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Formation par alternance en Tunisie : L’université et l’entreprise, un mariage difficile ?

12. November 2024 um 09:20

FormationLa formation par alternance, qui a connu, depuis les années 50, des succès significatifs en Allemagne, en Suisse et au Canada est encore balbutiante en Tunisie. La première législation (décret) destinée à réglementer ce type de formation, a été promulguée, le 9 novembre 2018.

Cette législation dont les textes d’application ont mis en plus du temps pour être publiés, s’est avérée au contact de la réalité insuffisante et limitée. Le principal grief formulé contre cette législation,  réside dans le fait qu’elle n’a pas trouvé d’écho ni dans le monde académique ni dans celui de la production. Elle a certes décloisonné le monde de la formation en théorie mais n’a pas pris en considération les besoins concrets des universités privées qui accueillent aujourd’hui plus de 30 mille étudiants et ceux des entreprises. Ces dernières n’étant pas assez sensibilisées à l’enjeu de disposer, à travers les alternants, de futurs « employés qualifiés » pouvant contribuer à l’amélioration de leur compétitivité.

Pour mieux cerner la problématique, la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-française (CCITF) a organisé, le 17 octobre 2024, un débat sur le thème «L’alternance au niveau de l’enseignement supérieur enjeux pour l’université et l’entreprise».

De prime abord de quoi s’agit il ?

La formation par alternance aussi appelée formation duale ou formation en apprentissage, désigne un système de formation qui intègre une expérience de travail où la personne concernée, l’alternant qui peut être élève, étudiant ou apprenti, se forme alternativement en entreprise privée ou publique et dans un établissement d’enseignement : lycée professionnel, centre de formation d’apprentis, établissement public d’enseignement et de formation professionnelle agricole, école d’ingénieur ou une université.

“L’alternance, un pont entre l’université et l’entreprise, encore trop peu emprunté en Tunisie.”

Plus simplement encore, c’est un système qui combine un apprentissage théorique à l’université et une phase pratique en entreprise, ce qui permet à l’alternant de se former tout en intégrant la vie professionnelle. La formation en alternance a pour avantage de permettre à l’alternant d’avoir de l’expérience, un critère fort demandé lors du recrutement.

 L’administration toujours au stade des professions de foi

Intervenant Ahmed Ckeikh, chef du cabinet du ministre de l’enseignement supérieur a indiqué que son département s’emploie, de nos jours, à promouvoir “l’université transformatrice” telle qu’elle est définie par l’Organisation internationale du travail (OIT).

Une des caractéristiques de cette université consiste en « sa vocation  professionnalisante qui met en avant l’identification des besoins du marché de travail, des besoins en champs de métiers, des besoins en compétences disciplinaires et en compétences personnelles pour chaque étudiant. Il s’agit de l’université entrepreneuriale qui offre à chaque étudiant la formation initiale idoine et les conditions favorables d’une incubation pour qu’il puisse créer d’une manière efficace son entreprise ».

“Les universités privées, plus agiles, montrent la voie en matière de formation par alternance.”

Pour l’université, l’alternance la valorise et la hisse au rang d’institution professionnalisante c’est-à-dire une institution où on réussit mieux en ce sens où la formation est couronnée, généralement,  par un emploi, c’est à dire une intégration rapide et presque automatique dans le monde du travail.

Toujours du point de vue administratif, Slim Driss, président d’université à Tunis, a évoqué les nombreuses conventions conclues avec les entreprises en la matière. Il a révélé que le ministère de l’enseignement supérieur reste ouvert au monde des entreprises et leur demande de collaborer pour élaborer en partenariat avec l’administration des programmes d’apprentissage innovants adaptés à leurs besoins.

Entendre par là, le ministère, qui ne souffle pas un mot sur les résultats de ces conventions et de sa politique en la matière, est toujours au stade du tendanciel.

“En Tunisie, la législation sur l’alternance est en retard par rapport aux besoins du marché du travail.”

Pour sa part Khelil Chaibi, président de la CCITF a déploré la tendance, constatée depuis des décennies, du monde académique et de celui de la production à s’ignorer et à évoluer de manière autonome.

Selon lui, « l’enseignement supérieur et la recherche doivent s’ancrer dans la réalité économique afin de préparer les jeunes diplômés à répondre aux besoins concrets des entreprises. Le modèle de l’alternance, qui combine théorie académique et apprentissage pratique en entreprise, est, d’après lui, un levier clé pour améliorer l’employabilité des jeunes ».

Il a indiqué que, de nos jours, “il est difficile pour les entreprises, qui ne comptent que sur leurs propres capacités, de s’adapter aux exigences du marché. De plus en plus des entreprises choisissent de coopérer avec les universités pour innover davantage afin d’améliorer leur performance et leur compétitivité”.

Les universités privées sont plus professionnalisantes

Autre grief formulé par Mohamed Jaoua, professeur universitaire actif dans l’enseignement supérieur privé. Il a regretté la non-association des universités privées à l’élaboration de la législation sur la formation par alternance. Et pour cause. Il a relevé que « contrairement aux universités publiques, les universités privées sont plus professionnalisantes et plus à l’écoute des besoins des entreprises ».

Il a révélé que la formation en alternance a connu un succès avec les universités privées qui étaient, en termes de contenu des programmes de formation et de pédagogie, plus sensibles aux besoins du monde de la production.

Cela pour dire in fine, que les ministères de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle gagneraient à adapter dorénavant leurs législations et programmes de formation aux véritables besoins du monde de la production.

La solution proposée au cours de ce débat serait de commencer par valoriser le côté professionnel chez les formateurs des universités publiques et privées et de permettre aux étudiants de lancer leur projet professionnel tout au long de leur cursus.

Abou Sarra

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