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CIFF 2025 – « Chopin, Chopin ! » de Michał Kwieciński – la fin d’un monde

20. November 2025 um 09:07

Présenté en hors compétition lors de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), dans la section « Projections spéciales », Chopin, Chopin ! de Michał Kwieciński est un film d’époque d’une facture somptueuse, mais dont la beauté visuelle ne cherche jamais à flatter : elle sert, au contraire, à rendre sensible l’épuisement d’un monde. À travers la figure du compositeur polonais, le cinéaste filme une société à la veille de sa disparition, celle des salons parisiens, des rituels aristocratiques et d’un ordre social sur le point de vaciller.

Le film n’a rien d’un biopic traditionnel. Kwieciński refuse la chronologie et la narration linéaire : Chopin, Chopin ! est fait de fragments, de moments suspendus, de scènes d’intimité et de concerts mondains, où la musique devient à la fois langage et refuge. Ce choix, risqué mais cohérent, construit un portrait sensible d’un homme usé, conscient que son art survivra à son corps. Dans le rôle principal, Eryk Kulm incarne un Chopin fragile, presque effacé, à la fois présent et déjà absent. Sa performance, toute en retenue, repose sur le souffle, les silences, la lenteur du geste, et refuse l’emphase attendue d’un personnage mythique.

L’histoire nous plonge dans le Paris du XIXᵉ siècle : Chopin, figure incontournable des nuits parisiennes, est adulé et admiré, le compositeur romantique par excellence. Mais la maladie avance, ses poumons saignent, et il sait que ses jours sont comptés. Composer devient pour lui à la fois refuge et ultime acte de défi, tandis que la société autour de lui continue de briller, superficielle et insouciante.

La reconstitution visuelle, signée par des artisans polonais de premier plan, est l’une des grandes réussites du film. Les décors, les costumes, les chandeliers, les instruments : tout semble avoir été filmé à la lueur d’une vérité retrouvée. Mais cette lumière n’est jamais célébration. Elle éclaire la fatigue, les visages, les ombres qui s’allongent sur les murs. La clarté des scènes publiques — les salons, les concerts, les soirées mondaines — souligne d’autant mieux la nuit qui s’avance, celle de la maladie, de la solitude et de la fin d’une époque.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la fin d’un monde. Le film se déroule dans une France d’après-révolution, où l’aristocratie tente de sauver les apparences d’une grandeur passée. L’Histoire est là, en arrière-plan, non comme un événement qu’on raconte, mais comme une menace silencieuse, un changement inévitable que les personnages refusent encore de nommer. La Révolution française, sans jamais être montrée, plane comme une ombre sur cette société qui continue de danser, de jouer, de composer, tout en sentant que le sol se dérobe sous ses pas.

Kwieciński n’illustre pas les faits : il les fait résonner. Il choisit d’observer les signes du basculement dans le détail — un regard, une toux, un geste trop lent — plutôt que dans la grande fresque historique. Ce refus du spectaculaire peut dérouter, mais c’est là que réside la force du film : Chopin, Chopin ! raconte la fin d’un monde par la lente extinction d’un homme. Et, inversement, la disparition du compositeur devient l’allégorie de celle d’une civilisation.

Kwieciński explore avec une sobriété remarquable la tension entre génie et fragilité. Chopin n’est jamais idéalisé : il est montré comme un homme en lutte contre son propre corps, mais surtout contre le temps qui lui échappe. Cette conscience aiguë de la fin irrigue le film tout entier, jusque dans sa manière d’aborder la création.

Le film revient à plusieurs reprises sur ces partitions inédites que Chopin composait, des œuvres audacieuses et avant-gardistes dont il parlait avec Franz Liszt, admiratif mais inquiet qu’elles ne soient pas comprises. À la fin, alité, Chopin demande qu’on les brûle. Les pages livrées aux flammes scellent ce renoncement : non par vanité, mais par lucidité. Kwieciński filme cet instant sans pathos, comme le dernier acte d’un artiste qui préfère effacer plutôt que voir son œuvre trahie.

Ce geste, ultime, condense le sens du film : une méditation sur la mémoire et sur la responsabilité de l’artiste face à son propre héritage. Chopin, conscient de ce que la postérité transforme, choisit le silence comme vérité ultime.

CIFF 2025 
Chopin Chopin

La musique, évidemment, traverse le film comme une matière vivante. Les morceaux de Chopin — mazurkas, nocturnes, préludes — ne servent pas de simple illustration : ils deviennent le fil dramatique lui-même. La caméra s’attarde sur les doigts, les respirations, les silences entre les notes. On sent la maladie, la toux, l’effort que demande chaque accord. Le pianiste et le cinéaste travaillent main dans la main pour transformer l’épuisement physique en mouvement esthétique.

Mais la musique n’est pas seule. Kwieciński inscrit Chopin dans un environnement social qui s’effrite : le vernis des conversations, la fausse légèreté des salons, la manière dont on applaudit sans écouter vraiment. Le film montre ce monde comme une scène de théâtre où chacun s’accroche à un rôle devenu vide. Chopin, en cela, n’est pas seulement un malade : il est le témoin impuissant d’une époque qui se meurt sans oser se l’avouer.

Visuellement, Chopin, Chopin ! déploie une photographie de clair-obscur qui évoque parfois Rembrandt ou Caravaggio. La lumière semble filtrée à travers la maladie elle-même : elle vacille, tremble, s’éteint avec le souffle du pianiste. L’esthétique du film épouse littéralement la respiration du corps filmé. Kwieciński, déjà connu pour ses productions soignées, confirme ici une maîtrise rare du rythme visuel.

Si le film divise, c’est précisément parce qu’il refuse la grandiloquence. Michał Kwieciński ne cède jamais à la tentation du pathos ni à l’image romantique d’un Chopin martyrisé par la maladie. Il choisit au contraire une mise en scène d’une grande pudeur, presque austère, qui rend le personnage d’autant plus humain. Cette distance émotionnelle, loin d’un simple effet de style, fait partie du projet : montrer un artiste confronté à sa propre disparition, dans une tension constante entre la fragilité du corps et la permanence de la musique.

Le film n’est donc pas un récit, mais une méditation. Il s’interroge sur ce que signifie « laisser une trace », sur la responsabilité de l’artiste face à son époque. En filmant un compositeur qui s’éteint pendant que le monde autour de lui s’accroche à des illusions, Kwieciński construit une réflexion plus large sur la disparition, la mémoire et la beauté. Chopin, Chopin ! ne cherche pas à faire revivre le passé ; il cherche à comprendre comment il s’efface.

À la fin, alors que la musique se tait, le silence n’est pas absence mais continuation. La lumière, une dernière fois, envahit le cadre avant de s’éteindre. Ce n’est pas une fin, mais une suspension. Comme si le film, à l’image du compositeur, retenait son dernier souffle avant de disparaître — et, ce faisant, de durer.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – « Contenus arabes : traverser les frontières, partager nos récits »

21. November 2025 um 08:19


Dans le cadre de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), qui se tient du 12 au 21 novembre 2025, un panel intitulé Arab-Led Content: Crossing Borders, Sharing Stories — « Contenus arabes : traverser les frontières, partager nos récits » — a réuni quatre personnalités dont les parcours, très différents mais profondément complémentaires, ont permis d’ouvrir une réflexion précise : comment les récits arabes peuvent-ils franchir les frontières, circuler au-delà de leur région d’origine et trouver leur place dans le paysage mondial ?

La discussion a réuni Mohamed Hefzy, scénariste avec plus de quarante scénarios à son actif, mais aussi producteur incontournable du cinéma arabe contemporain. Son regard croise l’écriture, la production, l’analyse de l’industrie et une connaissance intime des réseaux internationaux, renforcée par ses quatre années de présidence du CIFF, qui lui ont donné une vision unique de la circulation des œuvres arabes et du rôle des festivals dans leur visibilité.

À ses côtés se trouvait Shahinaz El Akkad, fondatrice de Lagoonie Film Production en Égypte, société devenue en quelques années un acteur central de la production arabe. Elle a accompagné de nombreux films — indépendants, commerciaux ou d’auteur — et se distingue par un engagement constant en faveur d’un cinéma professionnel, structuré et solidement enraciné dans les réalités du pays.

Le panel accueillait également Ola Salama, figure essentielle du cinéma palestinien et directrice de Lab Palestine, un espace qui soutient les jeunes cinéastes palestiniens, encourage la création, accompagne les auteurs et tente d’offrir un minimum de structure à une production qui évolue dans des conditions extrêmement difficiles.

Enfin, Rasha Al Emam, productrice saoudienne forte de vingt années d’expérience, représentait une industrie en pleine transformation. L’Arabie saoudite, dont le premier film sélectionné à Cannes ne date que de 2024, connaît une croissance rapide soutenue par l’État. Elle incarne cette nouvelle génération de productrices qui structurent un secteur jeune, dynamique et ambitieux.

Modéré par Mohamed Nabil, ce panel a donné lieu à une conversation dense et vivante sur la manière dont les récits arabes peuvent franchir les frontières et rencontrer des publics étrangers.

CIFF 2025
Cinéma arabe

À partir de cette présentation, la discussion a rapidement pris de l’ampleur lorsque Mohamed Hefzy a été interrogé sur la relation entre les films arabes et les festivals internationaux, ainsi que sur l’importance réelle de ces derniers dans la vie d’un film.

Il a répondu que les cinéastes arabes aspirent bien sûr à voir leurs films voyager, mais que toute ambition internationale doit commencer par un ancrage local solide. Un film ne peut toucher le monde que s’il raconte sincèrement une histoire enracinée dans son pays, sa culture, son vécu. S’il cherche à plaire d’abord aux étrangers, s’il dénature son identité, il perd toute authenticité — et un film artificiel ne peut pas voyager.

Il insiste : les festivals jouent un rôle décisif, mais ils ne doivent jamais être le moteur d’un projet. Un film indépendant — dans le sens le plus pur du terme, c’est-à-dire un film réalisé dans une liberté complète, tant sur le sujet que sur la manière de raconter — doit d’abord exister pour son public local, répondre aux conditions de distribution de son pays. Les festivals interviennent ensuite, comme une plateforme, non comme un objectif.

Cette position a été immédiatement confirmée par Shahinaz El Akkad. Elle partage la conviction profonde que les récits arabes ne peuvent toucher un public international que s’ils sont ancrés dans une histoire locale, dans une manière de vivre, dans une culture précisément décrite. Lorsque l’histoire est authentique, elle intéresse le monde entier.

Elle souligne par ailleurs que les films arabes ont déjà franchi les frontières : ils circulent, ils sont vus, ils sont reconnus. L’enjeu aujourd’hui n’est plus d’atteindre l’international, mais de renforcer cette dynamique.

C’est précisément cette idée d’authenticité que j’avais développée il y a quelques années dans un article publié ici même sur Webdo.tn, « Le cinéma arabe à la conquête du public européen ? ». J’y expliquais déjà que l’universalité ne naît jamais d’une volonté d’être “international”, mais d’un ancrage profond dans une réalité locale. Ce que dit un film du Caire, de Beyrouth, de Ramallah, de Tunis ou de Jeddah ne peut toucher un spectateur européen ou américain que s’il commence par toucher son propre public. Les propos de Mohamed Hefzy et de Shahinaz El Akkad s’inscrivent exactement dans cette perspective et confirment, par leur expérience, la pertinence de cette analyse.

La parole est ensuite revenue à Ola Salama, dont l’intervention a ouvert un regard essentiel sur la situation palestinienne. Elle a expliqué que le cinéma palestinien se bat contre des obstacles immenses : absence d’industrie, absence d’infrastructures, absence de financements, absence de stabilité. Et pourtant, malgré ces conditions extrêmes, de très nombreux jeunes auteurs tentent de faire des films. Ils ont des histoires, des idées, des scénarios, une énergie qui ne demande qu’à s’exprimer.

Lab Palestine essaye de les accompagner en offrant du matériel, des espaces de travail et un soutien à la production et à la postproduction. Mais très souvent, dès qu’un financement étranger intervient, les contraintes surgissent. Salama a donné un exemple direct : certains bailleurs exigent de supprimer le mot « martyre », pourtant central dans de nombreux récits palestiniens. Pour elle, cette imposition est inacceptable. Son rôle est de défendre la liberté des jeunes cinéastes, de leur permettre de raconter leurs histoires telles qu’elles sont, sans édulcorer, sans déformer.

Elle a ajouté un fait majeur : depuis le 7 octobre 2023, la demande mondiale pour les films palestiniens a littéralement explosé. Les spectateurs veulent voir le Palestinien, comprendre le Palestinien, entendre des récits palestiniens. Le public découvre la réalité de l’occupation, de la colonisation, du génocide et cherche à entendre une voix authentique, non filtrée.

Dans ce contexte, le festival Palestine Cinema Days, dont la 10ᵉ édition devait se tenir du 24 octobre au 1ᵉʳ novembre 2023, n’a pas pu avoir lieu. L’équipe du festival a alors fait un choix audacieux : transformer l’édition en un festival éclaté, organisé dans des dizaines de pays.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
– plus de cent projections en 2023 ;
– plus de quatre cents en 2024 ;
– plus de mille en 2025.

Le Japon, à lui seul, a demandé cent soixante projections. L’Allemagne, malgré une situation politique tendue, en a accueilli quarante et une. La circulation massive de ces films révèle un intérêt mondial sans précédent.

La parole est ensuite passée à Rasha Al Emam, qui a apporté la perspective d’un pays où l’industrie se structure à grande vitesse. Elle rappelle que l’Arabie saoudite, contrairement à la Palestine, ne manque pas de financements. L’État investit considérablement dans le cinéma, ce qui permet aux producteurs et aux réalisateurs de travailler dans des conditions matérielles favorables.

Mais cela ne signifie pas que les choses sont simples. L’industrie est jeune, encore en construction, et subit de nombreuses influences extérieures : celles des producteurs, des attentes commerciales, des sensibilités sociales. Ces influences peuvent générer des pressions ou des compromis. Pour elle, pourtant, l’essentiel rejoint ce qu’ont dit Hefzy et Akkad : un film ne peut réussir que s’il repose sur une identité claire et une sincérité absolue. Chercher à plaire à l’étranger revient à trahir l’œuvre.

Après ces interventions, le panel a pris une dimension plus analytique lorsque Mohamed Hefzy est revenu sur la distribution internationale.

Selon lui, il s’agit aujourd’hui de l’un des plus grands obstacles à la circulation des films arabes.

Les distributeurs internationaux prennent rarement des risques, sauf lorsqu’un film arabe a déjà remporté un grand succès en festival. Cette année pourtant, une dynamique nouvelle apparaît : trois films consacrés à la cause palestinienne, réalisés par trois femmes — La voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania, Palestine 36 d’Annemarie Jacir et Ce qu’il reste de nous de Cherien Dabis — ont été sélectionnés dans de grands festivals internationaux. Pour Hefzy, cette visibilité n’est pas symbolique : elle montre qu’un espace s’ouvre lorsque des films sincères, enracinés, traitent de sujets universels.

Par ailleurs, il n’est pas non plus aisé d’attirer les professionnels étrangers dans nos festivals arabes. Mohamed Hefzy raconte que lors de sa première année en tant que président du CIFF, lorsqu’il avait contacté Variety ou The Hollywood Reporter pour qu’ils couvrent le festival, leur première question fut : « Avez-vous des premières mondiales ? » Cette obsession de l’exclusivité dit beaucoup du fonctionnement des festivals internationaux : ce qui attire la presse n’est pas seulement la qualité d’un film, mais sa nouveauté.

Le public a ensuite été invité à intervenir, et un sujet crucial a émergé : la langue, les sous-titres et l’accessibilité.

Pour qu’un film puisse toucher un public étranger, il faut qu’il soit compréhensible. Les plateformes donnent l’illusion d’un accès mondial, mais dans les faits, très peu de films arabes sont correctement sous-titrés. La plupart des plateformes arabes proposent des sous-titres en arabe ou en anglais pour des œuvres étrangères, mais oublient souvent de sous-titrer en plusieurs langues leurs propres films et séries.

C’est un paradoxe qui empêche les œuvres arabes de voyager. À l’heure où les plateformes façonnent le rapport au cinéma, un film non sous-titré ou mal sous-titré n’existe tout simplement pas pour les spectateurs étrangers.

La discussion s’est ensuite tournée vers un exemple emblématique de cette difficulté : l’absence quasi totale des films arabes aux Oscars.

Mohamed Hefzy a expliqué que pour espérer une nomination, un film arabe doit remplir trois conditions presque impossibles :
– trouver un distributeur américain ;
– financer une campagne de promotion massive, pouvant atteindre des dizaines de millions de dollars ;
– avoir une première mondiale dans un très grand festival.

Chaque année, plus de quatre-vingt-dix films sont soumis rien que dans la catégorie du Meilleur Film International. Les votants ne peuvent pas tous les visionner. Ils regardent les films dont on parle, ceux qui sont promus — donc presque jamais les films arabes.

C’est injuste, dit-il, mais c’est la réalité.

Les coproductions deviennent alors un outil essentiel : elles apportent du financement, mais aussi un accès à des réseaux internationaux. Elles permettent aux films arabes de devenir visibles.

Puis le débat a abordé un sujet délicat : les contraintes imposées par certains partenaires étrangers et l’autocensure.

Pour certains films, des partenaires demandent des modifications — sur le fond ou sur la forme. Parfois aucune contrainte n’est imposée. Certains réalisateurs acceptent, d’autres refusent. Hefzy précise n’avoir jamais subi de pression directe. Mais il reconnaît que l’autocensure existe : par prudence, par stratégie, par anticipation commerciale, certains cinéastes adaptent eux-mêmes leur récit. Cette autocensure est parfois plus forte que les pressions extérieures.

Interrogée sur son rapport aux films consacrés aux femmes, Shahinaz El Akkad a rectifié immédiatement : elle ne choisit pas un film pour son sujet, mais pour ce qu’il lui plaît, pour ce qui la touche. Elle rappelle que les films qui remportent des prix sont ceux qui reposent sur une sincérité profonde, une authenticité totale.

Elle distingue également de manière très nette cinéma commercial et cinéma indépendant. Dans un film commercial, de nombreux avis interviennent : producteurs, distributeurs, acteurs, équipes marketing. Dans un film indépendant, au contraire, la décision repose sur le désir intime de l’auteur et du producteur. Elle insiste : dans son propre travail, elle choisit uniquement ce qui l’émeut.

Au terme de cette rencontre, une idée semble avoir traversé toutes les interventions, sans jamais être formulée comme un slogan : si les films arabes veulent franchir les frontières, ils doivent continuer à raconter ce qu’ils sont, d’où ils viennent et ce qui les habite. Rien ne voyage mieux qu’un récit sincère. Rien n’est plus universel qu’un ancrage assumé.

Mais cette conclusion, si elle paraît simple, ouvre en réalité un champ de questions beaucoup plus vaste. Car si les cinémas arabes doivent rester fidèles à eux-mêmes pour toucher le monde, comment s’adapteront-ils à un paysage où les plateformes redéfinissent la notion même de territoire ? Comment préserver cette authenticité dans un contexte où la circulation des œuvres dépend encore de financements extérieurs, de stratégies de distribution, de sous-titrages parfois insuffisants ? Et comment faire en sorte que cette demande internationale — notamment pour le cinéma palestinien — ne devienne pas une attente normative, une injonction à raconter certaines histoires au détriment d’autres ?

L’enjeu, désormais, n’est peut-être plus seulement de « traverser les frontières », mais de redessiner la manière dont ces frontières existent dans l’imaginaire mondial. Les films arabes peuvent raconter la complexité, la douceur, la violence, la mémoire, la joie, l’humour, la colère, tout ce qui tisse leurs sociétés de l’intérieur. Ils peuvent ouvrir des portes vers des mondes rarement vus, mais ils peuvent aussi se permettre de sortir des schémas attendus, de surprendre, d’explorer, de décaler le regard.

Peut-être est-ce là la prochaine étape : non plus seulement prouver que le cinéma arabe peut voyager, mais montrer qu’il peut le faire dans toute sa diversité, sans se conformer, sans s’auto-censurer, sans se limiter à ce que les programmateurs étrangers attendent de lui. Une question se pose alors : quelles histoires arabes n’avons-nous pas encore racontées, justement parce que nous pensions qu’elles n’intéresseraient personne hors de nos frontières ?

C’est peut-être à cet endroit — entre fidélité à soi-même et conquête de nouveaux espaces — que se joue aujourd’hui l’avenir des cinémas arabes.

Neïla Driss

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Gestern — 20. November 2025Haupt-Feeds

CIFF 2025 – « Round 13 », la douleur et la dignité

20. November 2025 um 11:38



À la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF 2025), Round 13 de Mohamed Ali Nahdi se présente au public dans la compétition « Horizons du Cinema Arabe », au cœur d’une section consacrée aux cinémas arabes contemporains. L’équipe du film, arrivée directement d’Estonie après sa première mondiale au Tallinn Black Nights Film Festival, accompagne cette œuvre profondément tunisienne dans son passage d’un grand rendez-vous européen à l’une des manifestations majeures du cinéma arabe.

Round 13 de Mohamed Ali Nahdi s’inscrit dans une double dynamique : celle d’un cinéma tunisien qui interroge sa propre réalité sociale, et celle d’un récit intime qui met en lumière la fragilité d’une famille confrontée à l’inimaginable. Réalisé par Mohamed Ali Nahdi, écrit par Sophia Haoues avec la participation du cinéaste, et interprété notamment par Helmi Dridi et Afef Ben Mahmoud, le film déroule un drame qui dépasse largement le cadre de la boxe pour donner corps à une histoire où les épreuves de la vie prennent l’allure d’un dernier round.

Le point de départ est simple et brutal. Kamel, ancien champion de boxe ayant abandonné les rings pour fonder une vie paisible avec sa femme Samia et leur fils Sabri, voit cette stabilité s’effondrer lorsque tous deux apprennent que leur enfant souffre d’une tumeur osseuse maligne, après ce qui semblait n’être qu’une chute anodine. Ce diagnostic fait basculer l’existence de la famille dans une succession de chocs et de bouleversements : la maladie grave d’un enfant, l’annonce de traitements lourds, la peur omniprésente de la mort, l’effondrement progressif du père qui sombre dans la colère et la perte de contrôle, la résistance obstinée de la mère qui s’accroche à l’espoir, et le courage silencieux du fils. Ces éléments structurent le premier axe majeur du film, celui d’un drame familial où chaque membre réagit différemment à la catastrophe, où la maladie devient un révélateur des forces et des fragilités de chacun.

Une des grandes qualités de Round 13 est précisément de ne pas tomber dans le mélodrame ni dans le pathos facile. Le film n’est pas conçu pour « faire pleurer dans les chaumières », il ne cherche pas l’émotion à tout prix, il est fait avant tout pour raconter et dénoncer. Bien sûr, on peut verser une larme, et même plusieurs, surtout lorsqu’on a déjà traversé une épreuve comparable : la maladie d’un enfant, surtout lorsqu’il est en très bas âge, et la menace de sa mort, restent parmi les drames humains les plus terribles que l’on puisse avoir à affronter. Accepter la mort éventuelle de son propre enfant est au-delà du supportable, et le film laisse affleurer cette horreur sans la souligner, sans l’exploiter, en la laissant simplement s’imposer au spectateur à travers les gestes, les regards, les silences.

Mais Round 13 ne se contente pas de raconter une histoire individuelle. Le film décrit une réalité tunisienne, celle que vivent chaque jour des familles issues de classes sociales défavorisées confrontées à la maladie grave d’un proche. Le choc de l’annonce, dans un pays où la perspective de traitements longs et coûteux provoque immédiatement une angoisse matérielle, se double d’une autre réalité tout aussi éprouvante : l’hôpital public ne remplit pas son rôle. Dans le film, les files d’attente interminables, les retards, les examens décalés, les prescriptions impossibles à obtenir et la lenteur générale du système occupent une place centrale. Les attentes y sont immenses, parfois désespérées, tandis que les prix pratiqués dans le secteur privé sont hors de portée pour une grande partie de la population. À cela s’ajoute la crise des médicaments, omniprésente dans la Tunisie contemporaine, où certains traitements indispensables sont introuvables, obligeant les familles à multiplier les démarches, à se tourner vers le marché noir et la contrebande ou à renoncer à une prise en charge optimale.

Cet ancrage social constitue le second grand axe du film, abordé de façon explicite, sans artifice ni détour. La maladie grave d’un enfant n’est pas seulement un drame familial ; elle est également un révélateur structurel. Le film montre comment la précarité se mêle à la détresse émotionnelle, comment l’impossibilité d’accéder à un traitement rapide ou complet accroît les tensions au sein du foyer, comment la fatigue, la peur et la pression matérielle déforment les relations entre les parents et l’enfant. Dans Round 13, les obstacles administratifs et médicaux ne sont pas des éléments secondaires : ils font partie intégrante du combat que mène cette famille, autant que le diagnostic lui-même.

Dans cette tempête, un détail qui n’en est pas un apparaît clairement : c’est la mère qui reste le pilier de la famille. Samia tient bon lorsque tout vacille autour d’elle, elle tient la maison, le fils, le mari, et elle continue d’avancer malgré la fatigue et la peur. Ce n’est pas un hasard : dans la société tunisienne, c’est très souvent la mère qui occupe ce rôle central, celle qui reste debout quoi qu’il arrive, celle sur qui l’on peut compter lorsque les épreuves s’accumulent. Le film en fait un clin d’œil appuyé sans jamais l’énoncer théoriquement : il suffit de la regarder, de la suivre, pour comprendre sur qui repose l’ossature du foyer.

Ce contexte explique la spirale dans laquelle plonge Kamel, dont la descente vers la colère et la violence est inscrite comme la conséquence d’un double effondrement : celui de son fils, et celui des institutions censées le protéger. Une altercation, provoquée par l’accumulation de tensions, conduit à son arrestation. Lorsqu’il sort de prison, le temps a passé, et le film s’oriente vers un « dernier round », un combat qui n’a plus lieu sur un ring mais dans l’intimité d’un foyer qui tente de se reconstruire malgré la maladie, la peur, le manque de moyens et l’usure des épreuves.

CIFF 2025 
Round 13

L’écriture cinématographique de Mohamed Ali Nahdi s’appuie sur sa propre trajectoire de réalisateur et d’acteur. Formé au Théâtre National Tunisien puis au Conservatoire Libre du Cinéma Français, il a élaboré au fil des années un regard particulièrement attentif aux émotions et aux trajectoires intimes. Round 13, son deuxième long métrage après Moez, prolonge cette approche en s’inscrivant dans la continuité d’un cinéma tunisien contemporain qui explore la réalité sociale du pays à travers des récits profondément humains. Le choix de traiter un sujet aussi lourd que la maladie infantile, mais en l’ancrant dans le quotidien des familles modestes, inscrit ce film dans une zone abordée avec une grande frontalité dans le cinéma tunisien.

Au-delà de sa construction narrative, le film doit aussi beaucoup à la qualité du jeu des acteurs. Helmi Dridi et Afef Ben Mahmoud incarnent avec justesse un couple pris dans une tourmente qui les dépasse, chacun réagissant selon ses propres forces et ses propres failles. Mais c’est surtout l’interprétation du jeune acteur, Hedi Ben Jabouria, qui marque durablement : son visage, son regard, sa posture disent la maladie avec une vérité bouleversante. Le maquillage, utilisé avec une grande précision, parvient à donner à l’enfant cette apparence affaiblie, délicate, cette lumière vacillante qui accompagne les corps souffrants, sans jamais tomber dans l’exagération ou l’effet artificiel. Un travail mesuré, équilibré, pensé pour que la maladie existe à l’écran avec sobriété et crédibilité, et pour que le spectateur saisisse la vulnérabilité extrême de cet enfant sans jamais sentir qu’on cherche à lui imposer une émotion.

La force de Round 13 tient peut-être à cela : même enraciné dans une réalité tunisienne précise, il touche quelque chose d’universel. La maladie d’un enfant, la peur de le perdre, ce vertige qui renverse toute logique et toute hiérarchie, sont des expériences qui traversent les pays, les langues, les classes sociales. Aucun système de santé, même le plus solide, n’annule la brutalité d’un tel choc. En montrant cette douleur dans un cadre tunisien, le film rappelle qu’elle pourrait surgir n’importe où, chez n’importe qui. Et peut-être que son véritable déplacement — de Tallinn au Caire, puis vers d’autres festivals au Maroc ou en Iran — réside précisément là : dans cette capacité à faire circuler une émotion qui ne connaît pas de frontière, et à poser une question qui atteint chacun de nous, au-delà des contextes et des cultures.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Le film indien « Homebound », entre fraternité et fracture sociale

19. November 2025 um 08:02

Sélectionné dans la section Special Screenings (projections spéciales) de la 46ᵉ édition du Festival International du Film du Caire (CIFF), qui se déroule du 12 au 21 novembre 2025, Homebound de Neeraj Ghaywan poursuit un parcours déjà prestigieux. Le film avait fait sa première mondiale au Festival de Cannes, le 21 mai 2025, dans la section Un Certain Regard, où il avait été accueilli par une ovation de neuf minutes. Malgré cet engouement, le jury cannois ne l’avait pas retenu à son palmarès, sans doute en raison de son ton mélodramatique, une sensibilité qui séduit rarement les jurys occidentaux. Aujourd’hui, cette œuvre hindi revient au Caire auréolée d’une reconnaissance croissante, puisqu’elle a également été choisie pour représenter l’Inde aux Oscars 2026 dans la catégorie du Meilleur film international.

Le film raconte l’histoire de deux amis d’enfance issus d’un petit village du nord de l’Inde qui rêvent d’obtenir un poste dans la police, symbole de la dignité qui leur a toujours été refusée. Mais, à mesure qu’ils se rapprochent de leur but, la précarité et le désespoir menacent le lien profond qui les unit.

Dix ans après Masaan, Homebound marque le retour de Neeraj Ghaywan avec une œuvre d’une rigueur rare, dépouillée de toute complaisance, où la matière sociale devient une fiction d’une grande intensité. Réalisé et coécrit par Ghaywan, produit par Dharma Productions (Karan Johar, Somen Mishra, Apoorva Mehta) et accompagné, aux étapes d’écriture et de montage, par Martin Scorsese en qualité de producteur exécutif, le film affirme d’emblée une ambition artistique et morale singulière.

Le récit se déploie en deux temps clairement distincts et de poids dramatique inégal. La première partie ancre la fiction dans le quotidien des deux protagonistes : Shoaib (le jeune musulman) et Chandan (le jeune dalit), amis d’enfance d’un village du nord de l’Inde, réunis par un même rêve banal et radical à la fois — intégrer la police pour sortir de la précarité et revendiquer une forme de dignité sociale. Cette séquence d’ouverture travaille la chair sociale du film : conversations sur la vie et l’avenir, répétition des humiliations ordinaires infligées par l’ordre social, petits échanges d’affection et de jalousie entre amis, scènes domestiques qui dévoilent les rapports de force au sein des familles et du village. Ghaywan prend le temps de montrer la mécanique quotidienne de la relégation — regards, refus implicites, opportunités manquées — pour établir la configuration sociale qui rendra ensuite tragique la seconde partie.

La deuxième partie bascule lorsque la pandémie de COVID-19 frappe : bloqués loin de chez eux, les deux jeunes hommes se voient contraints de reprendre la route avec des milliers d’autres travailleurs migrants. C’est alors que le film devient road-movie d’une lenteur implacable, une chronique d’épuisement et d’abandon institutionnel. Ghaywan, s’appuyant sur le matériau journalistique original (reportage de Basharat Peer, 2020, qui a inspiré le projet), convertit en fiction la marche des migrants vers les villages d’origine, rendant visible l’impact matériel du confinement — faim, soif, files interminables, refus administratifs, contrôles policiers, maladies non soignées. La caméra n’édulcore rien : plans fixes sur l’attente, gros plans sur des visages creusés, temps morts interminables qui traduisent l’usure. Par cette construction en deux actes, le film montre d’abord ce que ces hommes ont à perdre, puis ce que la société leur retire lorsqu’elle se replie sur elle-même en temps de crise.

CIFF 2025 
Homebound

Au-delà de la puissance dramatique du dispositif, Homebound impose une lecture sociologique précise : le racisme anti-musulman n’y est pas une séquence ponctuelle mais un fil systémique qui traverse la fiction. Shoaib, en tant que personnage musulman, subit des mises en doute répétées de sa parole, des refus d’assistance plus fréquents, une visibilité réduite des violences qu’il subit. Ghaywan ne dramatise pas l’islamophobie par de grandes démonstrations symboliques ; il la montre dans ses formes ordinaires — soupçons administratifs, petits commentaires, relégations silencieuses — et dans leurs conséquences concrètes quand l’État se désengage. Cette présence du racisme anti-musulman se conjugue, sur l’écran, à d’autres formes de stigmatisation : la religion devient facteur multiplieur d’obstacles face à la crise sanitaire. Plus qu’un thème supplémentaire, la religion structure des trajectoires distinctes au sein d’un même exode.

Parallèlement, le système de caste est traité avec la même acuité analytique : Chandan porte sur son corps et dans ses interactions la mémoire d’une assignation sociale. Le film montre la caste non pas comme un folklore sociologique mais comme une infrastructure active des rapports sociaux contemporains : accès au travail, à la dignité institutionnelle, réponse policière, et distribution des aides pendant la crise. Les humiliations publiques infligées à Chandan renvoient à une histoire de dévalorisation systémique dont les effets se mesurent au quotidien et dans la violence administrative qui s’exerce au moment du besoin. Ghaywan ne sépare pas caste et religion en compartiments hermétiques ; au contraire, il montre comment ces catégories se recoupent et réorganisent les vulnérabilités en temps de crise.

La relation entre Shoaib et Chandan est l’axe moral et émotionnel du film. Leur amitié est filmée sans idéalisation : la caméra saisit la solidarité faite de gestes minuscules — partage d’un repas, protection face à un agresseur, mots de réconfort — mais aussi les fractures qui apparaissent quand l’une des vies semble s’ouvrir à une opportunité et l’autre reste exclu. Ghaywan interroge, sans sermon, le prix de la mobilité individuelle : l’ascension proposée à l’un peut signifier l’érosion d’un lien de fraternité construit dans la survie. La question morale que pose le film est simple et terrible : que devient la solidarité quand la survie commande la trahison ? Les performances de Vishal Jethwa et d’Ishaan Khatter, saluées par la critique, donnent à ces dilemmes une réalité charnelle et évitent l’outrance pathétique.

Sur le plan formel, Ghaywan choisit une mise en scène sobre mais incisive : une photographie au plus près des visages, un montage qui laisse sentir la durée, une musique minimale qui évite l’emphase. Ce parti pris fonctionne parce qu’il épouse parfaitement le matériau du film : l’accumulation des petites violences crée, par addition, une intensité plus lourde que n’importe quel crescendo dramatique. Quelques scènes « éclat » — confrontations, humiliations publiques, moments de rupture — surgissent alors comme des points de bascule, faisant payer par l’émotion ce que la retenue avait préparé.

Enfin, Homebound s’affirme comme un document moral de son temps : loin de la dénonciation plate, le film propose une mise en regard des structures qui produisent la vulnérabilité et de la vie intérieure des personnages qui la subissent. En filmant la pandémie comme catalyseur d’exclusions préexistantes, Ghaywan invite à penser la crise non pas comme événement isolé mais comme une loupe qui révèle les hiérarchies déjà à l’œuvre. Le film laisse peu de place au confort du spectateur ; il exige une attention soutenue et une disposition à reconnaître l’injustice comme système et non comme aberration passagère.

Homebound n’est pas un film agréable à regarder au sens distrayant du terme ; il est nécessaire. Sa réussite tient à l’équilibre ténu entre précision documentaire, force d’empathie et exigence esthétique. En consacrant son attention aux petites humiliations qui font la condition des exclus, Neeraj Ghaywan construit une fable contemporaine — enracinée dans un fait réel et rendue puissante par l’attention aux détails — qui restera une référence pour penser l’impact humain du confinement et les recompositions sociales qu’il a révélées.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – « The Things You Kill », face au père et à soi-même

18. November 2025 um 09:00

Dans The Things You Kill (Turquie, Canada, France, Pologne | 2025 | 113 min), sélectionné en compétition internationale à la 46ᵉ édition du Festival International du Film du Caire (CIFF) et présenté par le Canada pour l’Oscar du Meilleur Film International, le réalisateur Alireza Khatami déploie une œuvre d’une densité émotionnelle rare, à la frontière du drame psychologique et du thriller existentiel. Connu pour Oblivion Verses, qui scrutait déjà les cicatrices de la mémoire collective, Alireza Khatami poursuit ici sa réflexion sur la filiation, la culpabilité et la transmission — mais cette fois dans un cadre plus resserré, centré sur son père, sa mère, une maison et un passé qui refait surface.

Ali, professeur de littérature qui s’est installé en Turquie après des années aux États-Unis, mène une vie apparemment paisible, entre ses cours à l’université et le jardin qu’il cultive avec soin. Il donne l’impression d’avoir tourné la page de son enfance, marquée par un père autoritaire et une mère silencieuse. Pourtant, lorsque celle-ci meurt dans des circonstances que l’on devine troubles, tout ce qu’il croyait révolu revient à la surface : le retour au foyer maternel s’ouvre sous le signe de l’étrangeté, de la tension contenue, et bientôt, la présence de Reza, jardinier mystérieux engagé par Ali, vient bouleverser cet équilibre friable. Reza n’est pas un simple employé ; il est le témoin, voire le double, dans lequel Ali commence à reconnaître les zones inexplorées de sa propre histoire.

Alireza Khatami structure son récit comme une lente descente vers la vérité. Le film avance par réminiscences délicates, par objets qui parlent de l’ombre, par gestes qui trahissent des non-dits. Chaque détail ramène Ali à sa relation avec sa mère, mais aussi à la figure paternelle qu’il rejette tout en portant son héritage. La tension centrale est là : entre tendresse et violence, entre le désir d’aimer et la peur de répéter les erreurs du passé.

La dimension du film s’approfondit encore lorsqu’on apprend qu’Ali, en pleine période de tentatives de paternité, engage sa propre responsabilité envers l’avenir. Ce désir de devenir père confère une charge symbolique à tout ce qu’il affronte : non seulement il s’agit de comprendre son passé, mais surtout d’empêcher qu’il ne se reproduise. À mesure qu’il s’approche de la vérité sur la mort de sa mère, il prend conscience du danger d’une transmission — non seulement biologique, mais psychique, affective, symbolique. Le film devient alors un dialogue entre les générations : ce père violent qu’il n’a pas su aimer, cette mère qu’il n’a pas pu sauver, et cet enfant qu’il s’apprête à accueillir dans un monde où la violence — qu’elle soit physique ou symbolique — est omniprésente.

CIFF 2025 
The things you kill

La vengeance, si l’on peut l’appeler ainsi, ne s’adresse pas à une personne précise mais vise un système de domination et de silence. Ali se confronte à la violence masculine, institutionnelle, enracinée dans la culture et qu’il découvre en lui-même. À travers ce parcours, Alireza Khatami interroge ce que signifie être un homme dans un monde où la force rime souvent avec brutalité, et où la sensibilité est perçue comme une faiblesse. L’enseignant cultivé, le fils aimant, le citoyen rationnel qu’est Ali découvre qu’il n’est pas indemne de la transmission de la violence. Ce qu’il “tue” ou tente de tuer, ce sont les réflexes d’un patriarcat vieux de plusieurs générations, les blessures infligées aux femmes de sa famille, la culpabilité de n’avoir pas su intervenir.

Visuellement, le film atteint une rigueur presque hypnotique. Alireza Khatami filme la maison familiale comme un espace mental : chaque pièce, chaque couloir porte un souvenir. La caméra s’attarde sur un geste simple, un silence lourd. Les lumières sont tamisées, la clarté filtrée comme si la vérité ne pouvait apparaître qu’en demi-teintes. La nature, omniprésente, devient l’écho du drame intérieur. Le jardin, cœur symbolique de l’œuvre, est devenu lieu de labeur mais aussi de renaissance : Ali y creuse la terre, y enterre ses peurs, et y tente peut-être une purification. Reza, dans ce contexte, n’est pas un simple aide-jardinier : il incarne une sagesse tacite, une lucidité que le héros peine à atteindre.

La force de The Things You Kill réside également dans sa capacité à articuler l’intime et le politique. Sans sombrer dans le manifeste, le film interroge comment la société façonne les comportements masculins et perpétue la violence invisible. Le décès de la mère devient déclencheur symbolique : il libère une parole longtemps contenue, mais révèle aussi l’immense difficulté à rompre avec des schémas hérités. Khatami ne moralise pas ; il observe, avec lenteur et précision, les contradictions d’un homme partagé entre l’amour et la honte, entre la mémoire et l’oubli.

L’interprétation d’Ekin Koç dans le rôle d’Ali est d’une sobriété poignante ; son regard, souvent fixe, exprime plus que ses mots. Il porte la culpabilité sourde, mais aussi une tendresse retenue. Face à lui, la présence de Erkan Kolçak Köstendil – incarnant Reza – confère à l’ensemble une dimension presque métaphysique : leurs échanges, parfois discrets, se muent en affrontements symboliques entre la conscience et le déni, entre la lucidité et l’obéissance. La mise en scène de Khatami, dépouillée mais minutieuse, donne à ces échanges une tension presque sacrée.

Au cours de ses derniers instants, le film transcende le simple réalisme. Les frontières entre réalité et mémoire se dissolvent. Ce que le spectateur voit n’est peut-être plus le monde extérieur mais le paysage mental d’un homme en quête de paix. The Things You Kill se transforme alors en méditation sur la responsabilité, sur la possibilité de se libérer sans renier ce que l’on a été. Le titre, chargé de sens multiples, suggère que ce que nous détruisons — en nous ou autour de nous — finit par nous définir.

Alireza Khatami signe ici un film d’une grande cohérence, à la fois sensoriel et cérébral, poétique et politique. Il filme la douleur comme apprentissage, la culpabilité comme passage obligé vers la lucidité. The Things You Kill est une œuvre exigeante, qui demande au spectateur de s’y immerger, de creuser avec Ali les couches silencieuses du non-dit. Et lorsqu’enfin la vérité se révèle, elle n’apporte ni apaisement ni rédemption, mais une conscience aiguë de ce que signifie vivre avec ce que l’on a “tué” — en soi, chez les autres, ou dans l’histoire.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Khaled El Nabawy, une conversation sur une vie d’acteur

17. November 2025 um 12:45

Le théâtre en plein air de l’Opéra du Caire était baigné d’une lumière douce, ce dimanche 16 novembre, lorsque Khaled El Nabawy est monté sur scène pour une rencontre avec le public, organisée dans le cadre des Cairo Industry Days. Quatre jours plus tôt, le Festival international du film du Caire (CIFF) lui avait remis le Prix Faten Hamama d’excellence, saluant un parcours devenu incontournable. Cette conversation, menée avec une attention bienveillante par le critique Zein Khairy, a offert quelque chose de rare : non pas une série de souvenirs, mais un regard intime sur la manière dont un acteur construit sa vie, son art, et même son rapport au monde.

Zein Khairy a choisi d’ouvrir la séance par un souvenir qui avait la délicatesse d’un effet miroir. Il raconte qu’il y a vingt-cinq ans, son père avait écrit un scénario et avait invité chez lui un jeune acteur qui débutait à peine. Lorsqu’on avait sonné à la porte, c’est lui, Zein, qui était allé ouvrir. L’acteur qui entrait ce jour-là, inconnu, timide, concentré, était le même homme qu’il accueillait aujourd’hui sur scène, devant un public venu l’écouter. La salle a souri, et la distance entre la star et l’enfant qu’il avait été s’est soudain réduite.

Une brève vidéo retraçant ses rôles a encore affiné ce moment suspendu, avant que Khaled ne prenne la parole.

Ce qu’il raconte en premier surprend par sa simplicité. Il n’a jamais rêvé de devenir acteur. Il cherchait seulement « un travail qui me plaise et qui me permette de gagner ma vie ». Son père voulait qu’il devienne médecin. Lorsqu’il s’est inscrit en agriculture, il n’était pas heureux ; son père l’était encore moins. Il passait ses journées à la cafétéria plus qu’en classe, jusqu’au jour où il a remarqué une porte sur laquelle était écrit « Théâtre ». Il l’a poussée. Le metteur en scène, ne voulant pas de spectateurs passifs, lui a demandé de lire un texte. Il a lu. On lui a confié le rôle principal. Il avait alors décidé de ne jamais revenir. Mais lorsque le metteur en scène l’a rappelé pour lui dire que son absence ferait de lui un élève en échec, il est retourné aux répétitions.

C’est lors de la première répétition qu’il a compris. Un espace s’était ouvert. Il se sentait à sa place. Sans le savoir, il venait de trouver son métier. Sa mère l’a immédiatement soutenu. Son père n’a accepté qu’après l’avoir vu sur scène, dans un rôle principal.

De ce début presque accidentel, Khaled a tiré une conviction : ce métier exige une discipline absolue. Il en parle souvent, mais ce jour-là, il en a donné la version la plus simple, la plus claire : un acteur n’a pas le droit d’être malade, ni en retard, ni distrait. Trop de gens dépendent de lui. Une équipe entière peut perdre une journée à cause d’un seul faux pas. L’acteur doit donc tenir debout, physiquement et moralement, même dans la fatigue ou le doute.

C’est ce qu’il a appris à l’institut, où ses professeurs lui répétaient qu’un rôle, même minime, s’inscrit toujours dans le mouvement d’un groupe. C’est aussi ce que lui ont transmis Mohamed Abdelaziz, qui lui a enseigné la discipline ; Salah Abou Seif, qui lui a dit qu’un film doit toujours dépasser le précédent ; et Abdelmonem Madbouly, son professeur de théâtre, dont il parle avec une tendresse presque filiale.

La rencontre a naturellement conduit au souvenir de Youssef Chahine. L’Émigré (1994), tourné alors qu’il était encore très jeune, est revenu plusieurs fois dans la conversation, comme un point de bascule. Zein l’a interrogé sur la fameuse scène où Ram court pour prévenir qu’il y a de l’eau. La caméra se trouvait dans une voiture ; Khaled courait à côté. Chahine avait demandé à ce qu’on attache l’acteur à la voiture par une corde, pour qu’ils avancent exactement à la même vitesse. « Si la voiture allait trop vite, je tombais » dit-il, sans dramatiser. Ce n’était pas une bravade : c’était la logique d’un metteur en scène exigeant.
Plus forte encore est la scène de l’incendie, qui n’apparaît à l’écran que quelques secondes. Sur le plateau, il a vu les techniciens travailler jusqu’à l’épuisement. Cela l’avait bouleversé. « Je me suis senti honteux », confie-t-il. C’est pour eux, et pour tous les invisibles du cinéma, qu’il a tenu à dédier son prix lors de la cérémonie d’ouverture.

C’est à ce moment que revient l’une des anecdotes les plus importantes de sa carrière : celle qui concerne Ines Deghidi. Avant que Chahine ne lui propose L’Émigré, Khaled avait déjà signé un contrat avec elle pour Disco Disco. Lorsque Chahine lui a annoncé qu’il avait besoin de lui et qu’il devait se rendre disponible pendant une année entière, Khaled en a parlé à Ines. Elle aurait pu lui demander de respecter son engagement. Elle aurait pu lui rappeler qu’un contrat est un contrat. Au lieu de cela, elle lui a répondu : « Cours vers Youssef Chahine, je te délie de ton contrat. » Il raconte ce moment avec une émotion intacte. « Je n’ose pas imaginer ce que ma carrière serait devenue si elle m’avait demandé de rester », dit-il. Cette phrase est lourde de sens : elle dit à la fois la loyauté d’Ines Deghidi, l’influence immense de Chahine, et la fragilité des trajectoires artistiques, qui tiennent parfois à un geste de générosité.

Dans cette conversation, une ligne s’est dessinée avec netteté : Khaled construit ses choix de rôles selon une éthique précise. Il refuse les personnages qui se ressemblent. C’est ce qui explique, dit-il, pourquoi il n’a tourné que vingt-cinq films en trente-cinq ans. Il préfère choisir peu, mais choisir juste.

Ce souci de précision et de vérité se retrouve aussi dans sa manière d’incarner les personnages arabes dans les productions internationales. Il raconte comment, dans un film étranger, une costumière voulait qu’il incarne un docteur irakien très mal habillé. Il avait refusé. « Un docteur peut n’avoir qu’une seule chemise, mais elle est propre. » Dans The Citizen, il avait insisté pour que son personnage libanais conserve son élégance.
Cette vigilance se prolongeait sur scène. Incarnant Sadate dans une pièce de théâtre aux États-Unis, il refusait certaines répliques, surtout lors des représentations destinées aux étudiants. Il ne voulait pas qu’ils se fassent une image déformée des Arabes. Il explique : « Nous ne sommes pas faibles. Nous sommes pacifiques, mais pas faibles. Nous avons une culture, et nous comprenons ce qui est devant nous. »

CIFF 2025
Khaled El Nabawy

Au milieu de ces échanges, plusieurs voix se sont levées pour témoigner. La réalisatrice Kamla Abu Zekri, avec qui il a travaillé sur Wahat El Ghouroub (2017), a pris la parole. Elle raconte avoir immédiatement pensé à lui en lisant le roman. Elle confesse avoir eu un peu peur au début : il avait travaillé avec les plus grands, surtout avec Youssef Chahine. Puis elle a découvert un artiste extraordinairement précis, à tel point que, le premier jour de tournage, il lui posait des questions sur la manière exacte de frapper à une porte ou d’entrer dans une pièce. Elle s’était dit : « comment va-t-on faire trente épisodes comme ça ? » Elle avait fini par lui dire, en riant, qu’il aurait droit à une question par épisode. Elle affirme avoir énormément appris de lui et conclut en disant qu’il aurait pu gagner davantage ou tourner plus, mais qu’il respecte toujours ses principes.

Le producteur Gaby Khoury a ajouté une note d’humour : « Il a parlé de tout le monde : les professeurs, les techniciens, les acteurs… mais pas un mot des producteurs ! »
Le journaliste Mahmoud Saad, lui, a raconté une projection privée de L’Émigré, en présence de Yousra et de Chahine. Il ne connaissait pas encore le jeune acteur assis à côté de Yousra, mais lorsque le visage de Ram est apparu à l’écran, il avait immédiatement compris.

Un moment très fort est revenu avec la critique Rim Chaker. Elle se souvenait de la projection de L’Émigré aux Journées cinématographiques de Carthage en 1994. Le public tunisien avait porté le jeune acteur sur les épaules. Elle s’était dit que ce succès brutal risquait de le perdre. Elle lui a demandé : « Comment as-tu survécu à ça ? » Khaled a souri. Il a remercié Tunis. Il a raconté que Chahine, en le voyant ainsi, avait dit à Gaby qu’il fallait lui réserver une chambre dans un asile psychiatrique, et que Gaby avait répondu : « pas une chambre, une suite ! »
Puis il a expliqué simplement que le succès ne lui est pas monté à la tête parce qu’il avait vu ceux qui l’avaient précédé. En plus, il voulait faire partie de cette histoire du cinéma, avec ceux d’avant lui et ceux qui viendraient après.

Son fils, l’acteur Nour El Nabawy, a apporté un éclairage précieux. Il dit que son père ne lui a jamais appris comment jouer, mais comment vivre. Ce qu’il aime chez lui, dit-il, c’est qu’il parle d’idées, jamais de personnes ou de futilités. Il affirme qu’il apprend encore aujourd’hui de lui.

Peu à peu, le portrait qui se dessinait sur scène dépassait celui d’un acteur à succès. C’était la trajectoire d’un homme qui, en entrant par hasard dans une salle de théâtre, a trouvé non pas un métier, mais une façon d’être au monde.
Lui-même résume cette manière en une phrase qu’il répète souvent : « Sois différent, même si tu dois rester seul. »
Lorsqu’il la prononce, ce n’est ni une morale ni une injonction. C’est un constat. C’est ainsi qu’il a choisi ses rôles, négocié ses contrats, défendu l’image des Arabes à l’écran, respecté les techniciens, appris des anciens, et transmis à son fils le sens de la vie avant celui du jeu.

Ce dimanche-là, au Caire, la rencontre n’a pas simplement célébré un acteur. Elle a révélé une cohérence intérieure : celle d’un homme qui a fait de la discipline une élégance, de la précision une éthique, et de la dignité une manière de marcher dans la lumière.

Neïla Driss

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JCC 2025 – « Palestine 36 » ouvrira l’édition 36

17. November 2025 um 22:42

Pour leur 36ᵉ édition, les JCC choisissent d’ouvrir sur un récit de mémoire et de résistance : Palestine 36, le nouveau long métrage de la réalisatrice palestinienne Annemarie Jacir.

Les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) ont annoncé que Palestine 36 ouvrira leur 36ᵉ édition, qui se déroulera du 13 au 20 décembre 2025. Créées en 1966, les JCC constituent le plus ancien festival de cinéma d’Afrique et du monde arabe, un espace fondateur pour les cinémas engagés et les voix indépendantes. Le choix de Palestine 36 en ouverture s’inscrit naturellement dans cette lignée, tant le film dialogue avec la mémoire, l’histoire et la résistance.

JCC 2025 Ouverture
Palestine 36

Présenté sous les thèmes de la mémoire, de l’identité et de la résistance, Palestine 36 donne le ton de cette édition à travers un récit profondément ancré dans l’histoire palestinienne. Le film suit Yusuf, un jeune homme partagé entre son village et Jérusalem en 1936, au moment où les soulèvements contre le mandat britannique prennent de l’ampleur. Entre aspirations à la liberté et bouleversements politiques, le film explore des destinées individuelles rattrapées par les forces de l’Histoire. Fidèle à la démarche d’Annemarie Jacir, la narration mêle regard intime et mémoire collective pour raconter une période décisive de la lutte palestinienne.

Cette ouverture prend une dimension supplémentaire cette année puisque Palestine 36 a été choisi par le ministère palestinien de la Culture comme candidat officiel aux Oscars 2026, dans la catégorie du Meilleur film international. Une reconnaissance importante, qui confère au film un rayonnement accru et souligne sa portée artistique et politique.

La présence de l’acteur tunisien Dhafer L’Abidine dans le film suscitera sans doute un écho particulier en Tunisie. Figure incontournable du paysage audiovisuel tunisien et arabe, acteur reconnu aussi bien dans les productions régionales que dans les projets internationaux, sa participation apporte une résonance affective pour le public tunisien.

JCC 2025 Ouverture
Palestine 36
JCC 2025 – Annemarie Jacir, réalisatrice de « Palestine 36 »

Autour de lui, le film rassemble Hiam Abbass, Kamel El Basha, Saleh Bakri, Yasmine Al-Massri, Jeremy Irons, Liam Cunningham, Robert Aramayo, Billy Howle, Jalal Altawil, Yafa Bakri et Karim Daoud Anaya, une distribution qui témoigne de la dimension internationale du projet.

« Découvrons ensemble l’art de la narration et des histoires vivaces et humaines », a déclaré le festival en annonçant cette ouverture. Une phrase qui résonne parfaitement avec l’esprit du film et avec celui des JCC, fidèles depuis près de soixante ans à un cinéma audacieux, sensible et ancré dans les réalités sociales et politiques des peuples.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Mohamed Abdelaziz, un demi-siècle de rires et de conscience sociale

17. November 2025 um 18:46

Figure centrale du cinéma égyptien depuis les années 1970, Mohamed Abdelaziz a bâti une œuvre profondément populaire sans jamais renoncer à une exigence artistique rigoureuse. Réalisateur de comédies devenues cultes, mais aussi enseignant et homme de théâtre, il occupe une place unique dans l’histoire du cinéma arabe : celle d’un artiste qui a su concilier succès populaire, responsabilité sociale et fidélité absolue à une vision éthique du métier. Cette longévité exceptionnelle, nourrie par une connaissance intime des différentes générations de cinéastes depuis plus de soixante ans, fait de lui un témoin précieux de l’évolution du cinéma égyptien moderne.

À l’occasion de la 46ᵉ édition du Festival International du Film du Caire (CIFF), qui se déroule du 12 au 21 novembre 2025, le festival lui a rendu hommage lors de la cérémonie d’ouverture en lui décernant la Pyramide d’Or pour l’ensemble de sa carrière. Le lendemain, une conversation approfondie a été organisée avec lui, modérée par le critique Osama Abdel Fattah, en présence d’un public nombreux et de plusieurs artistes venus célébrer son parcours. Ce moment a permis de retracer une trajectoire d’une richesse exceptionnelle et de mettre en lumière, à travers ses propres mots, ce qui constitue l’essence de son œuvre : une comédie sociale sérieuse, structurée, engagée, au service de la société.

L’émotion d’un hommage : un public inattendu et un parcours reconnu

Mohamed Abdelaziz commence par revenir sur l’émotion qui l’a traversé lorsque Hussein Fahmy, président du CIFF, l’a informé qu’il recevrait la Pyramide d’Or. Il dit connaître Hussein Fahmy depuis des dizaines d’années : ils ont tourné ensemble de nombreux films, dont certains ont rencontré un immense succès. Il décrit cette annonce comme un moment de bonheur pur.

Mais c’est surtout l’accueil du public lors de la cérémonie d’ouverture qui l’a profondément bouleversé. Il avoue avoir été « effrayé » par cette chaleur inattendue :
« Je ne pensais pas mériter un tel hommage », confie-t-il.

Cette réaction du public lui a donné le sentiment que son parcours — ses 67 films, ses 20 feuilletons et ses pièces de théâtre, dont 3 dans le secteur privé — « n’avait pas été vain ».

Il insiste également sur une dimension essentielle de sa carrière : la transmission. Il se décrit comme l’élève d’une génération prestigieuse dont il a hérité un patrimoine artistique qu’il considère comme un devoir de transmettre à son tour. Cet engagement accompagne toute sa vie professionnelle. Il mentionne aussi qu’un livre a été édité par le CIFF à cette occasion et sera distribué aux festivaliers.

Une vie consacrée au cinéma, au théâtre et à l’enseignement

Depuis 1964, Mohamed Abdelaziz travaille simultanément dans le cinéma, le théâtre et l’enseignement. Le modérateur Osama Abdel Fattah rappelle qu’il est considéré comme l’un des enseignants de cinéma les plus anciens au monde, ayant vu défiler des générations de réalisateurs, à commencer par Daoud Abdel Sayed, Khairy Beshara, jusqu’aux jeunes cinéastes d’aujourd’hui.

Mohamed Abdelaziz confirme cette continuité et souligne l’importance qu’il accorde à l’enseignement. Il évoque sa rencontre avec Hussein Fahmy à l’Institut Supérieur du Cinéma du Caire dans les années 1960, où leurs professeurs leur avaient « inculqué l’amour du cinéma ».

En riant, Hussein Fahmy a pris la parole juste pour expliquer qu’il avait enseigné pendant une douzaine d’années avant d’arrêter « parce qu’il n’avait pas la patience », tandis que Mohamed Abdelaziz, lui, n’a jamais cessé d’enseigner.

Mohamed Abdelaziz a continué en affirmant que l’enseignement constitue pour lui une forme de création : transmettre à des jeunes talents, les voir évoluer, les voir réussir, lui procure un sentiment de joie et d’accomplissement. Il exprime toutefois un regret sincère : « Les étudiants ne présentent un film comique comme projet de fin d’études que tous les vingt ans », dit-il. La comédie, selon lui, demande une maîtrise particulière que trop peu de jeunes cinéastes osent aborder.

Les débuts dans la tragédie

Avant de devenir l’un des maîtres de la comédie sociale, Mohamed Abdelaziz s’est d’abord orienté vers la tragédie. Diplômé de l’Institut Supérieur du Cinéma du Caire, formé par les grands, dont Salah Abou Seif et Hussein Kamal, il réalise ses deux premiers films dans un registre dramatique : Images interdites (1972) puis Une femme du Caire (1973).

Mais après ces deux films, il se retrouve pendant deux années sans travail. C’est alors que son ancien professeur, le Dr Hatchman, lui apporte un scénario de comédie. Ironie du sort : ce professeur lui avait déjà dit, lorsqu’il était étudiant, qu’il finirait par faire de la comédie. Mohamed Abdelaziz accepte. Le film — Fil Seef Lazem Neheb (1974) — devient un immense succès, à la fois public et critique, au point que certains ont dit qu’il prendrait la suite du grand réalisateur Fatin Abdel Wahab.

Ce tournant le fait entrer durablement dans le monde de la comédie, même s’il insiste sur un point : « Je ne suis pas allé vers la comédie. C’est la comédie qui est venue vers moi. »

Tragédie et comédie : deux visions du monde

Mohamed Abdelaziz consacre un long moment à expliquer la différence profonde entre la tragédie et la comédie, une distinction essentielle à sa compréhension du cinéma.

La tragédie, dit-il, s’intéresse généralement à un cas particulier. Elle raconte l’histoire d’un personnage qui commet une seule erreur — une seule — et qui en paiera le prix toute sa vie. C’est un art centré sur l’individu, sur ses choix personnels, sur son destin.

La comédie, au contraire, regarde la société tout entière. Elle s’empare des comportements collectifs, des dérives sociales, de ce qui dysfonctionne dans la vie quotidienne. Elle ridiculise certaines attitudes, expose les contradictions et les déformations des relations humaines. Elle pousse à réfléchir sans même qu’on s’en aperçoive.

« La comédie traite de sujets sérieux », affirme-t-il. Elle parle de problèmes sociaux, de mauvaises habitudes, de comportements nuisibles. Et comme elle attire beaucoup de spectateurs, elle possède une influence considérable. Beaucoup plus, selon lui, que la tragédie, parce qu’elle touche un public immensément large.

Il renverse ainsi l’idée reçue qui voudrait que la comédie soit un art mineur : la comédie, pour lui, est plus sérieuse que la tragédie.

Une rigueur absolue : aucun gag gratuit, aucune improvisation

Son secret : « si tu veux faire de la comédie, il ne faut pas plaisanter ».

Mohamed Abdelaziz raconte ensuite comment il a instauré une discipline stricte sur ses plateaux. Pour lui, le rire n’est pas un but en soi. C’est une conséquence. Il faut donc bien réfléchir un film, bien le structurer, étudier toutes les scènes et ne pas céder à la facilité.

Il donne un exemple : dès son premier film comique, l’immense comédien Abdel Monem Madbouly propose de mettre sa veste à l’envers pour provoquer un gag immédiat. Il refuse catégoriquement : « ce n’est pas cela qui fait rire », dit-il.

Il insiste : il ne réalise jamais un film dans l’intention de provoquer le rire.
« Je ne fais pas un film pour faire rire », explique-t-il à Madbouly, qui reste stupéfait. Cette ligne de conduite marque une frontière claire : la comédie doit naître des situations, jamais de l’artifice.

À partir de là, il impose une règle fondatrice : aucune improvisation ne doit altérer le message. Que ce soit avec des comédiens de théâtre habitués à improviser, avec des stars ou avec de jeunes acteurs, il veille personnellement au respect absolu du texte et du rythme. Il raconte qu’au théâtre aussi, il se tenait chaque soir dans les coulisses pour vérifier que les comédiens ne modifiaient pas les scènes. Pour lui, cette rigueur est indispensable : « si l’on cède un peu, on ne peut plus contrôler le film, et il peut devenir une comédie sans intérêt ». La comédie, dit-il, exige une construction précise : « C’est une opération architecturale difficile à monter. »

Intabihu Ayuha Al-Sada: critique du libéralisme et confrontation morale

Parmi ses œuvres les plus importantes, Mohamed Abdelaziz cite Intabihu Ayuha Al-Sada (1978), un film qui critique ouvertement l’ « infitah » — le libéralisme économique — et le pouvoir écrasant de l’argent sur les valeurs morales.

Il raconte l’histoire réelle qui l’a inspiré : celle d’un voisin respectable dont la fille, diplômée de droit, s’est vue imposer un mariage avec un cousin non diplômé mais propriétaire d’un atelier de mécanique, donc très riche. Le mari, complexé, adopte un comportement horrible.

Avec ses collaborateurs, il transpose cette histoire en opposant un universitaire à un éboueur, montrant comment le matériel peut prendre le dessus sur la morale. Le film, financé en partie sur ses propres deniers, réalisé avec un petit budget, remporte un immense succès et plusieurs prix — pour lui-même et pour Hussein Fahmy, qui y joue l’un des deux rôles principaux avec Mahmoud Yassine. Tout le dialogue de ce film, en plus de faire rire, comportait une critique de la société. Et c’est bien ce qu’il veut dire lorsqu’il affirme que la comédie est très sérieuse.

Avec Adel Imam : confiance, discipline et un héritage de dix-huit films

Une grande partie de la conversation est consacrée à sa relation avec Adel Imam. Leur première rencontre remonte à l’époque où Mohamed Abdelaziz était assistant auprès de Med Salem sur un film pour la télévision avec Fouad El Mohandes : c’était d’ailleurs la toute première fois qu’Adel Imam se tenait devant une caméra de cinéma.

Plus tard, lorsqu’il réalise Dakkat Qalbi (1976), une comédie dans laquelle il engage des acteurs tragiques, dont Mahmoud Yassine, Adel Imam lui téléphone : « Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? ». Mais il l’appellera plus tard, pour son film Juns Naeim (1977). Leur collaboration commence alors.

Ils tournent ensemble dix-huit films, parfois trois ou quatre par an.

Adel Imam arrivait du théâtre et voulait son propre espace mais Mohamed Abdelaziz a imposé des règles strictes. Ils travaillaient avec une méthode rigoureuse : lecture scène par scène du scénario, propositions de l’un ou de l’autre, accord final — puis interdiction absolue pour Adel Imam de changer la moindre phrase, règle que l’acteur, pourtant habitué à l’improvisation théâtrale, a respecté avec rigueur.

Mohamed Abdelaziz raconte les nuits où Adel Imam jouait au théâtre jusqu’à trois heures du matin, puis venait le rejoindre pour travailler sur un scénario. À neuf heures, lui-même donnait son cours à l’Institut Supérieur du Cinéma du Caire, puis rejoignait le tournage à quatorze heures. Un rythme épuisant, mais passionnant.

Quand Adel Imam refusait Al Baa’d Yazhab lel Maa’zoun Marratayn (1978)

Cette anecdote, racontée avec humour, est l’un des moments les plus savoureux de la conversation.

Mohamed Abdelaziz envoie le scénario du film Al Baa’d Yazhab lel Maa’zoun Marratayn à Adel Imam. Celui-ci le lit et refuse catégoriquement : « Ce film ne réussira pas. »

Il pense à plusieurs acteurs, mais aucun ne le convainc ; il veut absolument Adel Imam.

Il apprend que celui-ci est à Alexandrie pour une pièce de théâtre. Il prend alors une décision inattendue : déplacer tout le tournage à Alexandrie.

Un soir, après la représentation, il va voir Adel Imam dans sa loge. C’est alors qu’un assistant entre avec la feuille de service du lendemain et la remet à Adel, qui s’écrie :
— « J’ai refusé ce film ! »

Mohamed Abdelaziz répond calmement :
— « Le tournage commence demain. »

Adel Imam finit par se rendre sur le plateau. Au troisième jour, il répète : « Le film sera un échec. »

Mais une fois sorti en salles, le film rencontre un immense succès. Un jour, ils assistent ensemble à la séance de 18 heures : la salle rit sans interruption.

Mohamed Abdelaziz lui dit : « Tu vois ? » Et Adel Imam, amusé, répond : « Ce n’est pas le scénario que tu m’avais donné ! »

Une plaisanterie devenue célèbre, symbole de leur complicité.

Témoignages des artistes : gratitude et reconnaissance

Lorsque Mohamed Abdelaziz termine de parler, deux artistes présentes prennent la parole.

L’actrice Lebleba se souvient que, dès leur première rencontre, il lui avait dit qu’elle deviendrait une star. Elle évoque leur travail commun : il lui a appris la précision dans le jeu comique, l’importance de ne pas « bouger la tête n’importe comment », la manière de regarder la caméra, et la nécessité de jouer avec naturel. Elle parle du film où elle joue une femme constamment enceinte pour garder son mari – Al Baa’d Yazhab lel Maa’zoun Marratayn – puis de Khally Balak Men Giranak (1979), pour lequel elle a été choisie à la dernière minute après le désistement d’une autre actrice. Le film est resté trente-quatre semaines en salles et a lancé sa carrière de manière décisive.

Elham Chahine, quant à elle, raconte que leur relation est à la fois professionnelle et familiale. Elle se souvient qu’il lui avait envoyé une pièce comique comportant quatre grandes scènes musicales, alors qu’elle était connue pour jouer le drame et la tragédie. Cette pièce, jouée pendant cinq ans et présentée dans de nombreux pays arabes, a révélé au public et aux réalisateurs une facette d’elle que personne ne soupçonnait. Grâce à lui, elle a commencé à être prise au sérieux dans des rôles comiques et même dans des rôles de chanteuse.

En écoutant Mohamed Abdelaziz dérouler ces souvenirs, ces principes et ces scènes de travail, on comprend que sa carrière n’a jamais été seulement une succession de films, mais une manière de penser la société et de dialoguer avec elle. Chaque anecdote qu’il raconte, chaque détail qu’il restitue, révèle une philosophie du cinéma où la comédie n’est jamais un simple divertissement : elle devient une forme de militantisme, un engagement discret mais profond, orienté vers l’idée d’un monde meilleur.

Pour lui, faire rire n’est pas une échappée légère : c’est une stratégie pour faire réfléchir. Il insiste sur cette conviction, répétée comme un fil rouge : on transforme davantage les mentalités avec le rire qu’avec un discours direct et sérieux, qui risquerait de braquer le public. La comédie, parce qu’elle attire, désarme et rassemble, ouvre un espace où les sujets sensibles peuvent être abordés sans violence, où les contradictions sociales apparaissent avec clarté, où les comportements peuvent être questionnés sans accuser frontalement.

Ce qui frappe, au terme de cette rencontre, c’est l’extrême cohérence de son parcours. Le réalisateur qui refuse un gag facile, qui impose une discipline intransigeante, qui déplace un tournage entier pour convaincre un acteur, est le même qui continue d’enseigner, de transmettre, et de rappeler aux jeunes cinéastes que la comédie est un langage indispensable pour comprendre une société et la faire évoluer.

Et l’on se prend alors à imaginer ce que pourrait devenir la comédie égyptienne si davantage de jeunes réalisateurs acceptaient, comme lui, d’en faire un espace d’action, de réflexion et d’espoir. Peut-être est-ce là l’horizon que cette conversation ouvre : celui d’une génération qui, en revisitant les leçons de Mohamed Abdelaziz, redonnera à la comédie sa force première — faire rire pour mieux éclairer, mieux questionner, mieux transformer.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Rencontre avec Hussein Fahmy, président du festival

16. November 2025 um 14:21

Lors de la 46ᵉ édition du Festival International du Film du Caire (CIFF), qui se déroule du 12 au 21 novembre 2025, son président Hussein Fahmy a consacré une rencontre à la presse arabe pour revenir sur les grands enjeux du festival, sur sa vision du cinéma égyptien et sur la manière dont il conçoit son rôle à la tête d’un événement qu’il considère comme l’un des plus importants du monde arabe et du continent africain.

Une réflexion sur le rôle du CIFF et son héritage

Dès les premières questions, Hussein Fahmy a exprimé le souhait que cette édition soit meilleure que les précédentes. L’idée d’avancer, d’enrichir le festival et de renforcer son identité revient souvent dans ses propos. Pour lui, le CIFF tire sa force de ses racines : l’Égypte, son histoire cinématographique et le fait qu’il s’agit du festival le plus ancien et le plus important de la région, fondé en 1972. Il semble toutefois oublier que les Journées cinématographiques de Carthage, créées en 1966, sont plus anciennes encore ; mais leur caractère initialement biennal explique qu’elles n’en soient qu’à leur 36ᵉ édition.

Interrogé sur l’avenir du festival, Hussein Fahmy se montre confiant. Malgré la multiplication des festivals de cinéma dans le monde arabe, il ne perçoit pas cette dynamique comme une menace mais comme un contexte stimulant. « La compétition stimule la créativité », affirme-t-il, soulignant que les quarante-sept années d’histoire du CIFF constituent un socle institutionnel solide. Ce qu’il espère transmettre, dit-il, c’est un festival renforcé, durable et capable de porter l’évolution du cinéma arabe.

Un engagement personnel pour la restauration du patrimoine cinématographique

La restauration des films constitue un pilier majeur de son action, un engagement directement lié à son propre parcours. Dès ses débuts, Hussein Fahmy a appris son métier auprès de la première génération des cinéastes égyptiens, et a travaillé avec des figures telles que Hassan El Imam ou Youssef Chahine. Cette proximité avec ces maîtres, dit-il, a façonné son goût du cinéma et son sentiment de responsabilité envers ce patrimoine. Sa volonté de restaurer les films découle naturellement de cette formation et de la conviction qu’il porte une part d’héritage.

Lorsqu’il est devenu président du CIFF, il a été nommé au conseil d’administration d’une entreprise qui possède 1 400 films et plusieurs salles de cinéma. Il a alors lancé un vaste chantier de restauration, mené avec le directeur de la photographie Mahmoud Abdel Samie, très impliqué dans cette mission. Plusieurs films ont été restaurés, des sous-titres ont été ajoutés, et le travail continue. Divers pays, notamment la Chine et l’Allemagne, ont apporté leur soutien.

Pour Hussein Fahmy, restaurer ces films n’a de sens que s’ils sont vus : en plus de les programmer au CIFF, il envisage de les mettre à disposition sur des plateformes pour toucher un public plus large. Il rappelle qu’à leur sortie, nombre de ces films circulaient déjà en URSS, au Brésil ou en Chine, et que les sous-titres facilitent aujourd’hui leur retour sur la scène internationale.

Cette année, il a eu l’idée d’imprimer les affiches des films restaurés sur les sacs du festival. La réaction du public, qui demandait des sacs précis en fonction des affiches, a amusé les organisateurs et, selon lui, témoigne de l’attachement des spectateurs à ces œuvres.

Le lendemain de cette rencontre, et toujours dans le même esprit de célébration de la mémoire cinématographique, Hussein Fahmy a convié la presse autour d’une immense caméra ancienne appartenant au Studio Misr, installée pour l’occasion dans le jardin de l’Opéra du Caire. Il en a expliqué le fonctionnement, les mécanismes et les particularités, avant d’annoncer que des études et discussions avancées sont en cours avec des spécialistes italiens pour créer enfin un musée du cinéma en Égypte. L’emplacement reste à déterminer, mais l’initiative s’inscrit dans une vision patrimoniale globale.

Une présidence menée en parallèle d’une carrière d’acteur active

Interrogé sur la manière dont il concilie sa carrière d’acteur et la présidence du CIFF, Hussein Fahmy explique qu’il n’a pas besoin d’être présent au bureau chaque jour pendant de longues heures. Son rôle consiste à définir la stratégie, les grandes orientations, les décisions structurantes, et à résoudre les problèmes éventuels. L’exécution quotidienne est assurée par son équipe, composée de professionnels qualifiés.

L’an dernier, il tournait même pendant le festival. Cette année, dès la clôture, il se rendra au Festival de Marrakech, au Maroc, où un hommage lui sera rendu, avant de reprendre un tournage en Égypte. Il vient d’ailleurs de célébrer cinquante ans de carrière, au cours desquels il a exploré tous les genres – tragédie, comédie, théâtre, cinéma – en veillant, dit-il, à ne jamais se répéter. Selon lui, il a accompli tout ce qu’il souhaitait sur le plan artistique.

Décisions difficiles, contexte politique et responsabilités culturelles

Revenant sur ses trois années de présidence, Hussein Fahmy cite parmi les décisions les plus difficiles le remplacement de certains membres de l’ancienne équipe du CIFF.

Il évoque également les défis de l’édition 2024. Après le massacre qui a suivi le 7 octobre, le festival avait jugé indispensable de mettre les projecteurs sur Gaza et de prendre une position claire. Il rappelle notamment sa décision d’annoncer que l’État d’Israël ne participerait pas au CIFF. Une prise de position qui lui a été reprochée lorsqu’il exerçait des fonctions d’ambassadeur de bonne volonté à l’ONU. Il dit l’avoir assumée totalement, allant jusqu’à rendre son passeport diplomatique : « Ils ne peuvent pas nous faire taire », affirme-t-il.

Cette année, la situation est différente, marquée par ce qu’il qualifie de « pseudo-paix ». Parallèlement, l’Égypte traverse une période particulièrement intense, marquée par de grands projets culturels comme l’inauguration du Grand Musée égyptien, qui donnent le sentiment d’une nouvelle dynamique. Le festival s’inscrit dans ce contexte, tout en gardant un regard attentif sur les situations en Palestine, au Soudan et au Liban.

La sélection des films et la question des artistes égyptiens

S’agissant de la sélection de la 46ᵉ édition, Hussein Fahmy décrit un processus en plusieurs étapes : une commission visionne les films et lui remet des rapports. Il regarde certains titres qu’il juge importants, mais les films d’ouverture et de clôture relèvent de son choix direct. Cette année, il a retenu le film brésilien Les voyages de Tereza pour l’ouverture et La voix de Hend Rajab, de Kaouther Ben Hania, pour la clôture. Il insiste sur le fait qu’aucune pression extérieure ni financière n’intervient dans ces décisions.

À la question de savoir si l’Égypte peut encore produire des artistes comparables à Ahmed Zaki, Nour Sherif, Hussein Fahmy lui-même, Nagla Fathy ou Shadia, il répond que oui. Même si des artistes de cette envergure sont rares, la nouvelle génération compte, selon lui, d’excellents talents.

L’intelligence artificielle : un outil utile, mais jamais un substitut à l’humain

Interrogé sur l’intelligence artificielle, Hussein Fahmy se montre prudent. L’IA peut être utile ponctuellement, dit-il, mais ne doit jamais remplacer l’humain. Elle rend les choses superficielles, crée une distance entre le spectateur et les personnages, et risque d’appauvrir la profondeur émotionnelle du cinéma. Il craint qu’un usage excessif ne fasse disparaître la dimension sensible qui constitue l’essence même du septième art.

Neïla Driss

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JCC 2025 – L’affiche et les films tunisiens de la 36ᵉ édition dévoilés

16. November 2025 um 10:00

Les Journées cinématographiques de Carthage ont levé le voile sur l’affiche de leur 36ᵉ édition, qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025. L’image choisie cette année met en scène une silhouette féminine en marche, traversée par un flux de couleurs où se croisent le bleu, le violet, le fuchsia et des teintes orangées. Cette figure, imaginée par le designer Firas Agrebi, semble avancer portée par un souffle lumineux, comme si elle ouvrait un passage vers un espace en transformation. Son mouvement vers l’avant traduit une dynamique de liberté et de persévérance, en écho à l’identité même des JCC, qui demeurent depuis leur création un lieu de circulation des récits, de résistance culturelle et d’échanges entre les cinémas d’Afrique et du monde arabe. Le jasmin qu’elle tient, élément visuel discret mais central, ancre l’affiche dans la Tunisie, rappelant l’hospitalité, la mémoire et l’esprit de création qui caractérisent le festival.

JCC 2025 Affiche

Dans le même temps, la direction des JCC a annoncé la liste des films tunisiens retenus cette année dans les différentes sections compétitives, un ensemble particulièrement attendu tant par le public que par les professionnels du secteur. Sélectionnés par un comité indépendant, ces titres offrent un aperçu de la vitalité et de la diversité du cinéma tunisien actuel.

En compétition officielle des longs métrages de fiction, trois films représenteront la Tunisie. Where the Wind Comes From d’Amel Guellaty, déjà remarqué au Festival d’El Gouna 2025 où il a remporté le Prix de la meilleure fiction arabe, poursuit ainsi son parcours international. Il sera accompagné de La voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania, dont la projection à Venise avait suscité un écho exceptionnel et qui avait valu au film de décrocher le Lion d’Argent et plusieurs prix dans les sections parallèles; l’œuvre a depuis été choisie pour représenter la Tunisie aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film international et a été programmée dans plusieurs festivals majeurs. Le troisième long métrage en lice, Promis Le Ciel d’Erige Sehiri, avait quant à lui inauguré la section Un Certain Regard au Festival de Cannes en mai 2025.

La section des longs métrages documentaires rassemble également trois propositions : Le Para-dis de Majdi Lakhdar, Notre Semence d’Anis Lassoued et On The Hill de Belhassen Handous. Chacun de ces titres vient enrichir un segment documentaire tunisien de plus en plus structuré, où se croisent approches personnelles, récits ancrés dans le réel et explorations formelles.

Enfin, la compétition officielle des courts métrages comptera trois films tunisiens : Le fardeau des ailes de Rami Jarboui, Sursis de Walid Tayaa et Tomates Maudites de Marwa Tiba. Ces œuvres courtes, souvent premières incursions ou laboratoires esthétiques, occupent toujours une place essentielle aux JCC, révélant régulièrement de nouveaux regards.

Avec une affiche tournée vers l’horizon et une sélection nationale qui témoigne d’une véritable pluralité de voix, cette 36ᵉ édition des Journées cinématographiques de Carthage s’annonce comme un rendez-vous attentif aux mouvements du monde, aux histoires qui s’écrivent aujourd’hui et à celles qui cherchent encore leur forme.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – « Rosemead », une mère et son fils, entre honte et amour

16. November 2025 um 08:25

Sélectionné à la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), dans la section Special Screenings, Rosemead de Eric Lin poursuit un parcours déjà marqué par de nombreuses sélections dans divers festivals. Après sa première mondiale au Tribeca Film Festival en juin 2025, il a remporté le Prix du Public UBS au Festival de Locarno.

Inspiré d’un article du Los Angeles Times signé Frank Shyong en 2017, le film met en scène Lucy Liu dans le rôle d’Irene Chao, une Américaine d’origine chinoise atteinte d’un cancer incurable, et Lawrence Shou dans celui de Joe, son fils adolescent souffrant de schizophrénie. Le scénario de Marilyn Fu, tiré de faits réels, s’ancre dans le quotidien d’une famille vivant dans la vallée de San Gabriel, à Los Angeles, où la maladie mentale, la honte et la peur se mêlent à la tendresse et à la fatigue.

Une histoire née du silence

L’intrigue suit Irene, propriétaire d’une petite imprimerie qu’elle dirige seule depuis la mort de son mari. Son fils Joe, autrefois élève brillant et nageur prometteur, se referme peu à peu. Il néglige ses études, se coupe de ses amis, dessine des araignées et des cadavres et développe une fascination pour les fusillades de masse. L’inquiétude se transforme en peur lorsque ses accès de violence deviennent incontrôlables.

Mais avant la peur, il y a le déni. Irene refuse d’abord de voir ce qui s’impose à elle : l’idée que son fils puisse souffrir d’un trouble psychique lui paraît insupportable. Elle se persuade que ce n’est qu’une phase, qu’il finira par aller mieux. Elle tait les crises, dissimule les signes, refuse de discuter avec le médecin qui suit son fils et espère que tout redeviendra « comme avant ». Ce déni, le film le rend visible par les gestes du quotidien : Irene range, cuisine, travaille, comme pour préserver un ordre fragile.

La honte est ici autant culturelle que personnelle. Américaine d’origine chinoise, Irene redoute le regard du voisinage, la rumeur, la stigmatisation. Dans son entourage, majoritairement sino-américain, la discrétion est une valeur essentielle, et la maladie mentale reste un sujet qu’on préfère taire. Le film montre cette communauté sans caricature, à travers des scènes simples — un dîner, un échange de politesse, une absence de question — où se devine un ensemble de codes partagés, de pudeurs héritées. Le silence y est collectif avant d’être individuel.

Eric Lin capte ce poids du non-dit avec une mise en scène d’une grande retenue. Les regards détournés, les visages filmés dans la pénombre, les sons étouffés d’une maison où les mots ne circulent plus traduisent la solitude d’Irene et l’isolement de Joe. Dans cet espace clos, la maladie devient une présence invisible, diffuse, qui ronge et enferme.

Le moment où la peur s’installe

Le film bascule lorsque le déni ne tient plus. Les gestes du fils deviennent inquiétants, les silences menaçants. Irene comprend que la situation dépasse ses forces. Elle commence à craindre que Joe ne se blesse, ou qu’il fasse du mal à autrui ou même pire. Elle perçoit la violence possible, imprévisible, d’un adolescent qu’elle ne reconnaît plus. Et elle-même, atteinte d’un cancer avancé, se sait de plus en plus faible.

Cette prise de conscience est le centre du film. Elle scelle la fin de l’illusion et l’entrée dans une peur qu’Irene ne peut plus repousser. Elle sait qu’elle va mourir, qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre, et qu’elle devra affronter seule cette menace grandissante. Le scénario installe alors un double compte à rebours : celui de la mère condamnée et celui du fils en dérive. Deux existences parallèles, deux solitudes qui se reflètent.

Eric Lin filme cette progression avec lenteur et sobriété. Pas de grands effets, pas de musique insistante, mais la respiration des personnages, les bruits du quotidien… La peur naît de cette accumulation de détails et du silence qu’ils laissent derrière eux.

Une mère entre la honte et l’amour

Lucy Liu compose une Irene d’une justesse remarquable. Son jeu, épuré, donne à ce personnage une force contenue. Elle incarne la dignité d’une femme qui n’a plus le choix, la lassitude de celle qui porte tout sans jamais demander d’aide. Son visage exprime la fatigue, la peur, la tendresse, souvent dans un même plan.

Lawrence Shou, dans le rôle de Joe, traduit la confusion, la vulnérabilité et l’imprévisibilité de l’adolescence malade. Le film ne cherche jamais à le juger. Il ne fait pas de lui un monstre, mais un être en perte d’équilibre, pris dans sa propre perception déformée du monde. Ce face-à-face entre mère et fils, dominé par les silences et les gestes, forme le cœur émotionnel du film.

Les dialogues alternent naturellement entre anglais et mandarin, comme c’est souvent le cas dans les familles sino-américaines. Ce bilinguisme n’est pas un signe de distance, mais de continuité : les deux langues coexistent, l’une pour le quotidien, l’autre pour la tendresse ou la prière. Le film les emploie sans soulignement, comme une évidence, un ancrage culturel qui donne au récit sa vérité.

CIFF 2025 Rosemead

Une esthétique du non-dit

Formé comme directeur de la photographie, Eric Lin conçoit chaque plan pour exprimer ce que les mots ne peuvent dire. La lumière, douce et diffuse, épouse les visages sans les flatter. Les intérieurs — la maison, l’atelier, la chambre du fils — sont filmés comme des espaces mentaux, des refuges et des pièges à la fois. Le décor devient une extension de la psyché : tout semble étroit, clos, sous pression.

La violence n’explose jamais, mais elle s’impose par les signes. Le film montre des armes, des couteaux, une hache, et du sang. Le spectateur voit, mais sans spectacle : ces éléments apparaissent avec la même banalité que le reste du quotidien. Cette banalité fait peur. Elle donne au film une tension continue, où chaque objet devient une menace potentielle.

Rosemead avance par fragments, par ellipses. Le récit semble parfois suspendu, comme si la réalité glissait entre les doigts des personnages. Ce choix de narration, sobre et elliptique, renforce la proximité avec eux. Le spectateur n’en sait jamais plus qu’Irene : il partage sa confusion, sa peur, son silence.

Un drame sur la responsabilité et la perte

Au-delà de la maladie et de la fin de vie, Rosemead interroge la responsabilité. Celle d’une mère qui se sait condamnée et s’inquiète de ce qu’il adviendra de son fils après sa mort. Celle d’un fils enfermé dans un monde intérieur, incapable de comprendre les limites de son propre danger. Le film ne propose pas de solution. Il observe. Il montre les gestes de survie, les décisions impossibles, les mots qu’on n’ose pas dire.

La tension entre amour et peur structure tout le récit. Irene aime son fils, mais elle a peur de lui. Elle veut le sauver, mais elle sent qu’elle ne le peut plus. Cette ambivalence, filmée sans emphase, confère au récit sa gravité. Rosemead ne parle pas d’héroïsme, mais de fatigue et d’amour mêlés, de cette ligne floue entre protection et abandon.

Un film sur la société américaine et ses silences

Le film inscrit ce drame intime dans un cadre social précis. En évoquant la fascination de Joe pour les fusillades scolaires, il renvoie à la violence latente de la société américaine, à la banalisation du danger, à la libre vente des armes, y compris aux jeunes, et à l’isolement des familles. Mais il le fait sans dénonciation frontale. La menace reste à l’arrière-plan, intégrée à la peur quotidienne.

À travers cette histoire, Eric Lin et Marilyn Fu abordent la question du non-dit dans les familles d’origine asiatique aux États-Unis, souvent confrontées à la honte de la vulnérabilité et à la difficulté de demander de l’aide. Le film expose ces failles avec retenue, sans discours explicatif. Tout passe par les silences, les gestes, les regards.

Un premier film au ton maîtrisé

Pour son premier long métrage, Eric Lin choisit la sobriété. Il ne cherche ni l’effet ni la provocation. Sa mise en scène repose sur la durée, la précision du cadre, l’écoute des visages. Cette rigueur donne au film une force tranquille, où chaque image semble contenir le poids du non-dit.

Lucy Liu y trouve un rôle rare, qui met en valeur sa profondeur d’interprétation. Elle porte le film sans jamais le dominer, donnant à Irene une présence silencieuse, humaine, ancrée dans la réalité la plus simple. Le film s’enracine dans cette vérité-là : celle des émotions qu’on retient, des décisions qu’on ne dit pas, des peurs qu’on ne partage pas.

Une œuvre sur le courage du regard

Rosemead est moins un film sur la folie qu’un film sur la lucidité. Celle qu’on repousse, puis qu’on accepte trop tard. Il raconte la peur de voir, la peur de savoir, la peur de transmettre. C’est une œuvre sur le regard qu’on détourne pour continuer à vivre.

Présenté au Festival du Caire après son passage à Locarno et à Tribeca, Rosemead s’impose par sa retenue, son attention au détail et sa fidélité à l’humain. Il ne cherche pas à impressionner, mais à écouter. Il parle de honte, de peur, d’amour et de solitude, avec cette justesse rare qui rend le silence plus fort que tout.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Préserver et transmettre le patrimoine cinématographique arabe

14. November 2025 um 11:24

Lors de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), qui se déroule du 12 au 21 novembre 2025, un panel organisé en partenariat avec Coventry University s’est penché sur une question essentielle : comment restaurer et préserver le patrimoine visuel du cinéma arabe ?

Intitulé « Restaurer le patrimoine visuel du cinéma arabe », ce rendez-vous a réuni des acteurs essentiels du champ de la préservation : Hussein Fahmy, Tamer El Said, Ossen El Sawaf et Stefanie Schulte Strathaus, sous la modération de Maggie Morgan. Durant près d’une heure et demie, les intervenants ont exploré le travail de restauration comme un acte artistique, un devoir moral, un effort collectif, mais aussi un travail de préservation et de mémoire. De leurs échanges s’est dégagée une vision nuancée, parfois complexe, mais toujours passionnée de ce que signifie sauver l’image arabe.

Dès l’ouverture, Hussein Fahmy prend la parole pour saluer les participants et remercier son équipe. Il rend hommage au travail accompli et situe le contexte : le CIFF présente cette année dix nouveaux films restaurés, qui s’ajoutent aux dix programmés l’an passé et qui sont de nouveau proposés cette année, tant ils avaient remporté un grand succès auprès du public lors de la 45ᵉ édition. Vingt films en deux éditions, une progression assumée. Mais derrière ces chiffres se cache une réalité bien plus dense : l’institution dont il fait partie possède environ 1 400 films nécessitant une restauration. « C’est un vrai trésor », dit-il, conscient de la responsabilité immense qui repose sur ses épaules.

Choisir les films à restaurer relève d’un véritable casse-tête. Les priorités sont fixées en fonction de l’importance artistique des œuvres et de leurs auteurs : il cite par exemple Hassan Limam, dont les films doivent être restaurés en priorité. La restauration devient alors un acte de sélection, mais aussi un devoir de transmission. Il rappelle que, pendant longtemps, préserver un film était extrêmement complexe : les négatifs étaient dispersés dans de multiples boîtes, nécessitant des conditions de conservation strictes, notamment le froid. La numérisation permet aujourd’hui une stabilisation durable, tout en ouvrant la voie à une diffusion plus large, notamment grâce aux sous-titres en anglais désormais intégrés aux copies restaurées.

Mais il insiste sur un point souvent mal compris : « Restaurer ne veut pas dire simplement réparer des défauts et des imperfections. » La restauration est un processus bien plus profond, qui interroge le sens même du film.

Cette réflexion est reprise et largement développée par Tamer El Said, fondateur de la cinémathèque du Caire en 2012. Son institution, située en plein centre-ville, travaille depuis plus d’une décennie à préserver les archives du cinéma égyptien, à les restaurer, à les numériser et à leur offrir une nouvelle vie. Pour lui, la question « Pourquoi restaurer ? » mérite d’être posée. L’Égypte possède des archives énormes sur le plan cinématographique, et il considère essentiel de les rendre accessibles, de créer de nouveaux débats, d’offrir aux jeunes cinéastes la possibilité de se nourrir de ce patrimoine. Pendant trop longtemps, dit-il, la restauration se faisait chez les Occidentaux. D’où l’importance cruciale de ramener ce savoir-faire dans la région, de « se réapproprier notre patrimoine ».

Dans son laboratoire, Tamer utilise un appareil capable de scanner tous les formats, en préservant le support original sans l’endommager. Sa structure possède aussi un appareil de colorisation, un atelier pour développer les films analogiques, et procèder ensuite à la numérisation afin de conserver chaque film sous deux formes : analogique et numérique. Grâce à cette maîtrise technique, mais aussi à un réseau international solide, son équipe peut retrouver à l’étranger des copies disparues d’Égypte. Les collaborations universitaires intègrent également un volet de formation permanent.

Pour lui, restaurer exige de suivre des règles éthiques précises : même si la technologie permet aujourd’hui d’obtenir une qualité exceptionnelle, voire de coloriser des films anciens, il refuse toute intervention qui modifierait la nature même de l’œuvre. « Un film de 1958 doit correspondre à son époque », affirme-t-il. Sans sources de recherche, une restauration peut facilement trahir un film. Il cite un exemple frappant : en consultant les archives de Hussein Sharif, ils découvrent que pour un de ses films, il avait décidé que chaque scène devait avoir une couleur différente. Sans ce document, lors de la restauration, ils auraient pu uniformiser les teintes, à l’encontre de la volonté du cinéaste, et produire ainsi une œuvre différente de celle voulue par son réalisateur.

Cette exigence traverse le programme Remastered, un cycle de quatre mois durant lequel neuf mentors ont formé huit restaurateurs d’image et huit restaurateurs de son. Les participants n’ont pas seulement appris les outils techniques : ils ont travaillé à comprendre ce que les cinéastes voulaient dire, à analyser les dommages sur les pellicules, à manipuler les supports originaux avec discernement. La venue d’une spécialiste de Bologne — l’un des plus importants centres de restauration de film au monde — a marqué un moment fort, d’autant plus qu’elle avait travaillé sur La Momie de Shadi Abdel Salem.

À l’issue de cette formation, un partenariat avec Misr International a permis la restauration de quatre films de Youssef Chahine. Trois d’entre eux avaient été restaurés auparavant, mais d’une manière qui ne respectait pas les exigences techniques et esthétiques nécessaires à la fidélité des œuvres. Leur travail vise donc à reprendre intégralement ces restaurations pour en restituer l’intégrité, tout en restaurant également un quatrième film. Parallèlement, d’autres projets avancent : des films légendaires arabes, notamment syriens et soudanais.

CIFF 2025 Panel Restauration
CIFF 2025 – Hussein Fahmy et Tamer El Said

À ce stade de la discussion, la question de la collaboration internationale est posée : pourquoi est-elle si importante, et à qui appartiennent ces films ? C’est Stefanie Schulte Strathaus, de l’Arsenal – Institut für Film und Videokunst e.V., qui prend la parole. Elle commence par interroger sa propre présence dans un panel consacré au cinéma arabe, avant de présenter le « living archive » qu’elle dirige, fondé en 1963. Les archives de l’Arsenal rassemblent des films venus du monde entier : de l’Est, de l’Ouest, d’Amérique latine. Elle raconte comment, dès la première édition du Festival de Berlin en 1971, l’Arsenal sous-titrait les films en allemand pour les montrer dans l’espace germanophone. Les copies, conservées au fil des décennies, ont fini par vieillir et représenter un véritable enjeu de préservation.

Mais un obstacle apparaissait : les fonds disponibles étaient réservés à la restauration et à la préservation des archives allemandes. La question des films internationaux restait donc sans réponse, jusqu’au jour où une chercheuse indienne, incapable de retrouver un film dans son propre pays, finit par le découvrir chez eux. De là est née l’idée d’ouvrir leurs collections, de permettre aux gens de venir rechercher leurs films. Ce geste a attiré des financements, permis des restaurations communes et donné naissance à une dynamique internationale de collaboration. « La question n’est pas de savoir qui possède le film, mais comment le préserver ensemble », résume-t-elle.

La réflexion s’approfondit encore lorsque Ossen El Sawaf, de l’Association Jocelyne Saab, intervient. Fondée en 2019, cette ONG s’est donnée pour mission de restaurer les films de la réalisatrice, dont beaucoup étaient endommagés. Il raconte une anecdote révélatrice : un technicien étranger, très fier de son travail sur la restauration sonore, finit par avouer qu’il ne comprenait pas l’arabe. Comment restaurer un son sans comprendre ce qu’il porte ? Cette question ouvre tout un champ de réflexion : restaurer ne consiste pas à « nettoyer » une piste sonore, mais à préserver un héritage, des idées, un langage.

Il rappelle également l’aspect financier : restaurer un film à l’étranger est extrêmement cher, parfois plus cher que la production du film lui-même. Et surtout, envoyer les films hors du monde arabe signifie confier leur traitement à des institutions qui, même bien intentionnées, prennent des décisions selon leurs propres critères. Pour éviter cela, l’association mise sur la recherche, l’étude des archives personnelles et la formation. Elle organise des workshops pour former de nouveaux restaurateurs, qui à leur tour formeront d’autres. Un workshop débute d’ailleurs au sein même de ce festival.

L’objectif est double : restaurer et diffuser. Ossen explique que les archives du film Dunia (2005), conservées à la Cinémathèque française, étaient tellement abîmées qu’elles étaient inutilisables — preuve de l’urgence de reprendre la main sur la restauration dans la région. Une nouvelle structure ouvrira au Liban en 2026, avec un personnel formé et dédié. L’association souhaite multiplier les workshops dans de nombreux pays arabes, afin d’enraciner cette pratique dans un tissu culturel local. L’Archive Circulation Initiative, autre entité que l’association a fondée, met en relation chercheurs, restaurateurs et institutions, documente les processus et aide les films restaurés à retrouver une visibilité.

C’est alors qu’une question précise est posée à Tamer El Said : comment se coordonne la restauration en Égypte, et les cinéastes arabes sont-ils impliqués ? Il rappelle l’existence d’une grande entraide, fondée sur un réseau solide d’institutions, de musées du cinéma, et de collaborations — notamment avec Misr International. Ce travail s’articule aussi avec les initiatives du CIFF ou de l’Association Jocelyne Saab. Mais il insiste : personne ne peut travailler seul. Rechercher les copies, comprendre l’histoire d’un film est un travail complexe, impliquant de multiples intervenants. Parfois, pour décider si une imperfection doit être conservée ou supprimée, il faut retrouver une copie à l’étranger et la comparer avec la copie qu’on a, pour déterminer si ce « défaut » apparaît sur toutes les copies ou sur une seule, et s’il s’agit d’un choix artistique. « Cela n’est possible que si nous connaissons la volonté du cinéaste », dit-il.

Enfin, la question est posée : existe-t-il un projet de coloriser les films en noir et blanc ? Hussein Fahmy répond catégoriquement : non. Si un réalisateur a choisi le noir et blanc, il faut respecter ce choix. « C’est notre devoir moral », affirme-t-il. Il reconnaît que des expériences de colorisation ont eu lieu ailleurs, mais sans grand succès. En revanche, il souligne, au-delà de la restauration, l’importance essentielle de diffuser les films restaurés, de les faire revivre auprès du public.

Au terme du panel, une idée domine : restaurer un film arabe n’est pas seulement une opération technique. C’est un processus qui exige de la recherche, de l’éthique, du respect, une collaboration internationale, un savoir-faire local, et surtout une conscience aiguë de ce que représente la mémoire cinématographique. C’est un geste de sauvegarde, mais aussi un geste de transmission. Et dans ce travail patient, multiple, exigeant, le patrimoine visuel du cinéma arabe retrouve une vie nouvelle — et un avenir.

Au-delà de tout ce travail de restauration, une question demeure, presque urgente : que fera-t-on de cette mémoire si les jeunes générations ne s’en emparent pas ? Les intervenants l’ont rappelé à plusieurs reprises, parfois explicitement, parfois par la simple force de leurs témoignages : restaurer ne suffit pas, encore faut-il regarder. Ces films, revenus d’un long silence, ne demandent qu’à dialoguer avec un public nouveau, à transmettre des formes, des idées, des gestes de cinéma que l’on ne fabrique plus de la même manière. La préservation n’a de sens que si elle ouvre un passage, si elle pousse les jeunes cinéastes à comprendre d’où ils viennent pour imaginer où ils peuvent aller. Et peut-être est-ce là l’enjeu le plus essentiel : que ce patrimoine restauré devienne non seulement un héritage, mais aussi un point de départ, une invitation à apprendre, à questionner, à créer — et surtout à aller voir ces films pour leur offrir une nouvelle vie.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Une cérémonie d’ouverture trop sobre

13. November 2025 um 09:21

La soirée du mercredi 12 novembre 2025 a marqué l’ouverture de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), un événement central de la scène cinématographique arabe et internationale. La capitale égyptienne a accueilli un ensemble remarquable de stars, de personnalités culturelles et de professionnels, aussi bien égyptiens — tels que Youssra, Lebleba, Yousry Nasrallah ou Laila Eloui — que venus du monde entier pour célébrer le lancement de cette nouvelle édition.

La cérémonie a débuté par l’hymne national égyptien, suivi d’une prestation musicale, avant le discours du président du festival, l’acteur Hussein Fahmy. Celui-ci a déclaré : « Aujourd’hui, nous célébrons l’ouverture de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire, que j’ai l’honneur de présider. L’Égypte, terre d’art, de culture et d’histoire, redessine aujourd’hui son présent grâce aux pas dévoués et aux efforts de son peuple ; ces efforts nous offrent à tous des sentiments sincères de fierté, de bonheur et d’appartenance. » Il a également souligné l’engagement constant de l’Égypte envers ses voisins : « L’Égypte n’a jamais oublié de soutenir ses frères ni négligé son devoir humanitaire, comme en témoignent le soutien à nos frères au Soudan et au Liban, ainsi que son engagement historique envers la cause palestinienne, culminant dans l’accord de Sharm el-Cheikh pour mettre fin à l’agression sur Gaza. »

Hussein Fahmy a ensuite mis en avant plusieurs distinctions récentes de personnalités égyptiennes à l’international, notamment « Dr. Khaled El-Anani, Secrétaire général de l’UNESCO, et Dr. Mina Rizk, Président du Conseil exécutif de la FAO ». Il a également salué « l’équipe nationale de football junior qualifiée pour la Coupe du monde » ainsi que « l’inauguration spectaculaire du Grand Musée Égyptien », soulignant que ce musée venait couronner des décennies de travail et s’inscrivait dans une longue histoire où l’Égypte « aime l’art et la culture depuis des milliers d’années ». Son intervention s’est conclue par une affirmation forte : « L’Égypte est toujours capable de miracles et, par sa volonté et son travail, de créer des moments exceptionnels — des moments cinématographiques immortels dans notre histoire. »

Le ministre de la Culture, Dr. Ahmed Fouad Henno, a ensuite proclamé l’ouverture officielle du festival. Dans son allocution, il a célébré « la magie de la caméra qui nous permet d’entrer dans d’innombrables mondes et de vivre mille vies ». Évoquant l’histoire de la découverte du tombeau de Toutankhamon, il a rappelé que Howard Carter avait aperçu « les traits du roi créés par les mains d’un artiste égyptien, un moment dont les émotions n’ont pas été enregistrées, mais que le cinéma a su ressusciter ». Il a souligné le rôle du nouveau Grand Musée Égyptien, qui « rend à ce moment sa gloire, redonne à l’imagination son énergie, et à la civilisation égyptienne sa voix », avant de rappeler l’importance des « milliers d’histoires réelles qui méritent d’être vues et racontées » et la capacité du cinéma à « redécouvrir l’humain en nous et devenir une promesse de paix, de vie et de beauté ».

La cérémonie s’est poursuivie avec une présentation par Hussein Fahmy des efforts de restauration du patrimoine cinématographique égyptien. Il a précisé : « Nous poursuivons notre initiative pour restaurer environ 1 400 films égyptiens, afin de préserver notre patrimoine artistique et une production immense. » Il a également annoncé que cette année, le festival projette plus de vingt films restaurés, dont dix avaient déjà été montrés lors de la 45ᵉ édition, et qui reviennent en raison de l’intérêt qu’ils ont suscité, ainsi qu’une dizaine de nouvelles restaurations. Des séquences Avant/Après ont été projetées, permettant au public d’apprécier le travail mené par les équipes de restauration.

Hussein Fahmy a ensuite exprimé la gratitude du festival envers ses partenaires et sponsors, avant que la présentatrice Jasmin Taha Zaki ne prenne la parole pour rappeler que « chaque nouvelle édition du Festival international du film du Caire rassemble les amoureux du cinéma, unis par leur amour de cet art ». Elle a souligné que l’Égypte traverse une véritable renaissance culturelle et que le cinéma, « plus qu’une industrie, est une conscience, un rêve et la mémoire d’une nation ».

Un montage vidéo présentant les films des différentes compétitions a précédé l’annonce officielle des jurys.

La soirée a ensuite accueilli deux hommages majeurs. Le premier a célébré le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, président du jury de la compétition internationale, qui a reçu la Pyramide d’or pour l’ensemble de sa carrière. Le second a honoré le comédien Khaled El Nabawy, lauréat du Prix Faten Hamama d’excellence. Celui-ci a remercié « l’Égypte, la direction du festival, le Ministre de la Culture, Hussein Fahmy, le public » et dédié sa distinction « aux âmes de ses parents, à son épouse Mona El Maghraby, à ses enfants Karim, Nour et Ziyad », ainsi qu’aux cinéastes qui ont façonné son parcours. Il a conclu en dédiant son prix « au peuple palestinien ».

Un hommage supplémentaire a célébré la longue carrière du réalisateur Mohamed Abdel Aziz, honoré à son tour de la Pyramide d’or. Celui-ci a déclaré : « Je n’oublierai jamais cet hommage après un long parcours au cinéma, au théâtre et à la télévision », ajoutant un message destiné aux jeunes créateurs : « plus vous donnez au cinéma, plus il vous rend au centuple ».

La cérémonie s’est conclue par l’annonce du film d’ouverture, le long-métrage brésilien Les voyages de Téreza/The Blue Trail.

A la fin de cette cérémonie, un constat s’impose. Les éditions précédentes du festival se distinguaient par des décors imposants, des installations visuelles, des espaces décorés dans toute l’enceinte de l’Opéra du Caire et diverses animations qui instauraient une ambiance cinématographique festive dès l’entrée. Tout cela a disparu cette année. Mis à part une unique prestation musicale en début de soirée, aucun décor élaboré et aucune autre intervention artistique n’ont accompagné les différentes étapes de la cérémonie. La soirée s’est limitée à la présentation des jurys, aux hommages et à l’annonce du film d’ouverture.

Cette sobriété soulève une question légitime : reflète-t-elle un choix artistique délibéré ou traduit-elle plutôt des contraintes budgétaires ? Aucun communiqué officiel n’apporte pour l’instant de précision. Dans certains festivals, une cérémonie réduite peut répondre à une orientation éditoriale recentrée sur les discours et la programmation, privilégiant la sobriété à l’ornementation. Dans d’autres cas, une diminution des installations, des décors ou des animations correspond à une réduction du budget opérationnel, les dépenses étant alors concentrées sur les éléments essentiels : les films, les jurys et les hommages.

Qu’il s’agisse d’un choix ou d’une contrainte, la disparition de ces dispositifs se ressent d’autant plus fortement à l’Opéra du Caire, où la scénographie et les installations des années précédentes jouaient un rôle structurant dans l’identité du festival. Les années antérieures, pratiquement tout l’espace était décoré, illuminé, animé, créant un véritable parcours visuel qui attirait les visiteurs, invitait à la photographie et plongeait instantanément dans l’ambiance du festival. Rien de tel en 2025.

La 46ᵉ édition du CIFF s’ouvre donc sur une cérémonie réduite à l’essentiel. Reste à voir comment ce choix — volontaire ou subi — influencera l’atmosphère générale du festival dans les jours à venir. Car au-delà des projections et de la programmation, un festival vit aussi par son espace, son énergie et la manière dont il enveloppe son public. Cette sobriété inaugurale annonce-t-elle une nouvelle façon d’imaginer l’expérience du CIFF, ou marque-t-elle simplement une parenthèse dans son histoire visuelle ? Les prochains jours le diront.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Demain s’ouvre la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire

11. November 2025 um 08:33

Demain le Festival international du film du Caire (CIFF) donnera le coup d’envoi de sa 46ᵉ édition, qui se tiendra du 12 au 21 novembre 2025. L’événement s’annonce foisonnant, curieux et profondément ancré dans l’humain. Fidèle à sa tradition d’exigence et d’ouverture, le festival affirme cette année deux lignes fortes : célébrer un cinéma d’auteur attentif aux réalités du monde et faire de la mémoire une force vivante et partagée.

Cette orientation se manifeste dès la composition du jury international, présidé par Nuri Bilge Ceylan, l’un des plus grands cinéastes du cinéma contemporain, dont la filmographie – de Winter Sleep à Les herbes sèches – explore la lenteur, le silence et les territoires intérieurs. À ses côtés siègent la réalisatrice tunisienne Leyla Bouzid, l’actrice égyptienne Basma, la cinéaste égyptienne Nadine Khan, la monteuse italienne Simona Paggi, le réalisateur chinois Guan Hu et le Roumain Bogdan Mureșanu. Ensemble, ils départageront les douze films de la compétition internationale, où se croisent la mémoire, la résistance, l’amour et la solitude.

La compétition internationale affirme cette identité par des œuvres venues des quatre coins du monde. Calle Málaga de Maryam Touzani prolonge la veine intime inaugurée par Le Bleu du caftan, en suivant une femme partagée entre devoir, désir et culpabilité. Death Does Not Exist de Félix Dufour-Laperrière, film d’animation d’une beauté plastique rare, interroge la frontière entre la présence et l’absence. Dragonfly de Paul Andrew Williams aborde la compassion et la rédemption à travers une tragédie familiale. Exile de Mehdi Hmili, représentant la Tunisie dans cette compétition, suit le parcours d’un homme brisé qui tente de reconstruire sa vie après la prison, dans un pays marqué par l’injustice et les fractures sociales. Once Upon a Time in Gaza des frères Tarzan et Arab Nasser conjugue rage de vivre et humour noir au cœur d’un territoire meurtri. One More Show de Mai Saad et Ahmed Eldanf s’intéresse aux artistes de théâtre qui continuent de jouer malgré les crises. Renovation de Gabrielė Urbonaitė explore les silences d’un couple dont la maison, en travaux, devient métaphore du temps qui s’effrite. Sand City de Mahde Hasan mêle poésie et observation sociale dans un Bangladesh en mutation. Souraya, mon amour de Nicolas Khoury évoque le Liban contemporain à travers une histoire d’amour et de mémoire. The Silent Run de Marta Bergman suit une migrante qui fuit la guerre pour se réinventer ailleurs, et Zafzifa de Peter Sant clôt la sélection sur une méditation mélancolique où la nature reflète l’état du monde.

La présence tunisienne est particulièrement forte cette année. D’abord dans le jury, avec Leyla Bouzid, ensuite dans la compétition internationale grâce à Exile de Mehdi Hmili, mais aussi dans la compétition Horizons du cinéma arabe, qui accueille deux longs-métrages tunisiens. Round 13 de Mohamed Ali Nahdi (Tunisie, 2025, 102 min) suit un père de famille confronté à la maladie et aux bouleversements que celle-ci provoque dans ses relations avec les siens ; à travers ce récit intime, le film explore la fragilité, la solidarité et la dignité face à l’épreuve. Looking for Aida de Sarra Abidi (Tunisie, 2025, 89 min) se déroule quant à lui dans un centre d’appels où Aïda, marquée par le départ soudain d’un collègue qu’elle connaissait depuis des années, entame une réflexion sur le temps, l’amour et le sens de son existence. Portrait sensible d’une femme en quête d’elle-même, le film s’impose par sa pudeur et sa justesse. À cela s’ajoute la présence du projet tunisien Goodbye Party de Sarra El Abed à la Cairo Film Connection, confirmant la vitalité du cinéma tunisien dans toutes les sections du festival.

Le festival soigne également ses temps symboliques. La clôture sera marquée par La voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania, inspiré de la tragédie palestinienne qui a bouleversé le monde en janvier 2024 : celle d’une fillette de six ans tuée par l’armée Israélienne dans sa voiture à Gaza, alors qu’elle appelait les secours. En choisissant ce film, le festival inscrit la Palestine au cœur de sa dernière image : un cri d’enfant devenu symbole de l’innocence perdue et de la violence des temps. Ce choix réaffirme la place du cinéma comme témoin, et celle du Caire comme voix du monde arabe.

Le CIFF 2025 rendra par ailleurs hommage à quatre figures majeures du cinéma mondial : Mohamed Abdel Aziz, artisan d’une comédie sociale exigeante ; Mahmoud Abdel Samie, chef opérateur et documentariste qui a accompagné un demi-siècle d’histoire visuelle égyptienne ; Ildikó Enyedi, cinéaste hongroise au lyrisme singulier, dont le nouveau film Silent Friend sera présenté hors compétition ; et Hiam Abbass, actrice et réalisatrice palestinienne, célébrée pour son parcours entre les deux rives de la Méditerranée. Chacun recevra la Pyramide d’or pour l’ensemble de sa carrière, un trophée qui relie patrimoine et modernité.

La section Cairo Classics demeure l’un des piliers du festival. Elle mettra à l’honneur les grandes restaurations du cinéma égyptien – Youssef Chahine, Salah Abu Seif, Kamal El Sheikh, Barakat, Hassan al-Imam – tout en ouvrant un dialogue avec des auteurs internationaux comme David Lynch, Diane Kurys ou Sam Kadi. L’invitation à revoir Sa’eed Effendi (1956), rare film irakien restauré, inscrit cette sélection dans une démarche patrimoniale et pédagogique. Des ateliers et panels autour de la restauration numérique, en partenariat avec Coventry University, viendront prolonger cette réflexion sur la mémoire du cinéma et la transmission.

Le centenaire de la FIPRESCI sera célébré par la présentation de vingt-cinq films égyptiens marquants du premier quart du XXIᵉ siècle, de I Love Cinema d’Osama Fawzy à Les messages de la mer de Daoud Abdel Sayed, L’Appartement d’Héliopolis de Mohamed Khan, Microphone d’Ahmad Abdalla ou L’Immeuble Yacoubian de Marwan Hamed. Une rétrospective qui redonne toute sa place à la modernité du cinéma égyptien et à la diversité de ses écritures.

Tournée vers l’avenir, la 46ᵉ édition inaugure Cairo’s XR, première section du festival consacrée aux nouvelles formes immersives. Réalité virtuelle, intelligence artificielle, installations interactives : autant de dispositifs pour raconter autrement, et pour faire du spectateur un acteur de l’expérience cinématographique.

Sur le versant professionnel, le festival lance Cairo Pro-Meet sous l’égide du Cairo Film Market. Ce nouveau hub de rencontres, de mentorat et de coproductions prolonge la dynamique de la Cairo Film Connection et confirme la place du Caire comme l’un des pôles les plus actifs de la région pour le développement des projets arabes.

Enfin, l’affiche officielle, dominée par une colombe portant un rameau d’olivier, incarne l’esprit de cette édition : un message de paix et d’espérance dans un monde traversé par les conflits. En réunissant mémoire, innovation, engagement et ouverture, le Festival international du film du Caire 2025 s’impose une fois encore comme un espace de dialogue entre les cinémas et les peuples, où l’art demeure un langage universel et une promesse de vie.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – Le Prix Faten Hamama d’excellence sera décerné à Khaled El Nabawy

10. November 2025 um 08:30

Le Festival international du film du Caire a annoncé que le Prix Faten Hamama d’excellence sera remis, lors de sa 46ᵉ édition qui se tiendra du 12 au 21 novembre 2025, à l’acteur égyptien Khaled El Nabawy, l’une des figures les plus marquantes et les plus respectées du cinéma arabe contemporain. Cette distinction rendra hommage à une carrière remarquable, guidée par une conscience artistique rare et un engagement constant envers le cinéma comme vecteur de culture et d’humanité.

Institué en mémoire de la grande actrice Faten Hamama, le prix honore chaque année des personnalités éminentes du cinéma pour leur contribution exceptionnelle à l’enrichissement de l’art cinématographique. En 2024, il avait été attribué à Ahmed Ezz, et en 2022 à Karim Abdelaziz — deux acteurs qui, chacun à sa manière, incarnent la vitalité et la modernité du cinéma égyptien.

Formé à l’Institut supérieur d’art dramatique du Caire dont il sort diplômé en 1989, Khaled El Nabawy débute la même année avec Une nuit de noces (Leilat Asal) de Mohamed Abdel Aziz. Dès ses premiers rôles, il attire l’attention par sa rigueur et la profondeur psychologique de ses compositions. Sa participation à Le Citoyen égyptien (Al-Muwatin Masri) de Salah Abou Seif, aux côtés de Omar Sharif, confirme un talent d’interprète capable d’allier intensité et retenue, émotion et maîtrise.

C’est toutefois en 1994, avec L’Émigré (Al-Mohager) de Youssef Chahine, que sa carrière prend un tournant décisif. Sous la direction du maître, il livre une interprétation habitée, à la fois charnelle et spirituelle, qui lui ouvre la reconnaissance du public et de la critique, en Égypte comme à l’étranger. Ce rôle fondateur l’installe durablement parmi les acteurs les plus prometteurs de sa génération. L’émigré sera projeté lors de cette édition dans la section Cairo Classics.

Au fil des années, Khaled El Nabawy s’impose comme l’un des visages majeurs du cinéma égyptien moderne, alternant entre drames intimistes et fresques sociales : Le Destin (Al-Massir, 1997) de Youssef Chahine, Omar 2000 (2000) d’Ahmed Atef, Le Dealer (Al-Dealer, 2010) d’Ahmed Saleh, ou encore Le Voyageur (Al-Mosafer, 2009) d’Ahmed Maher témoignent d’une filmographie exigeante, marquée par le souci de la vérité intérieure. Son interprétation, toujours mesurée, traduit une compréhension rare de la complexité humaine, nourrie d’un travail minutieux sur le geste, la voix et le regard.

CIFF 2025 
Khaled El Nabawy

Son parcours s’est également ouvert à l’international : il tournera sous la direction de Ridley Scott dans Kingdom of Heaven (2005), donnera la réplique à Naomi Watts et Sean Penn dans Fair Game (2010), et tiendra le rôle principal du film The Citizen (2012) de Sam Kadi, présenté dans plusieurs festivals internationaux. Ce dernier, qui lui a valu une reconnaissance mondiale, sera projeté cette année dans la section Cairo Classics du festival, en hommage à l’ensemble de sa carrière. Ces collaborations confirmeront la stature mondiale d’un artiste capable de franchir les frontières culturelles sans jamais renier ses racines.

Parallèlement à son œuvre cinématographique, Khaled El Nabawy mène depuis plus de trente-cinq ans une riche carrière télévisuelle, de Bawwabat Al-Helwani (La Porte d’Al-Helwani) jusqu’à Embratoret Meem (Empire M, 2024), où il explore avec une constante justesse les drames et dilemmes du quotidien égyptien. Il s’est également illustré sur scène, notamment avec Al-Genzir (La Chaîne) au Caire et Camp David à Washington, où il incarnait le président Anouar El-Sadate — rôle salué par la critique américaine pour sa précision et sa dignité.

En honorant Khaled El Nabawy du Prix Faten Hamama d’excellence, le Festival international du film du Caire célébrera bien plus qu’un acteur accompli : il saluera une trajectoire exemplaire, celle d’un artiste qui a su faire du cinéma une parole de vérité et de dialogue, un espace de rencontre entre l’Égypte et le monde.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – «Les voyages de Tereza» ouvrira la 46ᵉ édition

09. November 2025 um 08:30

Le Festival international du film du Caire a annoncé que Les voyages de Tereza /The Blue Trail (O Último Azul), du réalisateur brésilien Gabriel Mascaro, ouvrira la 46ᵉ édition du festival, qui se tiendra du 12 au 21 novembre 2025. Le film sera projeté hors compétition lors de la soirée d’ouverture, marquant le coup d’envoi d’une édition placée sous le signe de la liberté, de la résistance et de la puissance du cinéma d’auteur contemporain.

Réalisé par Gabriel Mascaro, figure majeure du cinéma brésilien actuel, Les voyages de Tereza suit le parcours de Tereza, une femme de 77 ans vivant dans une petite ville industrielle de l’Amazonie. Sa vie bascule lorsqu’elle reçoit un ordre officiel lui enjoignant de rejoindre une colonie d’hébergement pour personnes âgées. Dans cet endroit isolé, les seniors sont regroupés pour passer leurs dernières années, tandis que la jeune génération se consacre à la productivité et à la croissance économique. Refusant ce destin imposé, Tereza entreprend un voyage le long du fleuve Amazone pour accomplir un dernier souhait avant que sa liberté ne lui soit définitivement retirée — un acte de résistance intime qui bouleversera son existence.

CIFF 2025 
Les voyages de Tereza
The Blue trail

Porté par Denise Weinberg, Rodrigo Santoro, Miriam Socorrás et Adanilo, le film est une coproduction entre le Brésil, le Mexique, le Chili et les Pays-Bas. D’une durée de 86 minutes, il est tourné en portugais et baigné de couleurs somptueuses, à l’image du décor amazonien qu’il célèbre autant qu’il interroge.

Présenté en première mondiale au Festival de Berlin, Les voyages de Tereza s’y est distingué en remportant trois distinctions majeures : le Prix du Jury – Ours d’argent, le Prix du Jury œcuménique et le Prix du Public du Berliner Morgenpost. Ces récompenses confirment le regard singulier de Mascaro sur la tension entre liberté individuelle et contrôle social, une thématique qu’il explore avec sensibilité et audace depuis ses débuts.

Né en 1983 à Recife, Gabriel Mascaro est l’un des cinéastes les plus talentueux de sa génération. Révélé avec Rodeo/Neon Bull, sélectionné parmi les dix meilleurs films de l’année 2016 par le New York Times, il a également marqué la Berlinale avec Divine Love, présenté dans la section Panorama. Son œuvre, à la croisée du réalisme social et de la poésie visuelle, se distingue par une attention constante portée aux marges, aux corps et aux mutations sociales du Brésil contemporain.

En choisissant Les voyages de Tereza pour inaugurer sa 46ᵉ édition, le Festival du Caire confirme sa volonté d’ouvrir le dialogue entre les cinémas du monde, en mettant à l’honneur une œuvre qui conjugue profondeur humaine et puissance esthétique.

Créé en 1976, le Festival international du film du Caire est le premier festival de cinéma international organisé dans le monde arabe et en Afrique, et demeure à ce jour le seul de la région reconnu par la Fédération internationale des associations de producteurs de films (FIAPF). Classé en catégorie « A », il se tient chaque année sous le patronage du ministère égyptien de la Culture.

Neïla Driss

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CIFF 2025 – 25 films égyptiens pour le centenaire de la FIPRESCI

06. November 2025 um 08:30

Le Festival international du film du Caire (CIFF) a révélé, en partenariat avec la Fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI) et l’Association égyptienne des critiques de cinéma (EFCA), la liste des 25 meilleurs films égyptiens du premier quart du XXIᵉ siècle. L’initiative, lancée à l’occasion du centenaire de la FIPRESCI, marque une étape majeure dans la collaboration historique entre les critiques internationaux et l’un des festivals les plus prestigieux du monde arabe et d’Afrique.

Les résultats de ce classement seront publiés dans un ouvrage spécial édité pour la 46ᵉ édition du festival, prévue du 12 au 21 novembre 2025. Ce volume comprendra des analyses critiques de chacun des vingt-cinq films retenus ainsi qu’une étude approfondie des grandes tendances esthétiques et de production qui ont marqué le cinéma égyptien depuis l’an 2000. En complément, une table ronde sera organisée durant le festival pour présenter l’ouvrage et en débattre avec le public, les critiques et les professionnels.

L’idée de ce sondage est née d’une séance de réflexion réunissant les trois partenaires – FIPRESCI, CIFF et EFCA – avec l’objectif de documenter plus d’un siècle de cinéma égyptien, tout en valorisant les réalisations récentes à travers un regard critique rigoureux. L’annonce officielle du projet avait été faite en mai 2025 au Pavillon égyptien du Marché du Film de Cannes, lors de la 78ᵉ édition du festival.

Une méthodologie précise

Pour établir ce classement, un formulaire de vote a été distribué à l’ensemble des membres de l’Association égyptienne des critiques de cinéma. Ceux-ci disposaient d’une liste de 881 longs-métrages sortis en Égypte entre le 1ᵉʳ janvier 2001 et le 31 juillet 2025. Si les cinq derniers mois de l’année en cours n’ont pas été pris en compte, ce choix permettait de présenter les résultats en amont du festival. Les films éligibles incluaient aussi bien les sorties en salles que les œuvres directement diffusées sur les chaînes satellites ou les plateformes de streaming, garantissant une compétition équitable entre toutes les productions.

Soixante-trois critiques ont participé à ce vote, témoignant d’un fort engagement de la profession. Ce travail collectif offre désormais une référence précieuse pour les spectateurs, les chercheurs et les historiens du cinéma désireux de comprendre quelles œuvres ont marqué de façon décisive le paysage cinématographique égyptien des vingt-cinq dernières années.

CIFF 2025 FIPRESCI 
Cinéma égyptien

Le palmarès des 25 films retenus

Parmi les films les mieux classés, I Love Cinema d’Osama Fawzy illustre avec une délicatesse rare la manière dont le cinéma peut devenir un moteur de curiosité et de passion chez les jeunes générations. Le film met en scène un jeune garçon fasciné par les images et les histoires, offrant une réflexion implicite sur la relation intime entre le spectateur et l’art cinématographique, mais aussi sur la manière dont le cinéma peut incarner des repères culturels et sociaux dans l’Égypte contemporaine. Cette sensibilité se retrouve dans les œuvres de Daoud Abdel Sayed, dont Les messages de la mer explore avec profondeur la mémoire et l’identité à travers le récit d’un homme confronté à son passé. Ces films témoignent d’un cinéma qui, tout en racontant des histoires personnelles, engage une réflexion plus large sur la société et la culture égyptiennes.

La sélection met également en lumière des réalisateurs capables de combiner réussite critique et reconnaissance internationale. C’est le cas de Mawran Hamed avec Immeuble Yacoubian, qui a non seulement lancé sa carrière mais a également propulsé le roman d’Alla Al Aswany sur la scène mondiale. Le film a permis de donner une visibilité internationale à la littérature et au cinéma égyptiens, tout en abordant avec acuité les tensions sociales, politiques et économiques de l’époque. Cette capacité à toucher un public large tout en conservant une exigence artistique se retrouve chez Youssef Chahine et Khaled Youssef, dont la collaboration sur Le Chaos confirme l’influence durable de Chahine et sa manière de traiter les questions sociales complexes avec un style narratif affirmé.

CIFF 2025 FIPRESCI 
Cinéma égyptien

Le classement reconnaît aussi l’émergence de voix nouvelles et audacieuses qui expérimentent formes et esthétiques. Omar Zohairy, avec Plumes, incarne ce cinéma contemporain capable de surprendre et de provoquer, tant par sa présentation à Cannes que par la polémique qu’il a suscitée en Égypte. Ce décalage entre l’accueil international, marqué par la reconnaissance du film dans les festivals, et la réaction locale, souvent critique voire hostile, illustre la tension permanente entre modernité artistique et perception sociale en Égypte. De même, Microphone d’Ahmad Abdalla Elsayed s’intéresse à la culture underground et à la scène musicale alternative du Caire, révélant une jeunesse inventive et engagée. Ces œuvres montrent que le cinéma égyptien du XXIᵉ siècle n’est pas seulement tourné vers le divertissement ou la tradition : il cherche également à questionner, expérimenter et renouveler ses codes, en donnant voix à des récits jusqu’alors marginalisés. Il est à noter que ces deux films ont remporté le Tanit d’Or aux Journées Cinématographiques de Carthage.

La place donnée aux films explorant des problématiques urbaines et sociales, comme Les derniers jours d’une ville de Tamer El Said, démontre un intérêt pour l’espace contemporain et ses transformations. Le Caire devient alors un personnage à part entière, et les histoires qui s’y déroulent reflètent les mutations de la société, les tensions individuelles et collectives, ainsi que les nouvelles formes de vie dans la métropole. De même, Les femmes du Caire met en avant des perspectives féminines et des personnages marginalisés, soulignant que le cinéma égyptien contemporain accorde une importance croissante à la diversité des voix et à la représentation des réalités sociales complexes.

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Cinéma égyptien
CIFF 2025 FIPRESCI Cinéma égyptien

Enfin, ce classement met en évidence un équilibre entre films audacieux et œuvres accessibles, montrant que le cinéma égyptien du XXIᵉ siècle sait allier innovation artistique et dialogue avec le public. Cette sélection témoigne de la vitalité et de la diversité du cinéma égyptien, capable de naviguer entre tradition et modernité, entre succès national et reconnaissance internationale, tout en continuant à documenter et à interroger les transformations sociales et culturelles de la société contemporaine.

Une initiative qui s’inscrit dans l’histoire du festival et de la critique

Fondé en 1976, le Festival international du film du Caire reste le seul festival arabe et africain classé en catégorie « A » par la FIAPF (Fédération internationale des associations de producteurs de films), statut qu’il partage avec les plus grands rendez-vous cinématographiques mondiaux. Ce projet s’inscrit ainsi dans sa mission de valorisation du patrimoine cinématographique tout en accompagnant les évolutions du cinéma contemporain.

De son côté, la FIPRESCI, créée en 1925 à Bruxelles, regroupe aujourd’hui les associations nationales de critiques de plus de cinquante pays et des membres individuels d’une quarantaine d’autres. Sa vocation est de défendre la critique cinématographique et de promouvoir la culture du cinéma à l’échelle internationale.

Avec cette sélection, la FIPRESCI, l’EFCA et le CIFF offrent un panorama inédit du cinéma égyptien de ce début de siècle, un outil de mémoire et de transmission qui invite à relire un quart de siècle de création à travers le regard exigeant des critiques. L’ouvrage et les débats à venir devraient nourrir une réflexion approfondie sur la vitalité d’un cinéma en perpétuel dialogue avec son histoire et son présent.

Voici le classement complet établi par les critiques

  1. I Love Cinema (2004) — Osama Fawzy
  2. Les messages de la mer (2010) — Daoud Abdel Sayed
  3. Le Citoyen, l’indic et le voleur (2001) — Daoud Abdel Sayed
  4. La Porte du soleil (2004) — Yousry Nasrallah
  5. L’appartement d’Héliopolis (2007) — Mohamed Khan
  6. Nuits blanches (2003) — Hani Khalifa
  7. Les Meilleurs moments (2004) — Hala Khalil
  8. Microphone (2011) — Ahmad Abdalla Elsayed
  9. Ibrahim El Abyad (2009) — Mawran Hamed
  10. Immeuble Yacoubian (2006) — Mawran Hamed
  11. Le Magicien (2001) — Radwan El-Kashef
  12. Les derniers jours d’une ville (2016) — Tamer El Said
  13. Son Excellence le Ministre (2002) — Samir Seif
  14. Les femmes du Caire (2009) — Yousry Nasrallah
  15. Sortir au jour (2012) — Hala Lotfy
  16. Les Portes fermées (2001) — Atef Hatata
  17. Plumes (2021) — Omar Zohairy
  18. L’Aquarium (2008) — Yousry Nasrallah
  19. Chercher une issue pour M. Rambo (2025) — Khaled Mansour
  20. Hiyam, la fille de l’usine (2014) — Mohamed Khan
  21. Un-zéro (2009) — Kamlah Abu-Zikri
  22. Temps libre (2006) — Mohammed Moustafa
  23. L’Île (2007) — Sherif Arafa
  24. Abu Zaabal 89 (2025) — Bassam Mortada
  25. Le Chaos (2007) — Youssef Chahine & Khaled Youssef

Neïla Driss

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CIFF 2025 — Hommage à quatre maîtres du cinéma mondial

05. November 2025 um 19:34

À l’occasion de sa 46ᵉ édition, qui se tient du 12 au 21 novembre 2025, le Festival international du film du Caire rend hommage à quatre grandes figures du cinéma égyptien, arabe et international à travers ses Career Achievement Awards (Prix pour l’ensemble de la carrière) dont le trophée, la Pyramide d’or, est remis chaque année à des figures majeures du cinéma mondial. Mohamed Abdel Aziz, Mahmoud Abdel Samie, Ildikó Enyedi et Hiam Abbass seront ainsi célébrés pour l’ensemble de leur œuvre, leurs contributions à l’art cinématographique et leur influence durable sur plusieurs générations de cinéastes. Par cette quadruple distinction, le CIFF affirme à la fois son enracinement dans le patrimoine du cinéma égyptien et sa vocation universelle à mettre en dialogue les expériences du monde.

Mohamed Abdel Aziz, l’artisan de la comédie sociale

Figure majeure du cinéma égyptien depuis les années 1970, Mohamed Abdel Aziz a bâti une œuvre profondément populaire sans jamais renoncer à l’exigence artistique. Formé à l’école des grands maîtres dont il fut l’assistant — notamment sur Cairo 30 (1966), Mon père sur l’arbre/My Father Above the Tree (1969), We Do Not Sow Thorns (1970) ou Palabres sur le Nil/Chatter on the Nile (1971) —, il fait ses débuts de réalisateur avec Images interdites/Forbidden Photos (1972), l’un des derniers films en noir et blanc de l’histoire du cinéma égyptien.

Ce qui distingue Mohamed Abdel Aziz, c’est cette alliance rare entre réalisme social et humour, un art de capter les contradictions du quotidien à travers la légèreté apparente de la comédie. Ses films emblématiques, tels En été, il faut aimer/In Summer, We Must Love (1974), Un monde de gosses/The World of Kids (1976) ou Mille baisers et un baiser/Thousand Kisses, and a Kiss (1977), ont contribué à renouveler le genre, en lui insufflant une sensibilité à la fois populaire et critique. Sa longue collaboration avec Adel Imam a donné naissance à des classiques intemporels, de Certains se marient deux fois/Some Visit the Marriage Registrar Twice (1978) à Hanafi le Magnifique/Hanfi the Pasha (1990), en passant par Méfie-toi de tes voisins/Watch Out for Your Neighbors (1979).

Souvent comparé à Fatin Abdel Wahab, pionnier de la comédie égyptienne, Mohamed Abdel Aziz s’en distingue pourtant par une approche plus rigoureuse, presque perfectionniste. Ses collègues l’avaient surnommé “le dictateur du plateau” pour son obsession du détail et son exigence de précision. Parallèlement au cinéma, il s’est illustré au théâtre (Mohamed Ali Street, 1991 ; Afrotto, 1999) et à la télévision (A Day of Honey, A Day of Onions, 1998 ; Abu Dahka Genan, 2009, biopic d’Ismail Yassine). En enseignant à l’Institut supérieur du cinéma, il a transmis son savoir à toute une génération. Son nom incarne ainsi l’idée d’un cinéma égyptien total, capable de faire rire, réfléchir et durer.

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Prix pour l’ensemble de la carrière

Mahmoud Abdel Samie, l’œil du réel

S’il est une figure plus discrète mais essentielle du septième art égyptien, c’est bien Mahmoud Abdel Samie, chef opérateur et documentariste d’exception, dont la carrière s’étend sur plus d’un demi-siècle. Diplômé en 1966 de la Faculté des arts appliqués, il a tourné plus de 200 documentaires et participé à la construction visuelle du cinéma égyptien moderne.

Mahmoud Abdel Samie a accompagné l’histoire du pays avec sa caméra. Il fut le premier directeur de la photographie à entrer sur le front durant la guerre d’usure en juillet 1969, puis à filmer les jours décisifs qui précédèrent la victoire d’octobre 1973. Engagé dans le mouvement du Nouveau Réalisme égyptien, il a signé les images de films marquants comme Houseboat No. 70, The Piper, A Love Story’s Last Chapter ou The Hooligans. Son regard, toujours attentif à la lumière du quotidien, a su traduire le vécu d’un peuple avec une vérité sans emphase.

Président actuel de la Société du film du Caire et de son festival annuel, Mahmoud Abdel Samie est aussi un pédagogue reconnu, formant depuis les années 1960 des générations de chefs opérateurs et de réalisateurs. En lui décernant un Career Achievement Award (Prix pour l’ensemble de la carrière), le CIFF salue autant le témoin que le créateur, celui qui a su faire du documentaire une écriture du réel aussi noble que la fiction.

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Prix pour l’ensemble de la carrière

Ildikó Enyedi, l’éloge de la sensibilité et du mystère

Sur le plan international, le festival distingue cette année la cinéaste hongroise Ildikó Enyedi, dont l’œuvre rare et poétique a marqué les festivals du monde entier. Dès son premier long métrage, Mon 20e siècle lauréat de la Caméra d’or à Cannes, Ildikó Enyedi imposait un univers singulier, mêlant fantaisie et réflexion philosophique sur la modernité.

En 2017, son film Corps et âme recevait l’Ours d’or à Berlin avant d’être nommé à l’Oscar du meilleur film international. Qu’il s’agisse de Simon, le mage ou de L’histoire de ma femme, sa mise en scène explore l’intériorité, le désir et la frontière poreuse entre rêve et réalité. Son dernier film, Silent Friend, présenté à la Biennale de Venise en septembre, poursuit cette quête : celle d’un cinéma à la fois intellectuel et charnel, attentif à la beauté du monde autant qu’à sa fragilité. Ce film sera projeté en hors compétition pendant cette édition du CIFF.

Ancienne professeure à l’École de cinéma de Budapest, jurée à Cannes et dans de nombreux festivals, Ildikó Enyedi incarne la figure rare d’une cinéaste européenne qui allie pensée et émotion, sans jamais sacrifier l’un à l’autre. Le Career Achievement Award (Prix pour l’ensemble de la carrière) qui lui sera remis au Caire consacre une œuvre d’auteur profondément humaine, ouverte à l’altérité et à la poésie du geste filmique.

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Prix pour l’ensemble de la carrière

Hiam Abbass, la mémoire vivante du cinéma arabe

Enfin, le CIFF célèbre Hiam Abbass, comédienne, réalisatrice et icône palestinienne dont la trajectoire symbolise le dialogue entre les cultures arabes et occidentales. Née à Nazareth en 1960, formée à la photographie et au théâtre à Jérusalem, elle s’installe à Paris à la fin des années 1980. Depuis, elle a joué dans plus d’une centaine de films et de séries, imposant une présence magnétique, à la fois fière et vulnérable.

Dans le monde arabe, elle s’est illustrée dans des œuvres majeures comme Haifa de Rashid Masharawi, La Porte du Soleil de Yousry Nasrallah ou Paradise Now de Hany Abu-Assad. À l’international, elle a collaboré avec Steven Spielberg (Munich), Tom McCarthy (The Visitor) ou encore Ridley Scott (Blade Runner 2049). Elle a également marqué la télévision avec ses rôles dans Succession et Ramy, où sa justesse donne une profondeur nouvelle aux personnages arabes dans la fiction occidentale.

Mais Hiam Abbass ne se limite pas à l’interprétation : avec son premier long métrage Héritage (2012), elle a signé une œuvre d’auteur sur la transmission, la mémoire et la quête d’identité, thèmes centraux de son parcours. En honorant cette artiste complète, le CIFF rend hommage à une figure de passage, qui relie les mondes, transcende les frontières et incarne une forme d’universalité à la fois arabe et féminine.

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Prix pour l’ensemble de la carrière

Une constellation de regards

En choisissant d’honorer ces quatre personnalités, le Festival du Caire affirme sa volonté de réunir les multiples visages du cinéma : la comédie populaire et le documentaire, le réalisme social et la poésie intérieure, la transmission et la résistance culturelle. Tous partagent un même engagement : celui de croire encore au pouvoir du cinéma pour raconter le monde, le penser, et le transformer.

Ces Career Achievement Awards (Prix pour l’ensemble de la carrière) ne se contentent donc pas de saluer des carrières ; ils dessinent un portrait collectif du cinéma comme mémoire vivante, à la fois locale et universelle. Du Caire à Budapest, de Nazareth à Paris, ces destins convergent dans une même fidélité à l’art du regard — ce regard qui éclaire la complexité humaine et qui, au Caire cette année, retrouve toute sa légitimité d’être célébré.

Neïla Driss

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Golden Globes 2026 : Helen Mirren honorée par le prix Cecil B. DeMille

05. November 2025 um 17:23

Les Golden Globes ont annoncé que l’actrice, productrice et triple lauréate Helen Mirren recevra le prix Cecil B. DeMille en 2026, en reconnaissance de son apport exceptionnel et durable au monde du divertissement. Le prix lui sera remis lors de la nouvelle émission annuelle en prime time intitulée « Golden Eve », diffusée le jeudi 8 janvier 2026 à 20h (ET/PT) sur CBS et en streaming sur Paramount+.

Une carrière d’exception saluée

Considérée comme l’une des plus grandes comédiennes de sa génération, Helen Mirren a marqué plus de six décennies de cinéma, de théâtre et de télévision. Récompensée à trois reprises par les Golden Globes, elle a notamment été distinguée pour ses interprétations de la reine Elizabeth II dans The Queen (2006) et d’Elizabeth I dans Elizabeth I (2005). Ces rôles emblématiques ont confirmé son talent pour incarner des figures complexes et puissantes, oscillant entre autorité, émotion et fragilité.

Lauréate d’un Oscar, de plusieurs Emmy Awards, BAFTA, SAG Awards et d’un Tony Award, Helen Mirren est l’une des rares artistes à avoir remporté les distinctions les plus prestigieuses du cinéma et du théâtre. En 2003, elle a été faite Dame de l’Empire britannique pour l’ensemble de son œuvre artistique.

Pour Helen Hoehne, présidente des Golden Globes, « Helen Mirren est une force de la nature et sa carrière est tout simplement extraordinaire. Ses performances transcendent le temps et continuent d’inspirer des générations d’artistes et de spectateurs à travers le monde. »

“Golden Eve” : une soirée dédiée à l’héritage du cinéma et de la télévision

Cette année, les Golden Globes innovent avec la création de « Golden Eve », une émission spéciale consacrée aux lauréats des prix Cecil B. DeMille et Carol Burnett, deux distinctions honorant respectivement une carrière exceptionnelle dans le cinéma et à la télévision.

Après le succès de la Golden Gala 2025, qui célébrait Viola Davis et Ted Danson, cette nouvelle formule offrira un regard inédit sur le parcours des artistes honorés, avec des images d’archives, des entretiens exclusifs et des moments marquants de leur carrière.

« Golden Eve » s’inscrira dans le cadre de la Golden Week, une série d’événements et d’émissions diffusés sur les plateformes du groupe Paramount, en prélude à la 83ᵉ cérémonie des Golden Globes, prévue le dimanche 11 janvier 2026. Cette édition sera animée par la comédienne et humoriste Nikki Glaser, déjà nommée aux Golden Globes, aux GRAMMY Awards et aux Emmy Awards.

Un prix chargé d’histoire

Créé en 1952 en hommage au réalisateur Cecil B. DeMille, le prix éponyme a depuis récompensé 69 personnalités parmi les plus illustres du cinéma mondial. Parmi elles figurent Walt Disney, Audrey Hepburn, Sidney Poitier, Judy Garland, Elizabeth Taylor, Robert Redford, Barbra Streisand, Meryl Streep, Tom Hanks ou encore Oprah Winfrey.

Son équivalent pour la télévision, le Carol Burnett Award, instauré en 2019 et attribué pour la première fois à la légendaire humoriste américaine Carol Burnett, distingue un artiste ayant marqué l’histoire du petit écran par la qualité et l’influence de son œuvre.

Une institution du cinéma mondial

Depuis 1944, les Golden Globes sont considérés comme l’une des cérémonies les plus prestigieuses d’Hollywood, honorant chaque année le meilleur du cinéma et de la télévision, et désormais du podcast. Diffusés dans plus de 185 pays, ils constituent un événement mondial surnommé « Hollywood’s Party of the Year », véritable ouverture de la saison des récompenses.

Les Golden Globes sont produits par Dick Clark Productions, société également derrière des émissions emblématiques telles que les American Music Awards, les Billboard Music Awards ou So You Think You Can Dance.

Une ouverture internationale

Ces dernières années, les Golden Globes ont profondément renouvelé leur composition en s’ouvrant à des critiques de cinéma venus du monde entier, afin de mieux représenter la diversité culturelle du public et du cinéma mondial. Cette ouverture a permis d’intégrer plus d’une centaine de nouveaux votants internationaux issus de différents continents. J’ai, pour ma part, l’honneur d’en faire partie en tant que critique tunisienne, la seule actuellement résidente en Tunisie à participer au vote des Golden Globes.

Un engagement culturel et humanitaire

Au-delà du prestige de sa cérémonie, l’organisation des Golden Globes a consacré au fil des décennies plus de 55 millions de dollars à des actions caritatives, des bourses d’études, des projets de restauration de films et des initiatives favorisant la diversité et l’accès à l’industrie du divertissement pour les communautés sous-représentées.

Un hommage attendu

L’annonce de la distinction d’Helen Mirren s’inscrit dans une longue tradition de reconnaissance du talent et de l’engagement des artistes ayant marqué durablement le septième art. À 80 ans, l’actrice britannique rejoint ainsi le panthéon des grandes figures honorées par le Cecil B. DeMille Award, symbole d’une carrière exemplaire et d’une passion inébranlable pour l’art de raconter des histoires.

Neïla Driss

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