Le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, chargé de la Transition énergétique, Wael Chouchane, a effectué, dimanche 1er décembre, une visite dans le gouvernorat de Kairouan où il a pris connaissance de l’état d’avancement du projet de construction de la centrale solaire photovoltaïque de la région.
Le projet, situé à El-Moutbasta, dans la délégation de Kairouan-nord, constitue l’un des cinq projets attribués en 2019 par le gouvernement dans le cadre de la première phase du programme de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable. Laquelle phase concerne l’installation de 500 mégawatts à partir de l’énergie solaire photovoltaïque sur des sites à Sidi Bouzid (50 mégawatts), Tozeur (50 mégawatts), Kairouan (100 mégawatts), Gafsa (100 mégawatts) et Tataouine (200 mégawatts).
M. Chouchane a, à cette occasion, mis l’accent sur l’importance de cette centrale et de sa contribution, une fois entrée en exploitation, à la réduction du coût de l’énergie et à la réalisation des objectifs nationaux de transition énergétique. Tout en insistant sur l’impératif de respecter le calendrier fixé pour l’achèvement des travaux.
Pour sa part, Donia Mejri, représentante d’AMEA Power, l’entreprise émiratie en charge du projet, a souligné l’engagement sociétal de l’entreprise, annonçant l’intention de réaliser des projets de développement au profit des zones environnantes, tels que l’installation de panneaux solaires dans les écoles et les centres de santé de base et l’achat d’équipements médicaux.
A Tataouine, l’une des villes les plus ensoleillées de la Tunisie, se passer de la climatisation en été, n’est plus possible, affirme Maroua Khaldi, jeune femme habitant au cœur de cette ville. Pour réduire la facture d’électricité, qui s’élève parfois à plus de 1 000 dinars par trimestre et grève leur budget, Maroua et son époux Achraf Chibani ont opté pour l’énergie solaire. (Photo: Centrale solaire El Gardhab à Tataouine).
Le couple a installé huit panneaux solaires, d’une capacité de 500 watts chacun, pour une capacité totale de 4 000 watts, sur le toit de leur maison.
«L’idée était que tout le monde bénéficie d’une électricité abordable et d’une énergie propre. C’était, à vrai dire, l’idée de ma femme, que j’ai suivie, car je suis naturellement écologiste et je me soucie beaucoup de l’environnement», explique Achraf, ravi du résultat.
«Notre facture d’électricité a remarquablement baissé. Nous payons désormais, environ 160 dinars par mois et nous bénéficions d’une climatisation continue tout au long de l’été sans soucis ni remords. Nous avons même un excédent d’électricité solaire, calculé et compté par la Steg comme une ‘‘épargne solaire’’», raconte encore Achraf.
Une majorité de Tunisiens sont, encore, réticents à passer au solaire, alors que le pays regorge de ressources renouvelables et dispose d’une moyenne de 3 000 heures d’ensoleillement par an. Aussi, l’État n’a cessé d’encourager le déploiement des énergies renouvelables, à travers des subventions et des incitations via le Fonds de transition énergétique.
La dernière mesure d’incitation était le Décret 86, du 2 février 2023, fixant les règles d’organisation, de fonctionnement et les modalités d’intervention du Fonds de la transition énergétique (FTE).
Faire face au coût élevé de l’électricité
Toutefois, selon Zouhair Landoulsi, consultant dans les secteurs de la réfrigération, de la climatisation et des pompes à chaleur, «l’utilisation de l’énergie solaire pourrait passer, dans la conjoncture de changement climatique, d’une option à une nécessité urgente à l’avenir pour répondre aux besoins énergétiques des citoyens et des secteurs économiques, ainsi que pour faire face au coût élevé de l’électricité, principalement dû à la climatisation.»
«Refroidir l’air dans les maisons et les lieux de travail n’est plus un luxe, mais une nécessité, car les vagues de chaleur sont de plus en plus longues et puissantes en raison du changement climatique», a-t-il ajouté.
Selon le consultant, les climatiseurs, dont le nombre en Tunisie est estimé en 2023, à 2 millions, consomment 70% de l’électricité en été, ce qui en fait les appareils les plus énergivores pendant les saisons chaudes.
«Je pense qu’étant donné les vagues de chaleur à venir et en raison du changement climatique, qui a altéré le concept traditionnel des quatre saisons et réduit leur nombre à seulement deux dans certaines parties du monde, l’utilisation des climatiseurs va doubler et la consommation d’électricité va également augmenter, dans ce cas, l’énergie solaire est la solution idéale», explique Landoulsi.
Mais, cette solution reste, d’après lui, plus valable pendant le jour et pas la nuit, en l’absence de technologies de stockage d’énergie en Tunisie et vu leur coût très élevé à l’heure actuelle.
«Le principal obstacle à l’utilisation intensive de l’énergie solaire est le coût des panneaux solaires et le délai de raccordement au réseau», a encore déclaré Landoulsi, recommandant de réduire ce coût et d’accélérer les procédures d’installation et de mise en service, afin d’encourager les citoyens à profiter de cette énergie propre et de la déployer massivement en Tunisie.
Pour ce qui du point de vue des installateurs de panneaux solaires, Farouk Boufalgha, ingénieur et propriétaire d’une entreprise dans ce domaine, à Tataouine, estime «qu’il y a généralement une progression dans l’adoption de l’énergie solaire». «Nos clients appartiennent aux secteurs résidentiel, commercial, industriel ou de services. Il s’agit, aussi, des agriculteurs qui utilisent, les pompes à eau pour l’irrigation dans les zones rurales», ajoute-t-il.
«L’intérêt pour l’énergie solaire augmente, car la consommation des gens a progressé en raison des longues périodes de chaleur, les climatiseurs fonctionnant pratiquement de la fin mai à la fin septembre», explique Boufalgha.
Le jeune installateur de panneaux photovoltaïque, estime que «le pourcentage de connexion à l’énergie solaire à Tataouine est assez bon, bien qu’il ne s’agisse pas d’une région industrialisée».
L’énergie solaire en milieu rural
À 300 kilomètres de Tataouine, dans le centre-est de la Tunisie, l’énergie solaire est une solution pour les personnes qui ne sont pas raccordées au réseau électrique dans les zones rurales, en particulier celles qui exercent dans l’agriculture.
Mohamed Bougharra, agriculteur dans la localité de Chorbene à Mahdia, a sauvé son activité d’élevage bovin grâce à l’énergie solaire. L’électricité produite par les panneaux solaires qu’il exploite, sert à refroidir ses cuves de collecte de lait.
«Je possédais plus d’une cinquantaine de vaches laitières et j’étais sur le point de les perdre toutes. Le lait que je vends était ma principale source de revenu. Mais à cause de la sécheresse et de la pénurie de fourrages, j’étais contraint de vendre la plupart d’entre elles», raconte Mohamed.
Comme beaucoup d’autres petits éleveurs de la région, Bougharra était sur le point de devenir chômeur, d’autant plus qu’aucune activité industrielle ou économique n’existe dans la zone rurale où il habite. Aidé par les autorités régionales, il a pu bénéficier de l’énergie solaire dans le cadre de l’Initiative régionale pour le déploiement d’applications d’énergies renouvelables à petite échelle dans les zones rurales de la région arabe (Regend), mis en œuvre en Tunisie en partenariat avec l’Agence nationale de la maitrise de l’énergie (ANME). Il s’agit de l’installation de panneaux solaires qu’il utilise pour préserver et refroidir les cuves de stockage de lait. «C’est une bouée de sauvetage pour ma famille et pour les six vaches restantes dans mon étable», se félicite le quinquagénaire.
Aujourd’hui, cet agriculteur continue à travailler dans la collecte de lait auprès des producteurs de sa région et à les acheminer vers le centre de collecte de lait de Mahdia.
Mohamed utilise, également, l’énergie solaire pour alimenter un moteur qui pompe l’eau d’un puits situé sur sa propriété, ce qui lui permet d’éviter des factures d’électricité exorbitantes. L’eau du puits est destinée à irriguer une petite parcelle de terre où poussent plusieurs oliviers, qui ont également souffert de la sécheresse et auraient été perdus sans cette installation de pompage.
Fathia Bougatif, une autre agricultrice de la région, a, aussi, bénéficié de cette initiative et a pu étendre ses activités agricoles sur huit hectares de terres, où elle a pu installer un système de pompage d’eau solaire photovoltaïque de 4,5 kW. Ce système lui a permis de diversifier ses cultures et d’assurer, ainsi, un revenu stable tout au long de l’année.
En Tunisie, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est encore très modeste et ne dépasse pas 4%, par rapport au gaz, qui demeure la principale source de production d’électricité (97%). Le pays ambitionne, toutefois, de porter cette part à 35% au lieu de 30% en 2030. Objectif trop ambitieux qu’il aura du mal à atteindre compte tenu de la lente évolution du secteur et des résistances qui demeurent.