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‘‘L’invincible armada’’: aide-toi, le ciel t’aidera!

15. Dezember 2024 um 08:35

L’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Ils croient préserver la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir. Et cela, l’Histoire ne cesse de nous l’enseigner…

Dr Mounir Hanablia *

L’Armada est cette flotte de 130 vaisseaux emportant 30 000 hommes que le Roi Philippe II d’Espagne affréta pour conquérir l’Angleterre en 1588. Elle se composait d’environ 130 navires. Il fallut une véritable révolution navale pour que les Espagnols, habitués à se battre sur des galères effilées armées d’éperons mobilisées par des rameurs avec des soldats se lançant à l’assaut des bateaux immobilisés par des grappins, se convertissent aux voiliers hauts arrondis capables de traverser l’océan et utilisant les canons pour endommager leurs adversaires et les couler.

Le Roi d’Espagne, champion de l’Eglise catholique, reprochait à la Reine d’Angleterre sa religion anglicane, le soutien apporté aux Hollandais calvinistes révoltés et que les Espagnols considéraient comme des rebelles, enfin les attaques contre les galions espagnols remplis des richesses d’Amérique du Sud.

L’Armada prit la mer en mai 1588 et se dirigea vers la Manche, ce bras de mer entre l’Angleterre et la France. Son plan était d’accoster en Flandre afin de se ravitailler et d’embarquer des soldats amenés par le duc de Parme, puis de les débarquer sur la côte anglaise afin de prendre le pays. Mais c’était compter sans la flotte anglaise bien renseignée et surtout sur l’expérience de ses équipages.

La supériorité maritime anglaise

Entre le 16 et le 26 juillet, une série d’engagements eurent lieu qui ne causèrent que peu de dégâts aux adversaires du fait de la volonté des Britanniques de ne pas se rapprocher des bateaux espagnols. De ce fait leurs couleuvrines ne furent pas assez puissantes pour couler les bateaux espagnols dont les canons n’avaient pas la portée nécessaire pour les atteindre.

Les Espagnols tentèrent de prendre la flotte adverse qui se trouvait dans le grand port de Plymouth, mais Francis Drake réussit à déployer ses unités au large à la barbe de ses adversaires et à prendre le vent, ce qui lui permettait de les attaquer sans risquer lui-même d’être surpris.

La flotte anglaise adopta la tactique de la meute qui consistait à attaquer les navires exposés de l’adversaire et à l’obliger de leur porter secours pendant que leur flotte se déplaçait et se mettait constamment sous le vent.

Les Espagnols furent ainsi empêchés de prendre l’île de Wight, qui aurait pu constituer pour eux une importante tête de pont. Un de leurs vaisseaux explosa suite à un acte de sabotage et un de leurs grands capitaines fut pris avec son bateau victime d’une grave avarie. Cependant, ils atteignirent Calais sans encombre mais sans trouver les soldats et le ravitaillement promis.

Dans la nuit du 26 juillet les Anglais lâchèrent sur la flotte espagnole regroupée et à l’ancre des brûlots, ces bateaux auxquels le feu avait été allumé. Les brûlots ne causèrent aucun dégât mais le Duc de Medina Sidonia, l’amiral de l’Armada occupa de couper les amarres et de détacher les ancres. Ce fut une décision fatale qui causa la dispersion des bateaux, ce qui la plaça à la merci des marins et des canons anglais, les Espagnols ayant épuisé leurs munitions.

Il s’ensuivit, le 29 juillet, la bataille dite de Gravelines. Quelques bateaux échoués sur les côtes flamandes furent pillés, et les soldats qui s’y trouvaient massacrés par les corsaires hollandais à l’affût. La moitié de la flotte avec le vaisseau amiral cingla vers l’ouest puis rejoignit l’Espagne par le sud-est en septembre. Les autres bateaux prirent vers le nord. Ceux qui contournèrent les Orcades et l’Écosse puis l’Irlande purent retrouver le chemin du retour. Les autres, qui s’engagèrent dans le golfe de Donegal et la mer d’Irlande, environ 25, s’échouèrent contre les récifs et coulèrent. Les naufragés furent pris et massacrés par les Anglais. Certains tel Leyva et les nobles qui l’accompagnaient traversèrent la côte et purent restaurer sommairement un autre bateau mais ils coulèrent au large de l’Angleterre. Un certain Cuellar, condamné à mort pour avoir laissé son bateau dépasser son vaisseau amiral fut condamné à mort sans que la sentence ne soit exécutée. Il se retrouva naufragé en Irlande et put regagner l’Ecosse puis la Flandre espagnole avant de rentrer dans son pays.

Au total, environ une cinquantaine de bateaux furent perdus et environ 20 000 marins et soldats ne regagnèrent pas leurs foyers.

Du côté des anglais, une centaine mourut au combat, et environ un millier décédèrent probablement par empoisonnement en consommant de la nourriture avariée. En effet, l’hygiène était tellement déplorable sur les bateaux que l’eau et la nourriture s’en trouvaient fréquemment polluées. Cependant, il est probable que quelques-uns moururent du typhus, véhiculé par les poux.

Pour tout dire les Anglais remportèrent la victoire même s’ils ne le surent pas immédiatement, contre l’Invincible, qui s’avéra ne l’être que de nom. Et cela, ils le doivent avant tout à leur meilleure science de la navigation à la voile et au brio de leurs chefs. Ils étaient en effet habitués à naviguer et pêcher dans les eaux agitées de l’Atlantique Nord. Leur organisation était également supérieure, et dans le domaine de la mer, même si l’Amiral était toujours un noble, les gens du peuple tels que Francis Drake connus pour leurs compétences trouvaient leur place et leurs voix étaient entendues.

C’est Drake qui fut le maître tacticien de la flotte anglaise, même si la Reine refusa ses conseils d’attaquer l’Armada et de la détruire dans ses ports d’attache avant son départ. D’autre part, c’est lui qui introduisit les rangées de canons sur les flancs des vaisseaux et qui transforma ainsi le combat naval. Enfin c’est son raid sur Cadix en 1587 qui fit prendre conscience à ses adversaires de la supériorité maritime anglaise.

En contrepartie, les Espagnols étaient dépourvus en marins qualifiés et de surcroît, ceux-ci étaient soumis à l’autorité des nobles qui ne connaissaient rien aux affaires de la mer. Le Duc de Medina Sidonia, nommé Amiral contre sa volonté il faut le préciser, était ainsi dénué de toute qualification. En dépit de son courage, c’est lui qui dans un moment d’affolement donna l’ordre funeste de rompre les amarres des bateaux provoquant ainsi la dispersion de la flotte.

Le destin des nations est entre leurs mains

Certes l’Espagne surmonta le désastre et forte de l’expérience elle reconstitua une flotte qui put protéger efficacement ses bateaux. Néanmoins la résistance victorieuse contre l’Armada fit prendre conscience au peuple anglais de l’importance de sa flotte de guerre pour la protection de son pays. Elle renforça le sentiment national naissant dans la population. Elle empêcha plus tard Napoléon et Hitler d’envahir les îles britanniques.

Le destin des nations n’est pas fait que de paix. Au moment où l’Angleterre affrontait l’Espagne, celle-ci était la superpuissance mondiale, et les Anglais n’étaient pas assurés de vaincre.

On peut imaginer ce qui se serait passé si la Reine d’Angleterre avait fait sa soumission à un pays beaucoup plus puissant qu’elle; il n’y aurait probablement pas eu d’Etats Unis d’Amérique.

On peut voir comment l’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Les Arabes croient qu’ils préservent la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir.

A l’inverse, les Israéliens, ces élèves émoulus de l’impérialisme anglais, essaient d’adopter la tactique de Drake qui consiste à détruire les potentialités de l’adversaire avant qu’il ne s’en serve. On a vu comment ils ont agi en Syrie.

Pourtant malgré les inévitables destructions issues d’une infériorité aérienne, le Hezbollah, le Hamas, les Houthis, des organisations paramilitaires qui ne comptent pas plus de quelques milliers de militants, ont prouvé qu’on pouvait résister victorieusement à leur supériorité aérienne.

Les pays arabes devraient comprendre que tout comme les Anglais s’étaient dotés des moyens nécessaires pour construire une marine capable de les protéger, ils devraient développer leurs drones et leurs missiles balistiques, intégrer l’immensité de leur territoire, dans une stratégie de survie, plutôt que d’accepter de devenir les grands disparus dans les oubliettes de l’Histoire.   

* Médecin de libre pratique.

‘‘L’invincible armada’’ de Blond Georges, éditions Plon, 1er janvier 1988, 218 pages.

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Faut-il vraiment s’allier à l’Otan, ce renard dans le poulailler arabe?

12. Dezember 2024 um 09:51

Ceux-là mêmes qui ont salué la chute du tyran en Syrie et qui estiment que la Tunisie gagnerait à se ranger sous la bannière de l’Otan, dont notre pays est déjà depuis 2015 un allié majeur non membre, pour se protéger d’éventuels périls extérieurs, devraient comprendre que le prix à payer d’un tel alignement pourrait être prohibitif. Explications…

Dr Mounir Hanablia *

Faut-il se ranger sous la bannière de l’Otan? Depuis la chute du régime Al-Assad en Syrie, la question rebondit. Deux éminents anciens diplomates et ambassadeurs en ont exprimé la nécessité en arguant des limites de la puissance russe, éprouvée en Ukraine, absente en Syrie, et de l’éloignement du colosse chinois, qui serait plus occupé en mer de Chine du Sud qu’en Méditerranée.

Outre le caractère sommaire de ce jugement, puisque la Chine par le biais du port pakistanais de Gwadar possède un portail sur la mer d’Oran, le corollaire en est clair: il faudrait se mettre aux normes politiques et économiques américaines, autrement dit la démocratie et le libéralisme économique. En échange, nous serions assurés de la  protection qui compte, puisque les Etats-Unis sont le seul pays disposant d’une flotte de guerre avec ses facilités et ses ports d’attache couvrant simultanément les différents théâtres d’opérations militaires du monde, et capable de projeter sa puissance. Il faudrait donc déjà savoir contre qui et contre quoi cette protection serait indispensable.

Les conditions de la stabilité en Tunisie  

A l’est, il y a évidemment l’hypothèque libyenne, mais la Libye est dans les faits partagée entre Benghazi soutenue par l’Egypte et ses alliés saoudiens et émiratis, et Tripoli dont le régime est consolidé par la présence de l’armée turque non loin de la frontière tunisienne. Or la Turquie, quoique proche des islamistes d’Ennahdha et dont les liens avec les jihadistes sont apparus en Syrie au grand jour, est alliée au Qatar et de surcroît membre de l’Otan, ce qui ne laisse pas d’inquiéter d’autres pays méditerranéens membres de l’Otan comme la Grèce, l’Italie, et la France. Et on l’a bien constaté, il y a plusieurs mois, lorsque la Turquie avait envoyé ses bateaux prospecter dans les eaux territoriales que la Grèce considérait comme siennes. Elle l’a donc sans doute fait avec l’assentiment américain car ainsi que l’a démontré l’affaire du Nord Stream, l’Amérique tient à garder l’Europe sous sa dépendance, particulièrement en matière de ressources énergétiques. De là à dire que grâce à l’armée turque, elle tient dans sa ligne de mire le gazoduc algéro-italien qui transite par la Tunisie pour alimenter l’Europe, il n’y a qu’un pas.

Ceci amène évidemment à parler du voisin de l’ouest, l’Algérie qui possède un intérêt stratégique évident en Tunisie, celui de la sécurité de son gazoduc, et par voie de conséquence, de sa stabilité politique, d’autant que les généraux algériens ne veulent pas d’un modèle politique dans un pays voisin qui remettrait le leur en question et qui hypothèquerait leur marge de manœuvre; d’autant que ce modèle, la démocratie, avait mené les islamistes algériens au seuil du pouvoir et déclenché une guerre civile de dix ans.

L’Algérie a donc vu d’un bon œil les changements politiques qui sont intervenus en Tunisie, et qui ont brisé l’étau dans lequel menaçaient de la plonger ses relations tumultueuses avec le Maroc, assuré de garder le Sahara occidental et soutenu par Israël et les Etats-Unis. Mais l’Italie, le pays de destination du gazoduc algérien, a aussi évidemment les mêmes intérêts que l’Algérie, celui de la stabilité de la Tunisie. D’autant que la question migratoire rend impératif pour les Italiens et les Européens l’existence dans notre pays d’un Etat fort ayant la volonté sinon de la résoudre, du moins de la limiter, ainsi que le faisaient en leur temps Ben Ali et Kadhafi.

Il apparaît donc que ce sont nos voisins du nord et de l’ouest qui ont le plus intérêt à assurer notre stabilité et notre sécurité, beaucoup plus que ne le feraient les Etats-Unis, certes alliés de l’Europe, d’un point de vue militaire, mais peu désireux de lui ôter la bride lorsqu’il s’agit d’intérêts économiques divergents. Et on avait déjà bien vu comment Mattei, le PDG italien de l’Eni, avait fini dans un accident d’avion lorsqu’il avait voulu concurrencer les majores pétrolières.

Inutile d’évoquer le rôle qu’avait joué la Tunisie en 1943 de tremplin de la conquête de la Sicile puis l’Italie par les troupes anglo-britanniques  interdisant tout renfort allemand durant la bataille de Koursk en Ukraine. On n’imagine en effet pas qui pourrait de nos jours faire de même ni pour quelles raisons.

Néanmoins, on ne peut ignorer pour autant la valeur aéronavale unique du port de Bizerte commandant le passage entre la Méditerranée occidentale et orientale, et par voie de conséquence le trafic maritime entre l’Europe Occidentale et l’Extrême-Orient. Cela confère une autre raison à l’intérêt que peut nous accorder une puissance comme la Turquie lorsque son puissant parrain américain désire accroître la pression sur ses alliés européens autant par la perturbation de l’approvisionnement en gaz que par l’émigration et, il ne faut pas l’oublier, le terrorisme. Si donc la Tunisie court actuellement un danger, on ne voit pas de quelle autre partie il pourrait venir.

Les périls liés aux bouleversements géostratégiques

Naturellement d’aucuns, inquiets de l’intensité de l’émigration subsaharienne transitant sur notre territoire, arguent du «grand remplacement» en se faisant l’écho des théories de l’extrême droite européenne. Il est certain qu’elle pourrait être beaucoup mieux gérée qu’elle ne l’est actuellement, en particulier sur le plan de la porosité des frontières. Néanmoins malgré les problèmes qu’elle engendre, ceux ci demeurent localisés et ne mettent pas en question la stabilité ou la sécurité du pays, du moins pour le moment.

Il reste que le plus grand danger pourrait voir l’Etat Islamique surgir du Sud en embrigadant autant ces émigrés là que d’autres venus du Moyen-Orient, pour déstabiliser ce géant gazier que constitue l’Algérie, qui, de toute évidence, demeure la cible la plus importante de la région dans toute tentative éventuelle d’accaparer la production mondiale des hydrocarbures.

Si l’Iran tombe, ce qui est dans le domaine du possible, étant données les mœurs devenues belliqueuses du couple israélo-américain, et sa volonté de mettre sous l’éteignoir toute velléité de puissance arabe ou musulmane, il est probable que la cible suivante puisse être l’Algérie. Et dans ce cas, la Tunisie doit éviter de constituer une base d’agression contre nos voisins dont nous ne retirerions aucun bénéfice.

Ainsi que le disait le regretté Ahmed Mestiri, ce qui se passe en Algérie a toujours des répercussions sur la Tunisie, et l’inverse est aussi vrai. Or c’est bien ce qu’une coopération avec l’Otan risquerait de nous imposer.

Eu égard à tout cela, le refus de tout crédit supplémentaire du FMI assorti des conditions habituelles tendant autant à mettre notre économie en berne qu’à susciter des troubles sociaux, paraît relever de la sagesse la plus élémentaire.

Certes, on arguera que le Maroc a emprunté cette voie. Mais le Maroc est un royaume pluriséculaire dont le peuple est doté d’une forte conscience nationale incarnée dans la fidélité à son souverain, et qui dispose de ressources autrement importantes.

En Tunisie, malheureusement, le sentiment d’unité nationale a été mis à mal par dix années de multipartisme et de partitocratie, dont les conséquences n’ont pas encore été surmontées.

Ceux-là mêmes qui ont salué la chute du tyran en Syrie s’aperçoivent peut-être, du moins l’espère-t-on, que le prix à payer s’avère prohibitif. Dans ces conditions, le mieux est de traiter avec les pays dont les intérêts coïncident avec les nôtres, et éviter les fauteurs de guerre, ceux qui, par le biais de la dette, veulent nous astreindre à devenir les instruments de leurs entreprises impérialistes et colonialistes dont nous ne saurions être que les premières victimes. L’Ukraine qui s’était déjà bernée de l’illusion de la sécurité obtenue par l’adhésion à l’Otan, en constitue le sanglant démenti.  

* Médecin de pratique libre.

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‘‘Le bouleversement du monde, l’après 7 Octobre’’ : L’hécatombe face au génocide? Un délire onirique

08. Dezember 2024 um 08:12

Gilles Kepel, qui a consacré 40 ans de sa vie à l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux à qui il a consacré son attention et sa réflexion. Entraîné par son islamophobie hors des sentiers de la rigueur scientifique exigée des chercheurs universitaires, il n’en finit pas de justifier le génocide des Palestiniens. Ecœurant

Dr Mounir Hanablia *

Dans son dernier livre, déjà dépassé par l’actualité lors de sa parution, Gilles Kepel situe le 7 octobre 2023 en tant qu’événement fondateur d’un ordre international nouveau, hors celui issu de la seconde guerre mondiale. C’est déjà trop dire.

On a déjà évoqué dans les mêmes termes la chute du mur de Berlin, la guerre du Golfe, la disparition de l’Union Soviétique, le 11 septembre 2001. Concernant la victoire israélienne de Juin 1967, on avait déjà parlé de guerre des Six jours en se référant au récit biblique, dès lors qu’il s’agit de Juifs, de la création du monde, en l’occurrence d’un autre monde. Cette tendance à faire de chaque événement contemporain une exception, en particulier quand des Juifs y sont impliqués, relève plutôt du délire onirique.

Le 7-Octobre est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets et seule une enquête internationale indépendante le fera. Mais l’auteur s’appuyant sur un rapport de l’organisation Human Rights Watch en attribue la responsabilité à la direction du Hamas, plus particulièrement à Yahya Sinwar, décrit comme un tueur sanguinaire responsable de l’attaque «pogromiste» selon les termes de l’auteur, et qui, ainsi qu’on le sait, tombera les armes à la main contre l’envahisseur.

C’est déjà choisir son camp que de décrire les faits d’une manière plutôt dénuée de critiques pour un universitaire, certes à la retraite. Il exonère évidemment Israël de toute responsabilité en tant que victime de l’attaque «pogromiste».

Bien sûr, pour donner le change, il exonère l’Iran de toute responsabilité dans la tuerie, même s’il mentionne bien que c’est la République Islamique qui a armé le Hamas en faisant transiter l’aide militaire par la Mer Rouge, le Soudan, le Sinaï et à travers le corridor Philadelphia avec l’aide financière du Qatar et la complicité intéressée des généraux égyptiens.

Tout ce beau monde après la nième guerre contre le Hamas n’aurait pas éveillé l’attention des services secrets israéliens. Et même ce serait le chef du Mossad qui aurait fait transiter vers Gaza la valise remplie de billets verts qui régulièrement débarquait du Qatar. De là à dire que Netanyahu accusé de corruption aurait prélevé sa part du trafic, il n’y a qu’un pas que l’auteur ne franchit pas.

Un génocide avec l’assentiment des Américains

L’Iran accusé de faiblesse militaire dans sa riposte (annoncée) contre Israël et d’incompétence dans le contre-espionnage après l’assassinat de Ismail Haniyeh à Téhéran et de quelques uns de ses généraux en Syrie, se révèlera pourtant capable par ses missiles balistiques de hausser le ton après l’assassinat de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, et d’infliger de sérieux dommages à l’infrastructure militaire israélienne sur tout son territoire, suffisamment dissuasifs pour prévenir des représailles sévères.

Ce sont les Américains qui en l’occurrence auraient bridé les velléités bellicistes de leurs alliés, démontrant que la thèse de l’auteur, celle d’un Netanyahu libéré de toute entrave avec les élections américaines et la victoire prévisible de Trump, relevaient une fois encore du délire onirique. Tout ce qui s’est passé l’a été avec l’assentiment de l’administration américaine, qui n’a jamais interrompu son aide militaire ou financière, il convient de le rappeler, malgré les contraintes imposées par la guerre en Ukraine. Comment en aurait-il été autrement dans un bouleversement du monde. Mais c’est dans sa tentative d’attribuer à Netanyahu un comportement rationnel que le livre semble le plus critiquable.

On en arrive ainsi à la distinction entre l’Hécatombe, conjoncturelle à la guerre sanglante entreprise en représailles, et le génocide, terme réservé aux souffrances du peuple juif par les bien-pensants occidentaux, l’élimination pure et simple de la population civile adverse, par les bombardements directs, la destruction de l’infrastructure nécessaire à la préservation de la santé publique, et l’embargo sur l’eau et les produits alimentaires.

Il est clair que ce qu’on voit tous les jours à la télévision relève du génocide perpétré par l’armée de l’Etat juif et que cela n’a pas échappé au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Pourtant le premier ministre israélien, pour rappeler qu’Israël est une démocratie réservée, semble toujours être présenté comme l’otage de sa majorité extrémiste. Les intentions qu’on lui prête de prolonger la guerre à des fins personnelles, ainsi que l’en accusent les familles des otages, relèvent néanmoins du crime prémédité. Netanyahu n’a jamais semblé soucieux de faire libérer ces otages; cela aurait supprimé l’une des principales raisons de l’agression sanglante menée contre Gaza dont il ne prévoit pas la fin, ainsi qu’on l’a vu.

Alors de quel bouleversement et de quel monde s’agit-il?

Les terroristes de Daech de nouveau à la rescousse

La guerre contre les Palestiniens n’a jamais cessé depuis 1917 date de la déclaration Balfour et la dernière s’insère dans cette continuité. On veut maintenant supprimer la population de Gaza afin de l’annexer, en créant le précédent nécessaire à l’annexion de la Cisjordanie occupée et à l’expulsion de sa population. On a essayé de faire de même au Sud Liban mais l’entreprise s’est révélée beaucoup plus difficile que prévu et la résistance du Hezbollah a fini par imposer son caractère incontournable. Maintenant c’est en Syrie grâce aux terroristes de Daech commandités par la Turquie et à la cinquième colonne au sein du régime syrien qu’on prétend interrompre le ravitaillement en armes de la résistance libanaise.

Les récents revers militaires d’une armée syrienne suréquipée face à des mercenaires brandissant des fusils et de lance-roquettes se déplaçant dans des pick-up et ressemblant aux hordes sauvages de Mad Max, ne saurait s’expliquer que par la trahison.

Ce sont ces terroristes-là, de Daech, ceux soutenus par le Qatar, la Turquie, les Américains et Israël, qui avaient commis les attentats de Toulouse et de Montauban, de Charlie-Hebdo et du Bataclan en 2015 qui ont servi de point de ralliement et d’émergence à l’extrême droite française dans son discours anti-immigré. Cela date de bien avant le 7-Octobre, et abstraction faite de la crainte justifiée de nombreux Juifs français d’être privés de leur nationalité ainsi que cela s’était passé sous Vichy, le ralliement sioniste autour de Marine Lepen n’a eu d’autre objectif que d’empêcher la France, et à travers elle l’Occident, d’adopter une attitude anti-israélienne qui menacerait l’aide militaire et financière dont le gouvernement israélien a besoin pour mener à bien sa politique coloniale génocidaire.

Faut il dès lors s’étonner que de nombreux Occidentaux, dont les jeunes et les étudiants, renouant avec une tradition chrétienne de charité qui n’existe plus dans leurs sociétés, évaluent le génocide de Gaza à sa juste mesure et le dénoncent tout autant que l’injustice de leurs propres sociétés?

Plutôt que d’un bouleversement du monde, on aurait peut-être dû parler d’un monde à rebours, celui du retour à l’ère coloniale et à l’extermination des populations allogènes.

Décidément, Gilles Kepel, qui a consacré 40 ans de sa vie à l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux à qui il a consacré son attention et sa réflexion. Ses ouvrages laissent toujours à l’Arabo musulman que je ne cesse pas d’être un goût d’injustice et d’amertume à la fin du dernier chapitre.    

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‘‘1943, l’année des dupes’’ : des juifs, Algériens par le berceau, et français par le bateau

01. Dezember 2024 um 08:00

«La France c’est bien beau, mais attention, avec tous les sacrifices que vous avez consentis vous n’y êtes jamais assurés d’être éternellement français», lance Jacques Attali aux Juifs français d’origine algérienne dont il fait lui-même partie. Est-ce à dire que leur patrie ne saurait être la France et qu’elle ne pourrait être qu’Israël ? L’histoire pourtant prouve qu’à travers leur longue histoire, les Juifs n’ont jamais été aussi intégrés et en paix qu’en terres arabes et musulmanes…

Dr Mounir Hanablia *

Curieux destin que celui des Juifs français originaires d’Algérie. Ils sont pour la plupart d’origine berbère, espagnole sépharade ayant fui l’Inquisition, ou bien ashkénaze européenne ayant débarqué avec les conquérants français. Des descendants de vrais juifs émigrés en Algérie avec les Carthaginois ou bien suite à la destruction du Temple de Jérusalem par Titus en 70, quelques-uns s’en prévalent, sans aucune preuve, pour justifier leur position éminente dans leur communauté, en général pour en assurer la représentation devant l’autorité politique. Et l’autorité politique en Algérie avant 1830, c’est le Dey à Alger, représentant une dynastie d’origine ottomane, rattachée nominalement à la sublime porte, et des sultanats pratiquement indépendants d’origine arabe ou berbère dans les villes les plus importantes.

Les juifs sont principalement citadins, ils sont artisans ou boutiquiers, ne possèdent pas de terres. Quelques-uns, les plus chanceux, font du commerce avec l’Europe chrétienne.  Ils habitent dans des quartiers réservés, et naturellement ils sont juridiquement soumis en tant que non musulmans au régime de la Dhimma : interdiction de port d’armes ou de monter les chevaux, autonomie pour le statut personnel sous les tribunaux  rabbiniques, autorité du Qadhi (cadi) musulman dans les affaires criminelles ou bien dès lors que le contentieux inclut un musulman.

Les juifs algériens, selon où ils habitent, parlent l’arabe ou le berbère, et l’hébreu constitue la langue liturgique. Ils sont parfois exécutés, comme le Rabbin d’Alger Aboulker, en 1815, un nom dont on reparlera en Algérie lors de la seconde guerre mondiale et durant la décolonisation, et en France. Mais l’Algérie est un pays essentiellement agricole et au XIXe siècle exporte beaucoup de produits vers la France, essentiellement du blé et des céréales, qui avec les guerres menées par Napoléon Bonaparte en Europe, en a un grand besoin. Le grenier à blé algérien attise les convoitises françaises particulièrement après Waterloo.

Expropriations de terres et instauration de l’ordre colonial

Les Français encouragés par les anglais veulent compenser en Afrique du Nord ce qu’ils ont perdu en Europe. Ils continuent d’acheter du blé algérien mais ils sont mauvais payeurs. En 1830, c’est l’incident diplomatique. Le Dey, excédé des tergiversations françaises après plusieurs années d’impayés, décoche un coup de chasse mouche qui atteint le consul français (à l’épaule). Charles X, qui a beaucoup de problèmes chez lui et qui finira par être emporté par une Révolution, en tire provisoirement profit avec le soutien du lobby colonial, pour envahir le pays. C’est la conquête et la pacification, un euphémisme pour signifier les massacres et les déportations commis par l’armée qui accompagnent les expropriations de terres nécessaires à l’entreprise coloniale et à l’instauration de l’ordre nouveau.

Sur le plan juridique, les Français et les Européens naturalisés ou non (Espagnols, Italiens, Maltais) relèvent du droit français. Les Arabes et les Juifs d’Algérie sont des «sujets» français, autrement dit, ils sont assujettis à leurs droits coutumiers sauf pour la justice criminelle.

Les Arabes qui vivent dans les campagnes n’ont pas le droit de se déplacer sauf sur autorisation de l’autorité militaire, et sont assujettis à la corvée, ces journées de travail non payées qui assurent la fortune des colons. Exploités et privés de droits, ils vivent dans une misère noire, et leurs enfants ne vont pas à l’école.

Pour les juifs, le sort est un peu moins cruel. Certains parmi eux essaient de faire du commerce avec les Français. Ils sont aidés par leurs coreligionnaires français et comprennent que l’acquisition de la nationalité française est une étape essentielle de leur émancipation.

Les Juifs s’installent dans les quartiers européens

Un célèbre avocat juif français, Adolphe Crémieux, l’une des figures de proue des journées révolutionnaires de 1848 et de la fondation de la IIIe République en 1871, a participé à la création de l’Alliance Israélite Universelle qui en construisant des écoles israélites se fixe pour mission d’ouvrir grâce à l’enseignements les Juifs des pays musulmans à l’éducation et à la culture française afin d’assurer leur émancipation.

Dès lors, les enfants de la communauté juive sont pratiquement tous scolarisés dans les écoles françaises malgré les réticences des rabbins qui craignent de voir leur influence disparaître dans la communauté.

Les juifs algériens éduqués entrent alors dans la fonction publique et les professions libérales, ils abandonnent le ghetto et s’installent dans les quartiers européens. Plusieurs parmi eux plusieurs acquièrent la nationalité française. Cela déplaît naturellement au grand colonat français et aux Européens de condition modeste, les petits blancs ainsi qu’on les appelle, qui ne voient pas d’un bon œil cette concurrence qu’ils pensent avoir partie liée avec les Arabes qu’ils connaissent bien.

L’Algérie française coloniale s’installe ainsi dans l’antisémitisme bien avant l’avènement du fascisme et du nazisme. Mais en 1871, le ministre de la Justice en France, le juif Crémieux, signe une série de décrets, dont celui par lequel il deviendra célèbre sur l’acquisition automatique de la nationalité française par tous les juifs algériens justifiant d’un parent juif résidant en Algérie avant 1830. Mais les autorités coloniales rechignent à l’appliquer, d’autant que la survenue de l’affaire Dreyfus constitue un exutoire au chauvinisme ultra nationaliste français.

Les soldats maghrébins prêts à mourir pour la France

Avec la première guerre mondiale, l’armée d’Afrique et la légion étrangère participent aux grandes batailles de Verdun et surtout de la Somme au cours de laquelle des soldats venus du Maghreb réalisent l’impossible, en perçant le front allemand. Mais l’armée française est incapable d’exploiter la brèche qui finit par se refermer. Le front se stabilise mais les soldats maghrébins ont démontré qu’ils étaient prêts à mourir pour la France. Les plus chanceux sont décorés, et une mosquée, celle de Paris, est érigée à Jussieu par reconnaissance, mais le statut des musulmans, celui de sujets, régi par le code de l’indigénat, ne change pas.

Les Juifs algériens sont devenus pour la plupart Français même s’ils continuent de parler l’arabe en famille, mais pas les musulmans, qui d’ailleurs ne veulent pas s’engager à renoncer à leur droit coutumier ainsi qu’ils sont obligés de le faire en cas de demande de naturalisation.

Les choses continuent ainsi jusqu’à la défaite française de 1940, l’occupation allemande, et l’avènement du régime de Vichy de Pétain, dont l’une des premières lois promulguées est l’abolition du décret Crémieux. Les Juifs algériens sont privés brusquement de la nationalité française. Ils ne peuvent plus exercer dans la fonction publique. Les Européens d’Algérie et le colonat, dont l’antisémitisme a toujours constitué une composante essentielle bien avant Vichy, surenchérissent. Des pétitions signées par les médecins français circulent, demandant l’exclusion des médecins juifs de la profession. Les quelques rares médecins musulmans, dont mon propre grand-père maternel, le Docteur Tahar Trad exerçant à Souk Ahras, refusent de signer, marquant ainsi la solidarité dans le malheur des musulmans avec la communauté juive.

Les Algériens musulmans contre l’antisémitisme des Français   

Ainsi que le note Ferhat Abbès dans le Manifeste Algérien, les malheurs de la communauté juive n’établissent pour autant pas les droits des musulmans dans le régime colonial. Pourtant ce dernier s’est toujours prévalu de l’hostilité envers les revendications juives par la nécessité dans le cas où elles seraient satisfaites de concéder des droits semblables aux musulmans, un anathème inacceptable pour un grand nombre de Français et pour eux tellement effrayant qu’il conduira finalement l’Algérie vers l’indépendance. 

En attendant, sous Vichy, l’Algérie française, qui n’est occupée ni par l’Allemagne ni par l’Italie, en remet une couche dans l’antisémitisme et établit des mesures antisémites qui n’existent pas en métropole. Les juifs privés de travail et de nationalité sont obligés de vendre leurs biens pour survivre mais les musulmans par solidarité ne les achètent pas; des mots d’ordre circulent dans les mosquées l’interdisent en effet. Un numérus clausus leur est imposé dans les universités et qui en réalité est appliqué d’une manière arbitraire. Les étudiants juifs ne sont plus admis aux cours, même à titre d’auditeurs libres. Les écoles sont également fermées et seules des initiatives individuelles établissant des cours pour les enfants chez les particuliers persistent provisoirement sans garantie pour l’avenir.

Le plus grave est l’ouverture de véritables camps de concentration dans le Sud Algérien, dont on établira plus tard qu’ils furent aussi cruels et meurtriers que ceux d’Allemagne et de Pologne, et dans lesquels on parqua outre les Juifs, des républicains espagnols, et des communistes allemands ou français. Mais le 8 novembre 1942, les troupes américaines débarquent en Algérie et au Maroc (opération Torch). Un groupe résistant juif, celui dit du Géo Gras, mené par José Aboulker, le futur médecin chef de service des hôpitaux de Paris, en s’assurant la prise du central de communications et la capture des généraux Juin et Darlan, neutralise toute opposition et facilite l’occupation d’Alger par les Américains. Les résistants s’attendaient à 500 000 hommes, ainsi qu’on le leur avait promis. Ceux qui débarquèrent ne furent pas au départ plus de 15 000. Ils craignaient une forte résistance des troupes de Vichy. En fait, c’est le ralliement de Darlan, l’une des figures de proue du régime de Vichy, aux Américains, alors par hasard de passage à Alger, qui assure le succès final après des combats qui ont fait tout de même plusieurs centaines de morts chez les Américains, et environ un millier chez les Français.

L’armée française se range toujours avec le mauvais camp

Le Général De Gaulle à Londres n’a pas été informé de l’opération et a été mis à l’écart. Les Anglo-américains estimaient en effet De Gaulle comme quantité négligeable et de surcroît peu fiable après l’échec de la prise de Dakar par ses forces en 1940. Quant au Maréchal Juin, le futur héros libérateur de Paris, il avait paradoxalement ordonné à Barré de ne pas s’opposer à l’entrée des troupes italo-américaines en Tunisie. De Gaulle s’en souviendra pour le soumettre.

L’armée française  en Algérie s’avère ainsi politiquement peu fiable dès le débarquement américain et bien avant Massu et le Comité de Salut Public de 1958, ou bien le putsch des généraux de 1961. En fait, elle se rangera toujours avec le mauvais camp, celui de Pétain et de la collaboration avec les Nazis qui occupent la France lors de l’opération Torch de 1942, celui de la perpétuation de la colonisation en Algérie en 1961.

Le plus étrange lors de l’occupation de l’Algérie par les Américains en 1942, c’est qu’ils y laissent intactes les structures établies par Vichy, en particulier l’administration et les lois (antisémites). De Gaulle venu à Alger sur le tard établit après l’assassinat de Darlan l’embryon du futur gouvernement de la France dont, fin politique, il écarte son rival Giraud plus gradé de toute responsabilité. Il refuse d’annuler la décision prise par Giraud de ne pas rétablir le décret Crémieux sous le prétexte d’en publier les textes d’application en des temps plus propices. Il renvoie la mesure à une décision du peuple français après la libération.

Ainsi les Juifs algériens privés de la citoyenneté française 70 ans après l’avoir obtenue, de plein droit, doivent encore attendre une décision du peuple français sur la question de la violation avérée  de leurs droits. Les enfants français d’immigrés maghrébins devraient se souvenir qu’en France, la nationalité n’est ni inaliénable, ni sacrée, mais un enjeu électoral et politique. Les Juifs algériens ne sont libérés des camps de concentration et ceux-ci ne sont fermés qu’une année après, à l’initiative des journalistes et des milieux juifs américains, dont la célèbre Hannah Arendt. Certains directeurs des camps sont condamnés à mort et exécutés. Les membres responsables de l’administration ne sont pas inquiétés.

Les Juifs algériens toujours dépourvus de nationalité n’en vont pas moins se battre contre les Nazis en Italie, sur le Garigliano et à Cassino. Après la guerre, ils sont de nouveau Français de plein droit mais ils se retrouvent rapidement en porte à faux des aspirations des Arabo-musulmans algériens à l’indépendance. C’est oublier tous les Juifs communistes comme Daniel Timsit, qui ont combattu dans les rangs du FLN algérien. Mais les Juifs d’Algérie ont  alors le sentiment pour la plupart avec la multiplication des attentats aveugles et des opérations de contre terrorisme, de ne plus avoir le choix, ils sont désormais considérés comme des Français puisqu’ils l’ont voulu et en paient le prix en quittant finalement leur terre natale pour un pays qu’ils ne connaissent pas encore.

Le colonialisme français a ainsi réussi à déraciner une communauté en la renvoyant loin de ses foyers et de sa culture d’origine , et en en faisant l’otage obligé du chauvinisme ultra nationaliste français toujours susceptible de la priver de ses droits citoyens et de les remettre en question par des lois scélérates tributaires des équilibres politiques toujours changeants.

C’est là une part importante de la question de l’immigration en France, que le problème sioniste n’a fait que compliquer, et que l’auteur du livre, le Juif d’origine algérienne Jacques Attali, n’aborde pas.

On relèvera certes quelques-unes de ses réflexions qui, sans changer la teneur du livre, ne sont pas forcément exactes. Ainsi l’importance accordée au pétrole irakien dans les calculs de Rommel semble influencée par les développements ultérieurs bien connus en 1991 et 2003. En fait la mission essentielle de l’Afrikakorps n’était pas d’occuper l’Irak et Kirkouk, bien plus près du Caucase où opérait la Wehrmacht pour s’emparer de Bakou et son pétrole, mais de couper le canal de Suez, la route de l’Inde d’où l’Angleterre tirait l’essentiel de ses forces, et éventuellement le Golfe arabo persique par où transitait l’aide destinée à l’Union soviétique et à Stalingrad. Il y a certes un pipeline Kirkouk-Haïfa en service mais il n’a été rarement fait mention de lui dans le calcul de Rommel.

En fait Hitler, contrairement à ses amiraux, n’a jamais jugé le théâtre du Moyen-Orient autrement que secondaire, et l’Afrikakorps finit immobilisée à El Alamein, faute de ravitaillement en carburant.

La seconde remarque concerne la politique de De Gaulle, accusé implicitement d’être un raciste antisémite français. C’est bien possible,  mais l’accuser d’avoir quitté l’Algérie pour ne pas accorder la nationalité aux musulmans n’est pas démontré. De Gaulle aurait sans doute volontiers conservé l’Algérie grâce à une victoire militaire après la perte du Vietnam, mais cela aurait nécessité trop de soldats et d’argent, et l’armée française devenait indocile et dangereuse pour la démocratie et menaçait d’instaurer un régime de type franquiste.

En outre, les Américains, toujours eux, désormais créanciers de l’Europe, voulaient la liquidation des empires français et britannique pour pouvoir commercer librement avec les pays qui en seraient issus.

Jacques Attali et l’avenir des juifs au Moyen-Orient

La vision de Jacques Attali sur l’indépendance de l’Algérie apparaît donc plutôt simplificatrice. Cependant il note à juste titre que plusieurs Français, dont le maire d’Alger Jacques Chevallier, ou l’armateur Schiaffino, y sont demeurés après l’indépendance, sans qu’ils ne l’eussent regretté. C’est la preuve que l’Histoire de l’Algérie eût pu prendre une tournure différente si un minimum de bonne volonté avait prévalu.

La dernière remarque est évidemment l’omission des Israéliens d’origine algérienne et les liens avec les Sionistes. On peut comprendre que Jacques Attali s’adressant à ses compatriotes juifs algériens les avertisse ainsi : «La France c’est bien beau, mais attention, avec tous les sacrifices que vous avez consentis vous n’y êtes jamais assurés d’être éternellement français».

Dans ce cas, la patrie ne pourrait être qu’Israël. Certes! Mais d’un autre côté, il peut très bien leur dire: «Attention! Voilà ce qu’il en coûte de jouer aux colonialistes avec les Arabes, et il n’y a d’autre solution en Israël que de s’entendre avec eux si on veut rester dans le pays».

Entre le cœur, celui d’une patrie réservée exclusivement au peuple juif, et la raison, celle d’une entente avec les Palestiniens, l’auteur a sans doute préféré éluder la question du choix de l’avenir. 

* Médecin de libre pratique.  

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