Gaza | Les projets sulfureux ternissent la réputation du BCG
Le Boston Consulting Group, l’un des cabinets de conseil les plus importants et les prestigieux du monde, se trouve dans de mauvais draps suite à l’implication dans l’élaboration d’un projet de déplacement de la population civile de Gaza mais aussi d’avoir travaillé auparavant sur le projet de la Fondation humanitaire pour Gaza, la structure israélo-américaine très controversée qui s’est substituée à l’UNRWA. Le cabinet de conseil essaye aujourd’hui de se dédouaner en affirmant que ce sont seulement deux employés qui sont impliqués, qu’ils ont agi sans prévenir la hiérarchie et qu’ils ont été licenciés.
Imed Bahri
Le Financial Times a consacré son éditorial au scandale impliquant le cabinet de conseil américain Boston Consulting Group (BCG) dans des projets de déplacement de Palestiniens de Gaza. Le journal britannique estime que cette révélation soulevait plusieurs questions sérieuses sur les activités de conseil internationales. Il rappelle le tollé international soulevé par le président américain Donald Trump en février lorsqu’il a annoncé son plan pour la bande de Gaza ravagée par la guerre, son intention de s’en emparer et de créer ce qu’il a appelé une Riviera du Moyen-Orient tout en déplaçant de 2,2 millions de Palestiniens.
Cette semaine et celle d’avant, le journal a révélé des documents et des plans soumis par des hommes d’affaires israéliens à l’administration américaine imaginant Gaza après la guerre et la manière de relancer son économie grâce à une «Riviera Trump». Ces documents comportaient dix axes importants dont l’axe stratégique d’Elon Musk avant que le milliardaire ne rompe avec le président américain.
Financer la migration d’un demi-million de Palestiniens
Le plan propose de financer la migration d’un demi-million de Palestiniens et d’attirer des investisseurs privés pour développer Gaza en s’appuyant sur des modèles financiers développés par les employés du BCG.
Le cabinet de conseil a affirmé que l’équipe chargée de la préparation des plans de reconstruction de Gaza avait agi sans l’approbation de son partenaire principal (senior partner est un grade au sein de l’entreprise) qui avait stipulé qu’une telle démarche était interdite et que ce qui a été présenté n’est pas un projet du BCG. Le groupe a également indiqué que deux associés (grade inférieur à senior partner) avaient été licenciés le mois dernier.
Cependant, le journal estime que l’implication des employés de BCG dans ce travail ainsi que leur contribution à la préparation de plans d’aide controversés supervisés par la très opaque entité israélo-américaine Fondation humanitaire pour Gaza est le dernier d’une série de coups durs et de scandales qui ont terni la réputation de l’un des plus grands cabinets de conseil au monde. Cela soulève de sérieuses questions quant aux contrôles et à la gestion des risques au sein de BCG.
L’entreprise présente des excuses publiques à ses employés
Le mois dernier, l’entreprise a présenté des excuses publiques à ses employés et a désavoué son rôle dans la création de l’organisation soutenue par les États-Unis et Israël pour distribuer l’aide humanitaire à Gaza au lieu de l’Onu, de ses agences et des organisations internationales.
L’Onu a critiqué la Fondation humanitaire pour Gaza dont les opérations sont sécurisées par l’armée israélienne et surveillées par des agents de sécurité ou des mercenaires américains pour avoir violé les usages des opérations internationales d’aide humanitaire.
Depuis le début des opérations de la Fondation en mai, Israël a tué des centaines de Palestiniens qui tentaient d’atteindre les quelques centres de distribution du sud de Gaza.
Le FT révèle, par ailleurs, que le BCG a élaboré un modèle financier pour la reconstruction d’après-guerre à Gaza incluant le coût de la réinstallation de centaines de milliers de Palestiniens. Un scénario estimait qu’un demi-million de Palestiniens pourraient être dédommagé grâce à un «package de réinstallation» d’un coût de 9 000 dollars par personne soit un total de 5 milliards de dollars. Les auteurs du modèle affirment que ce package est moins coûteux que de continuer à soutenir ceux qui souhaitent rester en leur fournissant un logement temporaire, des soins, une aide et d’autres formes de soutien.
Le cabinet de conseil a décrit l’implication de ses employés dans cette initiative controversée sur les plans éthique et politique comme étant motivée par deux employés qui n’ont pas respecté les procédures d’approbation.
Une équipe américaine opérant depuis Tel-Aviv
Il a rapporté qu’une équipe du groupe aux États-Unis avait fourni en octobre dernier des services bénévoles à une organisation humanitaire qui devait collaborer avec d’autres opérations de secours à Gaza. Cependant, a-t-il ajouté, les employés n’avaient pas pleinement divulgué la nature de ce soutien et avaient induit en erreur la direction en lui faisant croire que l’initiative bénéficiait d’un large soutien multilatéral. Le groupe a ajouté que l’associé principal avait été explicitement informé qu’il ne travaillerait plus sur la reconstruction de Gaza et qu’il ne recevrait aucune rémunération.
De nombreuses personnes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise se posent des questions sur le manque de connaissance de la direction quant à la nature des travaux visant à établir la Fondation humanitaire pour Gaza et les plans de reconstruction de Gaza, un effort qui a duré sept mois avec une équipe américaine opérant depuis Tel-Aviv.
Si aucune entreprise ne peut se protéger contre les tentatives de ses employés de dissimuler leurs activités et d’induire en erreur leurs supérieurs, compte tenu du caractère sensible de tout travail lié à Gaza, l’équipe aurait dû être soumise dès le départ à une surveillance de haut niveau de la part du BCG.
L’enquête interne menée par un cabinet d’avocats extérieur au groupe devrait d’ailleurs se concentrer sur les raisons du non-respect des contrôles par l’entreprise et de sa perte de contrôle.
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