcer chez les filles une conscience citoyenne active, tout en transformant l’école en un espace de vigilance démocratique et de promotion de l’égalité réelle.
En quoi la célébration de la Journée nationale de la femme, le 13 août, invite-t-elle à une réflexion philosophique sur les tensions entre acquis législatifs et réalités sociales persistantes en matière d’égalité des sexes ?
La célébration de la Journée nationale de la femme, le 13 août en Tunisie, invite à une réflexion philosophique sur les tensions entre les principes de justice et de liberté inscrits dans les acquis législatifs — tels que le Code du statut personnel — et les réalités sociales encore marquées par des inégalités, des stéréotypes et des violences de genre. Elle interroge le fossé entre le droit et le vécu, la norme et la pratique, révélant que l’égalité juridique ne garantit pas nécessairement l’égalité réelle. Cette journée devient ainsi l’occasion de repenser, à la lumière des idéaux d’émancipation, le rôle de la société, de l’éducation et des institutions dans la construction d’une citoyenneté égalitaire, critique et engagée.
Un mot de la fin : quel message souhaitez-vous transmettre en cette journée dédiée aux femmes ?
En cette journée dédiée aux femmes, rappelons que l’égalité n’est pas un acquis figé, mais un engagement quotidien. Célébrer les femmes, c’est honorer leur force, leur créativité et leur droit à choisir librement leur destin. C’est aussi appeler chacun et chacune à œuvrer, avec lucidité et solidarité, pour une société plus juste, où les droits des femmes ne sont ni une faveur ni une exception, mais une évidence partagée.
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