FMI et gouvernance : La Tunisie va-t-elle enfin rationaliser ses institutions ?
Consciemment ou inconsciemment, le président Kaïes Saïed, en critiquant de manière virulente la prolifération des structures étatiques inutiles, vient de satisfaire une des conditions exigées par le FMI pour accorder à la Tunisie des facilités.
Cette conditionnalité concerne la réforme de “la convergence institutionnelle des structures en charge de l’investissement”. Cette réforme est proposée dans un cadre plus large celui de l’amélioration du climat des affaires. Retour sur une prise de conscience d’une réforme salutaire pour le pays.
Présidant, le 20 janvier 2025, un conseil ministériel restreint groupant le chef du gouvernement, Kamel Maddouri, la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia et le ministre des Affaires sociales, Issam Lahmar, le président de la République, Kaïs Saïed, a dénoncé l’hypertrophie des institutions administratives « inutiles ».
Encore une fois, le Président Kaïs Saïed met le doigt sur une des plus grandes injustices dont ont souffert les tunisiens au temps des régimes autoritaires de Bourguiba, de Ben Ali et des islamistes. Il s’agit du clientélisme et son corollaire ce qu’on peut appeler le “tribalisme professionnel” qui a prévalu au cours de ces périodes sombres.
Haro sur le clientélisme
Du temps de ces régimes autoritaires, pour satisfaire les désirs de leurs proches en matière d’emploi et de notoriété, les gouvernants au pouvoir créaient des structures sur mesure à la tête desquelles, ils nommaient leurs proches. Il s’agit de postes juteux accompagnés d’importants privilèges : PDG, Directeurs généraux, ambassadeurs, représentants à l’étranger (ONTT, FIPA, Cepex…). Ces nominations sont faites souvent par filiation, népotisme, clanisme, tribalisme et clientélisme.
Le résultat ne s’est fait pas attendre. Après des dizaines d’années, le pays s’est trouvé confronté à une profusion d’institutions ayant la même mission et sans aucun résultat notoire. Ces mêmes institutions qui se sont avérées des coquilles vides.
Le chef de l’Etat a évoqué particulièrement, “la structure tentaculaire des agences et structures liées à l’investissement. Tout en soulignant que ni l’investissement escompté n’a été réalisé, ni les fonds de la collectivité nationale n’ont profité au peuple tunisien. Ce dernier se trouvant assujetti à l’obligation de payer des impôts pour les financer”.
Il a cité en exemple “nombre d’agences et d’organismes relevant de l’un des départements ministériels et dont les fonds affectés s’élèvent excessivement à plus de 500 millions de dinars”.
Le Président Kaïes Saïed s’est particulièrement attardé sur la pléthore des structures en charge de l’appui et de la promotion de l’investissement : «Alors que dans certains pays il n’y a qu’un seul et unique interlocuteur, en Tunisie l’investisseur est contraint de traiter avec un Conseil supérieur de l’investissement, une Instance tunisienne de l’investissement et un Fonds tunisien d’investissement. Autant de structures auxquelles s’ajoutent quatre autres agences liées à l’investissement extérieur, à l’investissement agricole, à la promotion des exportations et la promotion de l’investissement industriel et la cinquième pour la promotion de l’industrie et de l’innovation », a fait remarquer le chef de l’Etat .
Un raisonnement à l’envers
Et le Chef de l’Etat d’ajouter: “Cette profusion institutionnelle procède d’un raisonnement à l’envers qui fait que l’investissement provient de l’hypertrophie des institutions et non de la création de la richesse et sa distribution juste et équitable entre tous les citoyens”.
Au final, nous pouvons dire que cette prise de conscience tardive de supprimer des institutions qui ne sont plus utiles et qui représentent « une charge inutile pour le budget de l’État » n’est pas une mauvaise chose. Elle est même fort souhaitée par tout tunisien animé de bon sens. Toutefois, l’enjeu pour le gouvernement réside dans le dépassement de ces évidences et dans sa volonté de passer du tendanciel vers le mode d’action.
Abou SARRA
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