Accord entre Washington et Bruxelles : l’Europe se plie au diktat de Trump
En avalant la pilule amère de la taxation de 15 % de droits de douane américains sur les produits européens, le Vieux continent s’est plié aux exigences du locataire de la Maison Blanche. Bruxelles avait-elle le choix face à la menace brandie par le milliardaire républicain Donald Trump d’imposer des taxes de douane de 30 % sur les produits provenant de l’Union européenne? D’aucuns ont crié au casse du siècle.
« Ce n’est pas Donald Trump qui a conclu un accord avec Ursula von der Leyen, c’est plutôt Donald Trump qui a mangé Ursula von der Leyen au petit déjeuner ». C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre hongrois Viktor Orban avec son habituel langage outrancier, résumant ainsi le sentiment grandissant de frustration éprouvé par une bonne partie de l’opinion publique européenne envers l’accord conclu dimanche dernier en Ecosse entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président américain Donald Trump. Lequel établit à 15 % les droits de douane américains sur les produits européens et l’UE s’engage à 750 milliards de dollars d’achats d’énergie, visant notamment à remplacer le gaz russe, ainsi que 600 milliards d’investissements supplémentaires aux États-Unis.
Sachant que cet accord a été arraché aux forceps à la dernière minute juste quelques jours avant la date fatidique du 1er août où devait s’appliquer la menace brandie par le milliardaire républicain d’imposer des taxes de douane de 30 % sur les produits provenant de l’Union européenne.
« Un jour sombre »
Plus mesuré, le Premier ministre français François Bayrou a réagi lundi 28 juillet à cet accord commercial en le qualifiant avec amertume de « jour sombre », où « une alliance de peuples libres, rassemblés pour affirmer leurs valeurs et défendre leurs intérêts, se résout à la soumission ».
Soumission au diktat des Américains? Le mot est prononcé par un vieux briscard de la politique et un agrégé en lettres classiques qui mesure ses paroles et connait le poids des mots!
Pour sa part, le ministre français délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a regretté un accord qui apporte « une stabilité temporaire », mais, prévient-il, reste « déséquilibré ». Le ministre a également mis en garde contre le risque d’un « décrochage » des Européens si ces derniers « ne se réveillent pas ».
Quand on s’attend à un ouragan, on se réjouit d’une tempête
Plus optimiste, ou feignant de l’être, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a quant à elle accueilli « positivement » un accord qui aurait évité « une escalade commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis. Celle-ci aurait eu des conséquences imprévisibles et potentiellement dévastatrices ». Ajoutant hier lundi devant un parterre de journalistes en marge d’une visite à Addis Abeba qu’ « il est évident que nous devrons travailler davantage sur l’accord. Car ce qui a été signé hier est un accord juridiquement non contraignant et général ». « Je pense qu’il s’agit d’une base viable, après quoi il faudra évidemment entrer dans les détails », a conclu la cheffe de Forza italia.
L’Espagnol Pedro Sánchez a dit « soutenir » l’accord commercial, mais « sans aucun enthousiasme ».
Avaler une pilule amère
L’accord permet d’« éviter une escalade inutile dans les relations commerciales transatlantiques », a souligné pour sa part le chancelier allemand Friedrich Merz, sans cacher qu’il aurait « souhaité davantage d’allégements ».
C’est que Bonn- avec sa filière automobile, pilier de l’économie allemande et premier secteur industriel du pays- sera lourdement impacté par ces surtaxes douanières en raison de la concurrence chinoise accrue : les Etats-Unis représentaient l’an dernier le premier débouché des véhicules exportés d’Allemagne (13,1 %).
« Les droits de douane de 15 % qui seront appliqués sur les voitures européennes entrant aux Etats-Unis dans le cadre de l’accord avec l’Union européenne pèsent sur les constructeurs automobiles allemands », a déploré lundi la fédération du secteur VDA, l’association de l’industrie automobile allemande qui représente les constructeurs et les fournisseurs de l’industrie automobile en Allemagne.
« Les droits de douanes américains de 15 %, qui s’appliquent également aux produits automobiles, coûteront des milliards chaque année aux entreprises automobiles allemandes » surenchère Hildegard Mueller, présidente de la fédération des constructeurs automobiles allemands.
Pour rappel, l’Allemagne est le pays qui au sein de l’Union européenne exporte le plus de marchandises vers les Etats-Unis, pour un montant de 161,2 milliards de dollars en 2024. Au point que la banque centrale allemande a averti en début d’année que l’imposition de droits de douane américains sur les produits allemands, notamment l’automobile, pourrait réduire de 1 % le produit intérieur brut du pays. C’est dire qu’il y a péril en la demeure dans le pays de Goethe.
Les taxes « rendront les échanges commerciaux plus coûteux et plus difficiles », déplore pour sa part le Premier ministre irlandais Micheal Martin, conscient que l’Irlande risque d’être une des premières victimes de l’accord annoncé dimanche soir entre Washington et Bruxelles.
En effet, cet accord douanier prévoit notamment que la pharmacie sera soumise à des droits de douane de 15 % aux Etats-Unis. Alors même que l’économie irlandaise est très dépendante des multinationales américaines du secteur. Attirés par une fiscalité très avantageuse, des groupes pharmaceutiques tels que Pfizer, Eli Lilly et Johnson & Johnson, mais aussi des géants de la tech comme Apple, Google et Meta, dopent depuis plusieurs décennies les recettes de l’Etat, qui enchaîne les excédents budgétaires.
Pour rappel, le secteur pharmaceutique représentait près de la moitié des exportations du pays l’an dernier, à 100 milliards d’euros – dont environ 40 % vers les Etats-Unis. Il emploie directement quelque 50.000 personnes. C’est dire le manque à gagner pour ce pays de 5.4 millions d’habitants, autrefois l’un des pays les plus pauvres d’Europe occidentale, et qui a été surnommée le « tigre celtique » pour sa croissance record à partir des années 1990.
Reste la question persistance : comment expliquer les réactions des 27 pays de l’Union européenne qui oscillent entre le rejet, la soumission, la résignation et le sentiment mitigé? Et que l’accord conclu entre Washington et Bruxelles est le moindre mal?
C’est qu’en réalité, les dirigeants européens privilégient l’intérêt national à l’idée même de l’Europe. C’est pour cette raison qu’ils avancent en ordre dispersé face au rouleau compresseur américain, Donald Trump ayant joué non sans habilité sur la corde nationaliste de chaque pays européen en appliquant la vieille recette de Machiavel : diviser pour mieux régner…
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