Jean-Luc Revéreault : une vision stratégique du partenariat BEI-Tunisie
La conférence « Compétitivité verte : financer les PME de demain », organisée par la Banque de l’Habitat (BH Bank), ce jeudi 22 mai 2025 dans un hôtel aux Berges du Lac 1, en partenariat avec la BEI et l’Union européenne, s’est tenue; alors que le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE est entréen vigueur. La conférence a permis d’approfondir l’analyse du contexte économique dans lequel s’inscrit cette initiative, à travers les interventions d’experts sectoriels qui ont enrichi la compréhension des enjeux et des opportunités.
Jean-Luc Revéreault, représentant de la Banque européenne d’investissement (BEI) en Tunisie, a dressé un panorama historique et prospectif du soutien européen aux PME tunisiennes. Son intervention s’est caractérisée par une approche pragmatique et chiffrée, démontrant la profondeur et la continuité de l’engagement de la BEI dans l’économie tunisienne.
Tout d’abord, le représentant de la BEI a rappelé que le soutien aux PME tunisiennes constitue une tradition ancienne, remontant au début des années 2000 à travers des lignes de crédit accordées à l’ensemble des banques tunisiennes de l’époque. Cette perspective historique permet de situer l’initiative actuelle dans une continuité d’actions, la BH Bank ayant été dès cette époque un partenaire privilégié du bras financier de l’UE. Et ce, tant pour ses activités bancaires traditionnelles que pour ses opérations de leasing destinées au soutien des PME.
L’élément central de l’intervention de M. Revéreault concerne l’annonce d’un package financier d’une ampleur exceptionnelle, articulé autour de trois composantes complémentaires.
Lire aussi : Compétitivité verte : financer les PME de demain, la BH Bank s’engage (1)
La première composante, et la plus substantielle, consiste en une ligne de crédit de 170 millions d’euros, formellement signée en 2024 avec le gouvernement tunisien et officiellement lancée par la Banque centrale de Tunisie à travers une note d’information diffusée aux banques et sociétés de leasing tunisiennes. Cette facilité financière vise à irriguer massivement l’écosystème des PME en leur fournissant les liquidités nécessaires à leurs investissements et à la création d’emplois.
M. Revéreault a particulièrement insisté sur les avantages concrets que cette ligne de crédit permettra d’offrir aux PME bénéficiaires. Ces avantages se matérialiseront par des conditions financières préférentielles qui dépassent significativement les produits traditionnels proposés par les banques tunisiennes.
Concrètement, les institutions financières partenaires pourront proposer des durées de crédit allongées, des taux d’intérêt réduits et des exigences de garanties assouplies, créant ainsi un avantage financier évident pour les PME éligibles.
La deuxième composante du dispositif concerne une ligne de garantie innovante, actuellement en cours de négociation avec les partenaires bancaires, notamment la BH Bank. Cette ligne de garantie répond à une logique de partage des risques entre la BEI et les institutions financières locales, avec pour objectif d’inciter ces dernières à sortir de leur zone de confort traditionnel et de leur modèle d’affaires habituel.
L’enjeu consiste à encourager le financement de PME présentant un profil de risque plus élevé mais disposant néanmoins d’un potentiel de développement significatif. Cette approche cible de manière privilégiée trois secteurs exportateurs stratégiques pour l’économie tunisienne : l’agroalimentaire, le textile et l’industrie automobile.
La troisième composante, qualifiée par M. Revéreault de « très importante », concerne la dimension d’accompagnement technique, financée par l’Union européenne à hauteur de plusieurs millions d’euros. « Cet accompagnement revêt un double objectif. D’une part, il vise à assister les PME dans l’élaboration de business plans finalisés et bancables, facilitant ainsi leurs démarches de financement auprès des partenaires bancaires. D’autre part, il prévoit un accompagnement spécialisé par des experts pour le verdissement des processus de production, répondant ainsi aux nouvelles exigences environnementales qui redéfinissent les marchés internationaux », détaille-t-il.
M. Revéreault a particulièrement mis l’accent sur l’urgence de cette transition verte, citant explicitement le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui entrera en vigueur en 2026. Cette « taxe carbone aux frontières » représente, selon lui, un défi majeur pour les entreprises tunisiennes exportatrices, mais également une opportunité de modernisation et de mise aux normes internationales.
Au-delà de ces enjeux spécifiquement liés au carbone, le représentant de la BEI a évoqué les défis énergétiques auxquels font face les PME tunisiennes. Il a souligné que « la facture énergétique constitue un problème majeur pour toutes les PME, justifiant les efforts de la BEI pour financer la production d’énergie renouvelable et l’amélioration de l’efficacité énergétique ». Cette approche globale reconnaît que chaque PME doit également entreprendre des efforts considérables pour limiter sa dépense énergétique et réduire son empreinte carbone, souligne le représentant de la BEI.
M. Revéreault a également abordé les enjeux de consommation d’eau, particulièrement critiques pour les PME du secteur textile. Il a insisté sur « la nécessité de réduire la consommation d’eau et de démontrer la capacité des entreprises tunisiennes à adopter des processus de fabrication respectueux de l’environnement, condition indispensable pour maintenir leur compétitivité sur les marchés européens ».
Il a conclu son intervention par une mise en perspective de cette action dans le cadre plus large des activités de la BEI en Tunisie.
En effet, M. Revéreault rappellera que « la BEI est particulièrement reconnue pour le financement d’infrastructures publiques, activité qui contribue indirectement au soutien des PME ». Il a fait référence à une étude collaborative réalisée en 2022 par la BEI, la Banque mondiale et la BIRD sur les PME de la région MENA, identifiant trois obstacles majeurs au développement de ces entreprises : l’instabilité du cadre juridique et réglementaire, l’accès au financement et les déficiences infrastructurelles.
Cette vision systémique a conduit M. Revéreault à souligner que la BEI travaille simultanément sur tous ces fronts, développant les infrastructures de transport, d’énergie et de digitalisation pour faire de la Tunisie un pays pleinement connecté. Tout en répondant aux besoins spécifiques d’accès au financement et d’accompagnement des PME à travers le partenariat avec la BH Bank et d’autres institutions financières locales.
L’article Jean-Luc Revéreault : une vision stratégique du partenariat BEI-Tunisie est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.