Les Tunisiens et les musées : le désamour ?
Les musées et les sites archéologiques peinent parfois à séduire les Tunisiens aujourd’hui. Manque d’intérêt de leur part ou nécessité d’une stratégie pour ces lieux afin de leur redonner leurs titres de noblesse et en faire un fer de lance du tourisme culturel dans un contexte économique critique ?
Lors de son passage sur les ondes d’Express FM, Rabiaa Bel Feguira, directrice générale de l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC), a exposé les véritables enjeux de ces fleurons du tourisme culturel. Chiffres et données à retenir.
Faut-il rappeler que la Tunisie dispose d’un patrimoine archéologique et culturel exceptionnel, témoin de plusieurs millénaires d’histoire ? Faut-il encore souligner que ce pays incarne parfaitement un brassage culturel et civilisationnel ? Pourtant, ce trésor national requiert une approche novatrice pour relever les défis contemporains.
La question de la préservation des sites et monuments historiques constitue une préoccupation centrale. Les conditions climatiques particulières de la Tunisie, avec des étés de plus en plus chauds, exigent des mesures adaptées. Le Musée national du Bardo, joyau du patrimoine muséal tunisien, fait ainsi l’objet d’un important programme de rénovation. Ce projet comprend notamment l’installation d’un système de climatisation performant dans toutes les salles d’exposition, afin d’assurer des conditions de conservation optimales pour les collections et un confort satisfaisant pour les visiteurs. La rénovation du parking et des vitres est également prévue.
L’intégration des technologies numériques apparaît comme une priorité absolue. Un système de billetterie électronique unifié sera progressivement déployé sur l’ensemble des sites culturels majeurs. Ce système sera opérationnel début 2026. Parallèlement, des applications mobiles innovantes permettront aux visiteurs d’accéder à des contenus enrichis grâce à la réalité augmentée et à des parcours de visite personnalisés. Ces outils, disponibles en plusieurs langues, visent à transformer l’expérience des touristes comme celle des Tunisiens.
Par ailleurs, face à une fréquentation encore trop faible des musées par la population locale, des mesures incitatives ont été mises en place. Le maintien de la gratuité pour les scolaires, grâce à des conventions avec le ministère de l’Éducation, s’inscrit dans cette démarche. L’intervenante a également abordé la question tarifaire. La politique des prix évoluera avec une augmentation modérée pour les visiteurs étrangers, passant à 10 euros (30 dinars) en 2026, puis 15 euros (45 dinars) en 2027, tandis que les Tunisiens bénéficieront toujours de tarifs préférentiels, entre 2 et 8 dinars.
L’intervenante a expliqué que la fréquentation atteint péniblement le million de visiteurs annuels, dont 74 % sont des touristes et 13 % des étudiants et élèves.
Sur un autre plan, un projet a été lancé pour transformer l’ancienne cathédrale en espace muséal. Ce projet pilote intégrera des dispositifs technologiques de pointe tout en préservant l’authenticité des lieux. La sécurité des collections et des visiteurs fait également l’objet d’un plan d’action spécifique. Le renforcement des systèmes de surveillance par l’installation de caméras et d’un éclairage haute définition sur l’ensemble des sites majeurs devrait être achevé d’ici 2026. L’usage de drones est à l’étude pour renforcer la sécurité.
Évoquant les raisons pour lesquelles les Tunisiens ne visitent pas les musées, la directrice a rappelé que les pratiques culturelles, comme la visite au musée ou la lecture, ne figurent pas dans les budgets des familles tunisiennes, en raison du pouvoir d’achat limité.
L’intervenante a indiqué que l’agence avait besoin de 270 agents dans les musées et sites archéologiques. Elle a annoncé que l’agence organiserait un Hackathon pour la conception d’un uniforme destiné aux agents d’accueil des musées.