Gaza │ Israël condamne à mort les malades de cancer palestiniens
Déjà que la vie à Gaza est un enfer à cause du génocide qu’y perpètre Israël depuis octobre 2023, être en plus atteint d’un cancer est bien plus qu’une épreuve, un supplice et une mort lente surtout que l’armée israélienne a mis sciemment hors service les deux établissements qui pouvaient assurer des soins aux malades. (Ph. Des patients atteints de cancer ont quitté l’hôpital européen de Gaza après sa mise hors service en raison des bombardements israéliens.)
Imed Bahri
L’armée israélienne a d’abord détruit entièrement l’hôpital de l’Amitié palestino-turque intégralement dédié à la cancérologie et qui soignait plus de 10 000 Gazaouis atteints de la maladie. Elle a ensuite bombardé l’hôpital européen qui disposait d’un service d’oncologie. Et comme si tout cela ne suffisait pas, les malades sont empêchés de quitter Gaza et de se soigner à l’étranger. En définitive, Israël condamne à mort les Gazaouis atteint de cancer.
Al Jazeera Net a recueilli des témoignages de jeunes mères atteintes de cancer. Des mères qui luttent à la fois contre une terrible maladie, qui ne sont plus soignées et qui souffrent psychologiquement en pensant à leurs enfants qui seront orphelins le jour où elles ne seront plus de ce monde.
Hadil Shahadeh, 35 ans, décrit son état d’esprit quand elle a appris que l’hôpital européen de Gaza était devenu hors service : «Je me suis sentie étouffée et submergée par des sentiments négatifs comme si la mort était sur le point de m’emporter». C’est par ces mots que le patiente qui souffre d’un lymphome depuis huit ans a résumé la situation tragique à laquelle elle doit faire face.
Hadil ne dort plus après les violents tirs de l’aviation israélienne sur cet hôpital situé au sud-est de la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 13 mai. C’est le seul hôpital à fournir des soins médicaux aux patients atteints de cancer après que l’occupation a détruit l’hôpital de l’Amitié palestino-turque de la ville de Gaza et l’a mis hors service.
Suite à cette attaque, le ministère de la Santé a déclaré l’hôpital européen de Gaza hors service. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cela a entraîné la suspension de services vitaux notamment la neurochirurgie, les soins cardiaques et le traitement du cancer, des services non disponibles ailleurs dans la bande de Gaza.

Des services vitaux hors service
«C’est une condamnation à mort pour des milliers de patients», explique Hadil à Al Jazeera Net en regardant par un trou créé par les frappes aériennes israéliennes sur un poste de police détruit dans le quartier de Nasr, au nord de la ville de Gaza, où elle et ses parents âgés ont trouvé refuge. Le terrain est devenu trop étroit pour eux suite au récent déplacement de la population de la ville de Beit Lahia dans le nord de l’enclave palestinienne.
Hadil a découvert qu’elle avait un cancer en 2017 et, dès lors, elle était régulièrement suivie à l’hôpital de l’Amitié palestino-turque, bombardé par les forces d’occupation israéliennes il y a quelques semaines. L’hôpital était le seul à fournir des services médicaux à environ 10 000 patients atteints de cancer et de tumeurs dans la bande de Gaza.
Suite au déclenchement de la guerre israélienne sur la bande de Gaza en 2023, Hadil et sa famille ont été contraints de fuir le nord de la bande de Gaza vers le sud, se déplaçant à plusieurs reprises d’un endroit à un autre. Atteindre l’hôpital de l’Amitié est devenu impossible et dangereux.
«La guerre est plus dévastatrice pour nous, les malades, car nous sommes confrontés à la mort sous toutes ses formes», dit-elle. Les soins médicaux prodigués à l’hôpital européen de Gaza, qui servait de substitut à l’Amitié, ont été de courte durée et maintenant qu’il est hors service, les malades du cancer sont menacés de mort.

25 000 malades et blessées en attente
Hadil a reçu une autorisation pour un traitement à l’étranger depuis octobre dernier mais elle n’a pas pu voyager en raison des restrictions israéliennes sur le passage de Karam Abou Salem que l’occupation israélienne utilise pourtant à titre exceptionnel pour que les personnes gravement malades puissent quitter Gaza et ce, en remplacement du passage terrestre de Rafah.
Hadil fait partie des quelque 25 000 personnes malades et blessées figurant sur les listes d’attente pour être soignés à l’étranger. Elle dit que son traitement n’est pas disponible dans la bande de Gaza. Elle survit grâce aux analgésiques qu’elle reçoit de l’hôpital européen de Gaza mais elle ne sait pas ce qu’elle va faire maintenant que l’hôpital est fermé. Le traitement n’est pas disponible dans les quelques pharmacies encore en activité dans l’enclave palestinienne et en plus, elle n’a pas les moyens financiers de l’acheter même s’il devient disponible.
L’hôpital européen était le dernier espoir de vie pour Mona Agha alors qu’elle attendait l’opportunité de voyager à l’étranger pour se faire soigner d’un cancer de l’estomac, diagnostiqué cinq mois plus tôt et qui s’était propagé dans tout son corps.
Épuisée, Mona qui est âgée de 30 ans est allongée sur un lit du service de médecine interne du complexe médical Nasser depuis que des ambulances l’ont transportée avec d’autres malades de l’hôpital européen de Gaza dont l’administration avait décidé son évacuation après son bombardement.
Articulant très difficilement et parvenant à peine à parler car essoufflée, Agha confie à Al Jazeera Net : «La situation ici est très mauvaise. Hier, j’avais l’impression de mourir en attendant les analgésiques pour soulager cette douleur intense».
En l’absence de centre d’oncologie au Complexe Nasser, Ali Hamed âgé de 37 ans s’inquiète pour sa femme Mona en raison du manque de traitement et de soins. Il a déclaré à Al Jazeera Net : «À l’hôpital européen, il existe un centre d’oncologie spécialisé et malgré la guerre et le siège, les soins et les services médicaux sont bien meilleurs pour les patients atteints de cancer».
Mona est mère de quatre enfants et vit dans une tente érigée sur les décombres de sa maison détruite dans la ville de Bani Suhaila, à l’est de Khan Yunis. Elle dit être profondément inquiète pour elle-même et ses enfants si l’hôpital européen reste hors service pendant une période prolongée et que les soins médicaux qu’elle y a reçus au centre d’oncologie sont interrompus.
Tahani Abu Mustafa, 38 ans, se trouve sur un lit voisin dans un état d’épuisement extrême à cause d’un cancer de l’abdomen qu’elle a découvert après la mort de son mari lors de la première année de la guerre. Supportant la douleur extrême, Tahani Abu Mustafa a indiqué à Al Jazeera Net qu’elle était profondément inquiète de ce qui arriverait à ses six enfants si elle mourait. Elle a ajouté que son anxiété s’était accrue après que l’hôpital européen de Gaza ait été mis hors service et que le traitement dont elle avait besoin n’était plus disponible ailleurs dans la bande de Gaza.

Augmentation significative des décès par cancer
Tarek Al-Mahrouq, directeur des soins infirmiers au Centre de cancérologie de Gaza, relevant du ministère de la Santé, affirme que des milliers de patients atteints de cancer et de tumeurs sont en réel danger après que l’occupation a ciblé l’hôpital européen de Gaza causant des dommages importants à ses infrastructures et à ses services, le forçant à cesser ses activités.
Al-Mahrouq a déclaré à Al Jazeera Net que le transfert forcé de ces patients vers le complexe médical Nasser représente un risque réel pour leur vie car l’établissement n’est pas qualifié pour traiter le cancer et les tumeurs.
Le responsable de la santé note qu’il y a eu récemment une augmentation significative des décès par cancer en raison des restrictions israéliennes sur l’importation de médicaments et de fournitures médicales.
Il a déclaré que 10 000 personnes atteintes de cancer étaient traitées à l’hôpital de l’Amitié avant qu’il ne soit détruit et qu’il cesse complètement ses activités. Le sort des malades est incertain car il n’existe actuellement aucun établissement médical fournissant les services et les soins nécessaires dans toute la bande de Gaza.
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