Gaza | Quand la France oublie ses principes
Pour les droits d’un seul homme, la France est capable de mobiliser toute sa puissance diplomatique, quitte à mettre en péril ses relations politiques, économiques et financières avec n’importe quel pays. Ce qui est louable en soi car les principes et les valeurs ne se négocient pas. Cependant, cette même France, face à la souffrance de millions d’êtres humains, demeure parfois étrangement passive.
Khémais Gharbi

Le dernier exemple en date est celui du drame qui se joue à Gaza et en Cisjordanie : plus de 60 000 morts, principalement des enfants, des femmes, des personnes âgées et des civils. Plus de 100 000 blessés, amputés, mutilés, exclus à jamais d’une vie normale. Et pourtant, la France ne réagit pas, ou si peu. Comme l’a fait le président Macron qui a appelé, mercredi, à la cessation immédiate des «hostilités» (sic !) en prévenant qu’il n’y aurait «pas de solution militaire» possible dans le territoire palestinien, sans condamner clairement les crimes perpétrés par Israël à Gaza et en Cisjordanie.
La diplomatie française se limite à un service minimum, bien loin de l’exigence morale que l’on attend du pays de la Déclaration des droits de l’homme. Comme frappée d’une étrange paralysie, elle semble avoir renoncé à cette voix qui, jadis, portait haut les principes du droit international et de la justice universelle.
Le legs de Mitterrand, Chirac et Villepin
Les exemples d’un passé pas si lointain sont pourtant là pour lui rappeler son rôle et sa responsabilité. Comment oublier l’intervention mémorable de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité de l’Onu, s’opposant avec éloquence à l’invasion américaine de l’Irak? Ce moment d’histoire a alors placé la France en leader moral, et aujourd’hui encore, elle en recueille le respect et les bénéfices. Il a montré qu’une nation peut choisir la voie de la raison face aux passions guerrières.
Comment ne pas se souvenir des paroles de Jacques Chirac à Jérusalem, défendant avec fermeté le droit des Palestiniens à s’exprimer et à venir à sa rencontre? Ce jour-là, il n’était pas seulement un chef d’État, mais le porte-voix du pays des droits de l’Homme, rappelant que la dignité humaine ne connaît ni frontières ni conditions.
Et que dire enfin de la comparaison poignante de François Mitterrand entre l’un des nombreux massacres en Palestine et celui d’Oradour-sur-Glane? Par ces mots, il affirmait que l’horreur n’a ni époque ni géographie, et que la mémoire collective doit éclairer l’action politique. Chaque perte humaine est un appel à l’empathie et à la justice.
Un héritage à réhabiliter
C’est de tels hommes d’État dont la France aurait aujourd’hui besoin. Des dirigeants dotés de courage, de lucidité et d’une vision historique. Mais pour entrer dans l’Histoire ou, mieux encore, pour la construire, il ne suffit pas d’en avoir l’ambition. Il faut la force morale et les valeurs qui l’accompagnent.
Aujourd’hui, ces vertus font cruellement défaut. Pourtant, la politique ne devrait pas être uniquement guidée par des intérêts stratégiques immédiats, mais aussi par des principes intangibles, par la capacité d’écouter les souffrances des opprimés et d’y répondre avec détermination. La France a, entre ses mains, le pouvoir de capter l’attention du monde et de donner un sens à la part lumineuse de son héritage.
Le moment est venu pour elle de prouver qu’elle est, et doit rester, le pays des droits de l’Homme. Non pas en paroles, mais en actes. Car c’est dans l’épreuve que se révèlent les véritables valeurs d’une nation, et c’est dans leur fidélité qu’elle écrit l’Histoire.
* Ecrivain et traducteur.
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