Chute du régime alaouite en Syrie : qui y gagne, qui y perd?
La chute de Bachar al-Assad en Syrie rabat les cartes au Moyen-Orient. Entre la Russie qui perd la face, l’Iran contraint à renoncer à ses ambitions de s’imposer comme une puissance politique et la Turquie qui a tout à gagner dans ce nouvel ordre régional.
De part son histoire millénaire, son emplacement géographique au cœur de ce Moyen-Orient « compliqué », selon la fameuse expression du général De Gaule, la chute de Damas le 8 décembre 2024 par une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham et la fuite peu glorieuse de Bachar al-Assad à Moscou, sont de nature à affaiblir la position des alliés traditionnels de la Syrie, notamment la Russie et l’Iran. Moscou était l’allié le plus important du régime d’Assad et Téhéran l’a soutenu avec des forces paramilitaires. En revanche, d’autres capitales se frottent les mains, à l’instar d’Israël ou encore de la Turquie, grande gagnante de la chute du régime Assad.
Téhéran y laisse des plumes
C’est que le renversement du régime alaouite est un coup dur de plus pour le régime des mollahs très affaibli, d’une part par le conflit entre Israël et le Hamas depuis le 7 octobre 2023; et d’autre part, par les coups de boutoir portés par Tsahal à son allié chiite, le hezbollah libanais.
En effet, la Syrie était un lieu de transit et de ravitaillement en armes de l’Iran vers la résistance libanaise. Or, cette voie d’acheminement est pratiquement coupée. Résultat : le Hezbollah, dont la direction politique et militaire a été quasiment décimée, aura de fortes difficultés à se ravitailler en armes et reconstituer son arsenal en partie détruit par Israël.
Il en résulte que les velléités de la République islamique d’Iran de s’imposer comme une puissance régionale incontournable sont remises en question : l’axe géopolitique composé par « le croissant chiite » qui s’étend de l’Iran au Liban et qui avait pour ambition de peser dans la région dominée par les sunnites, part de facto en fumée.
Ankara tire le gros lot
En revanche, la Turquie qui ne cache pas ses intérêts géopolitiques majeurs dans la région, semble avoir joué le cheval gagnant. Ankara ayant soutenu l’opposition armée dès le premier jour pour, à terme, renverser Bachar al-Assad. Par la suite, la Turquie a établi une présence militaire permanente dans le bastion rebelle syrien d’Idlib.
« Nous n’avons aucune revendication territoriale en Syrie. Nous voulons simplement nous assurer que les propriétaires légitimes du pays le récupèrent. Nous n’y sommes entrés que pour mettre fin au règne du tyran Assad », avait assuré le président turc Recep Tayyip Erdogan pour justifier l’intervention militaire turque en Syrie en 2016.
Un marché juteux
Désormais, Ankara affirme vouloir travailler en étroite collaboration avec le futur gouvernement syrien. D’évidence, les Turcs cherchent déjà à s’octroyer une place prépondérante dans la reconstruction de la Syrie. De même qu’à s’imposer comme principal investisseur dans ce pays ravagée par la guerre.
A cet égard, le président Erdogan, qui entretient une connivence de longue date avec le secteur du BTP, favorisera les entreprises turques. La preuve? Les actions de sociétés turques de construction, notamment les cimentiers et les sidérurgistes, ont bondi en Bourse au lendemain de la chute de Bachar al-Assad.
Sur un autre volet, il convient de rappeler que l’un des principaux objectifs de la Turquie qui partage une frontière avec la Syrie d’environ 900 kilomètres, sera en effet d’assurer le rapatriement en Syrie du plus grand nombre possible de réfugiés présents sur son sol. En effet, les plus de trois millions de Syriens qu’abrite la Turquie font l’objet d’une hostilité grandissante alors que l’économie turque vacille. A tel point que la question de leur retour est devenue une priorité du gouvernement turc. Celui-ci en expulsait déjà de manière quasi systématique vers le nord de la Syrie depuis la réélection de Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle de 2023.
D’ailleurs, Bachar el-Assad avait à peine fui la Syrie que les officiels turcs appelaient déjà les réfugiés à « retourner chez eux ». Notamment à Alep, d’où sont originaires plus de 40 % des trois millions de Syriens installés dans le pays. « À mesure que la Syrie gagnera en stabilité, le nombre de retours volontaires, sécurisés et réguliers augmentera également », a espéré le président turc Erdogan. « Je crois que l’attente des Syriens, depuis treize ans, de retrouver leur patrie va prendre fin. Nous commençons déjà à en voir les premiers signes ».
Erdogan est « un gars intelligent »
Enfin, Erdogan est-il le nouveau maître de Damas? Le futur 47ème président des Etats-Unis, semble le croire en estimant que la Turquie avait effectué « une prise de contrôle inamicale (de la Syrie. NDLR) sans que beaucoup de vies ne soient perdues »; après que des groupes rebelles – dont certains soutenus par Ankara – ont renversé Bachar al-Assad.
« La Turquie est très intelligente. C’est un gars intelligent et il est très tenace », a déclaré le futur locataire de la Maison-Blanche lors d’une conférence de presse tenue lundi 1er décembre dernier, vraisemblablement en allusion au président turc Recep Tayyip Erdogan.
L’admiration de M. Trump pour les dirigeants à poigne, à l’instar de Poutine ou encore le suprême leader nord-coréen Kim Jong Un, n’est un secret pour personne!
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