Tunisie : inauguration à Sousse de la première unité de production d’énergie verte
La première unité de production d’énergie verte à partir du biométhane a été inaugurée à la décharge contrôlée d’Oued Laya, dans le gouvernorat de Sousse, le 4 février 2025.
Lors d’une conférence de presse au siège de l’ANGED qui a précédé une visite sur terrain, l’ambassadeur du Japon en Tunisie, Takeshi Osuga, a souligné que le projet de conversion des déchets en énergie renouvelable est une première en Tunisie et concrétise une recommandation de la Déclaration de Tunis de la TICAD 8. Il s’est félicité de cette avancée réalisée avec des partenaires tels qu’UN-Habitat, le ministère de l’Environnement et la STEG.
Ce projet, inscrit parmi les priorités environnementales du gouvernement tunisien, fait partie des vingt initiatives identifiées en 2015 pour une gestion durable des déchets.
Le diplomate nippon a également rappelé l’engagement du Japon et de la Tunisie dans la transition énergétique, en accord avec les initiatives mondiales sur le climat et le financement privé.
Majdi Frihi, chef de projet de l’unité de production d’électricité à partir de déchets ménagers, a présenté les avancées du projet de co-génération et de valorisation énergétique des déchets à la décharge de Oued Laya dans le gouvernorat de Sousse.
Mis en œuvre par le bureau Tunisie du Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) et financé intégralement par le gouvernement japonais, ce projet représente un investissement de 123 590 dollars.
Dans le cadre de ses initiatives en faveur de l’environnement, ONU-Habitat a lancé plusieurs projets pilotes axés sur la gestion des déchets et la lutte contre le changement climatique. Une étude approfondie du processus de gestion des déchets en Tunisie a permis d’identifier 10 décharges équipées de systèmes d’extraction de biogaz.
Le biogaz, issu de la fermentation des déchets organiques après la fermeture des casiers, est un gaz nocif qui impacte la couche d’ozone. Actuellement, il est brûlé par torchage pour être transformé en CO₂. Cependant, l’étude menée en 2024 a démontré que ce biogaz pouvait être converti en électricité grâce à une technologie simple, rentable et viable.
Une unité pilote de co-génération a ainsi été mise en place pour transformer le biométhane issu du biogaz en électricité. Un accord a été conclu avec la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG) afin d’injecter cette électricité verte dans le réseau national.
Toutefois, l’unité ne traite pour l’instant que 1,5 % du biogaz disponible à la décharge en question, soit entre 20 et 30 mètres cubes par heure, alors que le site dispose d’un potentiel de 2 200 mètres cubes par heure. Cette fraction permet déjà de produire 60 kWh d’électricité verte, suffisants pour alimenter 600 logements pendant un an selon les estimations.
Ce projet pilote ouvre ainsi la voie à une exploitation plus large du biogaz en Tunisie, offrant une alternative durable et écologique pour la production d’énergie.
Aïda Robanna, cheffe du bureau ONU-Habitat Tunisie, souligne l’importance de la gestion des déchets et des énergies renouvelables en milieu urbain.
Lors de son intervention, elle a mis en avant les enjeux cruciaux liés à la gestion des déchets et à l’efficacité énergétique dans les villes tunisiennes. Elle a souligné l’importance du soutien des organisations internationales et du gouvernement.
ONU-Habitat, en collaboration avec 26 autres agences des Nations unies en Tunisie, accompagne les autorités nationales dans leurs efforts en matière de développement durable. Robanna a rappelé que les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies restent une priorité, notamment dans le cadre de la transition énergétique et de l’adoption des énergies renouvelables en zone urbaine.
Elle a insisté sur le fait que 3,5 milliards de personnes vivent aujourd’hui en milieu urbain et nécessitent des sources d’énergie propres et durables. En Tunisie, d’ici 2050, plus de 60 % de la population résidera en ville, ce qui rendra la gestion des déchets encore plus essentielle. C’est dans ce contexte qu’ONU-Habitat collabore étroitement avec le gouvernement japonais pour mettre en place des solutions adaptées.
Depuis 2022, un projet pilote est mené dans la ville de Sousse grâce à l’appui du gouvernement japonais et dans le cadre de la African Clean City Platform (ACCP). Suite à la TICAD 8, qui s’est tenue en Tunisie en août 2022, les discussions ont abouti à un engagement concret pour améliorer la gestion des déchets, notamment en travaillant sur les décharges contrôlées de Sousse.
Un volet clé du projet repose sur l’intégration des collecteurs informels de déchets, afin de créer des opportunités d’emploi et de renforcer le système de recyclage circulaire. Cette initiative, qui s’étend sur plusieurs années, est développée en concertation avec les autorités locales et nationales.
Aujourd’hui, l’African Clean City Platform englobe 14 villes tunisiennes, dont Tunis, La Marsa, Béni Khaled, Tabarka, El Mourouj, et les trois municipalités de Djerba. L’objectif est d’élargir encore cette initiative pour inclure les 350 municipalités du pays, avec l’appui du gouvernement japonais.
L’intervenante a exprimé son souhait de voir de nouvelles villes rejoindre cette dynamique.
Ensuite, elle a laissé la parole à ses collègues pour présenter plus en détail le projet mis en œuvre à Sousse en partenariat avec l’ANGED.
Badreddine Lasmar, directeur général de l’ANGED, a mis en avant les avancées et défis du secteur en Tunisie. Il a souligné l’engagement du gouvernement à faire de la gestion des déchets un axe stratégique majeur, en s’appuyant sur des réformes structurelles et une coopération internationale renforcée.
Un soutien international décisif
Dans son discours, Badreddine Lasmar a exprimé sa gratitude envers les partenaires internationaux, notamment le gouvernement japonais, via l’ambassade du Japon en Tunisie et la JICA, pour leur soutien constant au secteur.
Il a également salué l’engagement des agences des Nations unies, notamment l’UN-Habitat, le PNUD et l’ONUDI, qui « accompagnent la Tunisie depuis plusieurs décennies dans le développement de solutions durables pour la gestion des déchets ».
Les acteurs nationaux ont également été mis à l’honneur, parmi eux le ministère de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines, l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz, ainsi que les collectivités locales, le secteur privé, la société civile et les médias, pour leur rôle crucial dans la promotion d’une gestion moderne et efficace des déchets.
Des réformes pour une gestion durable des déchets
Le DG de l’ANGED a rappelé que la gestion des déchets en Tunisie figure parmi les priorités du gouvernement, une orientation confirmée lors du Conseil ministériel du 6 janvier 2025. Plusieurs axes stratégiques ont été mis en avant :
-Promotion de l’économie circulaire,
-Valorisation énergétique et développement des filières de recyclage,
-Renforcement de la participation du secteur privé, avec une responsabilité accrue des producteurs.
Face à un gisement important de déchets valorisables et des opportunités d’investissement considérables, la Tunisie mise sur un cadre réglementaire et des incitations adaptées pour attirer les investisseurs privés.
Par ailleurs, les stratégies nationales, telles que la Stratégie de Transition Écologique, la Stratégie Bas Carbone 2050, ou encore la Stratégie pour une économie verte, offrent un levier essentiel pour mobiliser des financements et un appui technique en vue d’atteindre les objectifs fixés.
Un cadre incitatif pour l’investissement privé
Dans un effort pour lever les obstacles à la mise en œuvre des projets, plusieurs mesures ont été prises :
-Mise à disposition de réserves foncières pour les infrastructures de traitement,
-Amélioration du cadre réglementaire,
-Proposition de mesures incitatives pour encourager l’investissement privé.
Des textes juridiques sont en cours de promulgation, notamment sur le tri sélectif, le cadre tarifaire pour la valorisation énergétique de la biomasse et la production de combustibles alternatifs. En complément, une ligne budgétaire dédiée a été inscrite dans la loi des finances 2025 pour soutenir les projets du secteur privé dans la valorisation des déchets.
Une transformation à long terme, portée par l’éducation et l’innovation
Toutefois, Badreddine Lasmar a insisté sur le fait que la transition vers une gestion efficace et durable des déchets nécessite une transformation en profondeur. Au-delà des réformes institutionnelles, financières et opérationnelles, l’évolution des mentalités et des comportements reste un facteur clé.
Il a ainsi appelé à une sensibilisation accrue autour des notions d’écocitoyenneté, de lutte contre le gaspillage, d’écoconception et d’économie circulaire. Ces valeurs doivent être intégrées dès le plus jeune âge, dans le cursus scolaire, jusqu’au niveau universitaire et la recherche scientifique.
Un appel à une coopération renforcée
Le directeur général de l’ANGED s’est montré confiant quant à l’appui des partenaires internationaux pour accompagner la Tunisie dans ses engagements climatiques et la mise en place d’une économie circulaire respectueuse de l’environnement et génératrice d’emplois.
Il a conclu en appelant à une action collective, soulignant que seule une coopération étroite entre les secteurs public, privé, national et international permettra d’atteindre les objectifs fixés et de construire un modèle de gestion des déchets durable pour les générations futures.
Le projet fait également partie de la plateforme « African Clean City Platform » (ACCP), lancée en 2017 par le Japon, qui a pour but de promouvoir des solutions durables pour la gestion des déchets. Ce projet pilote soutient la transition vers des décharges sanitaires et contrôlées, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
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